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C'est principalement par l'accomplissement de toutes ces formalités, par l'exécution rigoureuse de toutes ces dispositions, que l'assuré peut légalement administrer la preuve de la perte de la chose assurée.

SECTION II.

Du Consulat, ou rapport.

EN Italie et en Provence, on appelle consulat, ce que l'Ordonnance appelle rapport, parce que cette espèce d'enquête se prend en Italie par les magistrats du Consulat de la mer, et en Levant, par les consuls de la nation : CONSULATUS, à consulibus retineri solitis in portubus, vel maritimis emporiis per nationes vel mercatores,`nomen recipit. Casaregis, disc. 2, no. 3.

Le Guidon de la mer, ch. 8, art. 1, dit que dans les consulatsil se com⚫ met de grands abus, vu que par le moyen d'iceux, les patrons des navires rejettent tous les accidens sur la tourmente et cas fortuits, pour affranchir leur › nef de la contribution des avaries; même les marchands chargeurs, qui ont

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› le maître du navire à leur dévotion, les font dresser à leur fantaisie.
Le consulat doit être fait pardevant le magistrat du premier endroit où l'on
aborde. Navicularius...... Provinciæ judicem, ejus scilicet in quâ res agitur, adire
festinet. Loi 2, Cod. de naufrag. Ibiq. Doctores.

Il doit être fait au port de l'arrivée, au port de la relâche. Art. 27, titre des consuls. Art. 4 et 6, titre des congés.

. Les maîtres du navire et autres mariniers qui ont fait naufrage, sont obligés, par les lois de la mer, de faire attestation judiciaire de tout ce qui leur › est arrivé; et ce, au premier port qu'ils descendent. » Cleirac, Jurisdiction de la marine, art. 15, pag. 410. Casaregis, disc. 1, no. 38; disc. 2, no. 3; disc. 23, no. 12; disc. 142, no. 10. Roccus, de navib., not. 95.

Si, au premier endroit où l'on aborde, il n'y a point de juge, le consulat doit être fait en l'endroit le plus prochain. Casaregis, disc. 1, no. 38.

On doit s'adresser au juge compétent, Loi 3, Cod. de naufrag.; au lieutenant de l'amirauté du lieu où l'on aborde, si c'est dans un port du royaume, ou au consul de la nation française, si c'est en pays étrangers. Art. 27, titre des consuls; art. 4 et 6, titre des congés.

Si l'on aborde en un lieu où il n'y ait point de consul de la nation française, on doit faire son consulat pardevant le juge du lieu, quoique sujet

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d'une puissance étrangère. Doctores ad leg. 2 et 3, Cod. de naufrag. Straccha, gl. 28. Roccus, not. 59, resp. 28, no. 9; resp. 34, no. 3. Casaregis, disc. 1, no. 58. M. Valin, art. 27, titre des consuls, de l'Ordonnance, dit que dans les pays » où il n'y a point de consul de la nation, ni de vice-consul, si le capitaine français est dans le cas d'y faire un rapport, il doit le faire devant le magistrat du pays; s'il y manque, ce défaut ne peut être réparé. Cet auteur cite un arrêt du Parlement d'Aix, dont voici les circonstances :

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Les sieurs Pont-Leroy et compagnie firent faire des assurances à Marseille, sur le corps et facultés du vaisseau le Victorieux, capitaine Guillaume Hais, de Nantes, de sortie de Paimbœuf jusqu'aux Iles françaises de l'Amérique et de retour à Paimboeuf, touchant et faisant échelle, tant d'entrée que de sortie, en tous les lieux et endroits que bon semblera au capitaine, et à lui permis de toucher d'entrée en Guinée. »

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Ce navire aborda à la côte de Jouïda, en Afrique, où il perdit sa chaloupe ct divers câbles. Le capitaine acheta quatre cent cinquante nègres. Il en mourut quatre-vingt-dix sur le pays. La maladie s'empara de l'équipage. On mit à la voile. On relâcha en piteux état à l'lle du Prince. (Ile portugaise). Le capitaine, après avoir pris l'avis de ses officiers, et sans faire consulat, vendit à un marchand portugais le navire et les nègres. L'acheteur fit partir le vaisseau pour le Brésil, et ce vaisseau fut pris par un corsaire.

Les assurés alléguaient, 1°. qu'il y avait eu nécessité de vendre le navire, attendu le mauvais état où il se trouvait, et le petit nombre des gens de l'équipage, dont plusieurs étaient morts; 2°. que le changement de voyage avait été une suite de cette fortune de mer; 3°. que la vérité du fait était constatée et par le procès-verbal des officiers majors, dressé à l'lle du Prince, et par un consulat fait à Nantes.

