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Je croirais donc qu'en rigueur de règle, l'action d'avarie n'est subordonnée à aucune prescription de courte durée, jusqu'à ce que Sa Majesté y ait pourvu par un réglement. On doit être surpris que notre chambre du commerce reste si long-tems sans le postuler, malgré la semonce qui lui en est faite depuis 1713.

L'art. 48, titre des assurances, est

Ce réglement serait d'autant plus nécessaire, que l'art. 48, titre des assurances, est conçu d'une manière équivoque. « Le délaissement et toute demande équivoque. » en exécution de la police, seront faits aux assureurs dans (tel et tel tems). » Or, la demande en avarie est faite en exécution de la police, d'où M. Pothier, n°. 170, conclut que l'action d'avarie est soumise aux mêmes prescriptions que celle de délaissement. Mais la pratique journalière et l'ordre naturel des choses, ne permettent pas d'adopter une pareille conclusion, d'après laquelle il faudrait former la demande avant même que l'avarie eût été constatée et liquidée, à la diligence du maître, dans le lieu de la décharge du bâtiment, et en la forme déterminée par l'art. 6, titre du jet.

Il est vrai qu'après que ces préalables sont remplis, et qu'on est muni des pièces convenables, rien n'empêche d'intenter l'action d'avarie; mais elle est alors intentée long-tems après la nouvelle de l'accident. Or si, en matière d'avarie, on est forcé de s'écarter une fois de l'art. 48, est-il permis d'y rentrer au préjudice du droit commun, et sans le secours d'un texte spécial, tandis que cet art. 48, bien entendu, n'est applicable qu'à la seule action en délaissement?

CONFÉRENCE.

CCXXXV. Le Code de commerce lève les doutes que faisait naître l'art. 48, assurances, de l'Ordonnance. L'art. 373 de la loi nouvelle, qui y correspond, ne parle que du délaissement. Ce n'est donc qu'à cette demande seule qu'il faut appliquer la prescription de l'art. 373.

Quant aux autres demandes, le délai pour les intenter se trouve réglé par l'art. 432, qui porte: «Toute action dérivant d'un contrat à la grosse, ou d'une police d'assurance, est pre» scrite après cinq ans, à compter de la date du contrat. »

La disposition de cet article éprouva beaucoup de controverses devant le Conseil d'état. Plusieurs tribunaux pensaient que le délai était trop long; d'autres estimaient qu'il était trop court. Enfin, quelques-uns désiraient que les délais fussent réglés suivant la nature et la longueur du voyage, et dans le sens de l'art. 48 de l'Ordonnance.

Mais on observa que cette diversité de prescriptions de l'art. 48 avait précisément donné lieu à trop de procès, et d'après cette juste réflexion, on crut devoir rejeter la variation des délais, et n'admettre qu'un terme unique. Ainsi, toutes actions dérivant d'un contrat à la grosse ou d'un contrat d'assurance, tombent indistinctement sous la prescription de cinq ans.

Mais l'action en paiement d'avaries tombe-t-elle également sous le coup de cette prescrip

tion? On peut véritablement dire que cette demande ne paraissant fondée que sur le réglement d'avaries, qui peut quelquefois éprouver des longueurs, et qui forme, en quelque sorte, un titre nouveau, on ne saurait lui appliquer cette prescription. Mais le réglement se fait contradictoirement avec l'assuré, et l'action de celui-ci contre son assureur dérive du contrat d'assurance. D'où il suit que le réglement d'avarie n'est pas un titre pour proroger contre lui la prescription de cinq ans.

Il en serait autrement si l'assuré, qui en a le droit, avait appelé son assureur au réglement d'avarie; il acquerrait, en vertu du titre qui résultera de ce réglement, une action dont la durée serait de trente ans.

Mais si le réglement est fait sans qu'on y appelle l'assureur, ce réglement ne peut plus être un titre pour proroger contre lui la prescription de cinq ans, déterminée par l'art. 432.

S1.

Prescription au

assurée.

SECTION XVI.

Autres objets non prévus par l'Ordonnance.

L'ORDONNANCE a laissé plusieurs autres points à l'écart. 1o. En quel tems la demande en ristourne doit-elle être formée contre les assureurs? 2°. Jusqu'à quel tems sont-ils admis à demander la prime promise, et non payée? 5°. En quel tems l'assureur doit-il se pourvoir contre ses réassureurs? 4°. En quel tems l'assuré doit-il se pourvoir contre celui qui a cautionné la solvabilité des assureurs? Tout cela aurait besoin d'être déterminé par un réglement.

Il semble que ce réglement (sauf certaines modifications) pourrait être dressé en deux mots : Toute action concernant les contrats maritimes sera prescrite dans un an pour les voyages ordinaires, et dans deux ans pour les voyages de long cours; le tout, à compter du jour qu'on aura pu agir.

