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Uni à la navigation, il constitue l'industrie maritime, qui est un des canaux les plus abondans de la fortune publique, et l'industrie maritime est devenue un objet nécessaire à l'organisation et à l'existence des empires.

La politique et la jurisprudence ont concouru d'intelligence pour donner successivement au commerce maritime des règles certaines, afin de l'encourager et de protéger la sûreté de sa marine, de diminuer ses périls et ses risques, et d'assurer ses transports. Les législateurs de tous les tems se sont fait un devoir d'établir des maximes générales sur les obligations trop méconnues des gens de mer, et sur-tout celles du capitaine, le prix du fret, les assurances, les contrats à la grosse, les avaries, le jet et la contribution, les compensations des risques de mer et les indemnités, etc. Les lois nautiques des Rhodiens et des anciens peuples de la Grèce, les lois des Romains et du moyen âge, l'immortelle Ordonnance de 1681, et notre nouveau Code de commerce, sont autant de monumens élevés aux progrès et à la gloire de la navigation, et en même tems de recueils plus ou moins indispensables, mais tous nécessaires, pour établir avec érudition les grands principes du droit maritime universel, et pour en faire de justes applications aux causes qui se présentent si souvent à juger. Ce n'est pas toujours avec les seules lumières du bon sens qu'il faut prononcer, comme dans les affaires ordinaires du commerce, mais avec les hautes conceptions du publiciste, et avec les profondes connaissances du jurisconsulte exercé sur ces vastes matières. Qu'on se représente une place maritime frappée dans son commerce par une décision subversive des saines doctrines; c'est le spectacle d'une peuplade laborieuse frappée par l'orage et la dévastation.

Cependant, il faut le dire, combien, en général, dans nos tribunaux de commerce, on est peu versé dans ces matières si importantes! Livrés aux occupations d'un négoce journalier, à des spéculations étendues et lointaines, nos commerçans ne peuvent guère s'appliquer à l'étude approfondie du droit nautique, de ces différentes lois de la mer, dont les unes ont rapport à ce que les nations ont de commun, et dont les autres sont particulières à chaque nation. Que d'erreurs souvent!....... Que de fausses applications!...... Que de conséquences funestes!..... Ne devient-il pas évident que l'intérêt bien entendu du commerce et de la navigation exigeait une organisation particulière de tribunaux pour connaître des affaires de mer...., de tribunaux peuplés de magistrats instruits de la législation nautique de tous les peuples navigateurs, et établis dans les principales places maritimes?........

Mais il fallait du moins une chaire de commerce dans toutes les facultés de droit du royaume. Les cinq départemens maritimes de la Bretagne sont privés de tant d'avantages. Les villes de Caen et de Poitiers sont plus heureusement favorisées!....

Quoi qu'il en soit, d'après l'art. 631 du nouveau Code, les tribunaux de commerce connaissent de toutes les contestations relatives aux actes de commerce.

Et l'art. 633 met au nombre des actes de commerce « toute entreprise de construction, et » tous achats, ventes et reventes de bâtimens pour la navigation intérieure et extérieure, » toutes expéditions maritimes, tout achat ou vente d'agrès, apparaux et avitaillemens, tout » affrétement ou nolissement, emprunt ou prêt à la grosse, toutes assurances et autres contrats >> concernant le commerce de mer, tous accords et conventions pour salaires et loyer d'équi» page, tous engagemens de gens de mer, pour le service de bâtimens de commerce. »> On doit remarquer que les prises faites en mer, dont la connaissance était autrefois attribuée

à un conseil spécial, en vertu du réglement du 19 juillet 1778, ensuite aux tribunaux de commerce, et, en dernier lieu, à un conseil des prises, ne sont point rappelées dans cet article, parce que, disait la commission, leur nature, leurs résultats, dérivent du droit public; elles appartiennent à la politique; elles sont maintenant attribuées au comité du contentieux du Conseil d'état.

Quelques auteurs ont douté si le bris, le naufrage, l'échouement, le jet, la contribution, les avaries, peuvent être mis au rang des affaires commerciales, parce que l'art. 633 n'en parle pas textuellement. Mais il ne saurait y avoir d'équivoque à cet égard, car tous ces objets rentrent dans la masse des affaires qui se rattachent aux expéditions maritimes, dont cet article donne indéfiniment la connaissance aux juges de commerce.

Quant à l'inventaire et à la délivrance des effets de ceux qui sont morts en mer, ce sont toujours les art. 2, 5 et g du tit. 3, liv. 1, et en pays de consulat, les art. 20, 21 et 22 du tit. 9, liv. 1, de l'Ordonnance, qu'il faut suivre, avec les art. 86 et 87 du Code civil, jusqu'à une nouvelle organisation de l'administration et de la police maritime.

Il ne faut pas ranger au nombre des actes de commerce les entreprises de construction, autres que celles de navires pour la navigation intérieure et extérieure. Par exemple, les entreprises de constructions de canaux dans un port ne sont que de simples locations d'ouvrages. Il en est de même relativement à la vente des navires saisis. Les tribunaux de commerce n'ont point l'exécution de leurs jugemens, et ils ne peuvent connaître que des ventes volontaires. {Voyez tom. 1, pag. 188 de notre Cours de droit commercial maritime ).

