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Sur le de la

loi 4, ff cod.

Loi 5, ff eod.

l'un et dans l'autre cas, le créancier ne pourra retenir les gages et hypothèques qui lui ont été donnés, et s'en servir de moyen pour faire courir les intérêts nautiques, qui ne lui seraient pas dus: Nec pignora vel hypothecæ titulo majoris usura tenebuntur.

Sur ce texte, je remarquerai, 1o. que Papinien ne laisse pas d'appeler trajectice l'argent fourni pour une expédition maritime, sous condition qu'il ne sera point aux risques du fournisseur; mais c'est alors un contrat de grosse imparfait, qui est incapable de donner cours à l'intérêt nautique.

2o. Il était permis de donner à la grosse, ou pour l'entier voyage, ou pour un tems déterminé; mais dès que le péril de la mer cessait d'être à la charge du créancier, discusso periculo, le change maritime cédait la place à l'intérêt de terre.

3°. Rien n'empêchait que le fournisseur exigeât, pour sa plus grande sûreté, des gages et des hypothèques, pourvu que ce ne fût pas un prétexte pour prétendre des intérêts nautiques, après que le risque maritime serait fini.

Lorsque l'argent trajectice n'avait été fourni que pour une partie de la navigation, on était assez en usage, à cause du défaut de correspondance, de faire embarquer un esclave, pour qu'il exigeât le principal et le change nautique, dans le lieu où le risque devait cesser d'être à la charge du créancier, et l'on stipulait une peine pécuniaire contre le preneur qui serait en demeure de remplir son obligation. Loi 4, S1, ff de naut. fœn. Loi 23, ff de oblig, et act. Loi 122, ff de verb. oblig.

La peine stipulée était acquise dès l'échéance du terme, à moins que personne ne se fût présenté pour recevoir le paiement. Lois 2, 8 et 9, ff de naut. fan. Loi 23, ff de oblig. et act. Ibiq. Cujas. Cette même peine stipulée se confondait alors avec l'intérêt de terre, au-delà duquel il n'était permis de rien exiger. D. leg. 4, § 1, ff de naut. fæn. Ibiq. Cujas.

La loi periculi pretium 5, ff de naut. fœæn., est très-obscure. Le texte en est sans doute corrompu. Cependant on doit en inférer qu'en matière de contrats aléatoires, ce qu'on reçoit au-delà du principal est le prix du péril qu'on a couru, periculi pretium est; et qu'en pareil cas, le simple pacte, non revêtu de la stipulation, suffit pour augmenter l'obligation: In his omnibus, et pactum sine stipulatione ad augendam obligationem prodest.

Ce qu'on reçoit alors au-delà du capital est moins un intérêt qu'un accroissement d'obligation, à cause du péril auquel on a exposé son argent. Ibiq. Cujas. Et comme dit Dumoulin dans l'explication qu'il donne de cette loi

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faux contrats usuraires, après le n°. 102), valet sine stipulatione, nec subest taxationi usurarum, quia augmentum fortis non est usura, sed periculi pretium. Vide loi 7, ff eod. Kuricke, quest. 26.

Je vous ai donné à change maritime une somme d'argent sur les marchandises chargées dans votre vaisseau, pour raison de quoi vous m'avez hypothéqué, non seulement lesdites marchandises, mais encore celles que vous avez chargées dans d'autres navires. Si le vaisseau qui fait l'objet du contrat périt, mon capital et le change stipulé sont perdus pour moi, sans que je puisse me replier sur les marchandises chargées ailleurs, dont le péril m'était étranger. C'est la décision de la loi 6, ff de naut. fæn.; car, comme l'observe Cujas sur cette loi, lib. 25, quæstione Pauli, l'obligation principale se trouvant 'éteinte, l'hypothèque, qui n'en était que l'accessoire, s'évanouit également : Cùm principalis obligatio non consistit, nec pignoratitia, quæ sequitur, locum habet.

L'argent trajectice dont le péril est à la charge du créancier, n'est exempt de la règle des intérêts ordinaires que pendant le tems du risque : Trajectitiam pecuniam, quæ periculo creditoris datur, tamdiù liberam esse ab observatione communium usurarum, quamdiù navis ad portum adpulerit, manifestum est.

Si vous ne vous êtes pas chargé des périls maritimes, vous n'avez pu stipuler un intérêt au-dessus de celui qui est permis par la loi.

Le donneur ne répond pas de la perte qui arrive sur mer par la faute du preneur.

