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Coutume de Bretagne, chap. 7, ainsi que la nouvelle Coutume, tit. 1, des justices et jurisdictions, art. 17 et 18, contiennent des dispositions particulières sur l'arbitrage.

En 1790, lors de notre régénération politique, il fut dans la pensée comme dans le vœu du législateur, que les premiers juges, en matière civile, devaient être les arbitres choisis par les parties, et la loi organique de l'ordre judiciaire, du 24 août, rendit hommage à ce principe. La Constitution de l'an 8, la loi du 27 ventôse de la même année, notre Code de procédure civile, art. 1003, et celui de commerce, art. 51 et 332, ont entouré cette jurisdic

tion de la même faveur.

L'auteur de l'excellent Traité de la compétence, notre honorable ami M. Carré, définit ainsi l'arbitrage « L'arbitrage est une jurisdiction volontaire de sa nature, quelquefois légale, et » par conséquent forcée, mais toujours contentieuse, par laquelle des particuliers sont investis, » par le choix des parties litigantes, ou, à défaut, par désignation du magistrat, du pouvoir de » prononcer sur les différends de celles-ci, à l'exclusion des juges institués par le prince.

» L'arbitrage est une jurisdiction, dit-il, parce qu'on appelle jurisdiction le pouvoir de juger. » Cette jurisdiction est volontaire de sa nature, parce qu'il dépend des parties intéressées de » l'instituer ou de recourir à la jurisdiction des tribunaux.

» Cependant, elle est quelquefois légale; par exemple, dans les cas où la loi oblige les par» ties à faire choix d'arbitres dans les cas qu'elle détermine,.... la jurisdiction arbitrale n'est » plus volontaire, elle est forcée......

» Elle est toujours contentieuse, puisqu'il n'y a lieu à recourir à l'arbitrage, tel que la loi le » considère, qu'à raison d'un différend né entre les parties.....» (Voyez le Traité de la compétence, par M. Carré, tom. 2, pag. 217 et suiv., où cette matière est traitée avec le talent et l'erudition qui distinguent cet estimable professeur; voyez d'ailleurs la Jurisprudence de M. Dalloz, dans les préliminaires de l'article arbitrage, tom. 1, pag. 597 et suiv. )

Du reste, nous devons faire observer qu'il n'y a d'arbitrage forcé que dans le seul cas prévu par l'art. 51 du Code de commerce, relativement à toute contestation entre associés, pour raison de la société, et conformément aux règles qui sont établies aux art. 51, 253 et suivans de ce Code.

Ainsi, hors ce cas, toutes autres contestations, qu'elles soient civiles ou simplement commerciales, ou commerciales maritimes, ne sont point déférées à cette jurisdiction légale. Elles ne peuvent être soumises qu'à l'arbitrage volontaire.

Il est vrai de dire que, dans le cas prévu par l'art. 429 du Code de procédure, les juges de commerce peuvent néanmoins renvoyer en toute contestation les parties, soit devant des arbitres, pour les entendre et les concilier, si faire se peut, sinon donner leur avis, soit devant des experts, s'il s'agit d'estimation. Mais cet art. 429 ne fait que consacrer et généraliser un usage autrefois suivi et autorisé; et il ne faut pas confondre cette espèce d'arbitrage avec l'arbitrage forcé en matière de société. Dans ce dernier cas, les arbitres remplacent le tribunal de commerce et jugent le différend; et dans l'autre, au contraire, ils ne donnent qu'un avis, et sont conséquemment assimilés à des experts, dont les apuremens ne lient en aucune manière le tribunal qui les a commis. On doit leur appliquer la maxime dictum expertorum nunquàm transit in rem judicatam.

Un tribunal de commerce peut d'ailleurs, pour d'autres cas que ceux mentionnés en l'art. 429

du Code de procédure, nommer des arbitres rapporteurs. Cet article n'est pas limitatif, il est
seulement démonstratif; car, en portant cette disposition, le législateur n'a eu pour objet que
d'éclaircir et de simplifier la discussion, d'accélérer et de faciliter la décision des affaires.
(Voyez Pigeau dans sa Procédure du Châtelet, tom. 2, pag. 247 et 248).

Enfin, les arbitres, en général, peuvent être institués, ou comme arbitres proprement dits, ou comme amiables compositeurs. Ils sont présumés sous la première qualité, si le compromis ne leur donne pas le titre d'amiables compositeurs, et alors ils sont tenus de décider d'après les règles du droit. Si, au contraire, le compromis leur donne la qualité d'amiables compositeurs, alors ils peuvent tempérer la sévérité de la loi, écouter l'équité naturelle et prononcer, non prout lex, sed prout humanitas, aut misericordia, impellit regere.

En quelque qualité que les arbitres aient prononcé leur décision, elle n'est réputée rendue qu'en premier ressort, à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel. C'est une exception remarquable au principe général, et une innovation à la législation antérieure, que font les dispositions de l'art. 1023 du Code de procédure, et de l'art. 52 du Code de commerce.

