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alors un droit de propriété, au lieu que les autres n'auront qu'un droit de privilége.

Cependant, l'art. 18, titre des contrats à la grosse, dit « que s'il y a contrat › à la grosse et assurance sur un même chargement, le donneur sera préféré › aux assureurs, sur les effets sauvés du sur les effets sauvés du naufrage, pour son capital seule

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La question fut ainsi décidée par arrêt du Parlement d'Aix, rendu en mai 1731, entre les donneurs à la grosse, sur le vaisseau le Saint-Louis, capitaine Duhard, et les sieurs Saugey et compagnie.

Quel est le motif de cette préférence?

1o. Elle peut procéder de ce que le donneur contribue directement et physiquement à l'existence des effets mis en risque; au lieu que l'assureur est un simple garant qui inspire le courage, sans procurer ni fournir la chose même.

2o. Le donneur acquiert dans le principe un privilége réel sur la chose mise en risque. Ce privilége, ou droit de gage, ne saurait donc être anéanti par l'aliénation que le délaissement opère dans la suite envers les assureurs : Res

transit cum suo onere.

3o. L'assureur n'est rien de plus que fidejussor, relevator indemnitatis, emptor periculi. Casaregis, disc. 10, n°. 39. Il représente l'assuré : Nunquam sustineri poterit, quòd assecurator sit tertius respectu assecurati, cùm sit ex parte debitoris, eumque repræsentet. Casaregis, disc, 10, no. 47. Par le délaissement, l'assureur est mis à la place de l'assuré, comme si assuré ne fut, suivant le langage gothique de notre formule, c'est-à-dire comme si l'assureur avait été dans le principe le propriétaire des effets assurés, et qu'il eût pris lui-même les deniers à la grosse. Or, le créancier et le débiteur ne viennent jamais en concours, etc. Vide la lettre que j'écrivis à M. Valin, et que cet auteur rapporte au tom. 2, où il soutient le systême contraire, qui a été réfuté par M. Pothier, Traité des contrats à la grosse, no. 49.

4°. D'après les principes que je viens d'établir, il semble que la préférence devrait être accordée au donneur, même pour le change maritime. Cependant, l'Ordonnance ne la lui accorde que pour son capital seulement. Mais cette modification a été suggérée par l'équité : c'est ici un arbitrage de la loi.

Ainsi, dans l'hypothèse proposée, les donneurs recevront 10,000 liv. pour leur capital seulement, et les 2,000 liv. restantes seront pour les assureurs. Ceux-ci n'auraient rien à prétendre, si le sauvé n'excédait pas le capital donné à la grosse.

5°. L'antériorité des dates et l'authenticité ou défaut d'authenticité des con

trats, ne sont ici d'aucune considération, suivant le principe établi par la loi privilegia, ff de privil. cred., sauf le cas de fraude.

6°. Le privilége accordé par notre Ordonnance a-t-il lieu pour les contrats passés dans l'étranger?

Le capitaine César-Auguste Fabre, commandant le vaisseau l'Aimable Rosalie, se trouvant à Salonique, fréta son navire à Abraham-Lopez Silva, marchand juif, pour porter un chargement de six cent quatre-vingts balles de tabac à Livourne, et donna audit Silva deux mille talaris en hypothèque sur la cargaison, moyennant le change maritime de trois pour cent, le tout payable avant le débarquement des marchandises. (Nota. Ce que nous appelons contrat à la grosse est appelé hypothèque en Italie et en Levant).

Silva fit assurer à Livourne 6,000 piastres sur le même chargement de tabac. Le navire fit naufrage à Palerme. Partie des balles de tabac furent sauvées. Elles produisirent net 4,900 liv. Cette somme fut envoyée par le consul de France à notre chambre du commerce.

Les assureurs de Livourne prétendirent avoir droit de venir en concours avec les donneurs, sur les effets sauvés. Ils rapportèrent des actes de notoriété qui constataient que tel était l'usage de Livourne. Sentence rendue par notre amirauté, en septembre 1776, entre les assureurs de Livourne et le donneur, qui admit le concours demandé. Vide suprà, ch. 4, sect. 7, où je parle des contrats passés dans l'étranger.

