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SECTION L.

Avanies.

LES assureurs répondent des avanies barbaresques qui arrivent sur mer. Vide suprà, sect. 19, où je parle des pirates et des voleurs.

Mais les assureurs ne répondent pas des avanies que le capitaine ou les chargeurs souffrent, soit dans leurs personnes, soit dans leurs marchandises déjà déchargées à terre. Le jugement que je vais rapporter, n'est pas contraire à ce qui vient d'être dit.

La polacre Saint-Antoine, capitaine Jean-Étienne Garcin, dont le marquis de Roux était propriétaire, revenant du Cap Français, et se trouvant près du détroit de Gibraltar, decouvrit un chebec qui lui donna chasse. Ce chebec arbora flamme et pavillon rouge, et tira un coup de canon hors de portée. Le capitaine Garcin arbora son pavillon blanc, l'assura par une grande fumée et se mit en panne.

Le chebec continuait de s'approcher. On savait qu'il y avait en mer des corsaires saletins avec qui nous étions en guerre, et on estima qu'on avait affaire à un armement de Salé. Le combat fut engagé. Il dura trois heures et demie. Les corsaires vinrent à l'abordage, et s'emparèrent de la polacre. Le capitaine Garcin et ses gens se cachèrent dans la calle; on les fit remonter sur le pont, où ils reçurent mille mauvais traitemens. Le capitaine Garcin, interrogé, répondit qu'il était Français. Les corsaires se firent connaître pour Algériens, avec qui nous étions en paix. Nonobstant cette reconnaissance, la polacre fut conduite à Alger, où le capitaine fut condamné par le Dey, à recevoir cent coups de bâton qui lui furent appliqués, et à payer diverses sommes qu'on fit monter à 15,781 pataques. Il fallut compter cet argent pour recouvrer la liberté, et obtenir la restitution du navire. Le consul français fournit tous les secours nécessaires. Enfin, la polacre arriva à Marseille.

Cet accident fut regardé comme fortune de mer. On crut que le capitaine n'était point en faute. Toutes les apparences lui avaient fait croire que les corsaires étaient Saletins. La juste crainte du péril équivaut au péril lui-même : Si propter aliquem metum id detrimentum factum sit, hoc ipsum sarciri oportet. Loi 1, S1, ff de leg. rhod. Et il n'est point de crainte plus capable d'ébranler

un homme constant, que celle de perdre la liberté : Libertatis timorem. Loi 4, quod metûs causa.

Sentence rendue en 1764, qui admit en avarie grosse toutes les dépenses faites à Alger. Le tribunal, par esprit d'équité, adjugea au capitaine, pour les coups de bâton reçus, une indemnité de 360 liv., qui firent article dans le réglement d'avaric. Les assureurs n'étaient point en qualité. Ils se soumirent à

cette décision. Voici les articles de l'ordonnance du 3 mars 1781, qui con- Réglement de 1781. cernent les avanies:

Tit. 2, art. 37. « Tous les événemens, de quelque espèce qu'ils puissent être, comme avanies, emprunts, demandes aux particuliers ou à la nation, › sacs, incendies, révolutions, invasions, et généralement tous les autres cas , et accidens imprévus qui pourront arriver dans les Échelles du Levant et de Barbarie, et tous les dommages, pertes, avances, dépenses et fournitures, : seront entièrement à la charge des particuliers.

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Art. 38. Défend expressément, Sa Majesté, à la chambre de commerce . de Marseille, de faire payer aucunes sommes, ni d'établir sur le commerce › général du Levant et de Barbarie, ou tout autre, aucune levée ou contri›bution pour les objets énoncés en l'article précédent. »

Art. 39. « Défend pareillement, Sa Majesté, à ses officiers établis en Le» van t et en Barbarie, de faire payer par les députés des échelles, aucune somme pour lesdits objets sur les fonds appartenans à la caisse de ladite chambre, de souffrir qu'il soit mis aucune imposition sur le commerce › desdites Echelles, et qu'il soit fait des emprunts en corps de nation, sous quelque prétexte que ce puisse être, à peine d'en répondre personnelle

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.ment..

