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1°. Suivant le langage du droit, le mot caution signifie une simple promesse, nuda promissio (Loi 63, § 4, ff pro socio; loi 3, Cod. de verb. et rer. signif.), à moins que ce mot ne soit accompagné de quelque autre terme qui indique la nécessité de la fidéjussion. Loi 59, § 6, ff mandati. Roccus,

not. 79.

Dans notre usage de parler, donner caution, c'est donner un fidéjusseur. L'art. 61, titre des assurances, n'a jamais été entendu autrement. Valin, ibid. 2o. Lorsqu'un négociant, qui est en plein crédit, est présenté pour caution, on l'admet, sans l'obliger à donner dénombrement de ses biens. Edit du mois de juillet 1669, art. 11, pour la conservation de Lyon. Bornier et Rodier, sur l'ordonnance de 1667, tit. 18, art. 3. Et telle est la jurisprudence de notre amirauté, au sujet des cautions présentées pour le paiement provisoire des assurances. Ainsi jugé par sentence du 25 juin 1748. Autre sentence du 2 septembre même année.

Si la somme était importante, on pourrait, suivant les circonstances, exiger deux fidejusseurs négocians, au lieu d'un seul.

Si le marchand présenté pour caution n'est pas d'une classe à mériter pleine confiance, on peut ne pas l'admettre. On offrait pour caution un marchand chapelier. Sentence du 7 avril 1750, qui rejeta cette caution, si mieux on n'aimait donner état de ses biens. Au reste, la qualité de marchand détailleur n'est pas un moyen d'exclusion. Le tout dépend des circonstances, tant pour le marchand que pour le négociant.

La personne admise pour caution est obligée de passer ses soumissions au greffe de l'amirauté. Cet acte soumet ses biens à l'hypothèque pour la somme cautionnée. Le fidejusseur ainsi accepté est soumis à la restitution des deniers cautionnés, si les assureurs obtiennent gain de cause au fond, sans qu'il puisse leur opposer le bénéfice de discussion, qui n'a jamais lieu pour fait de commerce, quoiqu'on ait omis d'y renoncer.

3°. La formule d'Ancône porte qu'après un an, la caution donnée en pareille matière sera déchargée. Cela est assez relatif à la doctrine de Cleirac, sur le Guidon de la mer, ch. 5, art. 37, et ch. 7, art. 12, qui dit que tous les ans les loyaux marchands doivent purger leurs livres de raison, faire dresser les comptes des parties. Voici un arrêt du Parlement d'Aix, que je trouve dans mes recueils Le capitaine du vaisseau le Comte de Lonjon était accusé de baraterie pardevant l'amirauté de Saint-Malo. Les sieurs Maugendre et Aleume, intéressés à ce vaisseau, se pourvurent à notre amirauté contre leurs assureurs, en condamnation des sommes assurées. Ceux-ci opposèrent l'instance en ba

:

raterie. Sentence qui les condamna définitivement à payer. Arrêt du 19 mars 1718, au rapport de M. de Gallice, qui réforma la sentence, et ordonna que les assureurs feraient vider l'instance en baraterie dans un an, pour ce fait, , ou à faute de ce faire, être définitivement dit droit aux parties, ainsi que › de raison, et néanmoins, condamna les assureurs à payer par provision les › sommes assurées, en donnant caution par les assurés. » Cela ne signifie pas que le fidejusseur judiciaire soit déchargé après un an. Son obligation subsiste jusqu'en fin de cause, pour le principal des sommes provisoirement payées.

Rien n'empêche de juger à l'audience le provisoire en même tems que le fond, et d'ordonner que le provisoire sera exécuté nonobstant et sans préjudice de l'appel. Tel est le droit commun établi par l'ordonnance de 1667, titre des matières sommaires, art. 17.

Rien n'empêche également de condamner à l'audience les assureurs au paiement provisoire des sommes assurées, et de régler la cause sur le fond. Une sentence rendue par notre amirauté, le 22 mars 1763, condamna les assureurs d'une prise anglaise faite par la barque la Victoire, capitaine Revest, à payer par provision au sieur Honoré Bourguignon, armateur, les sommes assurées, et ordonna sur le fond pièces mises. Arrêt du 22 août suivant, rendu par le Parlement d'Aix, qui débouta les sieurs Fesquet et Gautier, deux des assureurs, de leur requête en surséance, avec dépens.

Lorsque, sur les plaidoiries des parties, la cause de l'assuré ne paraît pas claire, et qu'il y a divers papiers à examiner, l'usage de notre amirauté est de joindre le provisoire au fond, et d'ordonner pièces mises sur le tout. Ensuite, par sentence rendue au vu des pièces, on condamne les assureurs, si l'on croit qu'ils ont tort, à payer les sommes assurées, avec intérêts et dépens; et par la même sentence, on ordonne qu'en cas d'appel, ils seront contraints par provision au paiement des sommes assurées, en donnant par l'assuré bonne et suffisante caution.

