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se dirigerait par les vrais principes. 2°. Le plaideur, instruit de son droit par le juge lui-même, serait moins tenté de recourir à l'appel. 3°. Les juges supérieurs, en lisant une sentence, seraient instruits de l'affaire. On verrait aisément si la surséance demandée par des assureurs, provisoirement condamnés à payer la perte, doit être accordée ou rejetée. 4°. Dans la suite des tems, le recueil des décisions ainsi motivées et confirmées par les arrêts, formerait un corps excellent de jurisprudence, très-propre à perfectionner nos lois nautiques.

Lorsque j'étais officier de l'amirauté de Marseille, j'avais tâché d'introduire l'usage de donner à l'intimé les motifs de la sentence, à quoi j'avais été invité par M. de Monclar, procureur général. On sait qu'il est permis au juge de soutenir, comme avocat, sa sentence en cause d'appel. Statut de Marseille, lib. 1, cap. 23, pag. 90. Ordonnance de Louis 11, comte de Provence, du 29 octobre 1387. Recueil des priviléges d'Aix, pag. 13. Capella Tholosana, déc. 278. Peresius, Cod. de postulando, no. 5. Xammar, de advocatis, part. 3, quest. 5, n°. 29, fol. 259. Despeisses, tom. 2, pag. 548, no. 10. Brillon, tom. 1, pag. 372. Fromental, pag. 28. Rodier, pag. 483. Mais le juge qui, en cause d'appel, entreprend de soutenir sa sentence, ne doit jamais s'écarter du langage ni de l'esprit de juge,

CONFÉRENCE.

CCXLIII. Les observations de notre auteur sont maintenant sans application. Ses vœux sont remplis, puisque les tribunaux sont tenus d'exprimer les motifs de leurs décisions.

$1.

Exécution défini

SECTION VII.

Exécution des sentences.

L'ORDONNANCE de 1584, art. 53, permettait l'exécution des sentences des tive et sans appel. siéges particuliers de l'amirauté, définitivement et sans appel, jusqu'à la somme de 2 écus, et en la jurisdiction des tables de mer, au-dessous et jusqu'à 4 écus, aussi sans appel. L'Ordonnance de 1681, titre des jugemens, art. 1, porte que tous jugemens des siéges particuliers de l'amirauté qui n'excéderont la somme de » 50 liv., et ceux des siéges généraux ez tables de marbre qui n'excéderont 150 liv., seront exécutés définitivement et sans appel. »

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Cette disposition de l'Ordonnance est observée dans l'usage, ainsi qu'on le voit par les arrêts rapportés par Bonnet, titre de la compétence, pag. 97, et par M. Julien, sur le Statut, tom. 1, pag. 75.

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Vide suprà, sect. 4, où j'ai parlé des jugemens provisoires en matière d'as

surance.

Pour ce qui est des jugemens définitifs dont l'appel interjeté n'a point été relevé dans six semaines, on peut les exécuter, nonobstant l'appel, en donnant caution (art. 4, titre des jugemens), et les exécuter même pour les dépens. Ainsi jugé par notre amirauté, le 20 novembre 1753, en faveur de François Boule, contre les sieurs Fille.

L'ordonnance de 1673, tit. 7, art. 2, veut que la contrainte par corps ait lieu pour l'exécution des contrats maritimes. L'Ordonnance de 1681, liv. 1, tit. 13, art. 5, dit que les jugemens donnés en matière............................. d'assurance,♦ grosse » aventure, et autres contrats concernant le commerce de la mer, seront exé»cutoires par corps. Mais cette contrainte par corps doit être prononcée par le jugement. Vide infrà.

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Peut-elle être exécutée dès le moment que la sentence a été signifiée à la partie? Il est juste de donner quelque délai au débiteur : Nec enim cum sacco ire debet. Loi 105, ff de solut. Ce délai est de vingt-quatre heures au moins. Journal des audiences, tom. 4, pag. 500. Rodier, pag. 55o. Il est permis au juge d'accorder un délai un peu plus long. Loi 21, ff de judiciis. Loi 71, § 2, ff de legat., 1o. Faber, def. 27, Cod. de execut. rei jud. L'usage de notre amirauté est d'insérer dans ses jugemens de condamnation la clause sauf huitaine; en quoi elle se conforme au Consulat de la mer, ch. 29.

Nos juge et consuls accordent quelquefois un délai beaucoup plus long, et usent, suivant les circonstances, de la permission que l'ordonnance de 1669, tit. 6, art. 1, défère aux juges, de donner surséance à l'exécution de la condamnation; laquelle surséance, est-il dit, ne pourra néanmoins être que de trois mois, sans qu'elle puisse être renouvelée.