Jusqu'à ce que le navire soit arrivé au lieu destiné, les cas fortuits sont à la charge du donneur qui s'y est soumis. Mais s'il ne s'y est pas soumis, le risque est pour le compte du débiteur : Sine hujusmodi verò conventione, infortunio naufragii non liberabitur.

Julius-Paulus, lib. 2, sentent., tit. 14, décide que l'argent trajectice est susceptible d'un intérêt indéfini, à cause du péril que le créancier prend sur soi : Trajectitia pecunia propter periculum creditoris, quamdiù navigat navis, infinitas usuras recipere potest.

Justinien paraît avoir voulu réduire l'intérêt nautique à l'usure centesime, c'est-à-dire à un pour cent par mois. Vide les Novelles 106 et 110. Dumoulin, contrats usur., no. 91 et suivans, dit que la loi de Justinien ne concernait que les tems de navigation ordinaire, où le péril était léger; mais que, lorsqu'il s'agit d'un péril considérable, il faut s'en tenir à la loi periculi pretium 5, ff de naut. fæn., dont il tâche de donner une interprétation nouvelle.

Il me semble qu'il était plus aisé de dire que la loi de Justinien n'est appli

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'T. II.

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cable qu'à l'argent trajectice, dont le péril n'était pas à la charge du créancier; ce qui se réfère à la loi 4, ff de naut. fæn. Cette interprétation n'est pas inconciliable avec la loi eos 26, Cod. de usuris, ni avec le texte des Novelles 106

et 110.

Calimachus se trouvant à Berite, ville de Syrie, reçut une somme à la grosse de Stichus, esclave de Seius, pour un voyage de Berite jusqu'à Brindes, et de retour à Berite, pourvu que le navire repartît de Brindes pour Berite, avant les ides de septembre. Un esclave fut embarqué pour veiller à l'exécution du contrat, et il fut ajouté que si, aux ides de septembre, le navire n'était pas encore parti de Brindes pour faire son retour à Berite, le capital, l'intérêt nautique, et les frais de l'esclave embarqué seraient payés dans Brindes même, pour être portés à Rome. Les marchandises, tant d'entrée que de sortie, furent hypothéquées au donneur. Le navire arriva à Brindes. Mais aux ides de septembre, il s'y trouvait encore. Erote, qui était l'esclave embarqué pour veiller à l'exécution du contrat, au lieu d'exiger l'argent nautique, consentit que le navire mît à la voile pour Berite, quoique le terme stipulé fût déjà écoulé. Ce navire périt. La loi décide que le sinistre n'est pas à la charge du créancier, à moins que l'esclave n'eût eu pouvoir de proroger le terme. Ibiq. Cujas, lib. 2, obs. 11.

Sur tous les textes que je viens d'expliquer, on peut voir les savantes dissertations faites par Stypmannus, part. 4, cap. 2, et par Loccenius, lib. 2, cap. 6.

Le Guidon de la mer, ch. 18, art. 2, dit que le contrat à la grosse, tel qu'il est en usage parmi nous, a peu de conformité avec ce qui se pratiquait anciennement. Mais cette assertion n'est véritable que par rapport à la forme que les réglemens modernes ont donnée à ce contrat, dont l'origine se perd dans l'antiquité. L'origine di questo contratto è molto antica, percio di essa ne fanno espressa mentione le leggi tanto civili, quanto canoniche; mà di forma ò piu tosto di riforma, è moderno. Targa, cap. 32, no. 5, pag. 131.

CONFÉRENCE.

III. Emérigon nous donne, en effet, ici, la véritable notice des lois romaines, au sujet de l'argent trajectice, c'est-à-dire des contrats à la grosse. On ne saurait trop méditer toutes ces lois, pour se faire une véritable idée du droit nautique en cette matière, car c'est à cette source féconde qu'ont puisé les législateurs de tous les tems.

SECTION II.

Définition, dénomination, légitimité et nature du contrat à la grosse.

J'ADOPTE la définition que M. Pothier, n°. 1, des assurances, nous donne de ce contrat. « Le contrat de prêt à la grosse, dit-il, est un contrat par lequel » l'un des contractans, qui est le prêteur, prête à l'autre, qui est l'emprunteur, une certaine somme d'argent, à condition qu'en cas de perte des effets pour lesquels cette somme a été prêtée, arrivée par quelque fortune › de mer ou accident de force majeure, le prêteur n'en aura aucune répéti» tion, si ce n'est jusqu'à concurrence de ce qui en restera, et qu'au cas » d'heureuse arrivée, ou au cas qu'elle n'aurait été empêchée que par le vice › de la chose, ou par la faute du maître et des mariniers, l'emprunteur sera > tenu de rendre au prêteur la somme avec un certain profit convenu, pour le prix du risque desdits effets.