Dans le ch. 8, sect. 2, tom. 1, j'ai parlé de l'assurance faite au sujet de la sujet de la liberté liberté des personnes. Je ne crois pas que les prescriptions établies par l'article 48, titre des assurances, aient lieu à ce sujet; car le captif n'est pas perdu, et il serait absurde de dire qu'on doive en faire délaissement aux assureurs. Il faut donc que ceux-ci paient la somme déterminée par la police, sans pouvoir opposer d'autre prescription que celle établie par le droit commun. S'ils avaient promis de procurer la liberté au captif, sans déterminer aucune somme, et que le capteur refusât de consentir au rachat, ils ne seraient pas déliés de leur promesse; mais l'exécution en serait différée, jusqu'à ce que la liberté pût être donnée à l'esclave, quand l'occasion de le racheter se présenterait : Quòd si dominus eum non vendat, non statim extinguitur libertas,

sed differtur quoad possit tempore procedente, ubicumque occasio servi redimendi fuerit, præstari libertas. § 2, inst. de sing. reb. per fideicomm.

Dans le ch. 12, sect. 14, j'ai parlé de l'abordage, et j'ai dit que cet acci

$ 2. Prescription en

dent était à la charge des assureurs, lorsqu'il arrive par fortune de mer. Mais fait d'abordage. peuvent-ils exciper de la prescription de vingt-quatre heures, établie par

l'art. 8, titre des prescriptions?

Suivant cet article, « toute demande pour raison d'abordage sera formée » dans vingt-quatre heures après le dommage reçu, si l'accident arrive dans » un port, havre, ou autre lieu où le maître puisse agir.

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«

1o. L'Ordonnance, en introduisant cette prescription de vingt-quatre heures, a voulu faire cesser, après ce tems-là, toute demande pour raison d'abordage, c'est-à-dire toute action de la part du capitaine qui a souffert le dommage, contre celui qui le lui a causé; mais comme, en pareil cas, l'action d'assurance est la suite de celle d'abordage, je crois que celle-ci, venant à périr par le laps de vingt-quatre heures, l'autre doit s'évanouir également. Les accidens » maritimes (dit M. Valin, ibid., tom. 1) sont si fréquens, qu'il se pourrait » qu'un navire, après avoir été abordé par un autre, souffrît, dans un intervalle assez court, d'autres avaries dont on dissimulerait la cause, pour les » faire regarder comme une suite naturelle, ou comme un effet direct de » l'abordage. Tel est le motif de la brièveté de l'action concernant l'abordage, » et rien assurément n'est plus juste, pour éviter les surprises.

D

Si l'action d'abordage, n'ayant pas été intentée dans le tems de droit, se trouve éteinte vis-à-vis de la partie principale, il n'est pas permis de la reproduire indirectement contre les assureurs. Il ne serait pas juste que, par la négligence de l'assuré ou de son capitaine, les assureurs fussent privés de toute action de recours contre l'auteur du dommage, et se trouvassent dans l'impossibilité d'éclaircir la cause de l'accident.

2°. Cette prescription de vingt-quatre heures est établie au sujet du dommage reçu, c'est-à-dire au sujet d'une simple avarie occasionnée par l'abordage: d'où il suit que la prescription n'a pas lieu, dans le cas où l'abordage a causé la perte entière de l'un des navires. On retombe alors dans la disposition du droit commun, tant contre celui à qui le sinistre majeur est imputé, que contre les assureurs du navire naufragé.

3°. La prescription de vingt-quatre heures est-elle suspendue par l'occurrence d'un jour de dimanche ou de fête?

Les exploits et actes de justice ne peuvent être faits les jours de fête, à moins qu'il n'y ait péril en la demeure: Si res tempore peritura sit, hoc est

si dilatio actionem sit peremptura........ Si actionis dies exiturus est, disent les lois 1 et 3, ff de feriis. Telle est la doctrine générale. D'Argentré, art. 1, gl. 2, n°. 4. Brodeau, sur la Coutume de Paris, art. 131, no. 3. Duplessis, ibid. tom. 1, pag. 282 et 298. Henrys, tom. 2, liv. 4, quest. 134, pag. 749. Bornier, Jousse et Rodier, sur l'ordonnance de 1667, tit. 2.

Mais il faut distinguer : lorsque, pouvant agir un jour utile, on a attendu le dernier jour, si ce dernier jour est une fête, et qu'on ne trouve point d'huissier qui veuille exploiter, c'est tant pis pour celui qui n'a pas prévu ce qu'il devait prévoir. La loi ne survient pas, et ne se rend point indulgente » à celui qui s'est laissé empresser, et tomber par sa faute et négligence dans » la nécessité et angustie du tems: Qui se arctavit, comme dit la loi 2, § si quis tamen, ff si quis cautio. » C'est ainsi que parle Brodeau, en l'endroit

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cité.

