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guerre entre l'Angleterre et la Hollande; que d'après cette idée, on avait fait toutes les démarches possibles pour obtenir justice de la Cour de Londres; que le tout avait été manifesté aux assureurs, à qui on n'aurait pu faire le délaissement, sans nuire à la cause qu'on soutenait en Angleterre pour leur propre intérêt, etc.; 2°. que du moins les quatre mois n'auraient couru que depuis le 16 décembre 1757, jour qu'on avait eu nouvelle, à Marseille, du jugement de confiscation; que jusqu'alors, la perte avait été incertaine et douteuse : In se non certa, sed dubia, propter dubium litis eventum (Dumoulin, d. loco, tom. 1, pag. 354, no. 8); que par conséquent la prescription n'avait pas été acquise, puisque le délaissement et la demande avaient été faits le 12 avril suivant, c'est-à-dire quatre jours avant la fin des quatre mois.

M. le chancelier demanda à M. de Monclar, procureur général, les motifs de l'arrêt du Parlement. Ils furent donnés, et la requête en cassation fut rejetée.

Dans ma consultation, insérée dans Valin à la suite de l'art. 58, je rapporte divers autres préjugés qui prouvent que le tems de la prescription court depuis la prise, quoique cette prisc aít été reconnue injuste par le capteur lui-même.

L'arrêt rendu contre Anglés, d'Anthoine et Castagne, exige quelques nouvelles observations. La loi 16, Cod. de inof. test., décide que la prescription de l'action d'inofficiosité ne court point contre le fils prétérit par sa mère, pendant le cours de l'instance qu'il avait intentéc pour faire déclarer faux le testament maternel: Præscriptio ex prioris judicii morâ quinquennalis temporis, non nascitur, quæ officere non cessantibus non potest. Car, comme l'observe Godefroi sur cette loi, quoties competunt duo auxilia, qui in uno vigilat, alterum non amittit.

Il est vrai que, suivant notre jurisprudence, toutes les fois que deux actions, quoique incompatibles, auraient pu être exercées ensemble par fins subsidiaires, l'exercice de l'une n'empêche pas la prescription de l'autre. Mourgues, pag. 139. Boniface, tom. 4, pag. 610. Bezieux, pag. 210. Dunod, des prescriptions, pag. 61.

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Cela est bon, lorsque la jonction subsidiaire des deux actions incompatibles est praticable; mais il est de la nature du délaissement d'être pur et simple. Il transmet sans retour aux assureurs la propriété des effets abandonnés. (Suprà, ch. 17, sect. 6). On ne peut le faire, ni sous condition, ni par conséquent par fins subsidiaires; il faut que dans l'instant il soit au pouvoir des assureurs de l'accepter. Il n'est donc pas possible, dans le cas proposé, de

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cumuler les deux actions: d'où je serais tenté de conclure que l'action d'arrêt de prince suspend celle d'abandon, et qu'on doit, en pareilles circonstances, adopter la doctrine de Decormis, tom. 2, col. 1537, et des docteurs qu'il cite, d'autant mieux que la prescription de quatre mois est très-peu favorable, surtout dans le goût qu'on l'entend parmi nous.

Si, d'un côté, il n'est pas juste que les assurés soient contraints, par un délaissement précipité, à renoncer au bénéfice de la navigation, dans le cas d'une prise ou d'un arrêt équivoque, de l'autre, l'équité semble ne pas permettre que l'espoir d'une main-levée, qu'ils se flattaient d'obtenir, les induise dans la fin de non-recevoir prononcée par l'art. 48, et les prive de toute ressource: il ne serait donc pas surprenant de voir dans la suite notre jurisprudence varier sur ce point.

CONFÉRENCE.

CCXXIX. Dans le cas présent, la loi est écrite; elle ne laisse ni doute, ni ambiguïté. Dès que la loi est claire et précise, il est défendu de la violer, sous prétexte qu'elle est trop dure. La conscience de la loi vaut plus que celle de l'homme. Conscientia legis vincit conscientiam hominis, dit Stracha, pag. 541, n°. 6; et si quelquefois il est permis de suivre l'équité, ce doit être cette équité légale qui est la véritable justice, qui est dirigée et éclairée par l'esprit des

lois.

L'art. 373 du Code de commerce porte « que le délaissement doit être fait aux assureurs » dans le tems de six mois, etc., et ces délais passés, les assurés ne seront plus recevables à faire » le délaissement. »

Cette prescription, prononcée par la loi nouvelle, est de rigueur, comme elle l'était sous l'Ordonnance (art. 48, des assurances ), ainsi que toutes les autres prescriptions qui sont établies dans les affaires commerciales.

