Page images
PDF
EPUB

paix exclusivement que le capitaine doit se présenter, c'est devant le premier magistrat du lieu qui se trouve sous la main. Il est, en effet, urgent que l'autorité du lieu soit avertie par la déclaration du capitaine, parce que cette autorité, remplaçant l'ancienne amirauté pour cet objet, doit descendre à l'endroit du naufrage et faire travailler à sauver les objets naufragés. (Art. 246).

[ocr errors]

Quoique la loi ne répète point ici le délai de vingt-quatre heures, néanmoins, il faut dire avec Valin que cela doit être suppléé par l'art. 242, qui établit le principe général que tout capitaine doit faire son rapport dans les vingt-quatre heures de son arrivée. Dans le cas de naufrage, le capitaine doit même avertir l'autorité avant le délai de vingt-quatre heures, s'il est possible, dès le moment même où il est sauvé à terre, et non pas attendre un tems où il ne serait plus possible de connaître ni de constater les causes du sinistre, ni même d'apprécier la conduite du capitaine.

Ces principes sont consacrés dans les dispositions des art. 27, titre des consuls, et 4, titre des rapports, de l'Ordonnance de la marine. C'est pourquoi, suivant l'art. 10, les greffes doivent être ouverts en tout tems; c'est pourquoi l'art. 5 des lettres-patentes du 10 janvier 1770 veut que les rapports des capitaines soient reçus sans remise, même les jours de fêtes.

D'ailleurs, il faut le faire remarquer avec M. Locré, l'art. 246 du Code de commerce complète le systême de précaution établi par les articles précédens, depuis et compris l'art. 242. Nous répéterons donc ici qu'il ne faut pas admettre rigoureusement les principes de l'arrêt de cassation rendu en faveur du sieur Thomazeau, de Saint-Malo, le 1". septembre 1813, et que nous avons combattu dans notre Cours maritime, tit. 4, sect. 24.

Du reste, le capitaine doit faire vérifier son rapport par les gens de son équipage qui se seront sauvés. Le magistrat doit les interroger, ainsi que les passagers : Veritatem è latebris suis exigere debet. Un rapport non vérifié ne fait point foi en justice, et il n'est point admis à la décharge du capitaine, excepté dans le cas où le capitaine s'est sauvé seul. (Art. 246 et 247 ). Le rapport du capitaine doit être vérifié devant le magistrat qui l'a reçu (argument de l'article 246); autrement, ce serait ouvrir la porte à la fraude et à la mauvaise foi. Il n'y a que des cas extraordinaires, qu'une force majeure, qui pourraient tolérer cette procédure.

Si le capitaine qui a fait naufrage ne remplit pas les formalités commandées par le Code de commerce, il est par là même réputé en faute. Dans ce cas, les assureurs n'ont rien à prouver; il leur suffit d'argumenter de la conduite illégale du capitaine, qui n'a point instruit l'autorité du lieu, sans doute pour cause à lui connue.

Au contraire, le rapport dressé en due forme et vérifié est une pièce authentique, qui fait foi par elle-même, en faveur du capitaine, sauf la preuve contraire par les intéressés.

Lorsqu'il s'agit de faits arrivés après le rapport, ou qu'il n'était pas possible d'expliquer lors du rapport même, on peut y suppléer par une addition; mais hors ces cas, il n'est pas permis au capitaine de rien ajouter, ni outre, ni moins encore contre son contenu.

Aujourd'hui, il ne peut y avoir de doute qu'il n'est pas nécessaire d'appeler les tiers intéressés et le procureur du roi à la vérification du rapport du capitaine, parce qu'il n'y a point de partie publique auprès des autorités compétentes pour recevoir ces rapports, et que la loi nouvelle n'en parle pas. Elle laisse à la conscience du magistrat le soin de veiller aux intérêts de toutes les parties.

