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François Montaner, de Collioure, capitaine de navire, et débiteur d'un Marseillais pour contrat maritime, se trouvant à Marseille, fut conduit par main-mise pardevers le lieutenant de l'amirauté, qui lui fit passer le guichet. Arrêt du 30 janvier 1741, qui débouta Montaner de sa demande en cassation de la main-mise, et qui confirma le décret du lieutenant.

Autre arrêt. Dominique-Antoine Rossy, natif de Turin, négociant, domicilié dans Marseille depuis six années, écrivit aux sieurs Timon et Chaudière, ses créanciers, un billet par lequel il leur marquait que s'ils refusaient les propositions qu'il leur faisait, il décamperait de Marseille, et s'en irait en son pays. Les sieurs Timon et Chaudière obtinrent des juge et consuls un décret de mainmise contre ce débiteur. On le saisit dans sa maison à dix heures du soir. Le lendemain au matin, on le conduisit au tribunal consulaire. Il fut ordonné qu'il serait constitué prisonnier, si mieux il n'aimait, sur-le-champ, ou payer, ou donner caution. Il ne fit ni l'un ni l'autre. Il fut conduit en prison. Il appela au Parlement d'Aix. Il soutenait que le tribunal consulaire n'avait pas l'autorité de décerner des décrets de main-mise. On répliquait qu'il était justiciable de ce tribunal pour les engagemens par lui contractés, et qu'il était suspect de fuite. Arrêt du 16 janvier 1778, prononcé par M. le premier président de La Tour, conformément aux conclusions de M. Meriaud, substitut, qui confirma le décret de main-mise, et renvoya les parties et matière aux juge et consuls de Marseille, pour poursuivre ainsi qu'il appartient; au moyen de quoi il fut dit n'y avoir pas lieu à prononcer sur une requête que Rossy avait présentée en élargissement provisoire, etc. M. Siméon fils plaidait pour les sieurs Timon et Chaudière, et M. Estrivier au contraire.

L'Ordonnance de la marine, titre des jugemens, art. 6, permet aux par_ ties de s'obliger par corps en tous contrats maritimes, aux notaires d'en in» sérer la clause dans ceux qu'ils recevront, et aux huissiers d'emprisonner › en vertu de la soumission, sans qu'il soit besoin de jugement.

rée

Je n'ai jamais vu mettre en pratique cette disposition de l'Ordonnance, et je ne conçois même pas qu'elle puisse jamais l'être; car presque tout contrat maritime est de sa nature conditionnel. Un assureur ne doit la somme assuque dans le cas où la perte est prouvée, et que le sinistre est arrivé dans les tems et lieux des risques, sans la faute de l'assuré, du capitaine ou des mariniers. Le preneur n'est tenu à payer la somme empruntée à la grosse, qu'après que le navire est arrivé à bon port. Le chargeur n'est obligé de payer le nolis que lors de la consignation de la marchandise, etc. Comment est-il donc possible qu'on emprisonne quelqu'un, avant qu'on sache s'il est débi

T. II.

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Contrainte par corps stipulée dans le contrat, peut-elle

être mise à exécu

tion, sans jugement prealable?

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teur? Le contrat public et la soumission spéciale à la contrainte para corps, ne sont pas une preuve que la condition inhérente au contrat ait été remplie. L'art. 14, titre du capitaine, défend d'arrêter, pour dettes civiles, les maîtres, patrons, pilotes et matelots, étant à bord pour faire voile, si ce n'est » pour les dettes qu'ils auront contractées pour le voyage. »

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Cette franchise n'est pas bornée au tems que les mariniers sont à bord pour faire voile. Je crois qu'on ne peut, pour dettes civiles, les arrêter dans le navire, lorsqu'ils y logent, ou qu'ils y travaillent. En effet, personne ne doit, pour dettes civiles, être enlevé de sa maison d'habitation: Nemo de domo sua extrahi debet. Loi 103, ff de regul. jur. Lois 18, 19 et 21, ff de in jus vocando. Loi 23, ff de injuriis, § 8, inst. eod. Loi 21, § 7, ff de furtis. Quid est sanctiùs, quid omni religione munitius, quàm domus uniuscujusque civium? Hie ara, hic foci, hic dii penates, hic sacra, religiones, cæremoniæ, continentur : hoc perfugium est ità sanctum omnibus, ut indè abripi neminem fas sit. Cicéron, pro domo suâ, cap. 41.

Cette règle, dictée par l'humanité, est observée en Angleterre (Blackstone, tom. 5, ch. 19, pag. 32), et dans la plupart des pays policés.

Le Statut de Provence (Mourgues, pag. 402) veut ▾ qu'aucun débiteur, obligé au corps, ne soit tiré par force contre son gré hors de sa maison, soit qu'elle lui appartienne en propriété ou par droit de louage. »

Et tel est aujourd'hui le droit commun du royaume. On ne peut aller contraindre par corps dans sa maison un homme qui n'est condamné que pour dettes civiles. Montesquieu, liv. 29, ch. 10. Arrêt du Parlement de Paris, du 19 decembre 1702, rapporté dans le Journal des audiences. (N. B. La Conservation de Lyon est le seul tribunal qui, sur ce point, ait des usages différens). Réglement du 18 juin 1710. Edit du mois d'août 1714.