Art. 40. « Ordonne, Sa Majesté, à tous Français établis dans les Echelles , du Levant et de Barbarie, et à tous capitaines, patrons, navigateurs et pas› sagers, d'être réservés dans leur conduite, sous peine de punition exemplaire contre ceux qui compromettraient la tranquillité de la nation, et trou, bleraient l'ordre public.

Tit. 3, art. 25. Toutes les avanies et dépenses occasionnées par les gens de mer, soit à terre, soit à bord, demeureront à la charge des capitaines, , maîtres ou patrons, solidairement avec les armateurs des bâtimens..

Cela signifie, 1°. que dans les Échelles du Levant, la nation française ne répond jamais de pareilles avanies vis-à-vis de ceux qui les ont souffertes ; 2°. Que si les avanies sont occasionnées par les gens du bord, le capitaine

et les armateurs en sont responsables, sauf à ces derniers de s'en faire "décharger, en abandonnant le navire et le fret. (Art. 2, titre des propriétaires) ; 3. Si les avanies étaient occasionnées à bord par des gens de mer, autres que ceux de l'équipage, ou par des gens de terre, le tout sans la faute du capitaine, les assureurs en seraient tenus.

Pour ce qui est des avanies occasionnécs à terre par le fait de qui que ce soit, elles ne sont jamais à la charge des assureurs.

CONFÉRENCE.

CLV. En parlant des pays du Levant, on désigne en général par avanies les vexations que fes Turcs, les Barbaresques, les pirates, font à ceux d'une autre religion que la leur, aux navigateurs, aux marchands chrétiens, etc., pour en tirer de l'argent.

Les assureurs sont tenus des avanies qui arrivent sur mer par le fait de ces barbares. C'est ce qui résulte de l'art. 350 du Code de commerce, qui met aux risques des assureurs toutes pertes et dommages qui arrivent par pillage aux objets assurés.

Mais les assureurs ne répondent pas des avanies que le capitaine ou les marchands chargeurs souffrent dans les Echelles du Levant, dans leurs personnes ou dans leurs marchandises déchargées à terre. Les avanies occasionnées à terre par le fait de qui que ce soit, ne sont jamais à la charge des assureurs.

Il en est de même si les avanies sont occasionnées par les gens de l'équipage. Le capitaine et les armateurs en sont seuls responsables, sauf à ces derniers de s'en faire décharger, en abandonnant le navire et le fret, conformément à l'art. 216 du Code de commerce.

Néanmoins, si les avanies avaient lieu à bord par des gens de mer, autres que ceux de l'équipage, le tout sans la faute du capitaine, les assureurs en seraient responsables comme for¬ tunes de mer.

Tous ces principes sont puisés dans le réglement du 3 mars 1781, rapporté au texte par Emérigon.

SECTION LI.
LI.

Bande et Contrebande.

PAR une clause imprimée dans notre formule, les assureurs se rendent garans des pertes qui procèdent de bande et contrebande (1).

(1) On avait eu dessein de corriger le style barbare de notre formule, et d'en dresser une nouvelle. Mais l'ouvrage est plus difficile qu'on ne pense. Il exigerait un comité de jurisconsultes, de députés de la chambre du commerce et d'anciens courtiers.

Bande vient du mot italien bando, qui signifie ban, cri public, publication qui se fait au son du tambour ou de la trompette, de la part d'un supérieur. Contrebande est la contravention au ban.

Voici quelles sont les maximes les plus usitées au sujet des contrebandes qui se commettent sur mer, et qui peuvent intéresser les assureurs :

1o. En règle générale, les assureurs ne répondent pas des pertes et dommages qui arrivent par la contrebande de l'assuré, du capitaine ou des mariniers, soit que l'on ait contrevenu aux lois de son propre prince, soit à celles du pays où l'on traite.

Il en est de même si le navire ou les marchandises sont confisquées, parce qu'on a omis de payer les droits royaux, ou de s'être prémuni des patentes nécessaires. Guidon de la mer, ch. 2, art. 7, et ch. 9, art. 8. Roccus, not. 21 et 98. Marquardus, lib. 2, cap. 13, n°. 36. Casaregis, disc. 64, no. 11.

