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$3. S'il y a fraude.

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De là, il suit que, lorsqu'un armateur a fait assurer son vaisseau pour > un certain voyage, si le voyage a été entièrement rompu avant le départ du vaisseau, quoique par le fait de l'assuré, la prime ne sera pas due aux as> sureurs, parce que le vaisseau n'étant aux risques des assureurs que du jour qu'il a mis à la voile, ils n'ont, en ce cas, couru aucuns risques; et si elle » leur avait déjà été payée, ils seront tenus de la rendre conditione sine causâ,

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› comme l'ayant reçue indûment. C'est la disposition de l'art. 27.

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Pareillement, si des marchands ont fait assurer des marchandises qu'ils > se proposaient de charger sur un certain vaisseau, et que ces marchands › ayant changé d'avis, le chargement ne se soit pas fait, la prime d'assurance › de ces marchandises ne sera pas due aux assureurs, qui n'ont, en ce cas › couru aucun risque.

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Molina, de justit. et jur., disp. 507, n°. 7, tom. 2, pag. 1155, décide la question de la même manière. Ratio est, dit-il, quoniam deest materia contractûs sine quâ subsistere nequit, et quia censetur factus ex hypothesi, quòd merces navi imponerentur, atque adeò, illis non impositis, defuit consensus; et imposità solùm parte earum, defuit similiter consensus quoad reliquam; quæ imposita non fuit.

Tout ce qui vient d'être observé n'est guère susceptible de difficulté au sujet des assurances qui se font de sortie de l'étranger, parce qu'on ignore ce qui s'y passe.

Mais si, dans Marseille, par exemple, on fait faire pour son compte des assurances sur un navire qui parte sans qu'on y ait aucun intérêt, on doit, par un avenant, le déclarer aux assureurs. Guidon de la mer, ch. 3, art. 3; suprà, ch. 2, sect. 4.

Si, pour rompre le silence, on attendait que le navire fût heureusement arrivé, on s'exposerait à subir les peines que méritent ceux qui font faire des assurances après l'événement connu (suprà ch. 15, sect. 7), ou qui, par fraude, font assurer des effets au-delà de leur valeur. Suprà, ch. 9, sect. 1.

L'usage où l'on est parmi nous de signer les polices en blanc, et la facilité de changer le pour compte, sont susceptibles de mille fraudes. Suprà, ch. 2, sect. 4.

L'assuré qui, par la police, affirmerait avoir lui-même chargé les marchandises assurées, serait, de son chef, non recevable à soutenir qu'il n'a rien chargé : Nemo auditur allegans propriam turpitudinem. On se trouverait alors au cas de la doctrine de Straccha, gl. 6, n°. 9; de Santerna, part. 3, n°. 19 et 21, etc.

Voici un cas des plus singuliers : J. T., négociant à Marseille, s'était avisé de faire faire des assurances pour son compte, sur des vaisseaux où il n'avait aucun intérêt. Son objet avait été de se procurer quelque crédit. Il fit faillite.

Les syndics de sa direction ayant vérifié que les primes gratuites qu'il avait payées à ce sujet se montaient à environ 10,000 liv., présentèrent requête en répétition contre les assureurs.

Ceux-ci répondaient, 1°. qu'ils avaient reçu de bonne foi les primes, et que les syndics qui exerçaient les actions du failli n'avaient pas plus de droit que lui; 2o. que la loi paulienne ne compète pas contre ceux qui ont agi de bonne foi. Lois 1 et 10, ff quæ in fraud. cred. ; 3°. que si la turpitude est seulement du côté de celui qui a compté l'argent, la répétition n'a pas lieu : Si dantis sit turpitudo, non accipientis, repeti non potest. Lois 1 et 4, ff de condict. ob turp. caus. Loi 4, Cod. de revoc. donat. Loi 5, Cod. de servo pignori dato.

Les syndics, pour qui j'écrivais, disaient que le risque est de l'essence de l'assurance, et forme le principal fondement du contrat; que s'il n'y a rien de chargé, il n'y a ni risque, ni assurance, ni prime; que, suivant l'Ordonnance, le ristourne a lieu dans le cas même où, par le fait de l'assuré, le voyage a été rompu. Je rappelais l'histoire de Thrasyle, citoyen d'Athènes, qui s'était imaginé que tous les vaisseaux qui entraient dans le Pyrée lui appartenaient. Il se croyait riche, et cette croyance faisait sa félicité. Ses amis vinrent à bout de le guérir d'une manie si étrange; dès lors il se vit pauvre, et il regreta son erreur passée.

Sentence rendue en 1781 par notre amirauté, qui condamna les assureurs à restituer les primes, avec intérêts depuis la demande et dépens. Cette sentence fut acquiescée. Si J. T. n'eût pas fait faillite, il aurait été non recevable à alléguer sa propre honte pour s'en faire un titre; mais la même exception ne pouvait pas être opposée aux syndics de la masse.

CONFÉRENCE.

