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$4. Certificats.

Serment décisoire.

Preuve par témoins de la promesse verbale,

mens qu'il fallait envoyer chercher au loin, il serait inique que les délais nécessités par la nature des choses, fussent fatals aux assurés, et que ceux-ci devinssent la victime de leur honnêteté et de leur bonne foi.

La moindre reconnaissance de la dette, minima agnitio debiti, suffit pour interrompre la prescription, même celle de trente ans. D'Argentré, art. 266, vo. interruption, cap. 5, no. 3, pag. 1170. Dunod, pag. 58. Vedel, tom. 2, pag. 225. Lorsque les assureurs examinent les pièces qu'on leur exhibe, et qu'ils demandent des éclaircissemens ultérieurs, ils reconnaissent l'obligation où ils sont de payer la perte, dès que les choses seront mieux justifiées. Il scrait très-indécent qu'on présentât requête contre eux avant de les avoir satisfaits par des préalables qu'ils paraissent être en droit d'exiger. Il serait donc injuste que ces mêmes préalables n'eussent été qu'un piège tendu aux assurés pour les faire déchoir de leur action. Il faudrait se méfier des assureurs, comme on se méfie des pirates, et détruire la bonne harmonie qui doit régner entre concitoyens.

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Il semble qu'en parcille matière, on ne devrait jamais admettre les certificats, car, comme l'observe M. Pothier, n°. 157, titre des assurances, l'Ordonnance veut qu'il soit fait une signification aux assureurs. Leur recon> naissance qu'ils ont été avertis équipolle bien à cette signification; mais un » certificat d'un courtier, ni même d'un notaire, qui, par rapport à ce certificat, » n'est qu'une personne privée, ne peut pas équipoller à une signification juridique que l'Ordonnance exige.

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Cependant, dans l'usage, ainsi qu'on vient de le voir, on a tel égard que de raison aux certificats, et l'on s'écarte de la prescription prononcée par l'Ordonnance, toutes les fois que, par le concours des circonstances, la promesse verbale est prouvée d'une manière évidente. Vide ma consultation que M. Valin rapporte sur l'art. 48, titre des assurances, tom. 2. C'est alors une question de fait qui devient arbitraire; à quoi il ne parait guère possible de remédier, jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par un réglement nouveau.

L'assuré peut déférer à l'assureur le serment décisoire, au sujet de la promesse verbale que celui-ci lui avait faite dans le tems de droit de payer la perte. Mais la délation du serment d'une promesse faite après le tems de droit ne serait pas admise, suivant la doctrine de Serres, pag. 449, attendu que la fin de non-recevoir prononcée par l'Ordonnance éteint l'action civile.

En règle générale, la preuve vocale de la promesse verbale n'est pas admise. Danty, part. 1, ch. 1, n°. 31. Sofve, tom. 1, cent. 2, ch. 37. Brodeau, Coutume de Paris, tom. 2, pag. 199. Vedel, tom. 2, pag. 30. Bretonnier, tom. 2, pag. 253,

n°. 9. Valin, art. 8, titre des prescriptions, tom. 1. Pothier, des obligations, 2o. 694. Cependant, la preuve testimoniale fut admise dans un procès dont voici les circonstances:

Le patron Michel Capoua fit assurer pour son compte 7,000 liv. sur le corps de la polacre Saint-Antoine et la Vierge des Carmes, par lui commandée. Cette polacre fit naufrage près de Collioures, côte du Roussillon. Le 27 juillet 1780, l'assuré fit à la chambre du commerce son acte déclaratif du sinistre. Le 11 novembre suivant, Thomas Chighisola, porteur de la police, se pourvut en justice contre les assureurs. Ceux-ci opposèrent la prescription de trois

mois.

Sentence du 18 janvier 1782, qui ordonne que Chighisola prouvera, par toute sorte et manière de preuves, que le capitaine Capoua, dans les pre› miers jours du mois d'août 1780, avait fait à tous ses assureurs en particulier, demande verbale du paiement des sommes par chacun d'eux assurées,' sauf l'escompte d'usage, et qu'ils avaient répondu qu'ils ne pouvaient payer , alors, mais qu'ils paieraient après l'échéance des trois mois. »

Dans la sect. 11 du présent chapitre, on verra que, suivant notre jurispru dence actuelle, on fait courir la prescription de trois mois avant même l'échéance du délai conventionnel, malgré la règle non valenti agere, non currit præscriptio. Il ne faut donc pas être surpris que notre tribunal mitige, par tous les moyens possibles, une pareille jurisprudence.

