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$ 3. Survenance de la

$ 4. Le change est dû

en entier dès le moment que le risque a commencé.

La survenance de la paix ou de la guerre ne fait ni augmenter ni diminuer le change stipulé, à moins que le cas n'ait été prévu dans le contrat. Telle a paix ou de la guerre. toujours été notre jurisprudence, malgré la doctrine de M. Pothier, n°. 22, titre des contrats à la grosse. Vide mon Traité des assurances, ch. 3, sect. 3, 4 et 5. En règle générale, dès le moment que le donneur a commencé à courir les risques, le profit maritime lui est dû en entier, malgré la rupture du voyage entrepris, ou quoique le risque ait cessé avant le tems stipulé. Voici comme parle M. Pothier, no. 40, titre des contrats à là grosse : « Lorsque, dit-il, le prê: teur a commencé à courir les risques, quoiqu'il ne les ait pas courus pendant > tout le tems qu'il devait les courir, le voyage ayant été abrégé, le profit mari> time ne laisse pas de lui être dû en entier, s'il n'est arrivé aucun accident » de force majeure qui ait causé la perte des effets sur lesquels le prêt a été fait. L'Ordonnance l'ayant décidé ainsi pour la prime dans le contrat d'as»surance, il y a une entière parité de raison pour décider de même, à l'égard › du profit maritime dans le contrat à la grosse. Vide mon Traité des assurances, ch. 16, sect. 2; voyez encore la section suivante.

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CONFERENCE.

XIII. Nous avons vu, aux prolégomènes de ce chapitre, que le change nautique est indéfini, et qu'en effet il est permis de le régler suivant le plus ou le moins de péril auquel le prêteur expose ou croit exposer son argent.

Le change ou profit maritime est le prix des risques, comme la prime d'assurance, pretium periculi. L'an et l'autre, c'est-a-dire la prime pour le contrat d'assurance, et le profit maritime pour le contrat à la grosse, sont le prix du péril qu'on a envisagé ou dû envisager dans le principe, c'est-à-dire lors de la passation de l'un ou de l'autre contrat. Si le péril augmente ou diminue, on ne doit l'imputer qu'au hasard, vrai caractère des contrats aléatoires: Incertitudo tempore contractûs æquè se habet ad lucrum, sicut ad damnum. ( Dumoulin, contr. usur., no. 471 et 816). C'est par ces raisons qu'Emérigon observe que la survenance de la paix ou de la guerre ne fait ni augmenter, ni diminuer le change stipulé, à moins que le cas n'ait été prévu dans le contrat. C'est aussi l'avis de Valin sur les art. 7 et 27, titre des assurances.

Mais on convient presque toujours, dans les contrats à la grosse, que si la guerre survenait, on paierait une augmentation de profit maritime. Il en est quelquefois de même, lorsque le contrat à la grosse est fait pendant la guerre. On stipule une diminution de profit maritime, en cas que la paix survienne. (Poyez tom. 3, pag. 7o de notre Cours de droit maritime; voyez aussi les conférences des sect. 3, 4 et 5, tom. 1 de cet ouvrage : ce sont les mêmes principes qui régissent les deux contrats de grosse et d'assurances, dans les hypothèses données ).

Dès le moment que le donneur a commencé à courir les risques, il n'y a pas de doute que le profit maritime lui est dû en entier, malgré la rupture du voyage 'entrepris, ou quoique le risque ait cessé avant le tems stipulé. Mais ces principes ñe doivent-ils pas être modifiés, a 55

T. II.

l'imitation de ce qui se pratique en matière d'assurance, si le navire ne fait point de retour? — ( Art. 356 du Code de commerce; voyez notre conference sur la section suivante)..

SECTION III.

Si le Navire ne fait point de retour.

Si les deniers ont été donnés pour l'aller et le retour, et que le navire ne revienne pas, il semble qu'à l'imitation de ce qui se pratique en matière d'assurance, le change maritime devrait être diminué du tiers. Telle est la doctrine de M. Valin, art. 15 du titre des contrats à la grosse, et de M. Pothier, n°. 41.

