Page images
PDF
EPUB

affaires du commerce, et multiplier les fonds du négociant, ne doit jamais nuire aux assureurs, pour tout ce qui concerne le contrat en lui-même, dont les règles doivent être respectées par celui qui en réclame l'exécution.

Au reste, ce n'est qu'en cas de perte que cette négociabilité est favorable au porteur de la police. Mais si le navire arrive à bon port, le porteur ne saurait prétendre ni hypothèque ni privilége sur les effets assurés. C'est ici un point de droit étroit, qu'il n'est pas permis d'étendre au-delà de luimême. (Quid juris, si le connaissement lui avait été également cédé? Vide suprà, ch. 11, sect. 3, § 8, et ch. 16, sect. 3).

Si la prime était encore due, les assureurs pourraient, sans difficulté, la compenser, en cas de perte, vis-à-vis du porteur de la police. Mais, dans le cas d'heureuse arrivée du navire, ils n'auraient pour la prime aucune action contre le porteur. Le privilége sur les effets assurés doit alors leur suffire. Suprà, ch. 3, sect. 8.

Si la clause payable au porteur n'a pas été stipulée, celui qui se trouve nanti de la police n'en est propriétaire qu'autant qu'elle lui a été cédée en due forme, et cette cession est subordonnée aux règles établies par le droit

commun.

D

[ocr errors]

M. Valin, art. 3, titre des assurances, tom. 2, dit qu'une police est un papier négociable, comme un billet à ordre. Elle peut même être négociée » comme un billet payable au porteur. Ainsi, ajoute-t-il, cette négociation ne › peut être regardée comme un simple transport, qui, pour saisir, a besoin › d'être signifié. D'où il suit qu'elle transfère de plein droit l'assurance à celui , en faveur duquel l'ordre est passé, ou qui s'en trouve nanti, l'ordre étant › au profit du porteur, et cèla, au préjudice de tous les créanciers du cédant, et des saisies qu'ils pourraient avoir faites sur lui. »

D

Mais, 1°. la police n'est un papier négociable que lorsque l'ordre est au profit du porteur. Si la clause payable au porteur n'a pas été stipulée, on doit se diriger par la disposition du droit commun. Ordonnance de 1673, titre des lettres de change, art. 3o.

2o. Le porteur de la police négociable est à couvert de toute saisie de la part des créanciers du cédant; mais vis-à-vis des assureurs, il est soumis aux exceptions qui dérivent du contrat. D'où il suit que la comparaison de la police d'assurances avec le billet à ordre est imparfaite.

CONFÉRENCE.

CCXVI. Le paiement de l'assurance doit être fait au porteur de l'assurance. Les polices ont

$ 3. La négociation est

inutile, si le navi arrive à bon port.

$ 4. Quid, si la clause payable au porteur n'a pas été stipulée

toujours été considérées comme papier négociable, par la clause payable au porteur ou à ordre. Par cette clause, la police devient un effet de commerce, transmissible par la voie de l'endossement. Si, au contraire, la police n'est pas payable au porteur, elle n'est point négociable; elle n'est payable qu'à l'assuré lui-même ou à son porteur de procuration, à moins que cette police n'ait été cédée dans les formes prescrites par l'art. 1690 du Code civil. (Voyez notre Cours de droit maritime, tom. 3, tit. 10, sect. 4).

Le porteur de la police négociable est à couvert de toute saisie de la part des créanciers de l'assuré. Quelque sujet qu'ils puissent avoir d'agir contre les précédens propriétaires, le transport par endossement a fait cesser leurs droits, et cette cessation a également fait cesser celui de former des saisies-arrêts sur le porteur, qui est propriétaire de la police au moment de son échéance. Mais vis-à-vis des assureurs, il est soumis aux exceptions qui dérivent du contrat d'assurance, comme l'aurait été l'assuré lui-même.

En cas de perte, comme l'observe Emérigon, les assureurs pourraient, sans difficulté, compenser la prime vis-à-vis du porteur de la police, si cette prime était encore due; mais il n'en serait pas ainsi, en cas d'heureuse arrivée du navire. Le privilége sur les effets assurés doit leur suffire, et ils n'ont alors aucune action pour la prime contre le porteur de la police.

D'un autre côté, le porteur de la police, en cas d'heureuse arrivée, ne saurait prétendre ni hypothèque, ni privilége sur les effets assurés. La négociabilité de la police ne lui est favorable qu'en cas de perte.

Il arrive quelquefois que l'assuré vend sa chose assurée, et cède à l'acheteur les assurances faites alors point de doute que celui-ci ne jouisse du bénéfice des assurances.

:

Mais si, dans l'acte de vente, il n'est point fait mention des assurances déjà faites, et si la police reste dans les mains et au pouvoir du vendeur, à qui de celui-ci ou de l'acheteur le bénéfice de l'assurance profitera-t-il? Qui est-ce qui, de l'un ou de l'autre, pourra requérir de son chef le paiement de la perte? Luzac, sur Wolf, rapporte un jugement du Grand-Conseil de Hollande, qui décida que l'assurance non cédée à l'acheteur devenait caduque, et condamna les assureurs à rendre la prime. (Voyez Luzac sur Wolf, tom. 4, pag. 3, § 629).