L'art. 1021 du Code de procédure déclare les arbitres incompétens pour connaître de l'exécution de leurs jugemens, et attribue cette connaissance au tribunal dont le président a rendu l'ordonnance d'exécution.

Cependant, il est un cas où l'arbitre peut mettre sa sentence à exécution; c'est quand il est dépositaire de la chose contestée. Il peut alors la délivrer à celui qui a obtenu gain de cause, et exécuter ainsi son jugement. Telle est la disposition de l'art. 18 de notre Coutume de Bretagne. - ( Mais voyez le nouveau Répertoire, au mot arbitrage, tom. 1, pag. 297, 3o. édit. ).

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SI.

La police doit-elle

contenir la soumission à l'arbitrage?

SECTION I.

Des Arbitres.

L'ART. 3, titre des assurances, dit: La police contiendra la soumission des parties aux arbitres; et l'art. 70 dit: Lorsque la police contiendra soumission à l'arbitrage, etc.

Cette soumission à l'arbitrage n'est donc pas de nécessité. Elle est volontaire. Valin, art. 70. Pothier, no. 200.

La formule de Gênes porte que, s'il s'élève des difficultés entre l'assuré et l'assureur, elles seront décidées sans forme ni figure de procès. La formule de Bordeaux porte qu'en cas de contestation, on conviendra à l'amiable d'arbitres. Celle de Nantes ajoute qu'on prendra des arbitres négocians.

Mais la formule de Marseille est muette là-dessus, et laisse les choses dans la disposition du droit commun. L'ordonnance de François n, du mois d'août

1560, qui prescrit l'arbitrage entre marchands, n'a lieu qu'entre associés. Vide l'édit du commerce, tit. 4, art. 9.

Lorsque la police contiendra soumission à l'arbitrage, on doit le requérir avant contestation en cause. Art. 70, titre des assurances. De sorte que si, après les défenses, la cause a déjà frappé les oreilles du juge, qui ait renvoyé les parties au premier jour, ou fait quelque autre prononciation, on serait non recevable, malgré le pacte de la police, à requérir le compromis. Pothier, n°. 201.

$2. être demande avant L'arbitrage doit

la litis contestation.

Dans la même hypothèse du pacte de soumission à l'arbitrage, si l'une des Quid, si l'une des parties refuse de parties refuse de convenir d'arbitres, le juge nommera un arbitre pour le refu- convenir d'arbitres? sant. Art. 70. L'autre partie nommera de son côté un arbitre, qui pourra être récusé, même sans cause: Hunc nolo, à l'exemple de ce qui se pratiquait au sujet des juges pédanées. Cujas, sur la loi 16, Cod. de judiciis, et au liv. 9, observ. 23. Alors c'est au juge à nommer les deux arbitres. Vide le Précis des ordonnances, par M. de Montvallon, aux notes, v°. experts.

§3.

Forme de procéder devant les arbi

Huitaine après la nomination d'arbitres, les parties produiront entre » leurs mains; et dans la huitaine suivante, sera donnée sentence contradictoire, ou par défaut, sur ce qui se trouvera pardevers eux. Art. 71, titre tres, des assurances. Cet article signifie que les arbitres doivent donner leur décision le plus promptement qu'il est possible, pourvu qu'ils ne hasardent rien, et que les parties aient le tems de se défendre. La production dont l'article parle, se fait manuellement. La huitaine n'est pas de rigueur. En un mot, la bonne et briève justice, qu'on a lieu d'attendre de la part des arbitres, doit être rendue sans forme ni figure de procès. Edit de 1673, tit. 4, art. 12.

$ 4.

sentences arbitrales

Les sentences arbitrales seront homologuées au siége d'amirauté dans le › ressort duquel elles auront été rendues. Défendons au juge de prendre, Homologation des › sous ce prétexte, aucune connaissance du fond, à peine de nullité et de , tous dépens, dommages et intérêts des parties. » Art. 72, des assurances. 1°. L'homologation est la confirmation judiciaire d'un acte qui a besoin de l'autorité et du sceau du magistrat, pour devenir exécutoire. Bornier, art. 7, titre des faillites. M. Cochin, tom. 3, pag. 587, observe que « l'homologation n'est pas nécessaire pour imprimer au jugement des arbitres ce › caractère d'autorité, qui oblige les parties de s'y soumettre; la sentence › arbitrale, quoique non homologuée, n'en est pas moins une sentence. Il › est vrai que, pour la mettre à exécution, il faut recourir aux juges ordi› naires, parce qu'il n'y a que les juges en qui réside l'autorité publique, qui ⚫ puissent donner l'exécution parée aux jugemens; mais lorsqu'on n'est point

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$ 5.

Appel des sentences arbitrales.

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obligé de mettre la sentence à exécution, l'homologation est absolument

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2o. « La nature de la confirmation n'est pas d'introduire un droit nouveau, » de donner un titre nouveau, de faire une nouvelle disposition; mais au contraire, de fortifier un titre précédent, et d'en assurer l'exécution. Toute » confirmation suppose un droit acquis. Elle ne peut ni étendre ni augmenter » le titre. M. d'Aguesseau, tom. 2, pag. 606.

