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ou tel autre point de vue, produit, suivant les circonstances, une décision opposée. On peut cependant faire quelques observations générales.

$3. L'assureur doit sa

Au ch. 1, sect. 5, j'ai dit que celui qui veut se faire assurer, doit manifester tous les faits dont il importe aux assureurs d'être instruits, avant que de si- voir autant que l'asgnér la police. J'ai cité à ce sujet le beau passage de Cicéron, de officiis, sure, et vice versa.

cap. 12 et suiv.

M. Pothier, pag. 194, dit que «la bonne foi qui doit régner dans le contrat

› d'assurance, de même que dans tous les autres, oblige chacun des con

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› tractans de ne rien dissimuler à l'autre de ce qu'il sait sur les choses qui

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› font la matière du contrat; car cette dissimulation est un dol. »

On aurait tort de croire qu'au n°. 199, cet auteur ait voulu modifier son sentiment, lorsqu'il a ajouté que « l'obligation que la bonne foi impose aux parties de ne rien dissimuler de ce quelles savent sur les choses qui sont de la substance du contrat, ne concerne ordinairement que le for de la con› science. Il en cst autrement de l'obligation qu'elle impose à chacune des parties, de ne pas induire l'autre en erreur par de fausses déclarations sur ⚫ les choses qui sont de la substance du contrat; celle-ci concerne le for exté⚫rieur. Ces fausses déclarations peuvent donner lieu dans le for extérieur à › faire prononcer la nullité du contrat. »

La fausse déclaration est positive par elle-même. Il est facile de la prouver. Voilà pourquoi elle fournit dans le for extérieur un moyen aisé d'attaquer le

contrat.

La dissimulation ne laissant par elle-même aucune trace réelle et physique, la chose ne concerne ORDINAIREMENT que le for de la conscience; mais il n'est pas moins vrai que la dissimulation des faits ne soit un dol véritable. Si elle est prouvée, on ne doit pas hésiter de casser l'assurance, qui est essentiellement un contrat de bonne foi, duquel l'équité veut qu'on écarte toute feinte et toute surprise. Suprà, ch. 1, sect. 5.

Le négociant qui s'était fait assurer 4,000 liv. sur le vaisseau du capitaine Grasson, fut débouté de sa demande par l'arrêt du 22 juin 1754, parce qu'il avait dissimulé aux assureurs la déposition faite deux jours auparavant au bureau de la santé.

Malgré l'incertitude des nouvelles données dans une gazette non ministérielle, les négocians de Gand furent déboutés de leur demande par arrêt du Parlement de Paris, parce qu'ils avaient dissimulé ce fait.

Malgré l'équivoque de la lettre de Jean Duclos, le sieur Aillaud, à qui

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cette lettre avait été dissimulée, fut dispensé de payer la perte, par arrêt du Parlement d'Aix, du 28 juin 1765.

Si le juif Baas, lors des réassurances qu'il fit faire, avait eu connaissance de la lettre dont il s'agissait, la sentence de l'amirauté de Bordeaux, qui le débouta de sa requête, serait très-juste, à cause de la dissimulation frauduleuse.

En un mot, il n'y a point de différence sur ce point entre le for intérieur et le for extérieur. Tout dol qui n'est pas prouvé reste impuni aux yeux des hommes; mais tout dol qui est prouvé doit être réprimé, et je condamne très-fort la doctrine scandaleuse du jésuite Lessius, en son Traité de justitiâ et jure, lib. 2, cap. 28, no. 27, pag. 355, qui soutient qu'un assureur, pour profiter d'une prime avantageuse, peut dissimuler les faits dont il est instruit en son particulier. Les faits, dit-il, à moi seul connus, qui diminuent le péril, n'en diminuent pas la croyance commune : Adverte si ordinariè multùm detur pro assecuratione, ob magna pericula, quæ plerumque vel à tempestate, vel à piratis impendent, quamvis ego præsciam ex astrologiâ, vel aliundè, non fore tempestatem; aut ex litteris amici, non fore piratas, aut fore securum comitatum, possum nihilhominùs pretium ordinarium assecurationis accipere; quia illa obligatio passim tanti æstimatur, eò quòd pericula ordinariè occurrentia sint magna. Occulta enim illæ causæ, mihi duntaxat notæ, quæ periculum minuunt, non minuunt communem æstimationem,

D'après ce principe, le commerce des assurances ne serait qu'un brigandage. Mais les négocians honnêtes en agissent bien autrement. Ils n'abusent jamais de l'ignorance de l'assuré ; et lorsqu'il s'agit de se faire assurer euxmêmes, ils n'omettent aucune circonstance des risques auxquels leurs assureurs doivent s'exposer.