Ils ne sont pas plus compétens pour connaître de la propriété d'un navire, à moins que la contestation ne s'élève entre l'acheteur et le vendeur. Tous autres individus non commerçans, et ne faisant point un acte de commerce, ne sont point justiciables des tribunaux de

commerce.

Mais relativement aux conventions passées entre un passager et le maître du navire, il faut distinguer, quant à la jurisdiction commerciale. Nous dirons, avec la Cour royale de Paris, dans ses observations, qu'il y a des contrats maritimes qui n'appartiennent pas au commerce, au moins de l'une des deux parts, et le traité que fait un passager avec un armateur ou son capitaine, pour qu'il le mène aux colonies, est de ce nombre. D'après l'art. 632 du Code, l'entreprise de transport par terre et par eau est réputée acte de commerce, et, par conséquent, est de la compétence des tribunaux de commerce. Ainsi, le passager pourra assigner devant les tribunaux de commerce l'armateur ou son capitaine, qui est un véritable entrepreneur de transport des personnes et des choses. Mais le maître de navire n'a pas la même faculté contre le passager, parce que celui-ci n'a point fait un acte de commerce.

Il n'y a plus lieu maintenant à distinguer avec Emérigon, relativement au transport d'une pacotille confiée au capitaine, et à sa gestion aux colonies. Dans l'un et l'autre cas, les contestations sont de la compétence des tribunaux de commerce.

Du reste, le lieu du contrat ne détermine pas la compétence, relativement aux avaries, jet et contribution. L'état des pertes et dommages est fait dans le lieu du déchargement du navire, à la diligence du capitaine et par experts. (Art. 414 du Code de commerce).

En général, la règle est que les tribunaux de commerce ne connaissent de l'exception à une action qu'autant que cette exception repose sur une cause commerciale. Cette règle s'applique T. II. 47

aux demandes réconventionnelles et de compensation. Quant à la novation, c'est le caractère commercial de la nouvelle dette qu'il faut consulter pour savoir si les tribunaux de commerce sont ou ne sont pas compétens. - (Voyez d'ailleurs le Traité de la compétence de M. Carré, tom. 2, pag. 605, à l'appendice où ces diverses questions sont approfondies).

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1. L'armement d'un navire est un acte de commerce. Ainsi, c'est aux tribunaux de commerce qu'il appartient de statuer sur les contestations qui s'élèvent entre l'armateur et les actionnaires intéressés à l'entreprise. — ( Arrêt de la Cour de Paris, du 1a. août 1810 ).

2o. Les tribunaux de commerce ne peuvent s'attribuer la connaissance d'une demande en dommages et intérêts formée contre un lieutenant de port, relativement aux ordres qu'il a donnés en cette qualité; c'est à l'autorité administrative qu'il faut s'adresser. (Arrêt de cassation, du 25 pluviôse an 8 ).

3o. Une société relative à une entreprise de construction qui ne serait pas de bâtimens pour la navigation, ne serait point une société commerciale dans le sens de l'art. 633. Cette entreprise ne serait qu'une location d'ouvrages dont la compétence n'appartient pas aux tribunaux de commerce. (Arrêt de la Cour supérieure de Bruxelles, du 22 mai 1819; voyez Dalloz, v. actes de commerce, pag. 737 ).

$ 1.

Observations gé nérales au sujet des formalités judiciai

res.

D

SECTION III.

De la forme de procéder.

M. de Montesquieu, liv. 20, ch. 16, dit que les affaires de commerce sont très-peu susceptibles de formalités, et qu'il faut qu'elles puissent être décidées chaque jour. »

L'état et condition des gens de mer exige qu'on leur rende la plus prompte justice, et qu'on leur épargne des longueurs, qui souvent leur seraient plus fatales que les écueils et les tempêtes: Exigit hoc hominum nauticorum conditio, ut qui tot periculis sunt expositi, celeriùs expediantur; et qui quandoque vel uno momento fortunis suis et facultatibus excidunt, citrà prolixitatem audiantur, judicentur ; et si quid jure ipsis competit, sine morâ consequantur. Kuricke, quest. 37.

Tel est l'esprit de l'Ordonnance de la marine. L'art. 3, titre des ajournemens, permet aux parties de plaider en personne, sans être obligées de se servir du ministère d'avocat, ni de procureur.