S'il était constaté que le capitaine a été empêché par force majeure de faire son rapport devant les autorités que la loi lui indique, il devrait d'ailleurs être admis à faire la preuve du sinistre. (Argument de l'art. 247 du Code de commerce; voyez la section suivante). Nous devons faire observer que tout ce que nous avons dit des rapports, en cas de sinistre, et de la vérification de ces rapports, regarde également la navigation des fleuves et rivières.

--

JURISPRUDence.

1. Les registres destinés à recevoir les rapports que doivent faire les capitaines de navires, dans les cas prévus par le Code de commerce, sont sujets au timbre. Toutefois, les extraits ou relevés de ces rapports sont exempts de la formalité du timbre et de l'enregistrement. (Décision du ministre des finances, du 15 juillet 1808, et instruction de la régie, du 14 octobre 1808). 2o. Les receveurs peuvent donner en débet les formalités du timbre et de l'enregistrement, aux rapports des capitaines de navires naufragés. (Décision du ministre des finances, du 24 septembre 1808).

3o. Les déclarations du capitaine, faites à un bureau des douanes, n'équivalent point à celles qui doivent être faites au greffe et devant le président du tribunal de commerce, ou, à défaut, devant le juge de paix, conformément aux art. 242 et 243 du Code de commerce. (Arrêt de la Cour de Rennes, du 23 août 1810, rapporté dans le Journal de cette Cour, tom. 1, pag. 404 et suivantes, etc.)

[ocr errors][merged small]

Faut-il

que

SECTION III.

le capitaine ait fait un consulat, pour que les assureurs soient tenus de la perte?

Les règles établies par l'Ordonnance maritime, au sujet des rapports, sont de simples règles de discipline nautique, qui n'ont aucune relation nécessaire au contrat d'assurance.

Il suffit que l'assuré vérifie la perte par certificats, attestations, ou témoins de bonne foi. Réglement d'Anvers. art. 18.

Il suffit qu'il fournisse attestation valable de la perte. Guidon, ch. 3, art. 2. L'assuré fera faire l'attestation qu'il doit fournir de la perte, prise ou naufrage. Guidon, ch. 7, art. 3.

L'assuré justifiera le chargement et la perte. Ordonnance de la marine, art. 56, titre des assurances.

Il fera signifier aux assureurs les actes justificatifs du chargement et de la perte. Art. 57, titre des assurances.

L'assureur sera reçu à faire preuve du contraire aux attestations. Art. 61, titre des assurances.

Il n'est donc pas absolument nécessaire que l'assuré soit muni d'un consulat en due forme, pour qu'il obtienne gain de cause contre ses assureurs. Consulatus non est præcisè de forma, dit Casaregis, disc. 2, no. 4; disc. 142,

n°. 12.

Mais alors il faut que le sinistre soit prouvé d'ailleurs, car il est de l'essence du contrat que l'assuré prouve la perte, ainsi qu'on le voit par les textes qu'on vient de rapporter, et par la doctrine générale. Rote de Gênes, dec. 3. Stypmannus, part. 4, cap. 7, no. 474, pag. 470. Roccus, not. 58. Casaregis, disc. 1, no. 36; disc. 7, n°. 1; disc. 142, n. 9. Cleirac, Guidon de la `mer, ch. 18, art. 2, pag. 331; et au titre de la jurisdiction, art. 15, pag. 410.

Le consulat n'est pas de nécessité visà-vis des assurés.

La preuve du sinistre est de l'es

sence de l'assurance

Pacte de s'en tenir à l'affirmation

Le pacte que l'assureur s'en tiendra à l'affirmation de l'assuré, au sujet du sinistre, est illicite; car personne ne peut être témoin, et moins encore de l'assuré. seul témoin, dans sa propre cause. ( Cicéron, pro Roscio Amerino, cap. 36). Mais le pacte qu'on s'en tiendra à l'attestation du capitaine, est valable, sauf la preuve du contraire: Ad probationem casûs sinistri et risici, valet pactum in apocâ assecurationis insertum, de stando simplici scripturæ navarci et contractûs assecurationis, et quòd super nullâ exceptione audiatur assecurator, nisi præsoluto risico. Casaregis, disc. 1, no. 46.

