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C'est un beau fruit de la victoire, que de délivrer un peuple opprimé; et c'est un grand gain que de s'acquérir ainsi un ami fidèle. Le canton de Schweitz ayant enlevé le pays de Glaris à la maison d'Autriche, rendit aux habitants leur première liberté. « Glaris fut reçu dans la confédération >> des Suisses et forma le sixième canton (*) 1. »

(*) Histoire de la Confédération helvétique, par A. L. de Wattewille, liv. III, p. 145, année 1351.

<< Tous ces articles, dit Pinheiro-Ferreira, sont remplis de belles doctrines qui contrastent avec les erreurs que nous avons combattues en >> plusieurs de nos précédentes notes. Aussi font-elles honneur à la haute >> raison de Vattel. C'est par ces nobles principes, et non par l'entraîne>>ment involontaire de l'école où il a été élevé, et par une sorte d'égards >> envers des gouvernements qu'il était porté à ménager, que l'on doit » juger de ses véritables sentiments.

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Cependant, il faut l'avouer, on a de la peine à concilier ces beaux >> principes avec le ton d'assurance dont l'auteur nous parle de la ces>>sion et de la conquête des peuples, en même temps qu'il reconnaît » qu'il est absurde de traiter les hommes comme des effets commer» cables ou comme des bêtes de charge, qu'on livre à la propriété ou » au domaine d'un autre homme. Ce n'est pas assez, pour éviter ce re>> proche, d'en agir envers le pays conquis avec bonté et sagesse. Il faut >> savoir si les habitants veulent vous avoir pour chefs, s'il veulent vivre >> sous les mêmes lois que vous vous êtes librement imposées. Dès que >> votre droit se borne, ainsi que Vattel le reconnaît, à une juste défense » et à une sûreté raisonnable pour l'avenir, c'est à cela que vos efforts >> doivent aboutir; car, ainsi qu'il le reconnaît encore avec la sagesse des >> anciens par lui cités à l'appui, il n'y a de domination assurée que » celle qui est agréable à ceux sur qui on l'exerce » (Note sur les § 202 et 203, p. 438).

Benjamin Constant a démontré que l'esprit de conquête, au xix° siècle, serait un anachronisme (Voir dans le Cours de Politique constitutionnelle, édit. Guillaumin, t. II, le traité de l'esprit de conquête et de l'usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne, p. 135 et suiv.). La solidarité des États, la susceptibilité des gouvernements en ce qui concerne l'équilibre des puissances, le développement à l'extérieur des relations commerciales, les progrès de la civilisation, rendent désormais impossible la guerre de conquêtes, et le moment approche où la résurrection des nationalités va remettre en question les soi-disant droits des conquérants. Voir à propos de la conduite des conquérants modernes, deux excellents articles publiés dans la Revue des Deux-Mondes : L'Ir

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Le droit de postliminie est ce droit en vertu duquel les personnes et les choses, prises par l'ennemi, sont rendues à leur premier état, quand elles reviennent sous la puissance de la Nation à laquelle elles appartenaient 1.

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Le souverain est obligé de protéger la personne et les biens de ses sujets, de les défendre contre l'ennemi. Lors donc qu'un sujet, ou quelque partie de ses biens, sont tombés entre les mains de l'ennemi, si quelque heureux événement les remet en la puissance du souverain, il n'y a nul doute qu'il ne doive les rendre à leur premier état, rétablir les personnes dans tous leurs droits et dans toutes leurs obligations, rendre les biens aux propriétaires, en

lande, ses griefs et sa nationalité (Rev. des Deux-M., 15 déc. 1860); Affaires de Pologne (Rev. des Deux-M., 15 mars 1861). Depuis ce dernier travail, la nation polonaise a prouvé, par son héroïque insurrection, que la conquête peut assoupir, mais ne saurait détruire les droits imprescriptibles des peuples. - Comparer le système oppressif de l'Angleterre et de la Russie avec la politique de la France, si largement définie dans la lettre du 7 février 1863, de l'Empereur Napoléon III, sur l'Algérie (Moniteur du 8 févr.). P. P. F.

Sur le droit de postliminie, voir: BYNKERSHOEK, quæst. Jur. publ., lib. I, ch. XVI; Martens, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 283, p. 259 et suiv.; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., 254, p. 324 et suiv., & 257, p. 329 et note b, 8 270, p. 343; HEFFTER, le Dr. internat. publ. de l'Eur., trad. de J. BERGSON, & 187 à 194; CAUCHY, le Dr. marit. internat., t. I, p. 187 et suiv., p. 363 et suiv.; MASSE, le Dr. commerc. dans ses rapports avec le Dr. des gens, t. I, p. 337 et suiv.; WHEATON, Élém, du Dr. internat., t. II, p. 20, 26, 58, P. P. F.

212.

un mot remettre toutes choses comme elles étaient avant que l'ennemi s'en fût rendu maître.