La préférence accordée parmi nous aux donneurs dérive du droit arbitraire, et ce droit est soumis à la variation des usages et à l'incertitude des opinions humaines, parce qu'il n'est pas nécessairement lié avec les principes essentiels et fondamentaux de la matière dans laquelle on l'établit.

CONFÉRENCE.

CCXI. D'après l'art. 347, les sommes empruntées à la grosse ne peuvent être l'objet du contrat d'assurance, mais les sommes prêtées à la grosse peuvent être assurées. (Art. 334). Il peut se faire que sur le même navire ou sur le même chargement, il y ait à la fois contrat d'assurance et contrat à la grosse. Par exemple, si j'ai un navire valant 100,000 fr., je puis emprunter à la grosse 30,000 fr. sur le navire et assurer les 70,000 fr. restant; mais je ne pourrai pas, ayant emprunté 100,000 fr. à la grosse sur le navire, faire assurer ce même navire, parce que l'ayant affecté au paiement du prêt, je ne puis en disposer une seconde fois, et, d'ailleurs, je ne cours, en quelque sorte, plus de risques à son égard..

On a vu, au texte, que, sous l'empire de l'Ordonnance, qui donnait la préférence au donneur sur l'assureur (art. 18, des contrats à la grosse), Emérigon, Pothier et Valin étaient divisés sur les motifs de cette préférence, Valin désapprouvait fortement cette disposition de l'Or

Contrats à la grosse passés dans le pays étranger,

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donnance. ·(Valin sur l'art. 18, contrats à la grosse, où sont développées avec étendue ses réponses aux objections de ses adversaires).

La doctrine de Valin a prévalu dans le nouveau Code de commerce, et l'art. 331 dispose: «< S'il y a contrat à la grosse et assurance sur le même navire ou sur le même chargement, le produit des effets sauvés du naufrage est partagé entre le prêteur à la grosse, pour son capital » seulement, et l'assureur, pour les sommes assurées, au marc le franc de leur intérêt res» pectif, sans préjudice des priviléges établis à l'art. 191. »

Ainsi, il n'y a plus maintenant de préférence pour le donneur à la grosse. Il vient en concours avec l'assureur sur les effets sauvés, mais pour son capital seulement. Ainsi, soit que le contrat à la grosse ait été fait à l'étranger, soit qu'il ait été fait en France, cette règle est toujours la même, puisque le privilége en faveur du donneur n'existe plus. — (Voyez au surplus notre Cours de droit commercial maritime, tom. 3, tit. 9, sect. 20).

St.

SECTION XIII.

Concours des assureurs avec les assurés.

LES risques se partagent entre l'assureur, au prorata de la somme qu'il a Le délaissement assurée, et l'assuré, pour le surplus. Pothier, no. 79.

n'est fait aux assu

reurs que jusqu'à la concurrence des

sommes par eux as

surées.

Il suit de ce principe, que l'avarie doit être régalée entre les assureurs et les assurés, à proportion de leurs intérêts. Art. 46, titre des assurances. Ibiq. Valin, et Pothier, no. 168.

Il suit encore du même principe, que lorsqu'on n'a fait assurer que partie de son chargement, on n'est obligé de faire le délaissement de ce qui en est resté, que relativement à cette partie. Pothier, no. 79, 133 et 138. Valin, art. 47 et 60. Guidon de la mer, ch. 7, art. 12. De Luca, de credito, disc. 106, n°. 11. Casaregis, disc. 1, no. 96.

En un mot, si, lors du sinistre, il y a dans le navire des effets excédant la valeur de la somme qu'on a fait assurer, l'abandon ne concernera point cet excédant, quoiqu'il procède des profits de la traite. Le sauvé sera régalé entre l'assuré, relativement à son découvert, et les assureurs, qui ne pourront prétendre le délaissement que jusqu'à concurrence de la quotité assurée. Valin, article 47.