On appelle maison tout lieu où l'on fait son habitation ordinaire: Appellatione domûs, habitationem quoque significari palàm est. Loi 8, § 1, ff ad leg. corn. de adult. Loi 22, § 2, ff eod. Loi 4, § 5, ff de damno infecto. Loi 203, ff de verb. signif. Loi 5, § 2, ff de injuriis et fam. lib. Loi 1, § 2, ff de aleat. Loi 1, S8, ff de his qui effud. Un artisan ne peut pas être saisi dans sa bouti que, ni dans son atelier, quoique séparé de sa maison. Argum., loi 5, § 5, ff de injur. et fam. lib.

On ne peut donc pas arrêter les mariniers dans leur vaisseau, parce que le navire est leur maison ou leur atelier. Peckius, de jure sistendi, cap. 6, n°. 5. Straccha, de navib., part. 2, n°. 5. Cæpola, de serv. urb. præd., cap. 11,

n°. 7.

$ 4. Saisie des meubles

En vertu d'une sentence de l'amirauté, on peut saisir les meubles et les créances du débiteur, faire vendre les meubles, et exiger les créances, sauf, et des creances. en cas de déni de la part du tiers, de poursuivre celui-ci pardevant son juge naturel.

On peut également faire saisir et vendre les navires qui appartiennent au débiteur. Cette vente se fait de l'autorité du tribunal de l'amirauté, sans qu'on observe toutes les formalités prescrites par l'Ordonnance de la marine, titre des saisies. Marseille n'est pas un pays de décret. On se borne à faire trois enchères, de huitaine, en huitaine; après quoi, le navire est délivré au plus offrant et dernier enchérisseur. Cette délivrance est définitive, et on ne reçoit plus de nouvelle offre. Ainsi jugé par notre amirauté en 1756, en faveur de Dominique Pauquet.

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Cleirac, de la jurisdiction, art. 5, n. 13, pag. 399, observe que, dans la saisie, on ne doit pas omettre de faire mention expresse des esquifs et chaloupes, lesquelles ne sont pas censées contenues sous les termes d'apparaux, » appartenances et dépendances, ni ne viennent en la vente du navire. Cependant, dans l'usage, la chaloupé et le canot sont considérés comme l'accessoire du navire, ut sequela. J'ai traité cette question suprà, ch. 6, sect. 7, $ 2.

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La navigation intéresse la république. Voilà pourquoi le bateau, pendant , le voyage, ne doit être arrêté par aucune saisie faite, soit par autorité de justice ou autrement; mais s'il est fait aucun exploit, (le bateau) doit être conduit au lieu de son reste, la saisie d'icelui tenant où c'est qu'il sera fait » droit aux parties. Cleirac, navigation des rivières, art. 8, pag. 571. Je crois qu'on devrait excepter le cas d'une dette contractée dans le lieu même de l'échelle, et je me fonde sur l'argument de l'art. 14, titre du capitaine.

Les art. 18 et 19, titre de la saisie, sont conçus en ces termes : Les inté› ressés au navire dont on saisira quelque portion, lorsqu'il sera prêt à faire › voile, pourront le faire naviguer, en donnant caution jusqu'à concurrence de l'estimation qui sera faite de la portion saisie.

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Pourront aussi, les intéressés, faire assurer la portion saisie, et prendre » deniers à grosse aventure pour le coût de l'assurance, dont ils seront rem»boursés, par préférence, sur le profit du retour..

Il résulte de ces deux articles, 1°. que les créanciers peuvent faire saisir le navire, quoiqu'il soit prêt à faire voilę; mais cette saisie ne doit nuire ni aux chargeurs, ni aux autres créanciers privilégiés, qui ont pour titre la foi publique. 2o. Si la saisie ne concerne que quelque portion du navire, les autres

Saisie des navires.

Saisie du navire en cours de voyage.

Saisie d'une portion du navire.

Saisie de la maîtrise.

$ 5.

Saisie des navires, en vertu d'une sentence du juge ordinaire.

intéressés peuvent le faire naviguer. 3°. L'art. 18 ajoute qu'ils pourront le faire naviguer en donnant caution, jusqu'à concurrence de l'estimation de la portion saisie.

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Mais pourquoi serais-je obligé de donner caution, et de courir les risques des quirats d'autrui? La saisie qui en a été faite m'est étrangère. Il est vrai que l'art. 19 me défère la faculté de faire assurer la portion saisie, et de prendre des deniers à la grosse aventure pour le coût de l'assurance; mais on peut ne pas trouver à prendre des deniers à la grosse; on n'est pas curieux de répondre gratuitement de la solvabilité des assureurs, et il peut arriver qu'il n'y ait aucun profit de retour.