Mais cette prescription ne commence à courir que du jour où les assurés auront pu agir, c'est-à-dire depuis le jour où leur action aura pris naissance et où elle aura pu être exercée. Pendant le cours de ces délais, l'assuré ne peut agir, et son action n'est pas encore née.

En cette matière, on ne connaît qu'un seul empêchement de fait qui soit capable de suspendre le cours de la prescription; c'est lorsqu'on ignore la perte, parce qu'il est impossible d'agir contre les assureurs avant que d'avoir connaissance du sinistre. Voilà pourquoi l'art. 373 ne fait courir le tems de l'action qu'à partir du jour de la réception de la nouvelle de la perte.

Tout autre prétendu empêchement de fait, tout autre prétexte, toute autre excuse, ne servent de rien. En vain les assurés objecteraient-ils qu'ils étaient occupés dans des démarches indispensables pour faire relâcher la prise; en vain diraient-ils qu'ils travaillaient pour recouvrer les effets enveloppés dans le sinistre, et que l'espérance de ce recouvrement a suspendu leur action. On ne pourrait les écouter, et leur demande, intentée après le tems de droit, après les délais prescrits par la loi, serait rejetée.

SECTION X.

Cas où la Prescription n'a pas lieu.

Notification, pro

LES notifications, protestations et sommations extrajudiciaires, intimées $ 1. aux assureurs, de la part des assurés, n'ont jamais par elles-mêmes la vertu testation, sommade suspendre la prescription. (Art. 42 et 43, titre des assurances. Vide M. Julien, tion extrajudiciaire. sur le Statut, tom. 2, pag. 586). Il faut que le délaissement et la demande soient faits dans le tems de droit (art. 48), et il faut que cette demande soit judiciaire. Suprà, sect. 2.

La reconnaissance que l'assureur fait par écrit qu'il a été averti de la perte, et qu'il a promis d'en payer l'objet, lorsqu'elle aura été liquidée, fait cesser la fin de non-recevoir. Pothier, n°. 157. Suprà, ch. 17, sect. 7.

Si les assureurs

dispensent l'assuré de remplir les formalités.

Si l'assuré n'était

L'art. 57, titre des assurances, veut que les actes justificatifs du charge- $ 2. › ment et de la perte soient signifiés aux assureurs, avant qu'ils puissent être pas encore muni des poursuivis pour le paiement des sommes assurées d'où il semble d'abord pièces justificatives. que nulle prescription ne court contre l'assuré, avant que les pièces justificatives aient été signifiées; mais si cela était, les prescriptions déterminées

par

l'art. 48 deviendraient inutiles, puisqu'il dépendrait de l'assuré de différer les significations, autant qu'il lui plairait.

Le véritable sens de l'Ordonnance est que si l'assuré ne signific pas les actes justificatifs, il ne pourra poursuivre avec succès le paiement des sommes assurées. Dans ce cas, sa demande sera rejetée par défaut de justification, au lieu qu'elle serait déclarée non recevable, si elle avait été formée après le tems de droit.

L'assuré qui, lors de sa demande judiciaire, n'est pas encore muni des pièces justificatives, peut les communiquer dans le cours de l'instance, et on ne lui refuse jamais le tems convenable pour se les procurer. Mais ce point est étranger à ce qui concerne la prescription. Vide Valin, art. 57, pag. 130. Suprà, ch. 17, sect. 5.

$ 3.

Si avant l'introduction de l'instance il

Si, avant l'introduction de l'instance, il y a eu des pourparlers entre les assurés et les assureurs, et que pendant le cours de ces conférences honnêtes et amicales, le tems de la prescription se soit écoulé, la fin de non-recevoir est-elle acquise? Le cas est assez fréquent parmi nous. On reçoit nouvelle de et les assureurs.

y

a eu des pourpar

lers entre les assurés

la perte. On fait sa déclaration à la chambre du commerce. On parle aux assureurs ; chacun d'eux promet ou paraît promettre de payer, mais chacun veut voir et examiner. Les actes sont exhibés. Un papier manque. Il faut écrire en Angleterre, en Hollande ou ailleurs, pour se le procurer. La chose est encore bien plus compliquée, lorsqu'il s'agit d'une assurance faite par commission. Cependant, l'échéance des trois mois, des quatre mois arrive. On sent combien, dans pareilles circonstances, la fin de non-recevoir est odieuse. Aussi, a-t-elle été rejetée par divers arrêts.