Quoique le consulat ne soit pas d'une nécessité absolue pour prouver la perte, on le regarde dans l'usage comme le moyen le plus régulier et le plus sûr de remplir cet objet: Regulariter probatio facienda est in eodem loco vel viciniori per consuetum consulatum, cum attestatione testium qui casui interfuerunt. Casaregis, disc. 142, no. 10.

Pothier, n°. 154, et Valin, art. 57, titre des assurances, comptent parmi les actes justificatifs, en cas de naufrage ou échouement, soit les procès-verbaux › des officiers de l'amirauté du lieu qui ont fait travailler au sauvement des • effets, soit le rapport vérifié des gens de l'équipage fait au greffe de l'ami› rauté du lieu le plus voisin où le naufrage est arrivé, ou devant notaire, lorsqu'il n'y a pas d'amirauté. En cas de prise, les actes justificatifs sont les • lettres d'avis du capitaine ou des principaux de l'équipage. »

Tout capitaine qui, pouvant faire son consulat en due forme, y manque, rend sa conduite très-suspecte: Ex quá omissione actûs soliți, facilis et necessarii, oritur suspicio et præsumptio, quòd prætensum damnum navis non acciderit ex dictâ causâ. Casaregis, disc. 142, no. 11.

Le consulat est le moyen le plus régu

lier de prouver la

perte.

Autres actes justificatifs de la perte.

L'omission du consulat est suspecte.

S 2.
Divers cas où le

Il ne faut donc pas être surpris des jugemens qui, eu égard aux circon- défaut de consulat

a procuré gain de

cause aux assureurs.

[ocr errors]
[blocks in formation]

stances du fait, se sont fondés sur le défaut de consulat, pour donner gain de cause aux assureurs.

[ocr errors]

J'ai cité ci-dessus, sect, 2, § 2, l'arrêt rendu en faveur des assureurs sur le vaisseau le Victorieux.

Autre décision. Un capitaine prit des sieurs Salard et Poittevin une somme à la grosse, pour la côte d'Italie, Naples, Corse et Sardaigne. Il alla à Tunis où il ne fit aucun consulat pour prouver la nécessité de son déroutement. Il y prit un chargement de bois. Il toucha à Bastia, où il fit un consulat dans lequel il ne dit rien sur la cause de son voyage en Barbarie. Parti de Bastia, il fit naufrage. Arrivé à Marseille, il fit un consulat par lequel il attesta que la tempête l'avait forcé d'aborder à Tunis. Les donneurs opposèrent que le con sulat aurait dû être fait à Tunis même. Sentence du 27 mai 1752, qui, malgré le naufrage, condamna ce capitaine à payer la somme reçue à la grosse, avec le change maritime et les intérêts de terre.

Mais lorsqu'il n'y a point de suspicion de fraude, on ne s'arrête pas beaucoup, dans l'usage, au défaut de consulat.

Première décision. Claude Paillet avait assuré 500 liv. sur le corps du vaisseau la Vierge de la Garde, capitaine Abeille, de sortie des Iles françaises. jusqu'en un port du Ponent. Ce vaisseau fut pris par les Anglais et conduit en Angleterre.

La capitaine Abeille écrivit de Plimouth à ses armateurs une lettre contenant l'histoire du sinistre. En conséquence de cette lettre, les assurés firent leur déclaration à la chambre du commerce. Tous les assureurs payèrent la perte, à l'exception du sieur Paillet. Il excipait du défaut de consulat. Sentence du 22 décembre 1747, qui, attendu la notoriété du fait, condamna Paillet, au paiement de la somme assurée.