CXCIII. L'art. 349 de la loi nouvelle a consacré les dispositions des art. 22 du Réglement d'Amsterdam, et 37, titre des assurances, de l'Ordonnance. « Si le voyage est rompu avant le » départ du vaisseau, porte cet article, même par le fait de l'assuré, l'assurance est annulée; » l'assur eur reçoit, à titre d'indemnité, demi pour cent de la somme assurée. »

Il faut bien faire attention que la loi dit avant le départ du vaisseau, et que, comme l'observe Emérigon, elle entend par là avant le commencement du voyage assuré, avant que la chose assurée ait été exposée aux dangers de la mer. Le navire peut être parti sans que les assureurs aient couru aucun risque. Par exemple, j'expédie un navire de Paimbauf pour Haiti; je le fais assurer, en convenant que l'assureur ne répondra des risques qu'à partir du Pilier. Le navire

(Voyez

met à la voile, mais avant son arrivée à la hauteur de ce rocher, je romps le voyage. L'assurance est annulée, et il n'est dû à l'assureur que l'indemnité du demi pour cent. d'ailleurs ci-dessus ce que nous avons dit à la conférence, sur la sect. 11 du chap. 13 ). Il en serait autrement si les risques de mer avaient commencé à courir, ainsi que nous allons le voir dans la section suivante.

Si, d'un autre côté, je faisais assurer sur un navire où je n'ai aucun intérêt, ou si je fais assurer des marchandises qui n'y sont pas chargées, je ne peux d'abord me dispenser, à son retour, de payer la prime stipulée, et en second lieu, je dois subir les peines que méritent ceux qui ont fait faire des assurances après l'événement couru, ou qui, par fraude, font assurer des effets au-delà de leur valeur. Argument de l'art. 357 du Code de commerce).

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Enfin, l'usage de signer les polices en blanc est aujourd'hui proscrit par l'art. 332 du Codede commerce. C'est au moyen des blancs qu'il est facile de modifier les clauses du contrat, afin de commettre des faux qui nuisent aux droits des parties.

SECTION II.

Nul ristourne, si les assureurs ont commencé à courir les risques:

• Les assureurs ne sont pas tenus de restituer la prime, s'ils ont commencé à courir les risques.» Art. 27, titre des assurances, de l'Ordonnance. Valin, ibid., et Pothier, n°. 184 et 185.

Il suffit que le risque ait commencé, pour que la prime soit due, quand même il n'aurait duré qu'un moment.

Cela paraît répugner aux principes établis ci-dessus. La prime est periculi pretium. La prime, pour être équitable, doit être le juste prix des risques dont l'assureur se charge. Suprà, ch. 3, sect. 2. L'assurance est un contrat de bonne foi, dans lequel l'égalité doit régner. Suprà, ch. 1, sect. 5.

Toutes ces règles sont vraies dans leur généralité; mais, 1°. quoique le contrat d'assurance soit principalement du droit des gens, il tient aussi parmi nous quelque chose du droit civil. Suprà, ch. 1, sect. 6.

La tranquillité publique, la paix des familles, la nécessité de prévenir les procès, portent souvent le législateur à faire des réglemens qui, malgré leur impuissance à prévenir toute injustice particulière, procurent le plus grand bien; ce qui suffit pour qu'on doive s'y soumettre sans répugnance. Le droit naturel n'est pas alors violé; il est simplement modifié, parce que l'intérêt de la société civile l'exige. . Il en est des lois comme des autres ouvrages humains; on n'en voit point qui n'ait quelque imperfection, ou qui ne soit susceptible de quelque difficulté. Toute la sagesse du législateur et toute la

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› perfection de la loi consistent souvent, non pas à faire une disposition qui , soit exempte de toutes sortes d'inconvéniens, mais à préférer celle qui en a » le moins. M. d'Aguesseau, tom. 9, pag. 412.

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Nulla lex satis commoda omnibus est; id modò quæritur, si majori parti, et in summam prodest. C'est ainsi que parlait Caton le censeur dans son oraison pro lege opia, rapportée par Tite-Live, lib. 34, no. 3.

Ainsi, quoique le navire pris soit aussitôt remis en liberté, l'action d'abandon n'en est pas moins ouverte contre les assureurs. Suprà, ch. 12, séct. 19; infrà, ch. 17, sect. 2. Ainsi, dès que le voyage a été changé, les assureurs ne répondent plus des risques, quand même le navire reviendrait dans la voie prescrite. Suprà, ch. 13, sect. 16. Ainsi, l'augmentation des primes fut adjugée au sujet de tous les navires qui se trouvaient en route le 17 juin 1778, quoiqu'il n'y eût alors aucun risque effectif procédant de la guerre. Suprà, ch. 3, sect. 4.

