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Le mot contrebande s'applique aux contraventions de la première espèce, le mot fraude à celles de la seconde.

Il convient sans doute de peser très-scrupuleusement les suites d'une prohibition avant de l'ordonner, et d'examiner quelle influence elle peut avoir sur la balance générale du com

merce.

Le droit de prohibition est naturel à toute société indépendante. Chaque nation a le droit de défendre d'apporter chez elle des marchandises de telles ou telles espèces, ou d'en exporter. Les étrangers qui ont la même autorité chez eux, n'ont pas le droit de se plaindre; dans cette circonstance comme dans toute autre, chaque citoyen doit se conformer aux lois de son pays, et il ne peut les enfreindre. Toutes conventions, tous contrats qui enfreindraient ces lois, seraient nuls, parce qu'ils auraient pour objet un commerce illicite défendu par les lois. ( Article 1131 du Code civil). Cùm in mercibus illicitis non sit commercium. Ainsi, par exemple, toutes les marchandises dont l'importation ou l'exportation est défendue en France, ne peuvent être l'objet d'aucun affrétement, d'aucune assurance en France. Ces principes sont fondés non seulement sur ce précepte divin, rendez à César ce qui appartient à César, non seulement sur l'épitre de Saint-Paul aux Romains, chap. 13, mais encore sur la loi cùm proponas, 3, Cod. de naut. fæn., et sur la doctrine de Stracha, de assecur., gl. 5, no. 2.

Mais en doit-il être de même des marchandises dont la contrebande n'est que vis-à-vis des peuples étrangers et non vis-à-vis de la France?

Nous avons ci-dessus, sur la sect. 5 du chap. 8, tom. 1, pag. 215 et suivantes, décidé la négative, d'après la loi romaine, loi 2, Cod. de commerciis, et d'après la doctrine de Valin et d'Emérigon, et nous avons pensé que l'exportation ou l'importation de certaines choses sera défendue en Angleterre, en Espagne, dans les républiques du Nouveau-Monde, tant qu'on voudra. Les lois de prohibition de tous ces États ne sont pas des règles de conduite pour les Français. Si pareilles marchandises sont un objet légitime de notre négoce, rien n'empêche qu'elles ne forment parmi nous la matière d'assurances, d'affrétemens ou de tous autres contrats. Nous disons d'assurances et d'affrétemens sans distinction, parce qu'il en doit être de même de l'un et de l'autre contrat; car s'il est permis d'assurer, il est permis de passer l'acte qui est la cause de l'assurance. Si le bâtiment n'était pas affrété, il n'y aurait pas lieu à assurer ce navire.

Cependant la troisième chambre de la Cour royale de Rennes a rendu, le 1". décembre 1826, un arrêt qui proscrit cette doctrine.

Voici l'espèce: Le capitaine Nicolas Trementin, commandant le sloop l'Eugénie, avait affrété son navire à la maison G. et compagnie, de Morlaix, pour transporter quatre cents barils d'eaude-vie de genièvre, du port de Roscoff sur un des points de la côte d'Angleterre, dans la marche de Bristol, point qui serait ultérieurement indiqué. Au moment d'effectuer ce transport, le capitaine s'y est refusé, sous prétexte que c'étaient des marchandises prohibées en Angleterre, et que sa charte- partie était un acte fondé sur une cause illicite, par conséquent

un acte nul.

Notez que le capitaine savait bien que les marchandises étaient prohibées en Angleterre. Le capitaine fut appelé au tribunal de commerce de Morlaix, pour se voir condamner d'exécuter son acte d'affrétement, et d'effectuer le transport des eaux-de-vie, ou de payer des 5

dommages-intérêts. Le tribunal de Morlaix, adoptant les principes professés par Valin et Emérigon, condamna le capitaine.

Appel à la Cour royale de Rennes, qui, a considérant que l'acte d'affrétement qui a pour » objet un commerce frauduleux dans les Etats d'une puissance étrangère, est contraire aux » principes du droit naturel, et par là même fondé sur un commerce illicite, etc.; en con» séquence, la Cour réforme et déclare nul ledit acte d'affrétement. »

Cet arrêt, selon nous, est plutôt un arrêt de conscience qu'une décision basée sur les véritables doctrines qui résultent du droit politique et de réciprocité admis aujourd'hui parmi les nations. En effet, les motifs de l'arrêt sont puisés sur les considérations établies par Pothier, (Assurances, no. 58), qui n'examine la question que dans le for intérieur, et qui décide qu'un Français qui fait le commerce de contrebande en pays étranger, ne pouvant faire ce commerce sans se servir d'étrangers, par conséquent, sans les engager à pécher, pèche lui-même, car c'est pécher que d'engager quelqu'un à pécher.

