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compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition, dans tous les cas et en toutes matières autres que celles qui sont exceptées par l'art. 1004 du même Code, et cette exception ne porte que sur les dons et legs d'alimens, logement et vêtemens, sur les séparations d'entre mari et femme, questions d'état, et sur les contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public.

Ainsi, le contrat d'assurance peut contenir la soumission des parties à des arbitres, en cas de contestation, et alors une clause de cette nature constitue un arbitrage volontaire. Les assureurs et les assurés sont libres de faire cette convention ou de ne pas la faire. du Code de commerce).

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(Art. 255 Mais y a-t-il compromis valablement formé par un acte de société d'assurance mutuelle, souscrit pour risques de mer, lorsque, par une clause de cet acte, les contractans établissent une commission composée d'un certain nombre d'entre eux, et à laquelle ils donnent pouvoir de traiter et transiger sur toutes contestations, de les juger en dernier ressort et sans frais, ces mêmes contractans renonçant à tout appel pour vice de forme, ou toute autre cause?

La décision rendue par suite d'une telle clause n'est-elle obligatoire qu'autant qu'elle est donnée suivant des formes constitutives d'un jugement arbitral?

Cette question, tout à fait neuve et très-importante, adressée en 1826 à M. Lesbaupin, l'un des plus savans professeurs de notre faculté de droit, a été soumise à MM. les avocats du barreau, et examinée par M. Carré, dans son Traité de la compétence, tom. 2, pag. 249. Tous ces savans jurisconsultes ont décidé l'affirmative.

Néanmoins, comme il s'agit ici d'une société commerciale, on pourrait dire qu'en matière de société de commerce, toutes contestations doivent être jugées par des arbitres forces; que, dans ce cas, les arbitres sont établis bien moins par la volonté des parties que par l'autorité de la loi, et qu'ils ne peuvent être considérés comme des arbitres volontaires, puisqu'il ne peut être au pouvoir des parties de se soustraire à leur jurisdiction; que ces arbitres ont le caractère de juges et donnent à leurs décisions, soit en premier, soit en dernier ressort, l'autorité d'un jugement ou d'un arrêt; qu'on ne peut se pourvoir contre leur jugement que par appel, si l'on n'y avait pas renoncé, ou par un pourvoi en cassation; qu'enfin, les arbitres forcés sont substitués aux juges ordinaires et tenus de juger conformément aux règles du droit, etc.

Mais on peut aussi observer qu'il n'est ni dans la lettre, ni dans l'esprit de la loi, de priver les commerçans du droit essentiel et primitif qui appartient à tous les citoyens, de ne pas recourir aux tribunaux, et de se faire juger par des arbitres volontaires; que l'arbitrage n'est forcé, en matière de société de commerce, que dans le cas où les parties ne voudraient pas se faire juger par des arbitres; mais que toutes les fois que les parties ont, dans ce cas, nommé des arbitres, elles ont pu leur donner tous les pouvoirs qu'elles ont jugés nécessaires, et se soumettre à toutes les conventions et obligations qui leur ont paru convenables, etc. (Argument d'un arrêt de cassation, du 16 juillet 1817, rapporté par Sirey, tom. 17, pag. 305; d'ailleurs voyez le Traité de la compétence, à l'endroit ci-dessus cité ).

Si la police ne contient pas la soumission à l'arbitrage, les contestations sont portées devant les tribunaux de commerce, qui, d'après l'art. 633 du Code de commerce, doivent connaître de tous les différends relatifs aux contrats d'assurance et aux autres contrats maritimes.

Si, au contraire, cette soumission à des arbitres est insérée dans la police, l'arbitrage doit

être demandé avant contestation en cause. C'est la disposition expresse de l'art. 70, titre des assurances, de l'Ordonnance.-(Voyez aussi Pothier, des assurances, à l'endroit cité par Emerigon, n°. 201).

Mais nous pensons, contre l'avis de Pothier, que les tribunaux ne peuvent se faire un motif de la nature des questions que l'affaire présente, pour la retenir au détriment des conventions des parties. Les arbitres sont compétens pour connaître, en fait et en droit, de toutes les difficultés dépendantes de cette affaire, et de toutes les exceptions, incidens et accessoires du litige. Ils peuvent, lorsqu'il est nécessaire, rendre des jugemens préparatoires, interlocutoires, même provisoires, ordonner tous les genres d'instruction autorisés par la loi, entendre des témoins, ordonner le serment et le recevoir, même décerner aux juges ordinaires commission rogatoire pour des opérations ou des actes d'instruction, indispensables pour la décision de la

cause.

