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Si.

Texte des ordon

nances.

$2.

La preuve de la

connaissance posi

tive est arbitraire.

Divers cas où les

chargés de payer la perte.

SECTION III.

De la Connaissance positive.

Si l'assuré savait la perte, ou l'assureur l'arrivée, avant la signature de la police, l'assurance serait nulle. Mais comment discerner cette connaissan ce positive?

Le Statut de Gênes se contente d'une notice opérée par un bruit légitimement prouvé: Ad terminos Statuti genuensis, de securitate, notitia casûs sinistri probari potest per famam legitimè probatam. Casaregis, disc. 6, n°. 17.

Le Réglement d'Amsterdam, art. 20, se contente aussi d'une notice; et cn l'article suivant, il soumet l'assureur à faire apparoir que l'assuré fût déjà averti de la pérte.

Notre Ordonnance se borne à dire, si l'assuré ou l'assureur SAVAIENT, sans déterminer aucune règle là-dessus.

Il était en effet impossible d'établir une règle sur un point qui dépend du concours de mille circonstances. La preuve est donc laissée à l'arbitrage du juge. Telle est la doctrine générale. Probatur dicta notitia casûs sinistri per conjecturas, præsumptiones et indicia. Sufficiunt leves et semi-plena probationes; sunt judici arbitrariæ. Roccus, not. 78. Rote de Gênes, déc. 36, no. 3 et 1 1; déc. 42, no. 1. Straccha, gl. 27, no. 6. De Luca, de credito, disc. 109, no. 2. Valin, art. 40, des assurances.

Voici divers exemples de preuves équivoques, d'après lesquelles, suivant les circonstances, les assureurs ont obtenu gain de cause, ou ont été condamnés à payer la perte :

Premier exemple. Un capitaine, faisant sa déposition au bureau de la santé assureurs ont été dé à Marseille, demanda des nouvelles du vaisseau du capitaine Grasson. On lui répondit qu'il n'était pas arrivé. Il dit alors qu'il craignait qu'il n'eût pèri. Deux jours après, un intéressé à ce navire fit faire des assurances pour 4,000 liv. L'année s'étant écoulée, l'assuré fit son délaissement, attendu le défaut de nouvelles, et requit le paiement de la somme assurée.

Sentence interlocutoire, qui ordonna que les assureurs vérifieraient que le capitaine qui avait demandé des nouvelles de Grasson, avait ajouté qu'il l'avait vu disparaître après une furieuse tempête.

Enquête qui prouvait que ce capitaine avait parlé du naufrage de Grasson en doutant, et que, lors de l'assurance faite, il y avait un bruit incertain du sinistre.

Sentence du 22 novembre 1752, qui condamna les assureurs à payer la perte. Arrêt du 22 juin 1754, au rapport de M. d'Esclapon, qui réforma cette sentence, et débouta l'assuré de sa requête, avec dépens..

Second exemple. M. Pothier, no. 13, rapporte un arrêt dont voici l'espèce : Le sieur Woulf avait fait assurer, pour compte de deux négocians de Gand, sur bonnes ou mauvaises nouvelles, par la chambre d'assurance de Paris, 47,000 liv., sur le vaisseau le Prince Charles (déjà péri). Les assureurs, assignés à l'amirauté du Palais, mirent en fait que le jour que les négocians de Gand avaient écrit à Woulf, pour lui donner ordre de faire assurer, la gazette d'Amsterdam, qui annonçait la perte du vaisseau, avait été publique à Gand dès le matin. La preuve de ce fait ayant été rapportée, sentence qui déclara nulle la police d'assurance, et condamna les assurés au paiement de la double prime. Arrêt rendu par le Parlement de Paris, le 29 août 1769, qui confirma cette

sentence.

Troisième exemple. Le 4 août 1762, la pinque Saint-François, capitaine JeanBaptiste Olive, partit du Morvedre, côte de Valence, pour aller à Cette. Le 6, elle fut prise par un corsaire anglais.

Le

7,

le sieur Jean Duclos, négociant français, résidant à Valence, intéressé à la cargaison de ce navire, écrivit au sieur Paul-François Chaudon, de Marseille : « Si, au reçu de la présente, vous n'avez pas avis de l'arrivée à Cette › de la pinque Saint-François, capitaine Jean-Baptiste Olive, je vous prie de faire assurer tout de suite 60,000 liv., sur le montant des laines chargées pour mon compte. »

D

Le 13, le capitaine Olive, qui s'était sauvé à terre dans la chaloupe avec l'équipage, fit son consulat à Vinneros, pardevant le vice-consul de France. Le 18, le sieur Chaudon ayant reçu la lettre de Duclos, commit les assurances à divers courtiers, et entre autres à B***.