La loi 9, § 3, ff de juris et fact. ignor., dit qu'on n'est pas censé ignorer ce qui est connu de tous les habitans de la ville où l'on demeure: Quid enim, si omnes in civitate sciant quod ille solus ignorat?

La loi 11, § 3, de inst. act., décide qu'on n'est pas censé ignorer ce qui est manifesté par affiches publiques.

Valin, art. 48, titre des assurances, et Pothier, no. 156, ibid., disent que le délai des prescriptions court depuis le tems auquel la nouvelle a commencé d'être publique et notoire dans le lieu où l'assurance a été faite.

Dans les mémoires manuscrits attribués à Duperier, v°. assureur, il est dit que l'usage de Marseille est que les assureurs doivent prouver que la nou

velle de la perte était connue dans la ville, quand l'assûreté a été faite, mais » non pas que l'assuré le sût.

»

Cette doctrine est sage; elle paraît avoir dicté quelques-unes des décisions ci-dessus rapportées, ou que je rapporterai dans la section suivante.

Le mot savait, de l'Ordonnance, ne paraît pas être de nature à obliger qu'on rapporte la preuve positive d'une connaissance personnelle, s'il est vrai que la nouvelle de la perte ou de l'arrivée soit publique dans la ville. C'est alors le cas de dire, avec le Statut de Gênes, que la notice est constatée per famam legitimè probatam. Vide infrà, ch. 19, sect. 2.

$5. La connaissance

L'ignorance des faits est présumée, s'il n'y a preuve contraire: Præsumitur ignorantia, ubi scientia non probatur, cap. 47, de reg. jur., in 6°. On n'est pas positive n'est pas blâmable de se tromper, lorsqu'on ignore les faits d'autrui : In alieni facti présumée. ignoratia, tolerabilis est error. Loi 5, ff pro suo.

En règle générale, celui qui fait assurer une chose déjà perdue, et celui qui assure une chose déjà arrivée, sont également présumés de bonne foi, jusqu'à ce que le contraire soit prouvé : In hoc casu, ignorantia semper præsumitur, non probatâ scientiâ. Roccus, not. 51 et 78. In dubio præsumendum in exteriori foro, non adfuisse scientiam. Molina, de just. et jur., disp. 507, no. 5, tom. 2, pag. 1154. Casaregis, disc. 6, no. 10. Cleirac, sur le Réglement d'Amsterdam, art. 21, pag. 371. Pothier, n°. 13.

Mais en cette matière, on admet, suivant les circonstances, les indices et les présomptions de fraude: Hujusmodi notitiæ probatio præsumpta residet in judicis arbitrio, quocircà istud factum interponendum est. De Luca, de credito, disc. 109, no. 3. Casaregis, disc. 1, no. 15; disc. 6, no. 39 et 51. Roccus, not. 78. S'il n'y a pas de fraude, et que l'une des parties ne soit pas plus instruite que l'autre, la moindre incertitude de l'événement heureux ou malheureux de fraude, la moinsuffit pour valider l'assurance. C'est le cas dont parle la Rote de Gênes, déc. 42, n°. 5: Notitiam intelligimus de verâ, certa, legitimâ et idoneâ notitiâ.

M. Valin, art. 40, titre des assurances, dit que « autre chose est de savoir » la perte d'un navire, et autre chose est d'avoir lieu, et même un juste sujet » de crainte. » Dans le premier cas, l'assurance est nulle; dans le second, elle est valable, s'il n'y a ni dol, ni dissimulation, ni fausse assertion.

La prime est alors stipulée relativement à l'idée plus ou moins grande du bon ou du mauvais succès. Lessius, lib. 2, cap. 28, n". 24 et 26.

Ainsi, l'assurance d'un navire, dont on n'a aucune nouvelle depuis plus de deux ans, peut être valable. Suprà, ch. 14, sect. 4.

Ainsi, après la nouvelle parvenue à Marseille de l'ouragan de 1779, qui

$6. S'il n'y a point dre incertitude suffit pour valider l'assu

rance.

$ 7. Assurance faite

d'entrée à Marseille,

avait dispersé notre convoi de Saint-Domingue et englouti plusieurs vaisseaux, on fit des assurances et des réassurances sur divers navires du même convoi, dont les primes montèrent jusqu'à quatre-vingt dix pour cent.

Tel fut encore le cas des réassurances faites sur les trois frégates du roi la Valeur, la Fleur de Lys et la Sirène, dont j'ai parlé au ch. 8, sect. 13.