Arrêt du 27 juin 1724, au rapport de M. de Lenfant, confirmatif de la sentence de l'amirauté de Marseille, qui mit les assureurs hors de Cour et de procès. M. Ganteaume, célèbre avocat au Parlement d'Aix, qui écrivait dans la cause, nota de sa propre main, au bas de son mémoire imprimé, que cet arrêt avait débouté les assurés, sur le fondement qu'on aurait dû faire un consulat à l'Ile du Prince, pardevant le commandant portugais.

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Je dois ajouter que cet arrêt peut avoir eu un autre motif. L'art. 19, titre des capitaines, veut « qu'en aucun cas, le capitaine ne puisse vendre le vais> seau qu'en vertu de procuration spéciale des propriétaires. » Or, le capitaine Hais avait vendu le navire sans l'ordre de ses propriétaires. Il s'était

donc rendu coupable de baraterie. Il avait rompu le voyage, et avait délié, par son fait, les assureurs de leur obligation.

Je croirais cependant que si le navire, qui se trouve en pays fort éloigné, était incapable de naviguer à l'effet de retourner en France, mais non à l'effet de pouvoir faire quelqu'autre petit voyage, les juges du lieu pourraient en ordonner la vente; ce qui serait plus avantageux aux propriétaires, que si on le dépeçait. Mais, dans ce cas, il faudrait un décret du juge, rendu avec grande connaissance de cause; c'est ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce de l'arrêt cité, et dans ce même cas, je ne pense pas que l'action d'abandon fût ouverte contre les assureurs, parce que l'art. 46, titre des assurances, qui est de droit étroit, ni la déclaration de 1779, ne parlent de cette fortune de mer. Pour que l'innavigabilité donne lieu au délaissement, il faut qu'elle ait été prononcée par le juge, et que le navire soit hors d'état de

servir.

L'assertion seule du capitaine ne suffit pas pour constater la perte. Il faut que le sinistre soit vérifié par témoins: Probet testibus eventum. Loi 2, Cod. de naufrag. Ibiq. doctores.

Les rapports non vérifiés ne feront point de foi pour la décharge des » maîtres. Art. 8, titre du congé.

Ainsi, en règle générale, les assureurs ne répondent du sinistre qu'autant que le sinistre est prouvé par témoins. Roccus, not. 59. Casaregis, disc. 142, no. 13.

Le sinistre doit être prouvé par la déposition de deux ou de trois témoins: Duorum vel trium nautarum quæstione habita. Loi 3, Cod. de naufrag.

On peut, suivant les circonstances, se contenter d'un seul témoin, s'il n'est pas possible d'en avoir davantage. Casaregis, disc. 1, n°. 42; disc. 2,

n°. 12.

La loi 3, Cod. de naufrag., veut qu'on entende de préférence les mattres, et que ce ne soit qu'au défaut des maîtres qu'on ait recours à la déposition des autres mariniers.

Le Guidon de la mer, ch. 8, art. 1, veut qu'on n'ait recours à la déposition de l'équipage qu'au défaut de tous autres témoins.

titre

Mais le Consulat de la mer, ch. 221 et 222, et l'Ordonnance de Wisbuy, art. 9, admettent le témoignage des gens qui sont dans le navire. Cette dernière règle a été adoptée par l'Ordonnance de 1681. Art. 7, des congés. La vérification des rapports pourra être faite par la déposition des • gens de l'équipage, sans préjudice des autres preuves.

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Comment entendre les témoins.

Les témoins sont entendus avant la contestation cause.

§ 4.

en

Faut-il appeler les

Telle est la doctrine générale. Luca de Penna, Peckius, Peresius, Corvinus, sur les lois 2 et 3, Cod. de naufrag. Roccus, resp. 28, no. 9 et 10. De Luca, de credito, disc. 111, no. 12. Loccenius, lib. 3, cap. 10, no. 6, pag. 1051. Gomesius, tom. 3, cap. 12, no. 21, pag. 497. Straccha, de navibus, part. 5, quest. 2, pag. 453. Casaregis, disc. 1, no. 39; disc. 19, no. 28; disc. 212, n°. 15. Cleirac, sur le Guidon de la mer, ch. 8, pag. 289, et au titre de la jurisdiction, art. 15, pag. 410.

La loi 3, Cod. de naufrag., après avoir décidé que pour constater le naufrage, il suffit d'entendre deux ou trois témoins, observe qu'un juge intelligent et attentif saura si bien interroger et examiner les deux ou trois témoins qu'il fera comparaître devant lui, qu'il n'aura pas besoin d'en entendre un plus grand nombre : Quid est enim quod non abundè intra præfinitum numerum, solers quæsitor inveniat?

