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TRAITÉ

DES

CONTRATS

A LA GROSSE AVENTURE.

LE E contrat à la grosse et celui d'assurance ont une grande affinité. Ils paraissent souvent régis par les mêmes principes. Ce sont deux frères jumeaux, auxquels le commerce maritime a donné le jour, mais qui ont chacun une essence et une nature particulières.

On ne saurait disputer le droit d'aînesse au contrat à la grosse. Il jouit de certains priviléges dont le contrat d'assurance se voit privé; mais celui-ci a su acquérir un plus vaste empire, et sa noblesse, quoique moins ancienne, l'emporte parmi nous sur celle de l'autre. Je dis parmi nous; car, dans Marseille, les preneurs sont pour l'ordinaire des gens peu favorisés des biens de la fortune, auxquels on ne confie à ce sujet que des sommes modiques.

CONFÉRENCE.

I. Le contrat à la grosse est un pacte ou une convention d'une espèce toute particulière, qui ne peut être réglé que par des principes qui lui soient propres, et nullement par ceux qui régissent tout autre contrat. Néanmoins, il faut convenir, avec Emérigon, que le contrat à la grosse et celui d'assurance ont entre eux une grande affinité.

Dans l'un, le prêteur à la grosse est chargé des risques maritimes; dans l'autre, c'est l'as

» sureur.

» Dans l'un, le profit maritime est le prix du péril; dans l'autre, c'est la prime d'assurance.

>> Dans le contrat à la grosse, le paiement de la chose garantie est anticipé.

» Dans le contrat d'assurance, le paiement n'est fait que dans les cas de perte.

» Dans l'un et dans l'autre, c'est au demandeur à prouver que la condition a été accomplie. » Dans l'un et dans l'autre, il faut que l'aliment qui leur donne naissance soit exposé à un >> risque, etc. »

Cette affinité avait porté la Cour de Rennes à demander à la commission du nouveau Code de commerce, que le titre des contrats à la grosse fût fondu avec le titre des assurances, sous ces trois divisions, 1°. dispositions communes aux deux contrats; 2°. du contrat à la grosse; 3o. du contrat d'assurance.

Mais la commission n'adopta pas cette proposition, tout en convenant des traits de ressemblance qu'il y a entre les deux contrats. Elle observa, avec raison, que le contrat à la grosse et celui d'assurance diffèrent dans leur exécution, et sur-tout que les formes du délaissement sont inconnues à l'égard du prêteur à la grosse. (Voyez observations de la Cour d'appel de Rennes, tom. 1, pag. 542).

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AUTANT le contrat d'assurance était peu connu des Romains, autant le contrat à la grosse était en usage parmi eux.

Ce que nous appelons argent donné à la grosse, était appelé chez les Romains pecunia trajectitia, non qu'il fût uniquement donné pour être transporté en un autre lieu, mais parce qu'il était donné au preneur pour l'employer à son commerce maritime, à la charge de le rendre, en cas d'heureuse navigation, avec l'intérêt nautique stipulé, et sous la condition que si le navire se perdait par fortune de mer, dans le cours du voyage déterminé, le preneur ne serait obligé de rendre ni principal ni change: Pecunia nautica quæ et trajectitia et maritima dicitur, est quæ, periculo creditoris in navem receptu, trajicienda committitur. Calvinus.

CONFÉRENCE.

II. L'origine du contrat à la grosse se perd dans l'antiquité. Ce contrat était très-usité chez les Romains. Dans le droit romain, il est ordinairement appelé pecunia trajectilia, comme l'observe Emérigon, et quelquefois pecunia nautica, fænus nauticum. - (Voyez le titre de nautico fœnore, ff, liv. 22, tit. 2; Code, liv. 4, tit. 33).

Dans le moyen âge, sur-tout parmi les peuples septentrionaux et les Normands, le contrat à la grosse était communément nommé bomerie, du mot flamand bome, qui signifie quille de vaisseau, et bomerie est une quille équipée ou vaisseau garni. Il paraît qu'alors le prêt à la grosse ne se faisait que sur les corps et quille du navire. (Voyez l'art. 58 de la Hanse teutonique; Cleirac sur les art. 1 et 2 du chap. 18 du Guidon de la mer; Loccenius, de jure maritimo, lib. 2, cap. 6, no. 1 ).

En divers pays d'Italie, le contrat à la grosse est appelé hypothèque. sect. 2 de ce chapitre).

(Voyez ci-après la

SECTION I.

Notice des textes du droit romain, au sujet des contrats à la grosse.

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La loi 1, ff de naut. fænor., dit que l'argent trajectice est celui qui est transporté outre mer: Trajectitia ea pecunia est quæ trans mare vehitur; c'est-à-dire qui est transporté outre mer, aux risques du donneur, et pour être employé en marchandises, au profit du preneur.

Si cet argent est consommé dans le lieu même où il a été fourni, il n'est point trajectice: Cæterùm, si eodem loco consumatur, non erit trajectitia. Mais si, dans le lieu où il a été fourni, il est employé en marchandises qui soient embarquées aux risques du donneur, il conserve sa qualité d'argent trajectice: Sed videndum an merces ex eâ pecuniâ comparatæ in eâ causâ habeantur, et interest utrùm etiam ipso periculo creditoris navigent; tunc enim trajectitia pecunia fit. On voit, par ce dernier paragraphe, qu'il est de l'essence du contrat à la grosse que le risque maritime soit à la charge du donneur.

Le péril de l'argent nautique n'est à la charge du créancier que depuis le jour que le navire met à la voile : In nauticâ pecuniâ, ex eâ die periculum spectat creditorem, ex quo navem navigare conveniat; c'est-à-dire depuis le moment que le risque commence à courir pour le compte du donneur.

Voici un texte qui mérite attention. Peu importe, dit Papinien, que l'argent trajectice ait été fourni, dans le principe, à condition que le péril maritime ne sera pas à la charge du créancier. Peu importe que le péril ait cessé d'être à sa charge, par l'événement du terme ou de la condition. Dans l'un ou l'autre cas, il n'est dû que le simple intérêt légitime: Utrubi, majus legitimâ usurá fœnus non debebitur. Mais, dans le premier cas, c'est-à-dire lorsque le créancier n'aura jamais couru le risque maritime de l'argent trajcctice, trajectítia pecunia sine periculo creditoris acceptâ, il ne sera indéfiniment question que de l'intérêt ordinaire : In priore quidem specie semper. Dans le second cas, c'est-à-dire lorsque le risque du créancier aura cessé par l'échéance du terme ou par l'événement de la condition, post diem præstitutum et conditionem impletam, periculum esse creditori desierit, l'intérêt légitime prendra son cours par la cessation de l'intérêt nautique: In altera verò, discusso periculo. Dans

Loi 1, ff de naut. fænor.

Loi 3, ff cod.

Loi 4, ff cod.

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