Cet auteur observe qu'il ne faut pas distinguer le cas où la première cargaison n'a été assurée qu'en partie, d'avec celui où ayant été assurée en entier, elle a reçu un accroissement par les ventes et achats faits dans le cours du voyage. Cette augmentation forme, sur la tête de l'assuré, un nouveau

capital, qui rend sa position égale à celle où il aurait été, si, dans l'origine, la première cargaison eût été augmentée d'autant.

L'assuré est assureur à lui-même

Pour le découvert, l'assuré est considéré comme assureur à lui-même; il est, en quelque manière, l'associé des assureurs; il vient avec eux en concours pour son découvert. sur le sauvé, pour sa part non assurée : Quandò merces non pereùnt in totum, sed in parte, tunc assecuratores non tenentur, nisi ad contributionem pro ratâ, cùm, pro reliquâ parte non assecuratâ, ipsemet dominus mercium dicitur sut ipsius assecurator, vel assecurationis socius. De Luca, disc. 106, no. 9. Valin, urt. 47. Pour connaître la manière dont le partage des effets sauvés se fait entre l'assuré et les assureurs, voici une hypothèse;

Mon navire, prêt à mettre à la voile, valait...

100,000 liv.

J'ai fait assurer 100,000 liv., moyennant la prime de cinquante pour cent, avec pacte que je me fais assurer la prime et les primes des primes. Par ce moyen, mon capital ne se trouve assuré que pour la demie..... 50,000 liv.

Car les 50,000 liv. restantes sont le coût de la prime et des primes des primes.

Le navire, pris par les Anglais, est repris après les vingt-quatre heures, par les vaisseaux du roi. Un arrêt du Conseil ordonne qu'il sera rendu aux anciens intéressés, sauf une gratification pour les équipages de Sa Majesté. Déduction faite de cette gratification, des salaires de l'équipage, et autres dépenses, je suppose que le net produit du navire, vendu aux enchères, se réduise à........ 30,000 liv.

Cette somme sera partagée par portions égales entre les assureurs et l'assuré, lequel, étant assureur à lui-même, est en droit, pour parvenir à une juste balance, d'ajouter à son découvert une prime factice, relative à celle qui a été stipulée.

Les comptes respectifs seront dressés de la manière suivante :

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$ 2.

Manière de faire

le partage entre l'assuré et les assureurs.

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Le même compte se fera dans toute autre hypothèse. J'ai fait assurer 50,000 liv. sur mon navire, qui en vaut 100,000, et j'ai promis une prime de cinq pour cent. Le net produit du sauvé, déduction faite de toute dépense, se monte, par exemple, à 30,000 liv. Cette somme se partagera entre mes assureurs et moi. Voyez la section suivante.

Ce concours fait comprendre combien il est essentiel de connaître la valeur de la chose assurée, « non seulement pour constater la légitimité de l'assu»rance, c'est-à-dire que la somme assurée n'excède pas la valeur de ce qu'on » fait assurer, mais aussi pour déterminer la part que les assureurs doivent » avoir dans le délaissement; la part qu'ils doivent y avoir devant être en › même raison qu'est la somme assurée, au total de la valeur du chargement. › Pothier, n°. 152.

Dans le ch. 9, sect. 5, tom. 1, j'ai parlé de l'usage où l'on est d'estimer, par la police, le corps du navire à une somme déterminée, et de stipuler que cette estimation tiendrait lieu de capital en tout tems et en tout lieu, pendant le voyage. Mais il n'arrive que trop souvent qu'une pareille estimation est enflée. Par exemple, mon navire ne vaut réellement que 50,000 liv.; je l'estime au double, et je me fais assurer 50,000 liv. sur le corps. S'il fait naufrage, ou qu'il soit déclaré innavigable, et que le net produit des débris, ou du navire déclaré hors d'état de naviguer, se monte, par exemple, à 10,000 liv., je concourrai sur ce net produit avec mes assureurs, à qui j'ai fait abandon du corps. Je percevrai, d'un côté, l'entière somme assurée, et de l'autre, la demie de la valeur du sauvetage! On sent combien cette manière d'agir est odieuse, et combien il importe de fixer la valeur effective de la chose assurée.

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