Dans notre usage, le capitaine est ordinairement constitué séquestre de la portion saisie. C'est à lui à prendre des deniers à la grosse pour le compte de qui il appartient, et le navire met à la voile, aux risques des parties intéressées, à qui il est libre de faire les assurances convenables.

Cleirac, titre de la jurisdiction, art. 5, pag. 399, dit que si la dette procède du fait du maître, l'exploit de saisie comprendra également la maîtrise.

La maîtrise était alors considérée comme une espèce de droit réel, qui était acquis, sur le navire, au capitaine élu, et dont le capitaine ne pouvait être privé que pour cause légitime. Cleirac, sur les Jugemens d'Oléron, art. 1, n°. 4, pag. 12. Targa, cap. 89, pag. 373. Aujourd'hui, il est permis aux propriétaires de congédier le capitaine, en le remboursant, s'il le requiert, de la part qu'il aura au vaisseau. Art. 4, titre des propriétaires.

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D'après ce principe, la maîtrise du vaisseau ne pourra être saisie ni » vendue, et pourront les adjudicataires en disposer, sauf au maître à se pourvoir pour son dédommagement, si aucun lui en est dû, contre ceux qui l'auront préposé. » Art. 15, titre de la saisie. Et sauf encore le privilége sur le corps du navire, pour le dédommagement qui lui est accordé.

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Un capitaine, qui devait faire la caravane pour deux ans, au salaire de So liv. par mois, fut congédié sans juste cause avant le départ du navire. Sentence du 28 novembre 1752, rendue par notre amirauté, qui condamna les propriétaires à lui payer 620 liv. pour le tiers de ses salaires, suivant les art. 10 et 21, titre de l'engagement des matelots. S'il eût été quirataire, on aurait de plus ordonné qu'il fût remboursé de la valeur de ses quirats, et si le navire eût été saisi, le privilége pour le dédommagement à lui adjugé lui aurait été accordé sur le corps du vaisseau même..

En vertu des sentences du sénéchal ou des juge et consuls, il est permis

de saisir les navires ou quirats de navires qui appartiennent au débiteur. Mais la vente judiciaire ne peut en être faite que de l'autorité du juge de la mer. Consulat, ch. 22. Anciennes ordonnances, rapportées par Cleirac, pag. 394. Ordonnance de 1681, titre de la compétence, art. 1. Graverol, pag. 588.

Les sentences de l'amirauté, tout comme celles de la jurisdiction consulaire, portent hypothèque. Soulatges, ch. 2, pag. 62. En vertu d'une sentence de l'amirauté ou des juge et consuls, il est permis de faire saisir les immeu bles du débiteur. Mais s'il s'agit de les faire vendre ou de s'y colloquer, il faut recourir au juge ordinaire. Consulat de la mer, ch. 26. Edit de Charles IX, de 1565, art. 14.

- Voici une question importante: Le sieur Barbe-Denis Truilhard, qui s'était rendu assureur de 1,000 liv. envers le sieur Dominique Bresson, neveu, sur les facultés du brigantin le Languedoc, capitaine Augeas, fut provisoirement condamné, par sentence de notre amirauté, au paiement de cette somme, en donnant par Bresson bonne et suffisante caution, et, par la même sentence, la cause fut réglée à pièces mises. Le cautionnement fut donné, et le sieur Bresson fit saisir réellement une maison que Truilhard possédait dans Marseille.

Quoique Bresson ne fût porteur que d'une sentence provisoire, il obtint du tribunal du sénéchal un décret, qui lui permit de poursuivre le procès exécutorial sur la maison saisie, laquelle fut estimée 25,500 liv., par les estimateurs des honneurs. Les trois encans furent faits, et la maison fut délivréc par l'huissier chargé de la commission au sieur Jean-Baptiste Rey, qui en avait offert 25,600 liv.

Truilhard présenta requête au sénéchal, en cassation de la saisie réelle de sa maison et de l'acte de délivrance, sous l'offre de payer ce qui était dû au sieur Bresson. Le sieur Rey présenta requête en garantie contre ce dernier. Pendant le cours de l'instance, les biens de Truillard furent mis en discussion. Un curateur ad lites fut nommé. Ce curateur poursuivit la demande en cassation de la saisie réelle et de l'acte de délivrance.

Sentence rendue par le tribunal du sénéchal, le 6 juillet 1778, qui débouta le curateur ad lites de la requête en cassation, et qui le condamna aux dépens envers toutes les parties.

La masse des créanciers requit qu'un avocat fût nommé par le tribunal civil, pour donner son avis judiciaire au sujet de cette sentence. Je fus choisi. On m'exposa que la maison valait beaucoup au-delà du prix pour lequel elle avait été délivrée au sieur Rey. Je dressai une consultation, dans laquelle je traitai deux points essentiels.

$ 6.

Saisie des immeu.

bles du débiteur, en

vertu d'une sentence

de l'amirauté.

En suite d'une sentence provisoire de l'amirauté, peut-on

poursuivre au tribu

nal du sénéchal la

vente d'un immeuble?

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