Mais il vaudrait mieux la corriger absolument, que d'avoir recours à des moyens que les saines maximes réprouvent. Les fins de non-recevoir et les prescriptions ne peuvent être repoussées que par une exception légale et écrite, parce que c'est la loi qui les a prononcées. Il serait inutile que le législateur eût pris des précautions pour fixer les incertitudes, pour régler les formes de procéder, pour déterminer les actions, et pour assurer la police des jugemens, si on pouvait, par des prétextes et par des preuves mendiées, se soustraire au vou formel d'une loi précise. Le délai de trois mois (du moins après le terme conventionnel) est une prescription d'ordonnance que l'on ne peut éluder arbitrairement.

Si les pourparlers interrompent la prescription, il faut qu'ils soient avoués par les parties, ou littéralement constatés. Lorsque l'Ordonnance a exigé que les délaissemens et demandes en exécution de la police soient signifiés dans trois mois aux assureurs, elle n'a pas entendu parler d'une demande verbale, peu souvent accompagnée d'une promesse positive; mais elle a entendu parler d'une demande judiciaire; car, en termes de jurisprudence, le mot demander

signifie actionner, appeler quelqu'un en jugement: Postulare propriè hoc dicimus, pro tribunali petere, non alibi. Loi 4, § 8, ff de damn. infect. Vide suprà, sect. 2, § 2.

Il suit de ces principes que l'interlocutoire prononcé par la sentence que je viens de rapporter, est contraire aux bonnes règles. Il eût été infiniment mieux de décider que la prescription de trois mois avait été suspendue pendant le délai conventionnel; car, si la preuve testimoniale a été admise en faveur de Chighisola, on pourrait l'admettre dans le cas même où le terme légal et le terme conventionnel se trouveraient échus depuis long-tems. Dès lors, rien de si facile que d'éluder les fins de non-recevoir prononcées par nos lois, soit en matière d'assurance, soit en matière de protêt des lettres de change, et autres points de cette nature.

Ceci ne paraît pas se concilier avec ce que j'ai dit au sujet des certificats, lesquels ont infiniment moins de force que la preuve testimoniale judiciaire; mais je n'ai été que simple historien. Les tribunaux se déterminent quelquefois par sentiment, plutôt que par la rigueur de la règle (sur-tout lorsque cette règle ne dérive pas du droit naturel, et qu'elle se trouve entourée de nuages). Au reste, la maxime est sûre, qu'en matière de prescriptions établies par le Statut ou par l'Ordonnance, la preuve testimoniale ne peut jamais suppléer à la demande judiciaire, laquelle, suivant l'ordonnance de 1667, tit. 2, art. 1, doit être libellée. Les actes juridiques doivent être rédigés par écrit. Boisseau, cap. 10, n°. 6. Il est également certain que la promesse de payer ne saurait être constatée par témoins, sur-tout à l'effet d'interrompre une prescription proprement dite, telle que celle dont il s'agit (et que je suppose avoir été légitimement acquise par le laps des premiers trois mois de quoi je doute fort, ainsi qu'on le verra dans la section suivante).

CONFÉRENCE.

CCXXX. Les observations d'Emérigon sont justes, et il faut regarder, ainsi que lui, la jurisprudence qu'il rapporte comme absolument contraire aux principes.

L'art. 434 du Code de commerce, et l'art. 10 de l'Ordonnance, titre des prescriptions, ont désigné les actes susceptibles d'interrompre la prescription: « La prescription ne peut avoir » lieu s'il y a cédule, obligation, arrêté de compte ou interpellation judiciaire. Par cedule, on entend un acte sous seing privé. Les considérations d'équité qui pourraient faire admettre d'autres moyens d'interruption de prescription, seraient contraires à la loi, et auraient l'inconvénient d'ouvrir la porte à des abus, des incertitudes et des procès. La véritable équité est l'équité légale qui est dirigée et éclairée par l'esprit des lois.

Ainsi, on ne doit admettre de causes d'interruption de prescription que celles portées par

l'art. 434. Ce retour aux dispositions de la loi doit d'autant plus avoir lieu, que le Code, en supprimant les courts délais pour le délaissement, a fait cesser les motifs que les anciens tribunaux croyaient avoir de s'écarter de la rigueur des règles. Dès la promulgation du nouveau Code de commerce, on a dû abandonner cette ancienne jurisprudence, qui y est contraire. · (Voyez d'ailleurs les art. 374 et 378 du Code de commerce).

SECTION XI.

Comment concilier les art. 43 et 44 avec l'art. 48?