Cette manière de procéder avait été adoptée par le Parlement d'Aix. Le vaisseau le Roi Gaspard, capitaine Maffier, fit naufrage sur les côtes des Canaries. Les sieurs Bremond et Aubert présentèrent requête contre leurs assureurs, en abandon et en paiement définitif et provisoire des sommes assurées. Le provisoire fut joint au fond, par sentence rendue à l'audience, et ensuite une seconde sentence rendue à pièces mises condamna définitivement les as

et ordonna l'exécution provisoire en cas d'appel. Arrêt du 12 novembre 1736, conformément aux conclusions de M. Bayon, substitut, qui

S 4. Provisoire jugé à l'audience.

Provisoire joint

au principal,

débouta les assureurs de leur requête en surséance. Plusieurs arrêts semblables avaient été rendus.

Depuis quelques années, on a soutenu que le tribunal de l'amirauté n'avait droit de prononcer le provisoire qu'à l'audience, in limine litis, et que s'il le joint au principal pour juger le tout au vu des pièces, l'appel doit suspendre l'exécution de l'un et de l'autre. En conséquence, on a vu paraître une foule d'arrêts de surséance.

Tels sont les deux arrêts rendus les 7 et 9 février 1776. Le premier, sur les conclusions de M. l'avocat général de Callissanne, plaidant MM. Gassier et Portalis, et le second, sur les conclusions de M. l'avocat général de Montmeyan, en la cause du sieur Hermitte, de Marseille, plaidant MM. Portalis et Estrivier. Lors des plaidoiries, on argumentait beaucoup sur l'art. 61, titre des assurances. En effet, d'après ce texte, on peut soutenir què l'assureur ne doit être condamné par provision au paiement des sommes assurées, que dans le cas où il est reçu à faire preuve contraire aux attestations. Lors donc que les attestations (c'est-à-dire les pièces justificatives du chargement et de la perte) se trouvent de poids par elles-mêmes, et que l'assureur requiert d'être reçu à faire preuve contraire, il est juste qu'en l'admettant à faire cette preuve contraire, on le condamne par provision au paiement de l'assurance.

Mais si les assureurs, sans requérir d'être reçus à faire preuve contraire, élèvent des exceptions d'une autre espèce, ne sera-t-il jamais permis au tribunal de l'amirauté de prononcer contre eux la contrainte provisoire?

J'ai observé ci-dessus que, si la demande de l'assuré ne présente aucun doute raisonnable, on ne dispute pas au tribunal de l'amirauté l'autorité d'ordonner, in limine litis, le paiement provisoire des sommes assurées, quoique les assureurs n'aient requis aucune interlocution. J'ai ajouté que le lieutenant, en jugeant le fond à l'audience, peut proposer le provisoire, nonobstant l'appel. Or, si les premiers juges peuvent prononcer à l'audience l'exécution provisoire, pourquoi cessent-ils d'avoir la même autorité, lorsque, mieux instruits de l'affaire par les défenses des parties et par la lecture des pièces du procès, ils jugent avec grande connaissance de cause le fond et le provisoire, qui n'avaient été joints que par la crainte de tomber dans l'erreur?

On répond, 1°. que les premiers juges n'ont le pouvoir d'ordonner l'exécution provisoire de leurs sentences pendant l'appel, sinon dans les cas portés par les ordonnances. Réglement du 7 décembre 1689, du Parlement de Paris, rapporté dans Bornier, sur l'ordonnance de 1667, tit. 27, art. 18. Or, l'Ordonnance de la marine ne permet aux amirautés d'ordonner le paiement provisoire des

sommes assurées, que lorsque l'assureur est reçu à faire preuve contraire aux attestations. Ainsi, jusqu'à ce qu'il y ait une loi nouvelle sur cette matière, les amirautés pourraient très-fort être limitées au cas spécifié par l'Or donnance.

2°. Le pacte de la police, qui porte que les assureurs paieront, et en après plaideront, si bon leur semble, n'a aucun trait à ce qui concerne la jurisdiction des tribunaux.

3o. En matière d'assurance, il est des affaires qui exigent l'examen le plus sérieux. La crainte de commettre quelque injustice n'a pas permis au premier juge de prononcer le provisoire à l'audience. Les parties ont acquiescé au réglement de la cause. Les choses sont rentrées à cet égard dans l'ordre des formes établies par le droit commun: il n'est donc plus au pouvoir de ce premier juge de revenir sur ses pas. Les doutes qui l'avaient arrêté dans le principe se renouvellent en cause d'appel.