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Il suit de ce principe que le juge qui homologue une sentence arbitrale, ne peut ni l'étendre, ni l'augmenter, ni prendre aucune connaissance du fond, à peine de nullité.

Je n'ai jamais vu que des arbitres aient prononcé la contrainte par corps, et j'ai souvent vu la clause de contrainte par corps ajoutée dans les sentences. d'homologation rendues par nos juge et consuls. Je crois que c'est là un abus. Les arbitres sont des amis communs, à la décision desquels on se soumet volontairement. Il répugne que, pendant l'appel, on soit constitué prisonnier, en vertu du décret rendu par un juge, à qui toute connaissance de cause est interdite, et à la suite d'un jugement qui ne contient aucune prononciation pénale.

3o. La sentence arbitrale ne porte hypothèque que depuis le jour qu'elle a été homologuée. Valin, ibid. Arrêtés de Lamoignon, titre des actions personnelles, art. 26.

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L'appel des sentences arbitrales et d'homologation ressortira en nos Cours » de Parlement, et ne pourra être reçu, que la peine portée par la soumis»sion n'ait été payée. » Art. 73, titre des assurances.

1o. L'appel de pareilles sentences est porté rectâ viâ au Parlement, et non au siége général de l'amirauté, quoique l'homologation ait été faite par un siége particulier.

2o. L'appel ne pourra être reçu avant que la peine stipulée ait été payée. Telle est la règle générale établie par l'ordonnance de François II, du mois d'août 1560, et adoptée par divers arrêts. Journal des audiences, tom. 1', pag. 78. Henry et Bretonier, tom. 1, pag. 437. Denisart, v°. compromis, tom. 1, pag. 571. Cette rigueur est aujourd'hui modifiée (Valin, art. 73, titre des assurances, et sur la Coutume de la Rochelle, tom. 3. Lacombe, v°. compromis, n°. 6, pag. 115), et sur-tout en Provence. M. d'Aix, sur le Statut de Marseille, pag. 31. Code Julien, v°. arbitrium, 2, R. Buisson, sur la loi 35, Cod. de transaction. Mourgues, pag. 160. Boniface, tom. 4, pag. 323 et 477. Dans le Recueil des actes de notoriété de MM. les gens du roi du Parlement d'Aix,

on en trouve un, pag. 56, conçu en ces termes : « Nous certifions que l'usage » de ce Parlement est que les peines du compromis n'ont pas lieu dans cette province, soit qu'elles aient été stipulées dans les actes, ou verbalement par des consignations volontaires, la Cour en ordonnant même la resti» tution. »

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Les sentences arbitrales seront exécutoires nonobstant appel, en donnant › caution pardevant les juges qui les auront homologuées. » Art. 74, titre des

assurances.

Elles sont exécutées nonobstant appel, même pour les intérêts et les dépens; car toutes les adjudications prononcées font partie de la sentence. Telle est la règle générale attestée par M. Montvallon, Précis des ordonnances, vo. appel, pag. 24, et par M°. Janety, tom. 1, pag. 361. Ainsi, on ne doit point s'arrêter à la doctrine de Papon, liv. 19, tit. 7, arrêts 4, 5 et 7; de Theveneau, pag. 686, 691, 692; de Lange, tom. 1, pag. 596; ni à celle de Bornier, tom. 1, pag. 127 et 244, etc.

Le tribunal de l'amirauté ne peut, par provision, condamner les assureurs qu'au seul paiement des sommes assurées; au lieu que les sentences arbitrales sont indéfiniment exécutoires nonobstant l'appel.

M. Pothier, no. 201, dit que les juges ne doivent renvoyer devant les arbitres les contestations, que lorsqu'elles ont pour objet des questions de fait et d'usage. Mais, ajoute-t-il, lorsque la contestation a pour objet quelque ques

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$6. La soumission à

l'arbitrage doit-elle

avoir son effet, s'il

s'agit d'une ques

>tion de droit délicate que des arbitres négocians ne sont pas en état de déci- tion de droit?

der, les juges peuvent, nonobstant la clause de soumission à l'arbitrage, re

› tenir la cause. J'apprends que c'est l'usage de l'amirauté du Palais, et quc

» leurs sentences, qui ordonnaient dans ce cas la rétention de la cause, ont › été confirmées par arrêts, toutes les fois qu'il y en a eu appel. »

On a raison de ne pas abandonner à des arbitres négocians la décision d'une question de droit délicate. Mais rien n'empêche alors de nommer des arbitres jurisconsultes. Tous les jours, à Marseille, on a recours en pareil cas à des avocats. Ils donnent leur décision, et les motifs de leur décision. Ils remettent leur avis arbitral à chacune des parties, et il est rare qu'on refuse d'y acquiescer. Par ce moyen, les procès sont terminés avant que de naître; les formalités du palais sont mises à l'écart, et le négociant n'est pas distrait de son com

merce.

CONFÉRENCE.

CCXXXVIII. Aux termes de l'art. 1003 du Code de procédure, toutes personnes peuvent

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