Cette définition est tirée des lois romaines ci-dessus citées. Elle se trouve à peu près la même dans tous nos livres. Stypmannus, part. 4, cap. 2, n°.13, pag. 378. Kuricke, Jus anseat., tit. 6, pag. 761. Loccenius, lib. 2, cap. 6, no. 2, pag. 988. Targa, cap. 32, n°. 6. Lubeck, de avariis, pag. 126. Wolf et son glossateur, SS 680 et 681. Blackstone, ch. 30, tom. 3, pag. 374. Dictionnaire de Savary, v°. contrat à la grosse. Prevôt de la Jannés, Principes de jurisprudence, tit. 20, no. 556.

On vient de voir que, dans le droit romain, le contrat à la grosse est ordinairement appelé pecunia trajectitia, et quelquefois pecunia nautica, fœnus nauticum, etc. Kuricke, Jus anseat., tit. 6, pag. 760. Lubeck, pag. 126.

Dans le Guidon de la mer, ch. 18, il est appelé bomerie, d'un mot flamand qui signifie quille équipée. Wolf, SS 680 et 681, distingue l'argent trajectice d'avec la bomerie, Il appelle trajectice l'argent donné sur les marchandises, et bomerie l'argent donné sur le corps. Mais la nature du contrat est la même dans les deux cas.

Parmi nous, ce contrat est appelé à la grosse aventure, parce que le donneur expose son argent à l'aventure de la mer, et qu'il contribue aux grosses avaries. Il est encore appelé à retour de voyage, parce qu'ordinairement le

$1. Définition.

§ 2. Dénomination.

$3.

Légitimité de ce

contrat.

Diverses interpré

chapitre naviganti,

donneur court les risques maritimes jusqu'à l'heureux retour du navire. Valin, tom. 2. Pothier, no. 1, titre des contrats à la grosse.

En divers pays d'Italie, le contrat à la grosse est appelé hypothèque. Je charge des marchandises dans un navire, et je reçois du capitaine une somme pour laquelle je lui hypothèque ces mêmes marchandises, et je lui promets un change maritime. Si le navire arrive heureusement, je paie le nolis des marchandises, la somme que j'ai reçue, et le change maritime stipulé. Si le navire périt, le capitaine perd son argent que je garde, et je perds mes marchandises.

Celui qui fournit l'argent est appelé le donneur, et celui qui le reçoit est appelé le preneur. Dictionnaire de Savary, v. contrat à la grosse. Dans le droit romain, le donneur est appelé créancier.

La condition est dite accomplie, lorsque le navire arrive heureusement au lieu destiné; et la condition manque d'être accomplie, lorsque la navigation n'est pas heureuse. Vide Cujas, sur les lois citées.

Il n'est pas douteux que ce contrat, sans lequel le commerce maritime languirait extrêmement, ne soit licite. Le change que le preneur exige dans le cas d'heureux voyage, est le prix du péril, periculi pretium, et n'a rien qui ressente l'usure.

Cependant, il semble que le ch. 19, extrà, de usuris, déclare ce contrat usuraire : Naviganti vel eunti ad nundinas certam mutuans pecuniæ quantitatem, pro eo quod suscipit in se periculum, recepturus aliquid ultra sortem, usurarius est censendus.

D'après ce texte, certains auteurs réprouvent le contrat à la grosse, et le considèrent comme usuraire. Straccha, introd. de assecur., n°. 26 et suiv., a fait une longue dissertation pour soutenir ce sentiment, qui est réprouvé par le commun des docteurs. Mais ils ne s'accordent pas sur la manière d'interpréter le chapitre naviganti.

Première interprétation. Les uns disent que ce chapitre doit être entendu tations données au du cas où l'argent a été donné à la grosse, pour une navigation qui puisse se faire sans juste crainte de périr : Quod ibi simultaneè dicitur de mutuante naviganti, intelligitur de navigante in flumine, vel ità tutò, ut cesset justus timor periculi. Dumoulin, contr. usur., no. 95, tom. 2, pag. 38. ( Mais il n'est point de navigation qui n'ait ses dangers, plus ou moins grands).

Seconde interprétation. Le donneur à la grosse n'est pas déclaré usurier; il est seulement présumé tel, usurarius est censendus. Cette présomption légale, dit-on, est admise dans le for externe; il n'en est pas de même du for inté

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