M. Seymandy, membre de l'académie de Marseille, négociant aussi distingué par l'étendue de son génie que par l'aménité de ses mœurs, témoignait un jour sa surprise au sujet de la forme de procéder en jugement contre les assureurs. L'Ordonnance, disait-il, donne aux assurés un délai plus ou moins long, suivant la distance des lieux où la perte est arrivée, afin qu'ils aient le tems de se procurer les preuves nécessaires pour intenter leur action avec

succès.

La même Ordonnance veut, d'une part, que l'assuré, dès qu'il aura avis de la perte du vaisseau, le fasse incontinent signifier aux assureurs, et de l'autre, elle veut que si le tems du paiement n'est pas réglé par la police, ils ne soient tenus de payer l'assurance que trois mois après la signification du délaissement.

L'esprit de la loi est univoque vis-à-vis des parties respectives. Si elle accorde à l'assuré un délai compétent pour préparer son attaque, la même faculté doit être donnée aux assureurs, pour préparer leur défense. L'exécution des contrats ordinaires dépend de la seule échéance du terme stipulé; mais l'assurance est un contrat conditionnel : il faut donc que les assureurs aient le tems et le moyen de connaître si la condition est arrivée, et s'il est vrai qu'ils soient obligés de payer les sommes assurées.

Cependant, l'assuré se borne à faire la déclaration du sinistre à la chambre du commerce, sans exhiber aucune pièce aux assureurs. Il a le loisir de tout disposer, de tout arranger, de dresser toutes ses batteries. Il ne les démasque qu'au moment où il demande le paiement de la perte; pour lors,

D

Réflexions d'un négociant de Mar

seille au sujet de provisoire.

56.

Provisoire en matière d'avaric.

Provisoire en matière de prime.

En matière de ris tourne.

En matière des intérêts et des dépens.

cute-t-elle nonob

> il réclame l'Ordonnance: payez et plaidez. Cela peut être bon, lorsque l'as⚫surance a été faite dans le lieu même de l'expédition; mais si le chargement, l'affrétement, toutes les opérations, ont été faites hors du lieu où l'assurance a été souscrite, il serait juste de donner aux assureurs le même » délai que l'assuré a eu pour se préparer à l'attaque, afin de se procurer » les documens qui peuvent leur servir à la repousser. L'esprit de la loi est › d'établir une égalité de moyens entre l'assuré et l'assureur, pour acquérir › des connaissances sur le fait qui les intéresse, etc. etc. »

Ces réflexions sont sages. Elles peuvent faire naître l'idée d'un nouveau réglement sur ce point; et elles sont très-capables de porter les tribunaux à suspendre ou à arrêter, suivant les circonstances du fait, la prononciation du provisoire.

La condamnation provisoire dont parle l'art. 61, embrasse le paiement des avaries qui sont à la charge des assureurs, puisque ce qu'ils doivent à ce sujet fait partie des sommes assurées. Mais cela doit s'entendre après que l'avarie est réglée, parce que, jusqu'alors, on ignore à quoi elle se monte.

Le provisoire n'a pas lieu contre l'assuré condamné au paiement des primes par lui dues, parce que l'Ordonnance, qui est de droit étroit, ne parle pas

de ce cas.

Par la même raison, le provisoire n'a pas lieu contre l'assureur condamné à restituer la prime, ou partie de la prime, pour cause de ristourne. Ainsi jugé par sentence du 24 février 1756, confirmée par arrêt du 10 juin 1757, au rapport de M. d'Orcin, dans la cause de François Martin, au sujet des assurances faites pour son compte sur la polacre Sainte-Catherine.

Le provisoire n'est jamais accordé que pour le capital des sommes assurées, et non pour les intérêts ni pour les dépens, parce que la disposition de l'article 61 est taxative aux sommes assurées, et qu'elle ne peut pas être étendue au-delà d'elle-même. Telle est notre jurisprudence. Autre chose serait, si l'Ordonnance avait permis l'exécution provisoire de la sentence, ainsi qu'on l'a vu en la section première, où j'ai parlé des sentences arbitrales.

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Sentence définitive La sentence qui condamne l'assuré à restituer les sommes indûment reçues, qui réforme la provisionnelle, s'exé n'est pas exécutoire nonobstant l'appel, soit parce que l'Ordonnance ne parle pas de ce cas, soit parce qu'il y aurait une nouvelle variation par la réformation de la sentence. Ainsi jugé dans le procès de Cutayar. Suprà, ch. 5, sect. 2. Dans le ch. 18, sect. 5, j'ai parlé de condictione indebiti.

stant l'appel?

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