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La perte légale est une présomption qui suppose que la cause à laquelle elle attache l'effet d'autoriser le délaissement, a opéré la perte réelle des effets assurés. La perte réelle est l'anéantissement ou la privation effective, ou du moins jusqu'aux trois quarts, de ces mêmes choses. (Art. 369 du même Code).

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L'art. 375 a fixé le défaut de nouvelles à un an, pour les voyages ordinaires, et à deux ans, pour les voyages de long cours. Il aurait, en effet, été convenable d'alonger ces délais pour les voyages au fond de l'Inde, à Canton, aux îles du Japon, et pour ceux autour du Monde, comme l'observe Emérigon; mais rien n'empêche de stipuler sur ce point des délais qui dérogent à l'art. 375.

Le tems d'un an ou de deux ans, dont le laps donne lieu à la présomption de la loi, se compte du jour du départ du navire, lorsqu'on n'a pas reçu de nouvelles. Si l'on a reçu des nouvelles du navire, le tems ne se compte que du jour où l'on a reçu les dernières.

Il faut non seulement que l'assuré n'ait eu aucune nouvelle de son navire, mais encore que personne n'en ait reçu; car s'il était parvenu des nouvelles du navire, les assureurs seraient en droit d'en argumenter pour combattre la présomption de la loi. Alors, il faut que cette dernière nouvelle soit vera nova, nova justificata. Il faut, dit Valin, qu'elle ne soit pas suspecte. Voyez Valin sur l'art. 58, titre des assurances, de l'Ordonnance, et Pothier, titre des assurances, no. 122 et 123 ).

Dès que l'année ou les deux années nécessaires pour la présomption légale sont expirées, le droit de l'assuré est ouvert; il peut faire le délaissement. Cependant, il doit agir dans les délais établis par l'art. 373 du Code de commerce, après lesquels il ne sera plus recevable. Mais comment appliquer les dispositions de l'art. 373? Le délai fixé par cet article se calcule à raison de la distance du lieu de la perte; mais ici ce lieu est inconnu, puisque le navire n'a pas donné de ses nouvelles. Dans ce cas, il paraît convenable et juste de s'arrêter au lieu d'où le navire est parti, ou d'où le bâtiment a envoyé ses dernières nouvelles, parce que la perte du navire se rapporte à ce même jour du départ ou des dernières nouvelles, à l'exemple de l'absent, dont on prend l'héritier au jour des dernières nouvelles. (Art. 120 du Code civil). Ainsi, par exemple, ces dernières nouvelles sont-elles parties d'un port d'Europe? Le délai sera de six mois. Viennent-elles de l'une des colonies des Indes occidentales? Le délai sera d'un an. D'une côte des Indes orientales? Il sera de deux ans.

Ainsi, une fois que la présomption légale de la perte est acquise, les assureurs ne peuvent se défendre de payer les sommes assurées, à moins qu'ils ne prouvent que la perte du navire n'est arrivée qu'après l'expiration du tems des risques porté par la police d'assurance. La loi nouvelle n'a point ici dérogé au droit commun, et l'art. 1352 dụ Code civil n'exclut la preuve contraire que lorsque la présomption légale annule certains actes ou dénie l'action en justice; hypothèses qui n'ont aucun rapport avec celles dont il s'agit. — (Voyez Pothier, assurances, n°. 124).

D'un autre côté, puisque, d'après l'art. 335 du Code de commerce, l'assurance peut être, faite avant ou pendant le voyage, on ne saurait exiger de l'assuré qu'il prouvât que le navire existait lorsque l'assurance a été faite; et comme le pense Emérigon, il n'est pas nécessaire qu'on ait alors stipulé la clause sur bonne ou mauvaise nouvelle, laquelle clause n'est requise que dans le cas de l'art. 367 de la loi nouvelle, qui remplace l'art. 40 de l'Ordonnance. D'ail

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leurs, toute assurance faite après la perte ou après l'arrivée, si l'assuré n'en avait pas ou n'était pas présumé en avoir connaissance, est valable. (Argument des art. 365 et 366 du Code de commerce).

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Le principe que la perte remonte au jour du départ ou de la dernière nouvelle, sert à décider la question proposée par Emérigon. « J'ai fait assurer mon navire pour trois mois, » dit-il, à compter du jour de son départ. N'en ayant, après ce terme, reçu aucune nouvelle, » je fais faire de nouvelles assurances. Un an ou deux s'écoulent sans qu'on sache ce qu'il est » devenu. La perte retombera-t-elle sur les premiers assureurs ou sur les seconds? » Il n'y a pas de doute que la perte remontant au jour du départ du navire ou de la dernière nouvelle, ne doive retomber sur les premiers assureurs, et que la seconde assurance ne donne lieu au ristourne.

Du reste, l'art. 385 du Code de commerce, contenant les mêmes dispositions que l'art. 60, des assurances, de l'Ordonnance, il importe peu que le navire revienne après les deux ans. Sitôt le délaissement signifié, accepté ou jugé valable, les effets assurés appartiennent à l'assureur, et celui-ci ne peut, sous prétexte du retour du navire, se dispenser de payer la "somme assurée.

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CHAPITRE XV.

ASSURANCE FAITE APRÈS LA PERTE OU L'HEUREUSE ARRIVÉE DE LA CHOSE.

SOMMAIRE.

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$ 3. L'assureur doit savoir autant que l'assuré, et vice versa.

$ 4. Si la nouvelle de l'arrivée ou de la perte était publique sur la place.

$ 5. La connaissance positive n'est pas pré

sumée.

S 6. S'il n'y a point de fraude, la moindre

incertitude suffit pour valider l'assurance. S7. Assurance faite dans Marseille et d'en

trée à Marseille, sur un navire déjà arrive dans le port de la même ville. SECT. IV. Connaissance présumée par la loi. S1. Lieue et demie pour heure.