Le juge attentif et intelligent, solers quæsitor, interrogera les témoins l'un après l'autre. Il leur fera expliquer toutes les circonstances du sinistre allégué par le capitaine. Il saura faire triompher la vérité : Veritatem è latebris suis exigere debet (Luca de Penna ); et il ne laissera rien à désirer dans cette espèce d'enquête, qui sert de titre aux parties intéressées.

La règle qui veut qu'en matière civile les témoins ne soient entendus qu'après la litis-contestation, n'a pas lieu lorsqu'il s'agit de constater les sinistres maritimes. Peckius, Luca de Penna, Peresius et Corvinus loi 2, Cod. de naufrag.

sur la

Si le sinistre est arrivé dans l'étranger, et que les parties intéressées soient parties intéressées ? absentes, il n'est pas besoin de les appeler. Corvinus, d. loco, pag. 87. Peresius, ibid., n°. 7. Loccenius, lib. 3, cap. 10, no. 6, pag. 1051. Rote de Gênes, déc. 3, no. 17. Straccha, titre des assurances, gl. 28, et en son Traité de navibus, part. 2, n°. 7. Roccus, not. 59; resp. 28, n°. 9; resp. 34, no. 3. Casaregis, disc. 1, no. 38; disc. 10, no. 3.

Si les parties intéressées sont présentes sur les lieux, la bonne règle semble vouloir qu'on les appelle, pour qu'elles veillent à ce qui s'opère: Secùs est si casus evenit, ubi pars fuerit præsens : nam tunc debent recipi testes parte citatâ. Roccus, not. 59. De Luca, de credito, disc. 111, no. 12. Casaregis, disc. 1, n°. 38.

Ces auteurs ajoutent que si on a omis d'appeler les parties intéressées, qui étaient présentes sur les lieux, on peut, suivant les circonstances, ne pas s'arrêter à ce défaut de formalité, pourvu que la déposition des témoins

ainsi ouis soit soutenue par des adminicules, qui en démontrent la sincérité. De Luca, de credito, disc. 111, n°. 12. Casaregis, disc. 1, n°. 40.

Voici un cas assez remarquable: En juillet 1767, les sieurs Rabaud et compagnie se firent assurer 21,400 liv., de sortie de Dunkerque jusqu'à Marseille, sur les facultés, consistant en blé, du navire la Charlotte, capitaine Guillaume-Robert Taveau, franc aux assureurs d'avarie jusqu'à dix pour cent, pour ne payer que le surplus de ce taux.

Le 25 du même mois, le navire partit de Dunkerque. Dans la Manche, il essuya des tempêtes. Il relâcha à Cherbourg. Il fut ensuite obligé de relâcher à Cadix, puis à Carthagène, puis à Mahon. Enfin, le 21 novembre suivant, il arriva à Marseille, où le capitaine fit son consulat, sans que les assureurs fussent appelés.

Le 24 du même mois, le capitaine présenta requête en nomination d'un expert, pour assister à l'ouverture des écoutilles et au déchargement, et pour vérifier et estimer le dommage. Le même jour, 24 novembre, cette requête fut intimée aux sieurs Rabaud et compagnie, consignataires de la cargaison. L'expert nommé commença ses opérations.

Le 28, les sieurs Rabaud et compagnie firent intimer la même requête à leurs assureurs, avec interpellation de se retirer pardevant l'expert, soit sur › le navire qui décharge actuellement en Rive-Neuve, est-il dit, soit partout . ailleurs. »

Les assureurs ne se présentèrent point pardevant l'expert. Mais deux jours après, le sieur Lazare Peyrier, l'un d'eux, accompagné d'un notaire, fut en Rive-Neuve, et fit dresser un procès-verbal pour constater que le blé n'avait souffert aucune avarie considérable.

Le capitaine présenta requête contre Rabaud et compagnie, en avarie grosse. Ceux-ci appelèrent leurs assureurs dans l'instance, et requirent contre eux le réglement de l'avarie particulière.

L'expert remit son rapport, d'après lequel le dommage souffert par la cargaison se montait à 11,019 liv. 18 sous.

Les assureurs requirent incidemment la cassation du rapport, attendu qu'on l'avait commencé sans leur participation, et qu'au moyen de ce, Rabaud et compagnie fussent déboutés de leur demande en avarie.

Sentence du 19 avril, qui, « sans s'arrêter à la requête incidente des assureurs, ordonna qu'ils donnassent leurs défenses au principal.

Arrêt du 26 juin 1769, au rapport de M. Pazery de Thorame, qui confirma la sentence, avec amende et dépens, sauf aux assureurs leurs droits

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