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Au pillage de la campagne et des lieux sans défense, on a substitué un usage en même temps plus humain et plus avantageux au souverain qui fait la guerre : c'est celui des contributions. Quiconque fait une guerre juste, est en droit

» de la pudeur, de la morale, on n'aura fait, en envoyant des citoyens » pour repousser un ennemi injuste, que défendre l'indépendance natio»nale aux dépens des libertés publiques... » (Note sur le 3 164, p. 425). - Voir: MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 8 279, p. 242; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., ? 253 et 254, p. 324 et suiv. « Le pillage des propriétés particulières, dit M. Massé, doit être sévèrement condamné: aucune nécessité ne le commande; tout le défend. Grotius, et après lui Vattel, trouvent cependant le pillage très-légitime. Mais il est manifeste que partant d'un principe faux, ils devaient arriver à une fausse conséquence. Il n'est pas contre nature, dit Grotius, en s'autorisant d'une phrase de Cicéron, de dépouiller de son bien une personne à laquelle on peut honnêtement ôter la vie. Soit, mais comme on ne peut honnêtement ôter la vie aux particuliers inoffensifs, il est évidemment contraire au droit naturel de les dépouiller de leurs biens, et de les soumettre au pillage» (Le Dr. commerc. dans ses rapp. avec le Dr. des gens, t. I, p. 125). - Si le butin enlevé par les combattants réguliers d'un parti à ceux du parti contraire, semble se légitimer par les chances aléatoires de la guerre, le butin arraché aux non combattants, aux simples particuliers constitue un brigandage que rien ne peut justifier; aussi la pratique moderne tend-elle à rendre de plus en plus rare le pillage, dont les violences sont d'autant plus déplorables qu'elles retombent sur d'inoffensifs habitants. L'histoire contemporaine n'offre cependant encore que trop d'exemples de violations de ces principes humanitaires, entrevus par Vattel, et proclamés définitivement par les théoriciens modernes. Dans ces dernières années, les armées combinées des deux nations les plus civilisées du monde, la France et l'Angleterre, livrèrent au pillage et à la dévastation le palais d'été de l'empereur de Chine, pour punir ce prince, il est vrai, des traitements odieux infligés par ses troupes aux prisonniers. « On voulait, dit M. J. Zeller, laisser à ces barbares un souvenir durable de nos victoires » (L'Année historique, année 1860, p. 481).

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Quant à l'attribution du butin, les usages de la guerre distinguent entre les choses qui ont une valeur immédiate pour les combattants qui s'en emparent, telles que l'argent, les bijoux, les armes de luxe, les vêtements trouvés sur les cadavres ou en la possession des prisonniers; et

de faire contribuer le pays ennemi à l'entretien de son armée, à tous les frais de la guerre. Il obtient ainsi une partie de ce qui lui est dû; et les sujets de l'ennemi se soumettant à cette imposition, leurs biens sont garantis du pillage, le pays est conservé. Mais si un général veut jouir d'une réputation sans tache, il doit modérer les contributions, et les proportionner aux facultés de ceux à qui il les impose. L'excès en cette matière n'échappe point au reproche de dureté et d'inhumanité. S'il montre moins de férocité que le ravage et la destruction, il annonce plus d'avarice et de cupidité. Les exemples d'humanité et de sagesse ne peuvent être trop souvent allégués. On en vit un bien louable dans ces longues guerres que la France a soutenues sous le règne de Louis XIV. Les souverains, obligés et respectivement intéressés à conserver le pays, faisaient, à l'entrée de la guerre, des traités pour régler les contributions sur un pied supportable; on convenait, et de l'étendue de pays ennemi dans laquelle chacun pourrait en exiger, et de la force de ces impositions, et de la manière dont les partis envoyés pour les lever auraient à se comporter. Il était porté dans ces traités qu'aucune troupe au-dessous d'un certain nombre, ne pourrait pénétrer dans le pays ennemi au delà des bornes convenues, à peine d'être traitée en parti bleu. C'était prévenir une multitude d'excès et de désordres qui désolent les peuples, et presque toujours à pure perte pour les souverains qui font la guerre. Pour