Le 19 du même mois d'août, jour de jeudi, la police commise à B***. fut ouverte pour 4,600 liv. Elle portait la clause banale, nonobstant bonne ou mauvaise nouvelle; renonçant à la lieue et demie pour heure.

Le soir du même jour 19 août, le courrier d'Espagne arriva. L'usage était alors que bien des négocians envoyaient prendre sur-le-champ leurs lettres au bureau de la poste.

Il y avait diverses lettres qui donnaient avis de la prise de la pinque. Il y

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avait également une lettre de la part du sieur Duclos au sieur Chaudon, laquelle s'expliquait de la sorte; « Je vous confirme dans tout son contenu ma › dernière du 7 de ce mois, notamment la prière que je vous ai faite pour l'as»surance de 60,000 liv...... Je souhaite d'autant plus que vous ayez effectué › en entier ladite assurance, qu'il s'est répandu ici un bruit que le capitaine » Olive a été pris......... Nous ne pouvons encore rien dire là-dessus, jusqu'à ce » que nous sachions positivement de quoi il s'agit. En attendant, je serai impatient d'avoir de vos nouvelles sur l'exécution de cette assurance. »

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Le lendemain, jour de vendredi, à huit heures du matin, le courtier B***. alla chez le sieur Antoine Aillaud, qui, sans apposer une nouvelle date, signa la police pour 3,000 liv.

En sortant de la maison du sieur Aillaud, B***. apprit que la pinque SaintFrançois avait été prise, et que la nouvelle de ce sinistre était venue par des lettres du courrier arrivé la veille au soir. Sur-le-champ il retourna chez le sieur Aillaud. On laissa subsister sa signature; on effaça les mots trois mille, et on substitua le mot de cent livres. La inême opération fut faite aux chiffres: le 3 fut surchargé d'un 1, et le dernier o fut effacé. Tout cela fut constaté par un verbal que B***. dressa au bas de la police.

Requête contre le sieur Aillaud et contre le courtier. On disait qu'il n'avait pas dépendu de celui-ci d'altérer la police, et que son procès-verbal n'était bon qu'à l'incriminer. On reconnaissait la probité du sieur Aillaud; mais on disait qu'il s'était condamné lui-même, et que si la police était bonne pour 100 liv., elle devait l'être pour 3,000 liv.

Sentence du 3 décembre 1763, rendue par notre amirauté, qui condamna le sieur Aillaud au paiement des 3,000 liv. par lui assurées, avec dépens, et qui, sur les autres qualités, mit les parties hors de Cour et de procès, dépens compensés. Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 28 juin 1765, au rapport de M. de Ballon, qui réforma cette sentence, et donna gain de cause au sieur Aillaud.

On regarda B***. comme un vrai étourdi. Il était prouvé, 1°. que le 20, à huit heures du matin, la nouvelle de la perte était publique dans Marseille, et qu'à la même époque, le sieur Chaudon avait déjà reçu la dernière lettre de Duclos. Mais le sieur Chaudon n'avait pas eu le moyen d'aviser le courtier (qui était alors en tournée), pour qu'il cessât de chercher des signatures. Dans ces circonstances, le Parlement crut que l'équité répugnait à la demande de l'assuré. On n'eut garde cependant de condamner l'assuré à la peine de double prime, parce qu'il n'était coupable d'aucune fraude.

Pour la bonne règle, il semble que le courtier aurait dû être réprimandé, soit pour avoir altéré l'acte par lui reçu, soit pour n'avoir pas renouvelé ou fait renouveler la date de la police. Ce dernier abus subsiste toujours dans notre loge, malgré l'Ordonnance et tous les réglemens rappelés ci-dessus, ch. 2, sect. 4.

Quatrième exemple. Un convoi de cinquante-sept navires marchands, parti de Saint-Domingue, escorté par des vaisseaux du roi, était attendu en France. Amand Baas, juif, négociant à Bordeaux, s'était rendu assureur sur quinze navires de ce convoi.

Le 19 octobre 1779, une lettre arrivée à Bordeaux portait qu'à la hauteur des îles Bermudes, le convoi de Saint-Domingue avait essuyé un gros coup de vent du nord, et que plusieurs des navires avaient péri.

