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chose. Au reste, cette liberté ne doit pas être convertie en licence; le cas de fraude est toujours excepté,

Lorsque le sauvetage se fait sous les yeux du magistrat, les formes prescrites par l'Ordonnance et par la déclaration du 12 janvier 1770, ne doivent point être négligées.

Si les frais de sauvetage excèdent la valeur des effets sauvés, cet excédant Si les frais de sau est-il à la charge des assureurs?

vetage excèdent la valeur du sauvé, qui doit payer cet excédant?

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Suivant les clauses insérées dans les formules de diverses places de commerce, les assureurs, indépendamment des sommes par eux assurées, sont tenus de payer l'excédant des frais de sauvetage.

Formule d'Anvers. « Les assureurs ont donné et donnent pouvoir à l'assuré » et à ses commis, qu'ils puissent, au profit et dommage d'iceux assureurs, >> mettre la main à la salvation desdits biens et marchandises; promettant payer » tous dépens qui seront faits pour icelle salvation, soit que quelque chose soit » recouvrée ou non, desquels dépens seront crus et ajouté foi au compte et serment de celui ou ceux qui les auront faits. »

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Formule de Rouen. « Vous donnant pouvoir à vous (assuré) ou à autre pour ■ vouș, en cas que fortune advienne, de mettre ou faire mettre la main pour › la récupération desdites marchandises, tant à notre profit qu'à notre dommage, les pouvoir vendre et distribuer, si besoin est, sans nous en demander > permission ni congé, et paierons tous frais avancés et dépenses qui se feront, desquelles avances et dépens serez cru à votre simple serment, ou de celui > ou ceux qui les auront faits et payés, sans être tenu à faire aucune preuve ni certification..

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Formule de Nantes. Donnant chacun de nous pouvoir spécial à vous as» suré ou à votre commis, de travailler ou faire travailler, soit à notre profit » ou perte, à la salvation. Promettant en tout événement de payer les frais et dépens à ce sujet, soit qu'il y ait un recouvrement ou non; ajoutant foi entière et crédit au compte et serment de la personne ou des personnes qui >> auront fait lesdits frais et dépens. »

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Formule de Bordeaux. Donnons pouvoir et mandement spécial à vous ou à votre commis, et tous autres qu'il appartiendra, pour, tant à notre dom» mage qu'à notre profit, mettre la main à la salvation, et bénéficier lesdites » marchandises et biens, et besoin étant, en faire la vente et distribution des › deniers qui proviendront, sans sur ce attendre notre permission ni avis; promettant de payer tous les frais et dépens qui se feront à ces causes, comme » aussi tous les dommages, soit qu'il se sauve quelque chose, ou point; auxquels

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frais et dépens foi sera ajoutée sur le serment de ceux qui les auront faits;

, de quoi nous nous tiendrons pour contens et satisfaits, sans aucun con» tredit. »

La formule traduite en latin par Loccenius, pag. 981, renferme des clauses à peu près semblables.

Par ces formules, les pouvoirs les plus libres sont donnés à l'assuré et à ses représentans, afin de les inviter à travailler au sauvetage, sans être arrêtés par la crainte d'en supporter eux-mêmes les frais; mais les assureurs, en souscrivant pareils pactes, contractent à l'aveugle un engagement dont les conséquences sont indéfinies.

Dans la formule de Londres, il est dit : « Qu'en cas de perte ou malheur, ⚫ il sera permis aux assurés, à leurs facteurs, serviteurs et préposés, de faire » tout le requis et le nécessaire pour la défense, sauve-garde et recouvrement › du vaisseau et de son chargement, ou d'aucune partie d'iceux, sans préju› dicier à l'assurance; et nous contribuerons, est-il ajouté, chacun à prorata > des sommes par nous respectivement assurées, aux frais et dépenses qui ⚫ seront faites à cette occasion.»

La formule de Marseille ne renferme rien de pareil. Lorsque les assurés demandent aux assureurs la permission de faire travailler au sauvetage, on a soin de dresser une écrite conçue à peu près en ces termes :