Malgré le bruit public de la perte ou de l'arrivée du navire, l'assurance serait légitime si ce bruit n'avait aucun caractère de certitude, et qu'il fût également connu des parties contractantes. La renommée sème le mensonge de la même manière qu'elle annonce la vérité :

Tam ficti pravique tenax, quàm nuntia veri.

(VIRGILE, lib. 4, vers. 188 ).

Le faux va toujours en croissant, et une nouvelle bouche se hâte d'ajouter quelque chose à ce qu'on vient d'entendre:

Mensuraque ficti

Crescit, et auditis aliquid novus adjicit auctor.

Illic credulitas, illic temerarius error.

(OVIDE, lib. 12, Metam. 3). Vide Casaregis, disc. 6, no. 39 et seq.

Il suffit donc qu'on n'ait pas certitude de l'arrivée ou de la perte de la chose, pour qu'il soit permis de la faire assurer, pourvu que toutes les circonstances connues soient manifestées.

En 1781, je fus consulté sur une assurance faite dans Marseille, et d'endans Marseille, et trée à Marseille, sur les facultés d'un navire qui était arrivé depuis six jours sur un navire dejà dans le port de la même ville. Ce cas paraît étrange, mais il n'est pas nouarrivé dans le port veau. La police renfermait la renonciation à la lieue et demie pour heure ( de quoi je parlerai dans la section suivante ).

de la même

L'assureur prétendait que la prime lui était due, soit parce que, lors de la signature de la police, il ne savait pas le retour du navire, soit parce que les marchandises n'ayant pas encore été déchargées à terre, elles se trouvaient exposées à des risques dont il était responsable.

Je fus d'un avis contraire. 1°. Le risque des marchandises d'un navire déjà arrivé dans le port de sa destination ne fit jamais par lui-même la matière d'une assurance maritime.

2o. La publicité du retour du navire dans le lieu même où l'assurance a été

faite, suffit pour rendre nulle cette assurance, suivant les règles ci-dessus rappelées.

3. L'art. 40, titre des assurances, en permettant de faire des assurances sur bonnes ou mauvaises nouvelles, suppose qu'il y ait une distance entre l'endroit de l'arrivée du vaisseau et le lieu où la police a été pussée. Cela résulte de l'article qui précède.

4°. Il répugnerait que, dans pareilles circonstances, on laissât subsister un contrat duquel toute apparence de fraude doit être soigneusement écartée.

Je sais que beaucoup de négocians ne sont pas de cet avis, et l'on m'a attesté qu'en pareil cas, la prime avait été payée. Je persiste cependant dans mon opinion. Notre port est un asile assuré pour les navires qu'il renferme : Statio benè fida carinis. Ils ne peuvent y entrer sans que le capitaine ait fait sa déclaration assermentée au bureau de la santé. Pareilles déclarations sont aussitôt rendues publiques, et un assureur a très-mauvaise grâce de vouloir profiter de l'erreur supine d'un citoyen mal avisé : L'abitante in una città si deve presumere che sappia ciò che in quella notoriamente succede. Casaregis, il cambista instruito, cap. 1, n°. 21. La présomption dont cet auteur parle est admissible contre l'assureur qui voudrait profiter d'une prime gratuite, et nullement contre l'assuré, dont l'ignorance réelle n'est pas équivoque. En pareil cas, le premier certat de lucro captando, et le second, de damno vitando.

CONFÉRENCE.

CLXXXVI. Le fait que les parties savaient l'événement peut être justifié de deux manières, par la présomption et par des preuves positives, d'après les dispositions de la loi nouvelle. L'art. 38, titre des assurances, de l'Ordonnance, établissait également deux hypothèses et deux sortes de connaissances, l'une positive, l'autre présumée. Il portait : Si l'on savait ou si l'on pouvait savoir la perte ou l'arrivée, l'assurance serait nulle. Il n'y a de différence entre l'ancienne et la nouvelle loi, qu'en ce que l'Ordonnance parle d'abord de la preuve positive, et que le nouveau Code de commerce ne s'en occupe qu'après la preuve de la connaissance présumée.

Dans toutes circonstances, les parties sont admises à prouver la connaissance positive de l'événement au moment de la signature du contrat d'assurance. Il leur est permis même d'abandonner la présomption légale, quand elle leur est acquise, pour convaincre la partie adverse de fraude, et obtenir contre elle la double prime (art. 368 ), indépendamment de la nullité du contrat.

Il leur est permis, à plus forte raison, de prendre cette voie, sans attendre que la présomption légale soit acquise; c'est-à-dire de devancer l'époque où la nouvelle de l'événement est censte être parvenue au lieu du contrat.

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