Mais tous les casuistes n'ont pas professé un rigorisme aussi sévère. Les théologiens espagnols ne se sont jamais élevés contre le commerce de contrebande en Espagne, parce que le clergé y est très-intéressé à le soutenir.

La congrégation éminemment moraliste des jésuites ne l'a pas davantage condamné, puisque la principale branche du commerce du profès Lavallette avec le juif Isaac, dans le Nouveau-Monde, était le commerce de contrebande, le commerce interlope. (Voyez notre Traité des faillites, tom. 1, pag. 23 ).

Blackstone, de son côté, distingue entre les devoirs naturels et les devoirs positifs. On est obligé en conscience, dit-il, de remplir les devoirs naturels; mais quant aux lois qui n'imposent que des devoirs positifs (comme celles sur la contrebande ), et qui défendent des choses non mauvaises par elles-mêmes, il ne voit pas que la conscience y soit intéressée. Il suffit de se soumettre aux lois de cette espèce, lorsque nous les avons enfreintes.

Il est vrai que Dénisart, au mot contrebande, pense, comme Pothier, que c'est un crime de faire la contrebande; mais cet arrêtiste ne parle que de la contrebande faite en contravention aux lois de son pays. Il rapporte une sentence de l'élection de Reims, du 2 décembre 1747, qui condamna les capucins de Rhétel en 1,000 fr. d'amende, pour avoir trouvé chez eux de faux tabacs, et qui prononça la confiscation du tabac.

Il serait à désirer, sans doute, que la morale, la politique et la législation, d'accord entre elles, ne missent pas dans le cas de demander si ce qui est permis par l'une est défendu par l'autre ; mais cet accord trouve des oppositions continuelles dans l'intérêt particulier et les passions qui affectent les gouvernemens comme les individus.

C'est pourquoi les publicistes et les jurisconsultes connaissent d'autres règles, les règles qui sortent du droit des gens ou de la coutume des nations. Certaines pratiques consacrées par un long usage, que les nations observent les unes vis-à-vis des autres, obligent les mêmes nations qui les ont adoptées, et ne renferment rien d'injuste ni d'illicite à l'égard de toutes. Un usage généralement établi et exercé par les nations, constitue un droit commun et réciproque entre elles. Si l'état naturel des nations, les unes à l'égard des autres, est un état de société et de paix, cette société est aussi une société d'égalité et d'indépendance, et qui établit

entre elles une égalité de droit, qui les oblige à avoir les unes pour les autres les mêmes égards et les mêmes ménagemens.

Si une nation a coutume de pratiquer le commerce de contrebande chez les autres nations, celles-ci peuvent exercer par réciprocité le même droit. L'usage de faire le commerce en interlope chez ses voisins en a fait un droit commun, et ce commerce est un vice réciproque.

Ainsi, si les étrangers pratiquent chez nous le commerce en interlope, il nous est permis, par une espèce de réprésaille, de le pratiquer chez eux. Une nation peut user du même droit dont une autre nation use envers elle. « C'est, dit Vatel, ce qu'on appelle rétorsion de droit. Il » n'y a rien là que de juste et de conforme à la saine politique. Nul ne peut se plaindre de ce qu'il est traité comme il traite les autres. » ( Vatel, liv. 2, chap. 18, § 341 ).

Ces principes ont servi de base à la doctrine de Valin et d'Emérigon; et c'est sur la sagesse et la justice de ces principes que s'est établie la jurisprudence ancienne et moderne des tribunaux. Il serait vraiment d'une trop grande philantropie, trop consciencieux, de laisser les Anglais, par exemple, faire chez nous le commerce de contrebande, et de nous le défendre chez eux ce serait trop mériter auprès du gouvernement anglais. (Voyez d'ailleurs la sect. 5, chap. 8 ci-dessus, tom. 1, pag. 218; voyez Valin sur l'art. 49, des assurances; la consultation d'Emérigon rapportée sur cet article, et M. Estrangin, sur Pothier, no. 58 ).