Seconde décision. Le sieur Amalric se fit assurer 2,500 liv. sur le corps de la kèche l'Immaculée Conception, capitaine Jacques Sigaud, de sortie de Denia, en Espagne, jusqu'à Marseille. A la hauteur de Blane, ce navire fut poursuivi et pris par un corsaire anglais. L'équipage se sauva à terre par le moyen de la chaloupe. Un Maltais, arrivé à Marseille, déposa qu'il venait de Mahon où il avait vu la kèche l'Immaculée Conception. Les assurés firent leur déclaration à la chambre du commerce. Les assureurs payèrent la perte, à l'exception d'Antoine Fille, qui avait souscrit l'assurance pour 400 liv., et des frères Moutet, qui avaient souscrit pour 700 liv. Pendant le procès, le capitaine Sigaud arriva à Marseille, où il fit son consulat. Les défendeurs opposaient que ce consulat était nul, parce qu'il n'avait pas été fait à Blane, où le capitaine

s'était sauvé. Sentence rendue à mon rapport, le 3 octobre 1748, qui condamna Fille et les frères Moutet à payer les sommes par eux assurées.

Troisième décision. Le sieur Antoine Roland, de Carcassonne, s'était fait assurer 34,000 liv. sur les facultés du vaisseau Nostra Signora del Rosario, San Giusepe, y las animas, capitaine Joseph Polony, espagnol, de sortie de Cadix jusqu'à Buenos-Ayres. Dans la route, le navire fit naufrage sur les côtes de los Castillos, où le capitaine et l'équipage se sauvèrent. Le pilotin et un mousse, arrivés à Cadix, firent leur déclaration pardevant le magistrat. Tous les assureurs payèrent, à l'exception des sieurs Reynaud frères et fils, qui excipaient du défaut de consulat de la part du capitaine dans le plus prochain port du naufrage. Sentence du 9 août 1754, qui les condamna à payer.

Quatrième décision. Joachim Gilly s'était fait assurer 26, 200 liv., de sortie de Gênes jusqu'en Levant, sur les facultés de la pinque la Vierge de Grâce et Saint-François Xavier, capitaine Antoine Papy, ragusais. Ce navire fut visité par un corsaire anglais, qui enleva les marchandises chargées par Gilly. Le capitaine arriva à Smyrne, où il fit son consulat pardevant le consul de Raguse, sans le faire vérifier par son équipage. Sentence du 9 janvier 1759, qui condamna les assureurs, attendu la notoriété publique.

M. Valin, art. 27, titre des assurances, fait mention de ces décisions. On pourrait en ajouter une foule d'autres.

$3. La preuve du siforme nécessaire.

Il résulte de cette jurisprudence que la preuve du sinistre n'a aucune forme nécessaire et de rigueur. Il suffit que la perte soit constatée d'une manière nistre n'a capable de convaincre tout homme raisonnable, sans qu'on ait absolument besoin de recourir à des formalités extrinsèques, qui, par les circonstances des tems, des lieux et des personnes, sont souvent impraticables, et qui, d'ailleurs, ne sont requises en matière d'assurance, ni par l'Ordonnance, ni les autres lois maritimes.

par

Le droit des gens est la seule loi à laquelle les navigateurs soient soumis : Non attenditur solemnitas juris civilis, sed juris gentium. Roccus, no. 59. On se contente souvent de la notoriété publique, ainsi qu'on l'a vu par les décisions rapportées ci-dessus : Naufragium probatur per publicam vocem et famam. Casaregis, disc. 1, n°. 41; disc. 2, n°. 5; disc. 6, no. 31 et 48.

par

Il suffit que le juge ait une certitude morale et naturelle du sinistre, et que, les circonstances, il soit convaincu de la vérité du fait, pour qu'il ne doive pas s'arrêter à la rigueur du droit : Ità ut judex, induendo naturalem seu moralem certitudinem, exeundoque apices juris, certus sit de probatione ex circumstantiis, prout casus exigit, roboratâ. Casaregis, disc. 2, no. 4.

TOM. II.

18

aucune

[blocks in formation]
« PreviousContinue »