Cependant, s'il s'agissait d'une question relative aux pouvoirs ou à la compétence des arbitres; par exemple, si l'une des parties prétendait que le compromis est nul, ou qu'il ne rend point les arbitres juges de l'objet qui leur est déféré par sa partie adverse, faut-il décider, avec M. Estrangin, que les arbitres ne peuvent connaître de la question; car ce serait de leur part s'établir juges avant de savoir s'ils le sont, et mettre à exécution le titre qui les commet, tandis qu'il est contesté? Il devient nécessaire alors, dit-il, de recourir aux tribunaux ordinaires, pour faire juger, soit la validité du titre, soit l'étendue des pouvoirs qu'il donne aux arbitres, et il se fonde sur des arrêts qu'il rapporte pag. 294 et 388.

Mais notre savant compatriote, M. Carré, professe, avec M. Dalloz, que les arbitres volontaires, comme les arbitres forcés, peuvent statuer sur les contestations qui s'élèvent relativement à leur compétence, en appuyant cette opinion, pour les arbitres volontaires, sur un arrêt de cassation, du 28 juillet 1818, et sur l'art. 1028 du Code de procédure, et pour les arbitres forcés, sur le principe que tout tribunal, même d'exception, a qualité pour statuer sur les questions relatives à la compétence, et que ce droit appartenant essentiellement aux tribunaux de commerce, passe nécessairement aux arbitres qui les remplacent. (Voyez le Traité de la compétence de M. Carré, tom. 2, pag. 256).

Nous ne saurions nous dissimuler que la jurisprudence des arrêts n'a pas été uniforme sur cette question importante; mais elle paraît maintenant fixée pour l'affirmative par l'arrêt de la Cour de cassation, du 28 juillet 1818, dont parle M. Carré, et rapporté ci-après.

Les arbitres ne peuvent connaître des demandes réconventionnelles en intervention ou en garantie, ni d'aucunes demandes qui pourraient être détachées de la contestation, et jugées indépendamment d'elle. Ils ne peuvent pas plus connaître des récusatiens qui seraient proposées contre l'un d'eux, à moins d'y avoir été expressément autorisés par les parties. Ils ne peuvent également connaître des incidens de faux élevés à l'occasion de l'affaire, parce que ces incidens, soit criminels, soit civils, intéressent l'ordre public. Alors, dans ces deux derniers cas, tout l'arbitrage est suspendu jusqu'au jour de la notification du jugement des juges compétens qui a prononcé sur l'incident. - (Art. 1015 du Code de procédure).

Mais peuvent-ils connaître de l'incident en vérification d'écriture? Il faut distinguer: oui, les arbitres volontaires ont cette faculté, parce que l'art. 1015 du Code de procédure ne borne exclusivement leurs pouvoirs qu'à l'inscription de faux, qui est de la compétence des tribu

naux ordinaires; non, les arbitres forcés, qui remplacent les tribunaux de commerce, sont incompétens, parce que l'art. 427 du Code de procédure dispose que si une pièce produite est méconnue, déniée ou arguée de faux, le tribunal de commerce renverra devant les juges qui doi

vent en connaître.

Du reste, il faut dire avec M. Merlin que, dans tous les cas, les arbitres dont les pouvoirs sont consommés ne peuvent interpréter leur sentence que sur la demande des deux parties. (Argument d'ailleurs tiré des art. 1012 et 1021 du Code de procédure; voyez Merlin, nouveau Répertoire, tom. 1, 3°. édit., pag. 297).

Si la police d'assurance ne désigne pas les arbitres ni le tiers arbitre, leur nomination doit être faite de la manière prescrite par le Code de commerce, entre associés (art. 53, 55 et 60); c'està-dire que si les parties n'en conviennent pas, le tribunal de commerce nomme les deux; et, en cas de partage, si les parties n'ont pas nommé un sur-arbitre, et que les arbitres n'en conviennent pas, il sera également nommé par le tribunal.