Tous ces auteurs citent la loi cùm proponas, 3, C. de naut. fæn., qui décide par argument la question présente. Vide suprà, sect. 20, où je parle de la simulation pratiquée vis-à-vis des ennemis, et de la confiscation par eux prononcée.

2o. S'il s'agit d'une contrebande prohibée par les lois du royaume, les assureurs n'en répondent en aucun cas, quand même ils en auraient été instruits. L'assurance est absolument nulle. Straccha, gl. 5, n°. 3. Vide suprà, ch. 8, sect. 5.

3. S'il s'agit d'une expédition en interlope dans le pays étranger, et que les assureurs en aient eu connaissance, l'assurance est bonne. Ainsi jugé par l'arrêt que j'ai rapporté suprà, ch. 8, sect. 5. Roccus, not. 21. Targa, cap. 71.

4°. Le capitaine rompt le ban, lorsque, sans cause légitime, il s'écarte de l'escorte royale qu'il était obligé de suivre. Voici à ce sujet un placard qui vient d'être affiché dans la loge:

Extrait des registres de la Chambre de commerce.

Marseille, le 3 décembre 1782.

Messieurs les négocians et armateurs sont avertis que, pour éviter les > inconvéniens qui résultent de l'usage où sont les capitaines de quitter leur ⚫ convoi à une certaine distance, pour arriver plus tôt à leur destination, Sa Majesté a ordonné à ses gouverneurs généraux et commandans particuliers › de ses colonies, de tenir exactement la main à ce que les capitaines des bâ

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> timens qui auront précédé l'arrivée du convoi auquel ils appartenaient, ne » puissent vendre leurs cargaisons que lorsque la flotte entière sera rendue dans le port, et de se faire rendre compte par les capitaines des motifs qui les ont » mis dans le cas de se séparer, afin qu'il leur soit infligé punition. Messieurs les › échevins et députés de la chambre du commerce font donner cet avis à mes»sieurs les armateurs, négocians et capitaines, par ordre de monseigneur le » marquis de Castries, ministre de la marine, pour qu'il leur serve de règle. › Collationné par nous, secrétaire de ladite chambre soussigné. Signé ISNARD,

neveu. »

La punition dont il est parlé dans cet avis, ne concerne en rien la cause des assureurs. Quoique le capitaine ait volontairement quitté le convoi, ils continuent de répondre des risques maritimes, à moins que, par un acte spécial, on n'ait stipulé que le navire partirait avec escorte, et qu'autrement, l'assurance serait nulle. Vide suprà, ch. 6, sect. 4, § 2, et la sec. 18 du présent chapitre, § 3.

Je dois ici remarquer que les mots bande et contrebande de notre formule, n'ont jamais été entendus parmi nous des contrebandes proprement dites et frauduleuses, capables d'occasionner la confiscation du navire : de quoi les assureurs ne répondent que dans le cas où ils se sont rendus garans de la baraterie du patron. Infrà, ch. 19, sect. 7.

CONFÉRENCE.

CLVI. Contrebande. Ce mot désigne en général tout commerce qui se fait contre les lois d'un Etat.

Les marchandises de contrebande sont, suivant l'art. 2 de la loi du 13 floréal an 11, celles dont l'exportation ou l'importation est prohibée, ou celles qui, étant assujetties aux droits, et ne pouvant circuler dans l'étendue du territoire soumis à la police des douanes, sans quittances, acquits à caution ou passavans, y sont transportées et saisies sans ces expéditions. L'administration intérieure de chaque société, comme nous l'enseignent tous les publicistes, doit avoir deux objets principaux le premier est d'entretenir dans l'aisance le plus grand nombre d'hommes qu'il est possible; le second est de lever les dépenses qu'exigent la sûreté de la société, l'agrandissement de son bonheur et le maintien de la majesté de ceux qui la gouvernent.

Pour remplir ces objets, d'un ordre aussi majeur, pour satisfaire à ces besoins publics de la société, on a, d'un côté, frappé de prohibition absolue certaines marchandises étrangères, à l'entrée, et certaines marchandises nationales, à la sortie; et d'un autre côté, on a imposé des droits et sur les marchandises étrangères dont l'importation est permise, et sur les marchandises nationales, à l'exportation.

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