Mais si les juges ont quelquefois l'autorité d'adoucir la rigueur de la loi, en quoi ils doivent user d'une grande retenue, pour ne pas porter un notable préjudice au créancier, il ne s'ensuit pas qu'ils aient jamais le pouvoir d'être plus sévères que la loi même : Si verò judex pœnam jam à jure definitam auxerit, eam quoque pænam pati debet, quam aliis injustè irrogavit. Tiraqueau, de pænis, in præf., n°. 15. Cependant, lorsqu'on s'apercevait que le débiteur condamné avec contrainte par corps, ne sortait de chez lui que les dimanches et les fêtes, ou après le soleil couché, nos juge et consuls s'étaient mis.comme

$ 2. Exécution nonob stant l'appel.

$3. Exécution sur la personne du debi

teur.

Contrainte par

corps.

Décret orcé.

en possession de prononcer arbitrairement des décrets forcés, et de permettre, suivant la qualité des personnes, ou les circonstances du fait, qu'on arrêtât le débiteur infortuné en tout tems et en tout lieu, fors les lieux saints et son domicile, quoiqu'il n'y eût aucune suspicion de fuite. Jamais notre tribunal de l'amirauté n'a rien ordonné de semblable. On se fondait sur ce qui se pratique ou se pratiquait en diverses provinces du royaume. Mais en Provence, nous avons sur ce point des règles desquelles il n'est pas permis de s'écarter.

Anciennement à Marseille, on n'avait garde de traîner, pour cause civile, les débiteurs en prison. On n'avait pas la douleur de les voir confondus avec les victimes de la vengeance publique. Ce mélange ne produisait pas une injuste augmentation de peine pour ceux qui ne doivent leur captivité qu'à des revers de fortune (1). On se bornait à leur ordonner de tenir les arrêts, hostagia tenere. Ils étaient obligés de venir se camper depuis le matin jusqu'au soir dans la rue ou place du palais. Ils pouvaient se dispenser d'y paraître les dimanches et les fêtes. Les autres jours, il leur était loisible d'aller à l'église voisine faire leur prière. Ils encouraient l'amende de 10 s. chaque fois qu'ils manquaient aux arrêts; s'ils y manquaient huit jours de suite, ils étaient mis en prison. Statut de Marseille, lib. 2, cap. 1, pag. 197.

Marseille ayant été réunie à la province, l'usage de conduire les débiteurs dans les prisons s'introduisit peu à peu parmi nous, en conformité du Statut de Provence. Margallet, liv. 1, pag. 25, et liv. 2, pag. 36. Ce Statut reçoit quatre modifications principales.

1o. Personne ne peut, pour dettes civiles, être arrêté dans sa maison. Statut de Provence, dans Mourgues, pag. 402.

2o. Personne ne peut, pour dettes civiles, être arrêté en tems de foire, et durant deux jours, un devant et l'autre après la foire, et ce, afin de venir à la foire. Statut de Provence, dans Mourgues, pag. 404.

3o. Personne ne peut, pour dettes civiles, être arrêté hors de chez lui les dimanches et les fêtes, ni pendant la quinzaine de Pâques. Loi 11, Cod. de feriis, cap. 5, extrà eod. Terrasson, pag. 28. Boniface, tom. 1, pag. 66.

4°. Personne ne peut, pour dettes civiles, être saisi hors de chez lui avant le lever et après le coucher du soleil: Solis occasus, suprema tempestas esto.

(1) Déclaration du 30 août 1780, par laquelle le roi ordonne l'établissement de prisons pour renfermer spécialement les prisonniers arrêtés pour dettes civiles.

Par les jugemens consulaires ou par ceux de l'amirauté, la contrainte par corps n'est censée prononcée que sous les modifications légales dont on vient de parler. Il vous est permis de faire saisir la personne de votre débiteur, pourvu que ce ne soit ni dans les tems ni dans les lieux exceptés. Telle est parmi nous la loi des engagemens mercantiles; telles sont les bornes fixées à l'autorité de nos tribunaux. Le juge ne peut après coup aggraver sa propre sentence; il ne peut y ajouter une nouvelle disposition. La loi judex posteaquàm, ff de re jud., s'y oppose. Le débiteur condamné avec contrainte par corps, jouit du droit d'asyle dans sa maison; il lui est permis de sortir de chez lui avant le lever ou après le coucher du soleil, etc. Il conserve ce reste de liberté, soit en vertu du pacte tacite renfermé dans les engagemens qu'il a contractés, soit par la force de la loi.

L'abus qui s'était glissé dans le tribunal consulaire de Marseille, a été corrigé par deux arrêts du Parlement d'Aix; le premier, rendu en octobre 1775, en faveur du sieur D***., contre le sieur Jean-Joseph Camoin, et le second, rendu le 7 octobre 1776, en faveur du sieur B***., contre les syndics des créanciers de V***.