Je ne puis concilier les art. 43 et 44 avec l'art. 48, titre des assurances, au sujet des prescriptions de six semaines et de trois mois, qu'en ayant recours à la règle qui veut que le tems dans lequel une demande doit être intentée, ne commence à courir que du jour qu'on a pu agir. Non valenti agere, non currit præscriptio: règle adoptée par l'art. 49, titre des assurances, au sujet de l'arrêt de prince. Ibiq. Pothier, no. 156. Règle fixée par toutes les lois, et répétée par tous nos auteurs. Loi 1, § 2, Cod. de annal. excep.; loi sicut 3; loi cum notissimi 7, $4, Cod. de præsc. trigin. ann. Cujas, ad d. legem 7. Dunod, pag. 30 et 261. Duplessis, tom. 1, pag. 719 et 722, etc.

Ce principe a lieu, même en matière de prescription statutaire : Illa regula quòd impedito agere, non currit præscriptio, est regula naturalis, quia ubi non est negligentia, non debet esse pæna. Ideò locum habet etiam in statutis. Balbus, primâ parte, 6o. princ., pag. 519, no. 18 et 19.

Par une clause spéciale de la formule de Marseille, les assureurs promettent de payer les sommes assurées trois mois après la nouvelle du sinistre, lesquels trois mois seront comptés du jour que l'assuré aura fait sa déclaration de la perte aux archives de la chambre du commerce.

Ce pacte est conforme à l'art. 43, titre des assurances, qui dit que les assureurs paieront les sommes assurées dans le tems porté par la police. L'article suivant ajoute, que « si le tems du paiement n'est point réglé par la police, l'as› sureur sera tenu de payer l'assurance trois mois après la signification du dé› laissement. »

Le terme du paiement des sommes assurées n'échoit donc, suivant le droit commun de l'Ordonnance, que trois mois après la signification du délaissement; et suivant nos usages, il n'échoit que trois mois après la déclaration faite à la chambre du commerce. Jusqu'alors, le paiement ne peut pas être demandé :

T. II.

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Cum solvendi tempus obligationi additur, nisi eo præterito, peti non potest. Loi 186, ff de reg. jur. Loi 41, § 1, ff de verb. oblig. Loi 213, ff de verb. signif. Loi 13, $ 5, ff de pignor. et hypot., § 2, inst. de verb. oblig.

La requête présentée avant l'échéance doit être rejetée en l'état, avec dépens. Despeisses, tom. 1, pag. 191, n°. 23; tom. 2, pag. 474, no. 13. Car, ainsi qu'on le dit vulgairement, qui a terme, ne doit rien: Qui antè tempus peti, petit quod propriè non debetur. Bornier, sur Ranchin, v°. debitor, art. 15, pag. 115.

Les prescriptions déterminées par l'art. 48, ne doivent donc prendre leur cours qu'après l'échéance du délai stipulé dans nos polices: autrement, l'action serait éteinte avant sa naissance, dans le cas de la perte arrivée sur les côtes de la même province, ou sur les autres côtes du royaume.

Pour remédier à cet inconvénient prétendu, un usage bizarre s'est introduit parmi nous. Dans les six semaines, ou dans les trois mois de la nouvelle de la perte, on présente contre les assureurs une requête, par laquelle on déclare leur faire abandon, et on les assigne à comparaître en justice, après que le terme du contrat sera échu, pour être condamnés au paiement des sommes assurées. Cette assignation anticipée est un monstre dans l'ordre judiciaire.

C'est cependant d'après cet usage que, jusqu'à présent, la jurisprudence de notre amirauté est de déclarer non recevables les assurés, toutes les fois qu'ils n'ont pas fait leur abandon et présenté leur requête dans le tems déterminé par l'art. 48, sans avoir égard au délai conventionnel.

Dans ma consultation, rapportée par M. Valin, à la suite de l'art. 48, j'ai parlé d'un arrêt rendu en 1759, par le Parlement d'Aix. Alexis Germond s'était fait assurer 3,150 liv., de sortie de Marseille jusqu'à Saint-Valery, sur les facultés du vaisseau le Prince-Charles, capitaine Clément Bées, impérial, et les assureurs avaient promis, en cas de perte, de payer les sommes assurées trois mois après que la déclaration du sinistre en serait faite à la chambre du commerce. Ce vaisseau fut pris par les Anglais. Le 5 février 1757, l'assuré, ayant eu nouvelle du sinistre, fit à la chambre du commerce sa déclaration de l'arrêt de ce vaisseau. (Il croyait que ce n'était pas une prise). Le 16 avril, ayant appris que les effets assurés avaient été confisqués, il en fit délaissement aux assureurs, et ce ne fut que le 10 juin suivant, qu'il forma sa demande en justice.

On lui opposa la prescription de quatre mois. Il répondit qu'il avait considéré la prise comme un simple arrêt; qu'il l'avait ainsi qualifiée dans sa déclaration à la chambre du commerce, et qu'il était bien dur qu'on voulût,

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