Il faut, avec Luzac, désapprouver une telle décision. La vente des effets assurés est absolument étrangère aux assureurs, à qui elle ne peut ni nuire, ni profiter. D'un autre côté, l'assurance est un contrat accessoire attaché à la chose assurée, qui ne saurait subsister indépendamment de son objet. L'acheteur représente le vendeur, et il serait contre toute justice que celui-ci pût néanmoins recevoir deux fois le prix de sa chose. En vendant les effets assurés, on est présumé avoir vendu l'assurance qui y était attachée : Venit res cùm omnibus suis accessoriis, juribus et pertinentiis.

Cependant, si, en cas de sinistre, le vendeur, porteur de la police, exerçait contre les assureurs l'action en délaissement, la question de propriété ne saurait être élevée contre lui. Mais l'acheteur pourrait alors requérir de son chef le paiement de l'assurance, en comptant la prime, si elle n'avait pas été payée, parce que le bénéfice de l'action en délaissement refluerait nécessairement sur lui.

Du reste, l'assuré ne peut contraindre l'assureur à se libérer d'une autre manière qu'il n'a été stipulé par le contrat d'assurance. De son côté, l'assureur ne peut contraindre l'assuré à

recevoir une chose autre que celle qui a été promise, quand même la valeur de la chose offerte serait égale. — (Argument des art. 143 du Code de commerce et 1245 du Code civil). Néanmoins, s'il s'agissait seulement du choix entre les monnaies nationales, les juges pourraient apprécier, d'après l'état de la législation existante, les motifs d'intérêt de la partie qui réclamerait l'exécution à la lettre de l'obligation stipulée.

Si le contrat d'assurance gardait le silence sur l'espèce de monnaie dans laquelle le paiement devrait être fait, l'assureur ne pourrait payer qu'en monnaie d'or ou d'argent, ou en papiers que la loi aurait créés. Il ne pourrait payer en monnaie de cuivre et de billon que pour l'appoint de la monnaie de 5 fr. Il ne pourrait même payer, si ce n'est de gré à gré, en traite, délégation ou billet à vue, pas même en billets d'une banque autorisée par le Gouvernement, lorsque la loi n'attribue pas à ces billets la qualité de monnaie. (Voyez le décret du 18 août 1810, Bulletin des lois, quatrième série, no. 5870, et l'avis du Conseil d'état, du 21 décembre 1805 (30 frimaire an 14), Bulletin des lois, quatrième série, no. 1244).

On sait, d'ailleurs, que dans tout paiement, le débiteur doit faire l'appoint et supporter les frais, sans pouvoir exercer aucune retenue sous le nom de passe de sacs, que celle autorisée par les réglemens. -(Voyez le décret du 1. juillet 1809, Bulletin des lois, quatrième série, n°. 4475, et l'art. 1248 du Code civil).

Si le contrat d'assurance porte sur des monnaies étrangères, comme s'il est dit que le paiement de la perte sera en une certaine quantité de piastres, l'assuré a le droit d'exiger l'exécution rigoureuse de la convention. L'assureur ne saurait donner en monnaie de France l'équivalent de ce qu'il a promis en monnaie d'Espagne. Mais, dans ce cas, l'usage général du commerce est que tout débiteur d'une obligation payable en monnaie étrangère, puisse offrir une somme que le cours du change ou un arbitrage sert à déterminer, avec les dommages jugés dus pour l'inexécution rigoureuse de la convention. — (Argument tiré des art. 1147 et 1611 du Code civil).

Si, depuis la passation du contrat d'assurance, il est survenu des variations dans les monnaies, le paiement de la perte doit être fait et reçu en la monnaie qui a cours au moment où on l'effectue, quand même la pièce de métal qui se nommait cinq francs lors du contrat, serait appelée six francs lors de l'échéance. (Argument tiré de l'art. 1895 du Code civil. Voyez d'ailleurs les décrets des 18 août et 12 septembre 1810, Bulletin des lois, quatrième série, no. 5870 et 5942, et seconde série, n°. 2878).

Si la variation des monnaies est survenue depuis l'échéance du paiement de l'assurance, il faut distinguer ou la police est négociable, ou elle ne l'est pas. Dans ce dernier cas, le paiement doit être également fait dans la monnaie qui a cours au moment où il s'effectue, puisque l'assuré, comme tout créancier, a pu éviter la perte en exigeant son paiement; et si la variation des monnaies a pu être onéreuse à l'assureur, il a pu faire des offres et consigner.

Dans le premier cas, c'est-à-dire si la police est payable au porteur ou à son ordre, il est juste que la diminution des monnaies soit aux risques du porteur, parce que la police a pu être négociée de manière à ce que l'assureur n'en puisse connaître le véritable possesseur, de manière qu'il n'a pu faire des offres. – { Voyez les déclarations des 16 mars 1700, 28 novembre 1713, 20 février 1714, rendues à l'époque de plusieurs variations importantes dans la fixation de valeur des monnaies françaises ).