De combien de milles la lieue est-elle composée ?

De quel endroit compte-t-on la lieue et demie pour heure?

De quel tems compte-t-on la lieue et demie pour heure?

Heures de la nuit.

S2. C'est ici une présomption juris et de jure.

Peut-on prouver que la nouvelle soit arrivée plus tôt ?

SECT. VII. Peine de la fraude.
SECT. VIII. Assurance faite par commission-
naire.

SECT. V. Assurance sur bonne ou mauvaise

nouvelle.

SECT. VI. Preuve de la fraude.

Serment.

QUOIQUE le risque soit de l'essence du contrat d'assurance, il n'est pas nécessaire que, lors de la souscription de la police, la chose assurée soit réellement en risque; il suffit que l'événement soit inconnu aux parties contractantes. Telle est la disposition de la plupart de nos lois nautiques, lesquelles, moyennant certaines modifications établies pour prévenir les fraudes, mettent en cette matière l'ignorance du fait à la place de la réalité ; à quoi la nature du contrat d'assurance et les principes du droit commun ne s'opposent point, ainsi qu'on le verra bientôt.

CONFÉRENCE.

CLXXXIII. Les auteurs ont beaucoup discouru sur la validité de l'assurance, sur chose déjà perdue ou déjà heureusement arrivée. D'un côté, on argumentait de l'essence du contrat d'assurance. L'assurance, disait-on, est un contrat conditionnel; or, la condition est d'une chose future, et une obligation, sous la condition d'une chose passée ou présente, quoique ignorée des contractans, n'est pas proprement une obligation conditionnelle.--(Pothier, Traité des obligations, no. 202, et Traité des assurances, no. 11; Emérigon dans sa consultation que Valin a fait imprimer sur l'art. 3, titre des assurances, de l'Ordonnance).

D'un autre côté, on répondait qu'en certains cas, on appelle condition celle qui regarde le tems passé ou le tems présent. Cette espèce de condition, qu'on peut appeler impropre, n'est adoptée que lorsque celui qui l'a stipulée ignorait l'événement : Quoniam præsentia quæ nesciebat videtur habuisse pro futuris. — (Voyez d'ailleurs Cujas sur la loi 39, ff de reb. cred. lib. 1. D. Fin. Papin ).

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Cette considération a prévalu aux yeux des législateurs de 1681 et de 1807, parce qu'elle est fondée sur l'opinion des hommes, qui est presque la seule mesure des choses. En effet, l'opinion peut avoir la force de donner une existence légale à une chose déjà périe; elle défère à la propriété putative les effets de la propriété véritable; elle rend légitime le paiement fait au procureur dont la révocation est ignorée; elle rend légitimes les actes faits de bonne foi par le mandataire, tandis que la mort du mandant est ignorée, les procédures du procureur ad lites, etc. etc. C'est d'après ces principes que l'Ordonnance et le nouveau Code de commerce ont décidé que l'assurance d'une chose déjà périe ou déjà arrivée à bon port est valable, si l'événement est ignoré. Le droit civil a ajouté sur ce point au droit naturel. (Pothier, assurances, no. 46).

Réglement de Barcelonne.

Statut de Gênes.

Réglement d'An

vers.

Réglement d'Amsterdam.

Guidon de la mer.

SECTION I.

Texte des Réglemens et des Ordonnances.

LE Réglement de Barcelonne (suite du Consulat, ch. 357) dit « que si l'on fait faire des assurances sur un navire déjà perdu, et que, lors de la signa»ture de la police, on ait pu avoir dans le lieu du contrat nouvelle de la › perte, l'assurance sera nulle. Et pour ôter tout doute sur le tems que la perte pourrait être sue, (il ordonne) que si la nouvelle peut s'en savoir par terre, » sans aller par mer, il faut attendre tems suffisant, comptant pour chaque lieue » une heure.

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Le Statut de Gênes, cité par Casaregis, disc. 115, n°. 6, porte que securitates facta post casum sinistrum secutum, tali tempore, quòd de eo habita priùs fuerit notitia, saltem per famam legitimè probatam, vel tali tempore, quòd notitia verosimiliter haberi potuerit, non valeant, nec teneant, et consteum restitui debeat.

Le Réglement d'Anvers, art. 4, veut que la souscription de la police d'assurance précède le hasard. Et en l'art. 5, il oblige les assurés à vérifier et faire apparoir, par acte authentique ou judiciaire, que le navire était encore en état lors du jour de l'assurance.

Le Réglement d'Amsterdam, art. 20, permet de faire assurer les navires » ou marchandises déjà déprédées, gâtées ou perdues, pourvu que cela ne soit » venu à la notice de la personne qui se fait assurer. »

Art. 21. Mais advenant que le navire et marchandises soient déprédées, submergées et gâtées déjà par long tems, et que, pendant icelui tems, la › personne assurée en ait pu avoir connaissance, soit par mer ou par terre, eu › comptant lieue et demie pour chacune heure, telle assurance est de nulle va› leur, et faut entendre et présumer que celui qui s'est fait assurer en avait › connaissance. Et on ne doit pas, pour ce regard, faire aucune enquête ni » preuve, si ce n'est que l'assurance fût faite sur bonnes ou mauvaises nouvelles; car ces mots y étant, elle doit avoir cours et valeur. Sinon aussi que l'as»sureur fit apparoir qu'avant la passation de la lettre de police, l'assuré fût déjà averti de la perte, et en outre, la personne assurée doit se purger, par

» serment. »

Le Guidon de la mer, ch. 4, dit que ceux qui ne pratiquent pas le com

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