celles qui, faisant partie du matériel et des approvisionnements d'une armée, ne sont point d'une utilité directe et individuelle pour les militaires qui s'en rendent maîtres, telles que la grosse artillerie, les convois, les munitions. Les premières deviennent la propriété de ceux qui s'en emparent, les secondes passent dans le domaine de l'État, et le général s'en empare dans un intérêt public. Que si, en dehors des cas qui viennent d'être indiqués, un militaire s'emparait, en pays ennemi, d'un objet mobilier appartenant à un habitant, ce serait un acte de maraudage défendu par la discipline moderne, et ce butin illicite devrait être restitué à la partie lésée.

P. P. F.

quoi un si bel exemple n'est-il pas généralement suivi 1?

? 166. Du dégât.

S'il est permis d'enlever les biens d'un injuste ennemi pour l'affaiblir (3 161), ou pour le punir (2 162), les mêmes raisons autorisent à détruire ce qu'on ne peut commodément emporter. C'est ainsi que l'on fait le dégât dans un pays, qu'on y détruit les vivres et les fourrages, afin que l'ennemi n'y puisse subsister on coule à fond ses vaisseaux, quand on ne peut les prendre ou les emmener. Tout cela va au but de la guerre; mais on ne doit user de ces moyens qu'avec modération, et suivant le besoin. Ceux qui arrachent les vignes et coupent les arbres fruitiers, si ce n'est pour punir l'ennemi de quelque attentat contre le droit des gens, sont regardés comme des barbares : ils dé

' Vattel présente à tort les contributions dont il est permis de frapper le pays conquis, comme destinées à assurer la conservation des biens des particuliers, et à préserver les habitants du pillage. Nous avons dit, en effet, que les personnes qui ne prennent pas directement part à la lutte, sont garanties contre toute violence par les principes du droit des gens moderne. L'usage d'exiger des contributions peut être justifié autrement. <<< Comme il faut qu'une armée subsiste en pays ennemi, dit M. Massé, et qu'une armée qui envahit et conquiert ne peut être tenue de payer les frais de la guerre, ou d'en faire l'avance, la loi de la nécessité permet de frapper le territoire occupé de contributions. L'ennemi qui occupe un territoire, et qui en fait ainsi la conquête, au moins momentanée, exerce dans ce pays une sorte de puissance publique qui, jusqu'à un certain point, l'autorise à dicter des lois au pays conquis, et à exiger de ses habitants tout ce que le souverain aurait pu exiger d'eux. Si l'ennemi peut établir des contributions, soit en argent, soit en nature, à plus forte raison peut-il contraindre les marchands ou détenteurs des denrées qui lui sont nécessaires, à les lui vendre moyennant un certain prix déterminé à l'avance: c'est encore là une sorte de contribution » (Le Dr. commerc. dans ses rapp. avec le Dr. des gens, t. I, p. 125). Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 3 280, p. 246 et suiv., et la note p. 249; Klüber, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 3 251, et note b p. 321; WHEATON, Elém. du Dr. internat., t. II, 2 5, p. 5.

P. P. F.

solent un pays pour bien des années, et au delà de ce qu'exige leur propre sûreté. Une pareille conduite est moins dictée par la prudence que par la haine et la fureur.