Voyez même la décision du Guidon de la mer, chap. 2, art. 2, qui, admettant la distinction des marchandises de contrebande nationale et étrangère, dit : « Assurances se peuvent faire » sur toute sorte de marchandises, pourvu que le transport ne soit pas prohibé par les édits et >> ordonnances du roi de France. »

Disons donc, malgré l'arrêt du 1. décembre 1826, qu'il est permis aux Français de faire, par une espèce de représaille, le commerce en interlope ou de contrebande chez nos voisins, quoiqu'il nous soit défendu de le faire en France.

Mais, comme l'observe Emérigon, il faut, en faisant des conventions pour l'exercice de ce commerce, que toutes les parties soient parfaitement instruites à cet égard.

Du reste, il est inutile de rappeler ici les dispositions des anciennes ordonnances concernant la contrebande en France; elles sont toutes abrogées. Les dispositions nouvelles sur cette matière sont consignées dans la loi du 22 août 1791, dans celle du 28 avril 1816, et dans celles qui les ont interprétées, étendues et modifiées.

Aux termes de l'art. 4 de la loi du 13 floréal an 11, les auteurs, complices et assureurs de la contrebande, avec attroupement et port-d'armes, doivent être traduits devant les Cours criminelles et condamnés à mort.

Cette peine est réduite à dix ans de travaux forcés et à la marque des lettres V D, sans préjudice des dommages et intérêts envers l'Etat, par l'art. 15 du décret du 18 octobre 1810. Par l'art. 16 de ce décret, les simples porteurs pourront n'être punis que de peines correctionnelles.

La loi du 28 avril 1816 distingue la contrebande commise par plus de six personnes, de celle qui ne l'a été que par ce nombre.

L'art. 53 contient quatre paragraphes contre les assureurs, et qui sont d'autant plus sévères, que les assureurs sont plus coupables que les contrebandiers, gens misérables, exposant leur

honneur, leur liberté et leur vie, tandis que les premiers sont trop souvent de riches spéculateurs recueillant presque tout le bénéfice de la fraude. Sans les assureurs il n'y aurait sûrement point ou peu de contrebandiers.

Les différens recueils d'arrêts nous offrent une multitude de décisions sur la contrebande å l'intérieur, sur l'importation et l'introduction en France des marchandises prohibées, et sur leur exportation. Mais nous appellerons spécialement l'attention sur trois arrêts qui décident des questions aussi neuves qu'intéressantes.

JURISPRUDENCE.

1°. Le fait d'introduction de marchandises prohibées par les gens de l'équipage d'un navire, et pour l'usage particulier de chaque motelot, n'est pas imputable aux armateurs des navires. Il ne donne pas lieu à la saisie du bâtiment avec amende, - ( Arrêt de la Cour de cassation, du 4 février 1813, Sirey, 1816, 1". part., pag. 210).

2o. Les assureurs de contrebande commise par six personnes, sont déclarés complices et doivent être punis correctionnellement de la même peine que les auteurs. Ils sont, en outre, passibles de l'amende, etc., par application des art. 41, 42, 44 et 53 de la loi du 28 avril 1816, -(Arrêt de la Cour de cassation, du 22 août 1825, rapporté par Sirey, an 1825, pag. 429, et par M. Cuson, de Bordeaux, dans son excellent Recueil, Bibliothèque du commerce).

3o. Est licite la cause avouée par le créancier que l'obligation est le résultat de la vente de marchandises prohibées et introduites en France par contrebande, si d'ailleurs la vente de ces marchandises a été faite à un Français hors de France, et sans complicité de contrebande. (Arrêt de la Cour de Colmar, du 10 juin 1814, rapporté par Sirey, tom. 15, 2o. part., pag. 128),

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SECT. IV. Observations générales sur le voyage

assuré.

$1. Qu'est-ce que voyage assuré? Torme à quo. Terme ad quem.

S 2. Si on assure pour l'aller et te retour, ce n'est qu'un seul et même voyage.

Assurance n'est censée faite que pour l'aller. SECT. V. Observations générales sur la route du voyage assuré.

S1. Qu'est-ce que route?

S 2. En règle générale, le capitaine doit suivre la route usitée, et ne point s'en écarter sans nécessité.

SECT. VI. Observations générales sur la clause de faire échelle et de dérouter.

S1. Définition du mot escale ou échelle. $ 2. Formules.

Ces clauses sont-elles de style?

S3. Elles ne permettent pas de changer le voyage.

$4. Suivant quelques auteurs, pareilles clauses ne permettent pas de trop s'éloigner de la route ordinaire.

Capitaine qui, dans le cours du voyage, remonte une rivière.

Qui relâche où il y a peste.

Les clauses faire échelle, etc., doivent, dans

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