« Nous assureurs sur le navire (tel), dispensons les assurés de nous faire › aucune signification du naufrage, et de toute autre formalité de justice, » Nous acceptons purement et simplement l'abandon qu'ils nous font du ⚫ corps et facultés dudit navire, promettant de leur payer les sommes par cha■ cun de nous assurées, dans trois mois, à compter de ce jour, et de suite › autorisons lesdits sieurs assurés à donner les ordres nécessaires pour faire › continuer le sauvetage des débris et des facultés; leur donnant pouvoir de › faire vendre le tout sur le lieu, ou de le faire venir à Marseille, pour être › par eux vendu aux enchères, et le prix provenant de ladite vente, après » avoir payé les frais privilégiés, nous être réparti à prorata des sommes que › nous avons assurées, en retenant par lesdits sieurs assurés la portion dudit » sauvé qui leur compétera pour raison de leur découvert, sans entendre › que ladite répartition puisse retarder le paiement des sommes assurées, que › nous nous obligeons de faire dans les trois mois, ainsi qu'il est dit ci-dessus. › Promettant en outre de contribuer aux frais que ledit sauvetage occasionnera, › en tant qu'ils n'exéderont pas le sauvé. »

Par ce moyen, les assureurs n'aggravent point leur condition. Ils ne s'ex

posent pas à perdre au-delà des sommes qu'ils ont assurées. Et en effet, ils ne sont obligés à rien de plus, suivant l'art. 45, titre des assurances, qui, après avoir dit que, pour le recouvrement des frais, l'assuré en sera cru sur son affirmation, ajoute, jusques à concurrence de la valeur des effets recouvrés. Car, comme l'observe Cleirac, sur le Guidon de la mer, ch. 20, art. 9, pag. 346, les frais excessifs de sauvement et recouvrance des marchandises ne doivent » surcroire ou surmonter l'obligation primitive de l'assurance. »

Il est donc permis aux assureurs de laisser à l'assuré, pour les frais de sauvetage, les effets recouvrés. Pothier, n°. 134. Mais sur qui rejeter la charge de l'excédant des frais?

Ce point a donné lieu à bien des difficultés, que je tâcherai d'éclaircir, en rapportant les cas qui les ont fait naître.

Premier exemple. Le capitaine Amphoux, venant du Levant, fit naufrage à Pommègue. Les chargeurs lui permirent de travailler au sauvetage, sans que Les frais et nolis pussent excéder le sauvé. On tira du vaisseau diverses balles de safranon pour les mettre aux infirmeries. Mais, comme le lieu n'était pas propre pour faire sécher cette marchandise, les propriétaires, du consentement du capitaine, transportèrent les balles chacun chez soi. Elles avaient beaucoup souffert. Le capitaine présenta requête en paiement des nolis et de tous les frais de sauvetage. Il prétendait que la réception de la marchandise avait anéanti le pacte de l'écrite. Les propriétaires répondaient qu'ils n'avaient reçu la marchandise que pour la faire sécher, et vérifier ensuite quel serait le déchet réel, etc. Sentence du 27 janvier 1750, qui ordonna qu'avant dire droit, il serait fait rapport estimatif des safranons dont il s'agissait.

Second exemple. Le 6 octobre 1759, le sieur André d'Estienne et le sieur Jean-François Cablat affrétèrent la tartane Notre-Dame des Carmes, commandée par le capitaine François Tourre, du Martigues, pour aller à Smyrne prendre un chargement de blé, et l'apporter à Marseille.

Cette tartane appartenait à un Napolitain, appelé Tobie Arpente, qui devait en être le capitaine véritable, et qui ne fut énoncé dans le rôle d'équipage que sous la qualité de matelot. L'expédition fut ainsi simulée pour se garantir des corsaires barbaresques; et, comme nous avions alors la guerre avec l'Angleterre, il fut convenu que le bâtiment toucherait à Naples pour y prendre des expéditions napolitaines. On crut, par ce double moyen, prévenir deux écueils dangereux : le navire devait être français vis-à-vis des corsaires africains, et napolitain vis-à-vis des anglais.

Le 16 du même mois d'octobre 1759, le sieur Cablat fit assurer pour son

compte propre, d'entrée et sortie du Levant, 9,000 liv. sur les facultés de ladite tartane, capitaine Tourre, pouvant être commandée par simulation, fut-il 'ajouté, par le capitaine Tobie Arpente, napolitain.

La tartane partit de Marseille. Elle toucha à Naples, où elle prit des expéditions napolitaines, sous le nom du père du capitaine Arpente.

Elle arriva à Smyrne. Les marchandises d'entrée furent consignées aux sieurs Cablat et compagnie, lesquels chargèrent les marchandises de sortie à la consignation d'Arpente père, pour être portées, fut-il dit, à Naples ou à Gênes; mais la véritable destination était pour Marseille.

La tartane partit de Smyrne. Elle relâcha à Micony, en Archipel, où elle fut prise par un corsaire anglais, qui n'eut égard ni au territoire du GrandSeigneur, ni aux expéditions napolitaines.