Premier arrêt. En 1745, Grimod père et fils firent assurer 18,000 liv. sur le corps du vaisseau le corsaire la Revanche, capitaine Vincent Collet. Cé navire fut pris dans la Manche. Le 15 juin 1746, la déclaration du sinistre fut faite à la chambre du commerce. Le plus grand nombre des assureurs payèrent. Les autres voulurent voir les pièces justificatives. On les leur remit. Le commis du sieur M**., un d'eux, en fit son récépissé. Ils dressèrent un mémoire à consulter, dont ils donnèrent copie aux assurés. Enfin, ils proposèrent l'arbitrage. Mais comme les renvois continuaient toujours, les assurés présentèrent requête le 25 janvier 1747, en abandon du navire, et en paiement des sommes assurées. Les assureurs opposèrent alors la prescription de quatre mois. On répondit qu'il y avait perfidie de leur part, et que la prescription avait été suspendue par tout ce qui s'était passé.

Sentence du 13 septembre 1747, qui, sans avoir égard à la fin de non-recevoir, condamna les assureurs à payer les sommes par eux respectivement assurées, avec intérêts depuis la demande, dépens et contrainte par corps, sauf huitaine. Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 28 juin 1748, au rapport de M. de Boades, qui confirma cette sentence. J'avais écrit pour les assurés.

Second arrêt. En 1747, les sieurs Walchs frères et Duhamel firent assurer 14,000 liv. sur le corps du corsaire le Grand Passe-partout, capitaine Prey de la Marque. Ce navire fut pris par les Anglais et conduit à Plimouth. Le 23 août 1747, le sinistre fut déclaré à la chambre du commerce. M. Garnier, notaire, qui avait reçu les polices, fut chargé d'exiger la perte. On demanda l'exhibition des pièces justificatives. Il fallut les envoyer prendre dans l'étranger. Enfin, le 11 mai 1748, requête en abandon du navire et en paiement de la perte. Les assureurs opposèrent la prescription. On répondit qu'elle avait été interrompue par toutes les démarches faites dans le tems de droit, et qui étaient attestées par un certificat de M. Garnier.

Sentence du 8 décembre 1748, qui déclara les assurés non recevables. Arrêt

du 27 mars 1751, rendu par le Parlement d'Aix, au rapport de M. d'Orsin, qui réforma cette sentence et condamna les assureurs.

Troisième arrêt. En 1756, les sieurs Sollicoffre et Fitler firent assurer 5,000 livres sur les facultés du vaisseau la Dame Alide, capitaine Jacob Boerhorts, hollandais. Ce navire échoua près du Texel. On sauva divers effets. Le 23 février 1757, la déclaration de ce sinistre fut faite à la chambre du commerce. Le 26 juin 1758, requête contre Elzeard S**. et B**. frères, deux des assureurs, en abandon des effets assurés, et en paiement de l'assurance. Ceux-ci opposèrent la prescription de quatre mois.

On leur communiqua un certificat de Ma. Guieu, courtier, conçu en ces termes........ « Je dénonçai, d'ordre des assurés, ce sinistre, lorsqu'il fut » connu à Marseille, aux sieurs Elzeard S**., B**. frères, et Kick et Durantet, > assureurs de la somme de 5,000 liv., et leur déclarai que s'étant sauvé des » marchandises de ce naufrage, les intéressés en Hollande soignaient le sauvetage, et qu'il leur en serait remis un compte exact, lorsque le tout serait » mis en règle, pour payer alors ce qui leur compéterait aux sommes assu• rées; ce qui fut agréé et approuvé par les assureurs, et dont je rendis compte » aux assurés. »

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Autre certificat fait par les sieurs Kick et Durantet, qui avaient pris risque dans la même assurance : « Le sinistre nous fut notifié par M. Guieu et les > assurés, lorsque la nouvelle en parvint à Marseille, et nous ayant déclaré que les intéressés d'Amsterdam aux facultés assurées soigneraient le sauve»tage, pour payer sur le compte qui serait produit ce qui compéterait aux › assureurs, nous y consentimes. En conséquence, le compte du net produit › du sauvetage étant parvenu aux assurés, nous leur avons payé, le 1. mai » dernier, la somme de 1,389 liv. 11 s. 6 d. sur la somme par nous assurée. . Certifions de plus que nous avons été exactement instruits par les assurés » de ce qui s'est passé à Amsterdam sur le susdit sinistre.»

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Sentence du 23 janvier 1759, qui condamne Elzeard S**. et B**. frères au paiement des sommes par eux assurées. Arrêt du 26 juin 1760, rendu par le Parlement d'Aix, au rapport de M. de Boutassy père, qui confirma la sen

tence.

Il résulte de cette jurisprudence qu'on n'a aucun égard à la prescription dont il s'agit, lorsqu'il paraît que la demande judiciaire a été différée par l'impulsion et le fait des assureurs eux-mêmes.

Il ne suffit pas que, dans le tems de droit, ils aient été interpellés de payer; mais s'ils ont adhéré à cette interpellation, s'ils ont demandé des éclaircisse

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