M. Janety, tom. 2, pag. 448 de son Commentaire sur le réglement de la Cour, a inséré une dissertation que j'avais faite sur cette matière; et dans son Journal du palais de Provence, pour l'année 1779, pag. 555, il rapporte un troisième arrêt, rendu en 1779, qui cassa un décret forcé, laxé par les juges-consuls de Marseille. Peu importe que le décret forcé eût été accordé après trois verbaux de perquisition; il n'en serait pas moins nul, et l'on ne doit point s'arrêter aux usages des pays coutumiers, ainsi que je le prouve dans la dissertation que je viens de citer.

Si le débiteur est suspect de fuite, l'urgence du cas exige d'autres règles. Le débiteur suspect de fuite est celui qui fugam adornat (loi des Douze-Tables); qui se præparat ad fugam (Gl. marg. ad leg. 14, ff de pign. et hypot.); qui est in procinctu (Rebuffe, in sonst., tom. 1, pag. 149, no. 72, 73); qui cœpit componere farcinas (Calcialupus, cap. 1, n°. 12); qui domi latuisset, ut fugæ nactus occasionem, se substraheret (loi 17, § 4, ff de edil. edict.); en un mot, suivant le Statut de Provence, rapporté par Mourgues, pag. 276, le suspect de fuite est celui de la fuite duquel on ne peut vraisemblablement douter.

S

Le créancier peut, de sa propre autorité, arrêter son débiteur fugitif ou suspect de fuite: Si fugam adornet, manum ei injicere jus esto, disent les lois des Douze-Tables. Terrasson, pag. 96. La loi 10, § 16, ff quæ in fraud. cred., et la loi 4, Cod. de his qui ad ecl. conf., retracent cette maxime. Ce serait perdre

Débiteur fuyard.

Main-mise.

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toute espèce de droit sur la personne de son débiteur, s'il n'était pas permis de l'arrêter soi-même, lorsqu'il s'enfuit. On peut alors le saisir: Astrictâ cervice, obstrictâ, obtorta gula, pugnis in ventrem injectis, comme dit Cujas sur la loi 19, de in jus vocando, au liv. 1, Pauli, ad edict.; car il vaut beaucoup mieux empêcher ou interrompre sa fuite, que de courir ensuite inutilement après lui: Meliùs enim est occurrere in tempore, quàm post exitum, vindicare. Loi 1, Cod. quandò liceat unicuique sine judice se vindicare.

Les docteurs sont unanimes là-dessus: Fugientem debitorem, aut ad fugam paratum capere licet propria auctoritate. Neque requiritur ut sit in ipsâ fugâ, sed sufficit si se præparat ad fugam. Gl. marg. sur la loi 14, ff de pign. et hypot. Propter necessitatem et moræ periculum, licitum est privato, capere debitorem fugientem, vel fugam adornantem. Dumoulin, Coutume de Paris, § 9, gl. 6, v. rendre compte, n°. 7 et 8. Telle est encore la doctrine de Calcialupus, cap. 4, n°. 10 et 16; de Peckius, de jure sistendi, cap. 2, n°. 1; de Rebuffe, in const., tom. 1, pag. 149, no. 70 et suiv., etc.

Cette manière de procéder est incivile, dira quelqu'un ; je l'avoue, répond Cujas: Incivilis hæc via et extraordinaria est : fateor. Mais il n'est pas moins incivil que mon débiteur s'enfuie avec mon bien : Sed incivile æquè est, si non probaveris quod fecit creditor, dùm sibi vigilat, suum ut servet sibi; cujus amittendi in summo periculo versabatur, fugiente debitore.

Si, pour faire arrêter un pareil débiteur, on a réclamé l'autorité d'un juge incompétent, la capture n'en est pas moins bonne, parce qu'il n'était pas nécessaire de recourir à la justice. Valin, Coutume de la Rochelle, tom. 1. Dumoulin, tom. 1, pag. 192, n°. S. Mysinger, cent. 2, obs. 65. Brodeau, Coutume de Paris, tom. 2, pag. 417. Calcialupus, cap. 4, no. 2. Peckius, en l'endroit cité, cap. 5, no. 9. Curtius, de sequestris, cap. 2, no. 62, etc.

La main - mise, manûs injectio, c'est lorsqu'en vertu d'un décret, on fait conduire le débiteur fuyard ou suspect de fuite devers le juge, qui, après avoir entendu les parties, et examiné leurs titres, ordonne ou que le débiteur arrêté soit élargi, ou mis en prison, à moins qu'il ne paie ou ne donne cau

tion.

La main-mise s'accorde sans citation préalable; car, comme l'observe Ferrière, Coutume de Paris, tom. 2, col. 1291, no. 14, on ne prend pas un lièvre au son du tambour. Peckius, de jure sistendi, cap. 4, no. 6. Baldus, de carcere, cap. 1, no. 7. La procédure qui se fait à ce sujet est extrajudiciaire. Calcialupus, cap. 6, no. 23. La main-mise peut s'exécuter en tout tems et en tout lieu. Ferrière, en l'endroit cité, etc.

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