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Cependant on va plus loin encore en certaines occasions : on ravage entièrement un pays, on saccage les villes et les villages, on y porte le fer et le feu. Terribles extrémités, quand on y est forcé! excès barbares et monstrueux, quand on s'y abandonne sans nécessité! Deux raisons cependant peuvent les autoriser: 1o la nécessité de châtier une Nation injuste et féroce, de réprimer sa brutalité et de se garantir de ses brigandages. Qui doutera que le roi d'Espagne et les puissances d'Italie ne fussent très-fondés à détruire jusques aux fondements, ces villes maritimes de l'Afrique, ces repaires de pirates, qui troublent sans cesse leur commerce et désolent leurs sujets? Mais qui se portera à ces extrémités en vue de punir seulement le souverain? Celui-ci ne sentira la peine qu'indirectement. Qu'il est cruel de la faire parvenir jusqu'à lui par la désolation d'un peuple innocent! Le même prince, dont on loua la fermeté et le juste ressentiment dans le bombardement d'Alger, fut accusé d'orgueil et d'inhumanité après celui de Gênes. 2o On ravage un pays, on le rend inhabitable, pour s'en faire une barrière, pour couvrir sa frontière contre un ennemi que l'on ne se sent pas capable d'arrêter autrement. Le moyen est dur, il est vrai; mais pourquoi n'en pourrait-on pas user aux dépens de l'ennemi, puisqu'on se détermine bien, dans les mêmes vues, à ruiner ses propres provinces? Le tzar Pierre le Grand, fuyant devant le terrible Charles XII, ravagea plus de quatre-vingts lieues de pays dans son propre empire, pour arrêter l'impétuosité d'un torrent devant lequel il ne pouvait tenir. La disette et les fatigues affaiblirent enfin les Suédois, et le monar

que russe recueillit à Pultawa les fruits de sa circonspection et de ses sacrifices. Mais les remèdes violents ne doivent pas être prodigués: il faut pour en justifier l'usage, des raisons d'une importance proportionnée. Un prince qui, sans nécessité, imiterait la conduite du tzar, serait coupable envers son peuple; celui qui en fait autant en pays ennemi quand rien ne l'y oblige, ou sur de faibles raisons, se rend le fléau de l'humanité. Les Français ravagèrent et brûlèrent le Palatinat dans le siècle passé (*). Il s'éleva un cri universel contre cette manière de faire la guerre. En vain la cour s'autorisa du dessein de mettre à couvert ses frontières : le Palatinat saccagé faisait peu à cette fin; on n'y vit que la vengeance et la cruauté d'un ministre dur et hautain 1.

(*) En 1674, et une seconde fois, d'une manière beaucoup plus terrible, en 1689.

1 Wheaton trace ainsi les limites des droits rigoureux que comporte la guerre : « Le droit naturel nous autorise à nous servir contre l'ennemi du degré de violence nécessaire seulement pour assurer l'objet des hostilités. La même règle générale qui détermine jusqu'à quel point il est légal de détruire la personne des ennemis, servira de guide pour juger jusqu'à quel point il est légal de ravager ou de laisser dévaster leur pays. Si ce moyen est nécessaire pour arriver au juste but de la guerre, il peut être employé légalement, mais non pour un autre objet (Eléments du Dr. internat., t. II, 2 6, p. 6).» Malheureusement Wheaton ajoute : «Le code international est en entier fondé sur la réciprocité... Lors donc que les usages établis de la guerre sont violés par un ennemi, et qu'il n'y a pas d'autres moyens d'arrêter ses excès, la nation qui les souffre peut justement recourir aux représailles, afin de forcer l'ennemi à revenir à l'observation des lois qu'il a violées » (Loc. cit ). La généralité des publicistes condamnent aussi le ravage du territoire ennemi et les destructions des récoltes et des habitations, excepté dans le cas, nonseulement de précautions à prendre pour prévenir des désastres irréparables, mais dans celui de représailles (Voir: MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 273, in fine, p. 231, note p. 232, 280, p. 246, et note p. 249; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 8 244, p. 314, 262 et 263, p. 336 et suiv.; HEFFTER, Le Dr. internat. publ. de l'Eur., traduct. de J. Bergson, ? 125). « L'idée de représailles, s'écrie avec raison Pinheiro-Ferreira, digne des siècles de

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