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8 210.

- De ceux qui ne peuvent retourner par droit de postliminie.

Les prisonniers de guerre qui ont donné leur parole, les peuples et les villes qui se sont soumis à l'ennemi, qui lui ont promis ou juré fidélité, ne peuvent d'eux-mêmes retourner à leur premier état par droit de postliminie; car la foi doit être gardée, même aux ennemis (§ 174).

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8 211. Ils jouissent de ce droit quand ils sont repris. Mais si le souverain reprend ces villes, ces pays, ou ces prisonniers, qui s'étaient rendus à l'ennemi, il recouvre tous les droits qu'il avait sur eux, et il doit les rétablir dans leur premier état (3 205). Alors ils jouissent du droit de postliminie, sans manquer à leur parole, sans violer leur foi donnée. L'ennemi perd par les armes le droit qu'il avait acquis par les armes. Mais il y a une distinction à faire au sujet des prisonniers de guerre: s'ils étaient entièrement libres sur leur parole, ils ne sont point délivrés par cela seul qu'ils tombent sous la puissance de leur Nation, puisqu'ils pouvaient même aller chez eux sans cesser d'être prisonniers; la volonté seule de celui qui les a pris, ou sa soumission entière, peut les dégager. Mais s'ils ont seulement promis de ne pas s'enfuir, promesse qu'ils font souvent pour éviter les incommodités d'une prison, ils ne sont tenus qu'à ne pas sortir d'eux-mêmes des terres de l'ennemi, ou de la place qui leur est assignée pour demeure; et si les troupes de leur parti viennent à s'emparer du lieu où ils habitent, ils sont remis en liberté, rendus à leur Nation et à leur premier état par le droit des armes.

considéré se faire après un temps de vingt-quatre heures, ou après que le butin a été conduit en lieu sûr.--Voir: GROTIUS, De Jur. bel. ac pac., lib. III, cap. vi, 23; cap. ix, 2 14; KRAUSS, Diss. de postliminio præsertim rerum mobilium. Viteb., 1763, 4; Klüber, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 254, p. 324 et suiv.; HEFFTER, le Dr. internat. publ. de l'Eur., 2 136; Wheaton, Élém.du Dr. internat., t. II, 8 11,

P. 20. P. P. F.

? 212. Si ce droit s'étend à leurs biens aliénés par l'ennemi.

Quand une ville soumise par les armes de l'ennemi est reprise par celles de son souverain, elle est rétablie dans son premier état, comme nous venons de le voir, et par conséquent dans tous ses droits. On demande si elle recouvre de cette manière ceux de ses biens que l'ennemi avait aliénés lorsqu'il était le maître? Il faut d'abord distinguer entre les biens mobiliers, qui ne se recouvrent point par droit de postliminie (§ 209), et les immeubles. Les premiers appartiennent à l'ennemi qui s'en empare, et il peut les aliéner sans retour. Quant aux immeubles, il faut se souvenir que l'acquisition d'une ville, prise dans la guerre, n'est pleine et consommée que par le traité de paix, ou par la soumission entière, par la destruction de l'État auquel elle appartenait (2 197). Jusque-là il reste au souverain de cette ville l'espérance de la reprendre ou de la recouvrer par la paix; et du moment qu'elle retourne en sa puissance, il la rétablit dans tous ses droits (§ 205); par conséquent elle recouvre tous ses biens, autant que de leur nature ils peuvent être recouvrés. Elle reprendra donc ses immeubles des mains de ceux qui se sont trop pressés de les acquérir. Ils ont fait un marché hasardeux, en les achetant de celui qui n'y avait pas un droit absolu; et s'ils font une perte, ils ont bien voulu s'y exposer. Mais si cette ville avait été cédée à l'ennemi par un traité de paix, ou si elle était tombée pleinement en sa puissance par la soumission de l'État entier, le droit de postliminie n'a plus lieu pour elle; et ses biens, aliénés par le conquérant, le sont validement et sans retour. Elle ne peut les réclamer, si dans la suite une heureuse révolution la soustrait au joug du vainqueur. Lorsque Alexandre fit présent aux Thessaliens de la somme qu'ils devaient aux Thébains (Voyez cidessus 277), il était maître absolu de la république de Thèbes, dont il détruisit la ville et fit vendre les habitants.

Les mêmes décisions ont lieu pour les immeubles des particuliers, prisonniers ou non, aliénés par l'ennemi pendant qu'il était maitre du pays. Grotius propose la question (*) à l'égard des biens immeubles, possédés en pays neutre par un prisonnier de guerre. Mais cette question est nulle dans nos principes; car le souverain, qui fait un prisonnier à la guerre, n'a d'autre droit que celui de le retenir jusqu'à la fin de la guerre, ou jusqu'à ce qu'il soit racheté (§ 148 et suiv.), et il n'en acquiert aucun sur ses biens, sinon en tant qu'il peut s'en saisir. Il est impossible de trouver aucune raison naturelle pourquoi celui qui tient un prisonnier aurait le droit de disposer de ses biens, quand ce prisonnier ne les a pas auprès de lui 1.

2213.

Si une Nation qui a été entièrement conquise, peut jouir du droit de postliminie.

Lorsqu'une Nation, un peuple, un État, a été subjugué

(*) Liv. III, ch. IX, 6.