Le même jour, 19 octobre, Baas se fit réassurer 30,700 liv. sur les quinze risques par lui pris.

Peu de tems après, on sut que des quinze navires réassurés, trois avaient péri, trois avaient été pris par les Anglais, et que trois étaient arrivés à bon port. Le sort des six autres était ignoré.

Les réassureurs, attaqués en justice, opposaient l'exception du dol. Le réassuré disait, 1°. que lors de la réassurance, il ignorait parfaitement la lettre ci-dessus rappelée; que cette lettre était alors secrète, et n'était devenue publique que deux jours après; 2°. que la lettre ne parlait pas des navires réassurés, et que la police contenait la clause imprimée sur bonne ou mauvaise nouvelle.

Sentence rendue par l'amirauté de Bordeaux, qui donna gain de cause aux réassureurs.

Consulté sur l'appel de cette sentence, mon avis fut que la lettre alléguée n'était pas par elle-même une preuve du sinistre des navires réassurés, dont le sort était ignoré lors de la réassurance. Mais que s'il était vrai qu'à cette époque, le sieur Baas eût eu connaissance de ladite lettre, il aurait agi de mauvaise foi; car celui qui veut se faire assurer, doit manifester tous les faits qui sont de sa connaissance, et dont il importe aux assureurs d'être instruits avant que de souscrire la police. Si les réassureurs de Baas eussent eu connaissance de la lettre, ou ils ne se seraient pas chargés du risque, ou bien ils auraient stipulé une plus haute prime que celle de vingt-cinq un quart pour cent, dont ils s'étaient contentés. La question se réduisait done en fait, et j'ignore comment elle a été décidée par le Parlement de Bordeaux.

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Divers cas où les

Voici d'autres exemples qui ne sont pas contraires aux précédens, quoicondamnés à payer que les assureurs aient été condamnés à payer la perte :

assureurs ont été

la perte.

Premier exemple. Le 3 juin 1754, la corvette le Saint-François, capitaine André Ravel, fut prise par les Saletins, et conduite à Campanella, en Barbarie. Deux matelots se sauvèrent à la nage, et se réfugièrent à Alger. Le 12 juillet suivant, le sieur Guiraud se fit assurer 8,000 liv. sur cette corvette. Les assureurs, attaqués en justice, soutinrent que l'assuré avait eu connaissance du sinistre. Sentence interlocutoire du 3 septembre 1755, qui ordonna qu'avant dire droit, les assureurs prouveraient que, lors des assurances, Guiraud savait la perte.

Il résulta de l'enquête que, lors des assurances, Guiraud était dans une grande crainte, et qu'il s'était extrêmement hâté d'avoir des assureurs; mais nulle preuve certaine qu'il sût le sinistre. Sentence définitive, du 28 janvier 1756, qui lui donna gain de cause.

Second exemple. Le vaisseau la Belle-Esclave était parti de Marseille pour le Levant. Le 29 mars 1757, le capitaine Mathias Teissel, suédois, commandant le vaisseau le Commerce, déposa au bureau de la santé (à Marseille) que « le » 9 du même mois de mars, étant entre la Sicile et la Sardaigne, il fut visité » par un corsaire anglais, qui avait à la remorque un vaisseau français, d'en

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» viron douze à quatorze canons, parti depuis quelques jours de Marseille, à ce que lui rapporta ledit capitaine anglais. »

Le 31 du même mois, le sieur Blanc, supercargue du vaisseau suédois, écrivit de quarantaine au capitaine Vence: « La prise que le corsaire anglais » a faite était de Toulon, ainsi que l'ont dit les matelots du corsaire. C'est un vaisseau de quatorze à seize pièces de canon, peint de noir et jaune, la fi› gure de sa poulaine est peinte de diverses couleurs, sans bouteilles, et ledit › vaisseau était en lest. Je ne puis vous donner d'autres informations. (N. B. C'était la Belle-Esclave, très-bien désignée, à l'exception de l'article concernant le lieu du départ).

Le même jour 31, le sieur Pierre Gouffre fit assurer, sur la Belle-Esclave, la somme de 1,000 liv.

Sentence du 18 novembre suivant, qui condamna les assureurs à payer la perte, attendu que la déposition du capitaine suédois ne renfermait rien de positif, et que la lettre reçue par le sieur Vence n'avait pas encore été divulguée dans la loge, lorsque l'assurance fut faite.

Les exemples pour et contre, que je viens de rapporter, font voir combien, en cette matière, la preuve est arbitraire. Le même fait, considéré sous tel

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