Le nouveau Code de commerce, au titre des assurances, ne donnant aucune règle ni sur le mode de procéder devant les arbitres, ni sur la manière dont leurs jugemens doivent être exécutés, ni sur l'appel qui pourrait en être relevé, il faut suivre les règles prescrites par le Code de procédure, art. 1023 et 1024, relatifs aux arbitrages, et par le Code de commerce, art. 54, 56, 57, 58, 59, 61, 62, 63, relatifs à la manière de procéder devant arbitres entre associés, et art. 642 et 643, à la manière de procéder en première instance et en appel, en matière de

commerce.

Les jugemens arbitraux sont rendus exécutoires, ainsi qu'il est réglé par les art. 1020 et 1021 du Code de procédure; ils ne sont sujets qu'à l'appel et à la requête civile (art. 1010 et 1023 du même Code), et en outre au recours par opposition à l'ordonnance d'exequatur ou d'exécution, dans les cas prévus, et suivant les formes prescrites par l'art. 1028, à la différence de l'arbitrage forcé, contre lequel seul le pourvoi en cassation et la prise à partie ont lieu. (Arrêt de cassation du 7 mai 1817). La connaissance de l'exécution du jugement appartient au tribunal qui a rendu l'ordonnance. (Art. 1021, Code de procédure; voyez le Traité

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de la compétence, tom. 2, pag. 257 et suivantes). Mais il se présente naturellement ici des questions importantes, relatives à l'appel des jugemens en matière d'assurance, qu'il est nécessaire d'approfondir.

Les jugemens des tribunaux de commerce, comme ceux de tous les tribunaux de première instance, sont en dernier ressort, lorsque l'objet du litige n'excède pas 1,000 fr. En général, il y a peu de polices d'assurance qui n'excèdent pas 1,000 fr.; mais aussi il y en a dans lesquelles il intervient des assureurs dont les intérêts sont pour les uns au-dessus de 1,000 fr., et pour les autres au-dessous de cette somme.

Alors, dans cette dernière hypothèse, lorsque les assureurs plaident conjointement, le jugement qui intervient est-il appelable pour ceux-là et non pour ceux-ci? La faculté d'appeler doit-elle être déterminée envers tous par la somme entière de leurs intérêts réunis? L'est-elle envers chacun par la seule somme pour laquelle il a intérêt?

M. Estrangin, qui nous présente ces difficultés, cite divers arrêts de la Cour d'Aix qui ont admis ou rejeté l'appel, suivant la nature du litige. En effet, ces arrêts distinguent avec raison, et il suit de leurs décisions que l'appel entre assurés et assureurs, pour 1,000 fr. et au-des

sous, n'est pas recevable, lorsque le litige ne roule que sur des exceptions particulières à chacun; mais qu'au contraire, l'appel est recevable pour tous, lorsque les exceptions des assureurs en masse tendent à faire annuler le contrat d'assurance, soit par irrégularité, soit par quelque vice qui anéantisse le pacte, ou le rende comme non existant.-(Voyez M. Estrangin sur Pothier, n°. 202 ).

Le même auteur demande s'il n'en doit pas être de même toutes les fois que la défense des assureurs est fondée sur une exception indivisible, sur la validité ou invalidité d'un acte commun ou d'une action qui frappe également sur tous. Par exemple, si un assuré fait délaissement pour cause de prise, d'arrêt de prince, etc., et que les assureurs se défendent sur ce qu'il n'y a point eu de prise ou d'arrêt de prince, etc., pourra-t-on admettre qu'il y ait prise ou arrêt de prince pour les uns et non pour les autres, et ne devra-t-on pas admettre l'appel, sans distinction d'assureurs, au-dessus ou au-dessous de 1,000 fr. ? Il n'y a pas, selon nous, de doute à cet égard, parce que la décision frappe nécessairement sur tous les assureurs, et qu'il n'est pas possible de la diviser de manière qu'elle soit souveraine pour les uns, et que les autres puissent en appeler.

JURISPRUDENCE.

Les arbitres peuvent connaître eux-mêmes de leur compétence, bien qu'ils n'y aient pas été expressément autorisés par le compromis. Ce n'est pas là juger hors des termes du compromis. Le droit de juger leur propre compétence est la conséquence naturelle du caractère de juges dont ils sont investis par les parties, etc.