Il n'est donc pas surprenant que, pour prévenir les litiges, l'Ordonnance ait établi, en l'art. 27, que les assureurs ne seront pas tenus de restituer la prime, s'ils ont commencé à courir les risques. Cette décision est générale; elle ne reçoit aucune exception. Un moment de risque suffit donc pour que les assureurs acquièrent définitivement la prime. Vide suprà, ch, 3, sect. 1, où je parle du navire qui ne fait point de retour; ch. 12, sect. 16, où je parle du changement de navire, et sect. 31, où je parle de l'interdiction de commerce; ch. 13, sect. 11, où il s'agit du voyagé rompu; sect. 12, où je parle du voyage raccourci, du navire sorti du port et qui y rentré aussitôt, de la marchandise remise à terre; même ch. 13, sect. 14, où je parle du voyage changé; ch. 6, sect. 4, S1, où il s'agit du vaisseau qui quitte l'escorte ou qui part sans escorte.

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2o. Voici la véritable raison de décider : La prime est le prix du péril qu'on a envisagé ou pu envisager dans le principe; si ce péril augmente ou diminue, on doit l'imputer au hasard : vrai caractère des contrats aléatoires. ( Incertitudo, tempore contractûs æquè se habet ad lucrum, sicut ad damnum. Dumoulin, contr. usur., no. 471 et 816). Et, comme je l'ai dit suprà, tom. 1, la perte ou le dommage, considérés dans l'incertitude des événemens, sont la matière de

l'assurance.

CONFÉRENCE.

CXCIV. Ici se reproduit la distinction que nous avons annoncée à la section précédente, sur Part. 349 du Code de commerce. Si l'assureur a commencé à courir des risques, la prime lui est due, parce que le contrat a reçu un commencement d'exécution. La loi ne distingue point si les risques ont couru plus ou moins de tems. Quand le navire n'aurait fait que sortir du

port, et quand les marchandises n'auraient été chargées que dans les gabares, pour les porter au navire, cela suffirait pour que la prime fût entièrement due aux assureurs. Par l'art. 349, la loi n'ordonne la restitution de la prime que lorsque le voyage est rompu avant le départ du navire, c'est-à-dire avant les risques maritimes commencés. D'où il suit que lorsque le vaisseau est une fois parti, et que, par son départ, les risques ont commencé, la prime est entièrement acquise et due irrévocablement aux assureurs. - (Voyez d'ailleurs les art. 351 et 364 du Code de commerce, et Valin sur l'art. 37, titre des assurances, de l'Ordonnance).

Cependant, si l'assurance sur marchandises est à prime liée et que les risques aient cessé de courir dès l'aller, l'assureur ne pourra prétendre que les deux tiers proportionnels de la prime convenue, s'il n'y a stipulation contraire. — ( Argument de l'art. 356 du Code de commerce). On sait qu'en matière d'assurance, l'aller est compté pour un voyage, et le retour pour un autre, toutes les fois que les parties ne se sont pas expliquées.

Mais si la police comprend l'aller et le retour pour une même prime, qu'on appelle alors prime liée, et que le navire ne fasse point de retour, l'assureur ne pourra effectivement réclamer la totalité de la prime, quoique cette prime, indivisible par sa nature, soit en général acquise à l'assureur, dès qu'il a commencé à courir les risques.

C'est ici une modification des principes qui règlent les effets de la prime liée dans les autres circonstances; c'est une exception de la loi, mais seulement dans l'espèce sur laquelle elle statue; car il est bien à remarquer que la disposition de l'art. 356 ne concerne que l'assurance qui a pour objet des marchandises, et non l'assurance qui a pour objet le navire.

L'Ordonnance de 1661, art. 6, des assurances, accordait à l'assureur les deux tiers de la prime. Le Code de commerce (art. 356 ), a dit : Les deux tiers proportionnels de la prime.

Mais quid, si le navire était péri en chemin? Il faut répondre avec Valin et Pothier, et la jurisprudence est conforme à l'avis de ces deux auteurs, « qu'il n'y a pas lieu à la restitution d'aucune partie de la prime, car par la perte du navire, le contrat d'assurance a reçu une entière consommation. Les assureurs étant devenus, par cet accident, débiteurs de la somme entière qui a été assurée tant pour l'aller que pour le retour, il est juste que l'assuré leur doive, de son côté, la prime, tant pour l'aller que pour le retour. » - (Voyez Valin sur

l'art. 27, assurances, de l'Ordonnance, et Pothier, assurances, no. 187; voyez d'ailleurs ce que

nous avons dit sur cette matière dans notre Cours de droit maritime, tom. 4, tit. 10, sect. 19 ).

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SECTION III.

De la Vente des effets assurés, et du Transport des assurances.

APRÈS avoir fait assurer un navire ou les marchandises qui y sont chargées, on peut vendre et céder à l'acheteur les assurances faites. Celui-ci représente son cédant, et en cas de sinistre, il jouit du bénéfice des assurances, pourvu le voyage n'ait pas été changé, et que tout soit en règle. Vide suprà, ch. 11, sect. 3, § 8, où je parle du transport du connaissement.

que

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