1 Voir, infrà, 216. La ferme possession suffit pour confirmer le titre de celui qui a fait la capture de biens mobiliers; mais on applique une règle différente aux immeubles. Le propriétaire originaire de cette espèce de propriété a droit au bénéfice de postliminie, et le titre acquis pendant la guerre doit être confirmé par un traité de paix avant d'être considéré comme complétement valide. « Cette règle, dit Wheaton, ne peut s'appliquer souvent au cas d'une simple propriété privée, qui, selon l'usage général des nations modernes, est exempte de confiscation. Elle ne devient importante en pratique que dans les questions résultant d'aliénations de biens immeubles appartenant au gouvernement, faites par l'État belligérant adverse pendant son occupation militaire du pays. Un pareil titre doit être expressément confirmé par le traité de paix, ou par l'opération de la cession du territoire faite par l'ennemi dans un pareil traité. Jusqu'à cette confirmation, ce titre reste susceptible d'être enlevé par le jus postliminii. Celui qui achète une portion du domaine national, la prend au risque d'être évincé par le souverain originaire propriétaire, quand il rentre en possession de ses domaines » (Élém. du Dr. internat., t. II, ¿ 17, p. 58). Voir : GROTIUS, de Jur. bel. ac pac., lib. III, cap ví, ₹ 4; cap. ix, ≥ 13; PUFFENDORF, de Jur. nat. et gent., lib. VIII, ch. vi, 17; BURLAMAQUI, Principes du droit politique, p. iv, ch. vII, ¿ 20;

tout entier, on demande si une révolution peut le faire jouir du droit de postliminie? Il faut encore distinguer les cas pour bien répondre à cette question; si cet État subjugué n'a point encore donné les mains à sa nouvelle sujétion, s'il ne s'est pas rendu volontairement, et s'il a seulement cessé de résister, par impuissance; si son vainqueur n'a point quitté l'épée de conquérant, pour prendre le sceptre d'un souverain équitable et pacifique, ce peuple n'est pas véritablement soumis, il est seulement vaincu et opprimé ; et lorsque les armes d'un allié le délivrent, il retourne sans doute à son premier état (§ 207)., Son allié ne peut devenir son conquérant, c'est un libérateur qu'il est seulement obligé de récompenser. Que si le dernier vainqueur, n'étant point allié de l'État dont nous parlons, prétend le retenir sous ses lois comme un prix de sa victoire, il se met à la place du premier conquérant, et devient l'ennemi de l'État opprimé par celui-ci; cet État peut lui résister légitimement, et profiter d'une occasion favorable pour recouvrer sa liberté. S'il avait été opprimé injustement, celui qui l'arrache au joug de l'oppresseur doit le rétablir généreusement dans tous ses droits (203).

La question change à l'égard d'un État qui s'est rendu volontairement au vainqueur. Si les peuples, traités non plus en ennemis, mais en vrais sujets, se sont soumis à un gouvernement légitime, ils relèvent désormais d'un nouveau souverain, ou ils sont incorporés à l'État conquérant ; ils en font partie, ils suivent sa destinée; leur ancien État est absolument détruit; toutes ses relations, toutes ses alliances expirent (Liv. II, § 203). Quel que soit donc le nouveau conquérant qui subjugue dans la suite l'État auquel ces peuples sont unis, ils subissent le sort de cet État,

KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 2 256 à 258, p. 328 et suiv.; MARTENS, Précis du droit des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 282, a, p. 253 et suiv.

P. P. F.

LIV. III, CHAP. XIV.

of

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comme la partie suit le sort du tout. C'est ainsi que les Na-
tions en ont usé dans tous les temps; je dis les Nations
mêmes justes et équitables, surtout à l'égard d'une con-
quête ancienne. Les plus modérés se bornent à remettre en
liberté un peuple nouvellement soumis, qu'ils ne jugent
pas encore parfaitement incorporé, ni bien uni d'inclina-
tion à l'État qu'ils ont vaincu.

Si ce peuple secoue le joug lui-même, et se remet en li-
berté, il rentre dans tous ses droits, il retourne à son pre-
mier état, et les Nations étrangères ne sont point en droit
de juger s'il s'est soustrait à une autorité légitime, ou s'il
a rompu ses fers. Ainsi le royaume de Portugal, qui avait
été envahi par Philippe II, roi d'Espagne, sous couleur d'un
droit héréditaire, mais en effet par la force ou par la ter-
reur des armes, rétablit sa couronne indépendante, et ren-
tra dans ses anciens droits, quand il chassa les Espagnols
et mit sur le trône le duc de Bragance 1.

214.

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Du droit de postliminie pour ce qui est rendu à la paix.
Les provinces, les villes et les terres que l'ennemi rend
par le traité de paix, jouissent sans doute du droit de
postliminie; car le souverain doit les rétablir dans leur
premier état, dès qu'elles retournent en sa puissance
($205), de quelque façon qu'il les recouvre. Quand l'en-
nemi rend une ville à la paix, il renonce au droit que les
armes lui avaient acquis; c'est comme s'il ne l'eût jamais

'Pinheiro-Ferreira fait sur ce l'observation suivante :

« Nous devons repousser le principe qui sert de base à la doctrine de >> cet article, savoir que l'acte par lequel un monarque est investi de la >> royauté, est un pacte d'égal à égal entre lui et la nation. Dans tout pays >> en dehors du domaine de l'absolutisme, l'accession d'un monarque au » trône n'est que la collation d'une magistrature; et si l'on veut y voir >> un pacte, nous n'en disconviendrons pas, pourvu qu'il ressemble en >> tout point à celui que la nation contracte avec tout autre fonctionnaire »> public au moment de son installation dans l'emploi qui, au nom de la »> nation, lui aura été conféré » (Note sur le 213, p. 440).

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