« Attendu qu'en thèse générale, tout juge, même d'exception, peut statuer sur sa propre compétence; attendu que les arbitres sont des juges, relativement aux parties qui les ont nommés, puisque la loi ordonne l'homologation des sentences arbitrales et en garantit l'exécution;

» Attendu qu'aucune loi ne prohibe aux arbitres de connaître eux-mêmes de leur propre compétence, dans les matières sur-tout qui n'exigent pas la communication au ministère public; attendu qu'il n'en peut résulter aucun inconvénient, l'art. 1028 du Code de procédure civile autorisant les parties à former opposition et à demander l'annulation de toute sentence arbitrale contenant excès de pouvoirs, etc. »> (Arrêt de la Cour de cassation, du 28 juillet 1818, rapporté par Sirey, 1819, 11o. part., pag. 22).

SECTION II.

De la Compétence.

LOISEAU, des offices, liv. 1, ch. 6, no. 46, dit « que le pouvoir de juger n'in

> clud pas le commandement, et par conséquent la magistrature, laquelle ap

D

SI. Observations générales sur la com

partient seulement à ceux qui sont juges ordinaires, ayant le plein, entier, pétence du lieute

nant de l'amirauté

» et universel territoire ; et non pas à ceux qui exercent quelque justice extra.

Le lieutenant de

D

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› ordinaire, et limitée à certain genre de causes: Nam præfectus annonæ et vi› gilum non sunt magistratus, sed extrà ordinem, utilitatis causâ, constituti. Doncques, les élus de France, officiers des gabelles, des eaux et forêts, pré› vôts des maréchaux, juges-consuls, et tous autres juges extraordinaires, ne › sont pas magistrats, orès qu'ils aient préhension, vocation, puissance de juger, greffiers, sergens et autres ministres, voire même le droit de glaive (au moins ainsi que nous le pratiquons en France), c'est-à-dire le pouvoir › de condamner à mort. Car nous tenons en France, qu'outre les officiers » des Cours souveraines, il n'y a d'ailleurs que ceux de la justice ordinaire qui » sont vrais magistrats, ayant seuls puissance ordinaire, jurisdiction entière, > et vrai distroit et territoire, qui est à nous la marque de la jurisdiction et magistrature; et quant aux officiers des justices extraordinaires, ils ont plutôt une simple notion ou puissance de juger, qu'une vraie jurisdiction. › Les élus sont juges des aides et tailles; les grénetiers, juges du sel; les maîtres » des eaux et forêts, des rivières et des arbres; les prévôts des maréchaux, › des vagabonds; les juges-consuls, du fait des marchandises; mais les juges > ordinaires sont juges des lieux et du territoire : Ubi tanquàm magistratus, jus terrendi habent, et ont justice régulièrement et universellement sur toutes › les personnes et les choses qui sont dans icelui de laquelle justice, ces › autres justices extraordinaires et extravagantes sont démembrées, et extrà ordinem, utilitatis causâ, constitutæ. »

>

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L'autorité des élus, des juge et consuls, et autres officiers extraordinaires Pamirauté a-t-il ter- dont cet auteur parle, se borne aux objets particuliers dont la connaissance

ritoire ?

La jurisdiction de l'amirauté est-elle improrogeable?

leur est attribuée, sans qu'ils aient aucun territoire proprement dit; mais l'amirauté a droit de glaive, et une jurisdiction véritable sur la mer, les ports, hâvres et rivages. Art. 10, titre de la compétence.

Imperium pelagi, sævumque tridentem

Illi sorte datum.

Tout comme en exécution des jugemens de l'amirauté, on est obligé de recourir au juge ordinaire pour procéder à la vente des immeubles; de même on doit, en exécution des sentences du juge ordinaire, recourir à l'amirauté pour la vente des vaisseaux. Infrà, sect. 7, SS 5 et 6.

Chez les Romains, tout magistrat devenait compétent, par cela seul que les parties se soumettaient à sa jurisdiction. Loi 1, ff de judiciis. Loi 74, § 1, ff eod. Loi 28, ff ad municip. Lois 14 et 15, ff de jurisd. Loi 1, Cod. eod. Summa

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