S'il s'agit d'une prescription de courte durée, qui tombe en entier ou presque en entier dans des jours de fête, la raison de la loi cesse, et l'on se trouve au cas de la règle non valenti agere, non currit præscriptio.

Robert, rer. jud., lib. 4, cap. 15, rapporte un arrêt qui décida que la prescription de vingt-quatre heures, établie par la Coutume de Paris, en matière de retrait lignager, avait été suspendue pendant le tems qu'on faisait la procession de Sainte-Geneviève.

Le 7 décembre 1751, un navire ancré dans le port de Marseille fut abordé par le vaisseau l'Espérance, capitaine Icard. La requête présentée par le plaignant fut décrétée le soir du même jour. On ne trouva aucun huissier pour l'exploiter. Le lendemain était la fête de la Conception. Le 9, la requête fut signifiée. Le capitaine Icard excipait du laps de vingt-quatre heures ; il disait que l'exploit aurait dû et pu être fait le jour même de la fête, à cause de l'urgence du cas. Mais, d'après les principes que je viens d'établir, son exception fut rejetée par sentence du 17 du même mois, et l'action fut admise.

4°. Dunod, des prescriptions, part. 2, ch. 1, pag. 115, dit que, dans le cas d'un délai de vingt-quatre heures, ce délai se compte de moment en moment. Cela est bon en matière de retrait lignager, et autres actions peu favorables; mais en matière d'abordage, il suffit de faire signifier la requête du jour au lendemain, et je n'ai jamais vu qu'on ait chicané sur les heures, ni sur les

momens encore moins.

5°. Cette prescription ne court que depuis que le capitaine dont le navire a été abordé aura pu agir d'où il suit que si l'abordage arrive en pleine mer, ou dans un lieu où il n'y a point de juge, la prescription sera sus

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a

pendue, jusqu'à ce qu'on ait le moyen de se pourvoir en justice. Si l'avarie soufferte n'était pas de nature à empêcher la continuation du voyage, on ne serait obligé ni de s'en retourner, ni de dérouter pour venir porter sa plainte. On la formerait en tems et lieu opportuns. Valin, ibid.

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6o. Cet auteur ajoute que s'il y a eu des pourparlers, qui aient empêché › d'intenter l'action dans les vingt-quatre heures, la fin de non-recevoir n'aura › pas lieu. Mais, dit-il, la preuve de ces pourparlers n'est pas, selon moi, » recevable par témoins, et il n'y a que la ressource de s'en rapporter au ser› ment de la partie adverse.» J'adopte cette doctrine. Elle est conforme aux vrais principes, ainsi qu'on l'a vu suprà, sect. 10, § 3. J'ajouterai de plus, que tout ce qui interrompt la prescription vis-à-vis de l'auteur (vrai ou prétendu) du dommage, l'interrompt aussi vis-à-vis des assureurs.

Au sujet du ristourne, il faut distinguer deux cas principaux.

Si le navire arrive à bon port, et que la prime indue ait été payée lors de la signature de la police, on peut la réclamer condictione indebiti, et cette action est perpétuelle. Si la prime n'a pas été payée, l'assuré peut en tout tems opposer le ristourne par exception.

Si le navire est perdu, les assureurs peuvent, par exception, opposer en tout tems le ristourne. Mais une fois qu'ils ont payé la perte, ils sont non recevables à réclamer les sommes par eux comptées, à moins qu'ils n'eussent été trompés par erreur de fait. Suprà, ch. 18, sect. 5.

Si la prime n'a pas été payée lors de la signature de la police, et que le navire arrive à bon port, l'action pour réclamer la prime n'est pas soumise aux prescriptions établies par l'art. 48, titre des assurances, lequel est borné au cas de perte. L'action en paiement de la prime est par conséquent perpétuelle, c'est-à-dire qu'elle ne se prescrit que par trente ans.

Si le navire périt, et que la perte soit de nature à être mise sur le compte des assureurs, la prime encore due sera compensée ipso jure, avec partie des sommes assurées. Suprà, ch. 3, sect. 8.

La réassurance est une assurance véritable, soumise par conséquent aux règles propres à ce contrat. Je crois donc qu'en règle générale, le réassuré doit intenter son action dans les tems déterminés par l'art. 48.

Mais si l'assureur n'avait été actionné de la part de l'assuré qu'au moment où le tems fatal va finir, faudrait-il que, dans le même instant, le réassuré se pourvût contre le réassureur? Il semble qu'on devrait alors accorder un nouveau délai, tel qu'on accorde en matière de protêt et de garantie.

T. II.

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