L'édit de 1711 établit dans l'amirauté des procureurs forences en titre d'of

fice, afin que la justice soit administrée avec plus de décence et de facilité. Le ministère du jurisconsulte est souvent aussi utile que nécessaire; car il n'est pas rare de voir s'élever des questions qui demandent les plus vastes connaissances. Mais ce qui n'est que vaine formalité, doit être soigneusement écarté des tribunaux de l'amirauté. La loi veut que, dans les jugemens des procès, on apporte toute la célérité et toute la simplicité que la nature des affaires mercantiles comporte. La citation est la seule forme essentielle. Les procédures qui ne tendent point à l'éclaircissement de la vérité doivent être rejetées. Straccha, quomodo in caus. merc., part. 2, no. 19, et part. 3, no. 14. Targa, cap. 97, pag. 398. En un mot, les affaires nautiques doivent être jugées levato velo, comme dit la loi 5, Cod. de naufragiis.

Ces mots levato velo ont exercé les interprètes. Ils s'accordent à dire qu'ils signifient que les affaires concernant les naufrages doivent être expédiées et jugées sommairement, sans forme ni figure de procès. Cujas, Peckius et Vinnius. Corvinus, ad d. leg. Kuricke, tit. 2, art. 3, pag. 696, et quest. 37, pag. 901. Loccenius, lib. 3, cap. 4, no. 2, pag. 1050.

D'après quelques-uns de ces auteurs, M. Bouchaud (Théorie des traités de commerce, ch. 6, sect. 1, pag. 139) dit « qu'on attachait aux portes des tri⚫ bunaux ou secrétariats des juges un grand voile, près duquel se tenaient » debout les appariteurs, pour empêcher d'entrer. Ce voile servait à écarter › la foule. On le levait, lorsqu'on voulait que les plaideurs entrassent. Ainsi, juger levato velo, c'était juger les portes ouvertes, sans qu'il y eût aucun » obstacle qui fermât l'entrée du tribunal, et sans que les plaideurs fussent exposés à être repoussés par les appariteurs. Les juges devaient donc, lorsqu'il s'agissait de vaisseaux submergés, admettre les plaideurs à l'audience › sans délai, les juger sommairement et avec célérité, sans observer l'ordre judiciaire accoutumé; au lieu que, quand on agitait dans les tribunaux › des causes qui méritaient une plus ample discussion, on interposait le voile, ⚫ pour écarter la foule..

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Je crois que levato velo signifie déployer la voile, l'élever, pour profiter du vent et aller vite. Lors donc qu'il s'agit du jugement d'un procès concernant le commerce maritime, il faut tendre au but voile déployée, sans s'arrêter à des délais inutiles et à des formalités superflues. La prompte expédition est la première faveur que les négocians sont en droit d'attendre de la justice, laquelle deviendrait injuste, par cela seul qu'elle tarderait de venir à leur

secours.

En parlant de la sorte, je n'ai garde de condamner les formalités de la jus

§ 2.

en matière d'avarie.

tice. Elles appartiennent dans leur origine à la loi naturelle. Leur multitude même et leur lenteur ne sont que des appuis donnés à la défense et à la liberté. C'est ainsi que parlait, en 1765, M. l'avocat général de Castillon, lors de l'ouverture des audiences du Parlement d'Aix.

Loisel, Dialogue des avocats, pag. 542, après avoir comparé les formes judiciaires aux cérémonies augustes de la religion, ajoute qu'elles sont comme les cerceaux du muid qui renferme le vin, ou comme le ciment qui colle et retient les pierres de l'édifice.

En Turquie, où l'on fait très-peu d'attention à la vie, à l'honneur et aux facultés des sujets, on termine promptement, de façon ou d'autre, toutes les disputes. La manière de les finir est indifférente, pourvu qu'on finisse. Il n'en est pas de même dans les États modérés, où les biens et la personne du moindre citoyen sont considérables.

Mais en respectant dans les formes ce qu'elles ont de nécessaire pour faire triompher la justice, les juges des marchands et les amirautés doivent soigneusement rejeter de leurs tribunaux tout ce qui ne sert qu'à occasionner des longueurs et des frais inutiles.

L'instance en avarie grosse est introduite contre les consignataires du charForme de proceder gement du navire, aux personnes de deux des principaux d'entre eux, quel que soit le nombre: ayant été établi par l'usage que les consignataires des marchandises d'un même chargement, quoique divisés, forment une espèce de masse légalement représentée par deux, ainsi que je l'ai déjà observé suprà, ch. 12, sect. 43, § 4. Il n'en est pas de même au sujet de l'instance en avarie particulière, introduite contre les assureurs ceux-ci ne font point masse, et sont assignés chacun personnellement.

Toutes les pièces justificatives de l'avarie grosse sont signifiées aux deux consignataires représentant la masse, ou à leurs procureurs. Il serait trop dispendieux de faire une pareille signification aux assureurs, dont le nombre excède quelquefois celui de cent. Pour éviter des frais trop considérables, on prévient les assureurs dans la requête en réglement d'avarie particulière, que la signification des pièces relatives aux événemens dont il s'agit, sera faite aux procureurs, par le ministère desquels ils présenteront dans l'instance; et que dans le cas où tous les assureurs feraient défaut, cette signification sera faite à deux d'entre eux que l'on désigne, entre les mains desquels tous les autres assureurs pourront en prendre communication.

Cependant, on ne laisse pas que de signifier à chacun des assureurs défail

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