Si, par le contrat d'assurance, l'obligation de payer la perte était dans une certaine quantité de la monnaie d'un Etat étranger, par exemple, en 500 piastres, peu importent les variations dans les monnaies de ce pays : les piastres n'ont pu alors être considérées que comme des lingots, et l'assureur doit payer des pièces du poids et de la qualité qui existaient à l'époque de la convention; sinon, il doit être condamné à des dommages-intérêts.

Par l'art. 1244 du Code civil, les juges peuvent accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir à l'exécution des poursuites. Mais dans le commerce, cette règle est sans application aux effets négociables par endossement, dont le porteur a des recours à exercer contre ses garans, et se trouve, en quelque sorte, le mandataire pour agir contre le débiteur principal.(Argument tiré des art. 156 et 157 du Code de commerce).

A défaut de convention expresse, le paiement doit se faire au domicile qu'avait l'assureur au tems de son obligation. Il est de toute nécessité pour le commerce que le lieu où le débiteur demeurait au moment qu'il a signé l'effet négociable, soit le domicile élu pour le paiement.

......

SECTION III.

Bonification pour prompt paiement.

LA formule de Nantes renferme la clause que voici : « Il nous sera dimi» nué....................... pour cent, pour prompt paiement, en payant par nous dans....... après la notification de l'abandon et de la perte. (Le tems de la condition stipulée, et le taux de la bonification promise, sont laissés en blanc et dépendent du pacte des parties).

D

Notre formule ne renferme rien de pareil. Cependant l'usage est de bonifier un et demi pour cent aux assureurs, pour prompt paiement.

Il est équitable d'accorder une remise au débiteur qui paie avant l'échéance; mais on ne voit pas pourquoi l'usage s'est introduit parmi nous d'accorder, pour prompt paiement, un rabais d'un et demi pour cent à l'assureur, qui ne paie la perte qu'après le terme échu, et souvent beaucoup plus tard. Cette espèce de grâce indique les difficultés qu'on essuie quelquefois dans l'exaction des pertes d'assurance. On tâche de les vaincre par l'appas d'une bonification qu'il est libre à l'assuré de refuser. Ce point fit un jour la matière d'un procès, qui fut décidé par notre amirauté, contre un assureur qui, malgré sa demeure, demandait l'escompte de grâce qu'on aurait pu lui refuser, même dans le cas où il eût payé avant le terme. L'escompte qui est » une diminution du prix, à cause de l'anticipation du paiement, ne peut être prétendu par le débiteur que par la force de la convention; car autrement,

[ocr errors]

» il est toujours permis de se libérer, en payant avant le terme; mais on ne › peut forcer le créancier à faire aucune remise, quand il lui plaît d'attendre le terme. Praticien des juges et consuls, liv. 3, ch. 4, pag. 330.

Certains négocians de notre place prétendent que les pertes d'assurances ne sont payables que dans six mois, et qu'ainsi le paiement fait trois mois après la déclaration du sinistre, emporte de droit un et demi pour cent d'escompte; c'est-à-dire demi pour cent par mois; mais ils se trompent. L'art. 44, titre des assurances, fixe le paiement, trois mois après la signification du délaissement, et notre formule détermine ce même paiement, trois mois après la déclaration faite à la chambre d'où il suit que l'escompte dont il s'agit, ne devrait avoir lieu que dans le cas où les assureurs paieraient, sans aucun délai, les sommes assurées.

CONFÉRENCE.

CCXVII. Les observations du Praticien des juges et consuls sont raisonnables et justes. B'ailleurs, la loi est précise; l'assureur est tenu de payer l'assurance trois mois après la signification du délaissement ( art. 382 ), si l'époque du paiement n'est point fixée par le contrat d'où il suit que l'escompte ou la bonification dont il s'agit ne pourrait être prétendue que par la force d'une convention à cet égard.

SECTION IV.

Rature de la signature opère-t-elle paiement et novation?

L'OBLIGATION des assureurs s'opère par leur signature au bas de la police, et ils écrivent de leur propre main la somme pour laquelle ils se rendent assureurs. Lorsqu'ils paient la perte ou l'avarie, ils se bornent à rayer leur signature. Cette cancellation suffit pour leur acquérir une entière décharge, à moins qu'il ne paraisse, d'ailleurs, que la somme due n'a pas été acquittée. Si chirographum cancellatum fuerit, licèt præsumptione debitor liberatus esse videtur, in eam tamen quantitatem, quam manifestis probationibus creditor sibi adhuc deberi ostenderit, rectè debitor convenitur. Loi 24, ff de probationibus.

En effet, il arrive quelquefois que, malgré la cancellation de la signature, le paiement des sommes assurées n'est pas effectif, et que les assureurs font leurs billets à l'ordre de l'assuré.

« PreviousContinue »