La justice ou l'injustice de la guerre n'apporte ici aucune différence; non-seulement parce que, suivant le droit des gens volontaire, la guerre, quant à ses effets, est réputée juste de part et d'autre, mais encore parce que la guerre, juste ou non, est la cause de la Nation; et si les sujets qui combattent, ou qui souffrent pour elle, après être tombés, eux ou leurs biens, entre les mains de l'ennemi, se retrouvent par un heureux accident sous la puissance de leur Nation, il n'y a aucune raison de ne pas les rétablir dans leur premier état: c'est comme s'ils n'eussent point été pris. Si la guerre est juste, ils avaient été pris injustement; rien de plus naturel que de les rétablir dès qu'on le peut; si la guerre est injuste, ils ne sont pas plus obligés d'en porter la peine, que le reste de la Nation. La fortune fait tomber le mal sur eux, quand ils sont pris; elle les en délivre lorsqu'ils échappent : c'est encore comme s'ils n'eussent point été pris. Ni leur souverain, ni l'ennemi n'ont aucun droit particulier sur eux; l'ennemi a perdu par un accident ce qu'il avait gagné par un autre. 206. · Comment il a lieu.

Les personnes retournent, les choses se recouvrent, par droit de postliminie, lorsqu'ayant été prises par l'ennemi, elles retombent sous la puissance de leur Nation (§ 204). Ce droit a donc lieu aussitôt que ces personnes ou ces choses prises par l'ennemi tombent entre les mains des soldats de la même Nation, ou se retrouvent dans l'armée, dans le camp, dans les terres de leur souverain, dans les lieux où il commande.

8 207. S'il a lieu chez les alliés.

Ceux qui se joignent à nous pour faire la guerre, ne font avec nous qu'un même parti; la cause est commune, le droit est un; ils sont considérés comme ne faisant qu'un

avec nous. Lors donc que les personnes ou les choses, prises par l'ennemi, sont reprises par nos auxiliaires, ou retombent de quelque autre manière entre leurs mains, c'est précisément la même chose, quant à l'effet de droit, que si elles se retrouvaient immédiatement en notre puissance; la puissance de nos alliés et la nôtre n'étant qu'une dans cette cause. Le droit de postliminie a donc lieu dans les mains de ceux qui font la guerre avec nous; les personnes et les choses, qu'ils délivrent des mains de l'ennemi, doivent être remises dans leur premier état.

Mais ce droit a-t-il lieu dans les terres de nos alliés ? Il faut distinguer. Si ces alliés font cause commune avec nous, s'ils sont associés dans la guerre, le droit de postliminie a nécessairement lieu pour nous dans les terres de leur obéissance, tout comme dans les nôtres. Car leur État est uni au nôtre, et ne fait qu'un même parti dans cette guerre. Mais si, comme cela se pratique souvent aujourd'hui, un allié se borne à nous fournir les secours stipulés dans les traités, sans rompre lui-même avec notre ennemi, leurs deux États continuant à observer la paix dans leurs relations immédiates, alors les auxiliaires seuls qu'il nous envoie sont participants et associés à la guerre; ses États gardent la neutralité 1.

8 208.

Il n'a pas lieu chez les peuples neutres. Or, le droit de postliminie n'a point lieu chez les peuples neutres. Car quiconque veut demeurer neutre dans une guerre est obligé de la considérer, quant à ses effets, comme également juste de part et d'autre, et par conséquent de regarder comme bien acquis tout ce qui est pris par l'un ou l'autre parti. Accorder à l'un le droit de revendiquer les choses enlevées par l'autre, ou le droit de postliminie dans ses terres, ce serait se déclarer pour lui, et quitter l'état de neutralité.

1 Voir : KLÜBER, Droit des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 8 270, p. 343 et note c, p. 344. P. P. F.

209. Quelles choses se recouvrent par ce droit.

Naturellement toutes sortes de biens pourraient se recouvrer par droit de postliminie, et pourvu qu'on les reconnaisse certainement, il n'y a aucune raison intrinsèque d'en excepter les biens mobiliers. Aussi voyons-nous que les anciens ont souvent rendu à leurs premiers maîtres ces sortes de choses reprises sur l'ennemi (*). Mais la difficulté de reconnaître les biens de cette nature, et les différends sans nombre qui naîtraient de leur revendication, ont fait établir généralement un usage contraire. Joignez à cela que le peu d'espérance qui reste de recouvrer des effets pris par l'ennemi, et une fois conduits en lieu de sûreté, fait raisonnablement présumer qu'ils sont abandonnés par les anciens propriétaires. C'est donc avec raison que l'on excepte du droit de postliminie les choses mobilières, ou le butin, à moins qu'il ne soit repris tout de suite à l'ennemi qui venait de s'en saisir; auquel cas il n'est difficile à reconnaître, ni présumé abandonné par le propriétaire. Or, la coutume étant une fois reçue et bien établie, il serait injuste d'y donner atteinte (Prélim., 26). Il est vrai que les esclaves chez les Romains n'étaient pas traités comme les autres biens mobiliers; on les rendait à leurs maitres, par droit de postliminie, lors même qu'on ne rendait pas le reste du butin. La raison en est claire; comme il est toujours aisé de reconnaître un esclave et de savoir à qui il a appartenu, le maître, conservant l'espérance de le recouvrer, n'était pas présumé avoir abandonné son droit 1.

(*) Voyez-en plusieurs exemples dans Grotius, liv. III, chap. xvt, ¿ 2. 1 Voir, infrà, ¿ 216. En principe, l'ennemi peut être considéré comme immédiatement dépouillé de son titre à la propriété qui lui a été loyalement prise en temps de guerre, et ce titre transféré à celui qui a fait la capture. Cependant, quant à la propriété mobilière, pour que le titre soit considéré comme perdu pour le premier propriétaire, il faut que l'ennemi ait acquis une ferme possession ce qui, en règle générale, est

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