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La nouvelle de ce sinistre étant arrivée à Marseille, le sieur Cablat fit signer à ses assureurs une écrite conçue en ces termes : « Nous, assureurs à M. JeanFrançois Cablat, promettons entrer chacun à prorata des sommes par nous assurées, et dans la proportion de la valeur du chargement, aux frais et dépens » que la restitution pourra occasionner, et aux donatives qui pourront être faites à ce sujet; tout autant que la restitution de la cargaison et effets assurés » aura lieu et non autrement. Et c'est sur les lettres et compte que le sieur Cablat en recevra de la part de ses correspondans M. Jean-Joseph Cablat et compagnie, à Smyrne. Nousdits assureurs entendant que l'on fera entrer dans les frais, dépens et donatives, tous les chargeurs intéressés et propriétaires du susdit bâtiment, chacun à prorata de leur découvert, et même » le fret et nolis. A Marseille, le 21 mai 1760.

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Le capitaine Arpente, dépouillé de son navire, fut à Constantinople. Il fit parvenir ses plaintes au grand-seigneur. Il obtint des ordres pour que le tout fût restitué. Il revint à Micony, où le navire pris n'était plus. Il fut à Malte, où il le trouva, et où il eut bien des difficultés à essuyer de la part du consul anglais.

Pendant le cours de tout cet'embarras, il y eut une longue correspondance entre le capitaine Arpente et le sieur Cablat. « Je vous promets et m'engage (disait celui-ci), supposé que vous ayez le bonheur d'être relâché avec votre chargement, et d'arriver heureusement à Marseille, de vous payer le salaire ordinaire........ Votre nolis vous sera payé. Tous les frais que vous aurez faits » vous seront remboursés, etc. »

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Comme cette affaire traînait en longueur, le sieur Cablat exigea des assureurs les sommes assurées.

T. II.

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Enfin, le navire et la cargaison furent relâchés moyennant caution. Le navire, échoué dans la rade de Malte, fut vendu So écus, et la cargaison en piteux état fut transportée à Marseille.

Les sieurs Cablat et d'Estienne refusèrent de la recevoir. Arpente présenta requête contre eux pour les y obliger, et demanda paiement de 36,975 liv., à quoi il faisait monter les nolis, frais de réclamation et autres dépenses. Les sieurs Cablat et d'Estienne firent signifier au capitaine Arpente un acte d'abandon. Ils soutenaient qu'ils n'étaient responsables des frais de sauvetage que jusqu'à la concurrence des effets recouvrés.

Arpente répondait que Cablat et d'Estienne, par leurs lettres, avaient contracté à son égard une obligation nouvelle qui les mettait hors de la règle invoquée. Sentence du 7 juin 1765, rendue par notre amirauté, qui, « au bénéfice » de la déclaration d'abandon fait par Cablat et d'Estienne, les mit hors de » Cour et de procès, avec dépens depuis l'abandon signifie, et les condamna » aux dépens faits jusqu'alors. »

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Arpente appela de cette sentence, laquelle fut confirmée par arrêt du 30 juin 1766.

Il se pourvut au Conseil du roi, en cassation de cet arrêt.

Le 14 juin 1768, le Conseil cassa, vis-à-vis de Cablat, l'arrêt du Parlement d'Aix, et évoqua la matière. La requête fut rejetée vis-à-vis du sieur d'Estienne, parce que celui-ci n'avait pas écrit les lettres référées ci-dessus.

Arpente présenta au Conseil une requête contre Cablat, en condamnation, 1o. de 34,463 liv. pour frais jusqu'à l'arrivée des marchandises à Marseille; 2o. des intérêts de ladite somme; 3°. de 1,262 liv. pour frais jusqu'à la vente des mêmes marchandises; 4°. de 500 liv. pour nolis; 5°. de 20,000 liv. pour dommages-intérêts, etc.

Le sieur Cablat fit assigner ses assureurs au Conseil du roi, pour qu'ils eussent à le garantir de toutes les adjudications qu'Arpente pourrait obtenir contre lui.

Arrêt du Conseil rendu le 5 décembre 1769, qui, sans s'arrêter à la sentence de l'amirauté de Marseille, ayant aucunement égard aux demandes

» d'Arpente, condamne Cablat à payer audit Arpente la somme de 25,652 liv., » à laquelle (sauf certaines déductions) Sa Majesté a fixé le reliquat du compte présenté par ledit Arpente; condamne de plus Cablat à 6,000 liv. de dom› mages et intérêts, etc... Et en ce qui concerne la demande formée par Cablat

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» contre ses assureurs, Sa Majesté ordonne que les parties contesteront plus

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