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Je me rangerais volontiers à l'opinion de ces deux auteurs, si je n'étais arrêté par notre jurisprudence, dont voici les motifs : 1°. La règle générale (dit-on) veut que, dès que le risque est commencé, la prime et le change. maritime soient dus en entier; 2°. suivant l'art. 9, titre du fret, si, le vais» seau ayant été affrété allant et venant, il est contraint de faire son retour lége, le fret entier est dû au mattre. Il a plu au législateur d'accorder, en pareil cas, aux assurés, la bonification du tiers de la prime; mais cette grâce est de droit étroit. Jusqu'à ce qu'il y ait un nouveau réglement, qui réduise aux deux tiers le change maritime et le fret, par le défaut de retour du navire, les preneurs (tout comme les affréteurs) doivent être soumis à la règle générale.

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Première et seconde décisions. Je trouve dans mes recueils deux sentences rendues par notre amirauté, l'une le 7 août 1736, en faveur de François Boulle, contre Ganteaume et Ollivier; l'autre le 18 août 1741, contre les héritiers de Galmi, qui décidèrent que le change maritime est dû en entier, quoique le navire ne fasse pas de retour. (C'est par erreur que M. Valin, à qui j'avais envoyé mes adversaria, et après lui M. Pothier, n°. 41, ont qualifié ces deux sentences d'arrêts du Parlement d'Aix ).

Troisième décision. En 1740, Pierre Evesque, capitaine du vaisseau la Murie Fortunée, prit à la grosse, de François Boulle, 3,000 liv., pour employer en marchandises, d'entrée et sortie des Iles françaises de l'Amérique, au change maritime de vingt-deux pour cent, avec promesse de payer le tout un mois après l'heureuse arrivée du navire à Marseille. Jean-Baptiste et Eustache Eves

que, frères du preneur, se rendirent cautions de ce contrat de grosse. Le vaisseau arriva heureusement à la Guadeloupe. Toutes les marchandises d'entrée furent mises à terre. Le 11 septembre 1740, un ouragan fit échouer et briser le navire. Peu de tems après, le capitaine Evesque mourut sur les lieux. Sa pacotille fut dissipée. Le 6 juillet 1741, François Boulle présenta requête contre les hoirs de Pierre Evesque, et contre Jean-Baptiste et Eustache Evesque, cautions de Pierre, en condamnation solidaire des 3,000 liv. données à la grosse, du change maritime à raison de vingt-deux pour cent, et des intérêts de terre du tout, depuis la demeure. Sentence du 19 juin 1742, qui condamna les hoirs de Pierre Evesque et ses deux frères, solidairement, au paiement des 3,000 liv. dont il s'agit, avec change maritime, à raison de vingt-deux pour cent, et aux intérêts de terre du tout depuis la demeure. Arrêt du 17 juin 1743, au rapport de M. de Boade, qui confirma la sen

tence.

Quatrième décision. En 1746, Jean-Baptiste Pons, marchand voilier, donna à Mathieu David, capitaine de la pinque la Vierge de Caderot, et à François Isnard, capitaine en second, 297 liv., sur les facultés de ladite pinque, pour un voyage d'entrée aux Iles françaises et de retour en un port du royaume, au change maritime de cent pour cent. Ce bâtiment, dans sa route pour les Iles, fut pris par les Anglais. Le capitaine David le racheta, moyennant une lettre de change de 1,050 sequins vénitiens, qu'il tira sur le sieur Veyrier, de Marseille, son armateur, et donna en ôtage François Isnard, son second. Le sieur Veyrier interpella Pons et les autres intéressés de déclarer s'ils voulaient prendre le rachat pour leur compte. Ils répondirent qu'ils étaient prêts à contribuer au rachat, dès que la liquidation en serait faite. La pinque arriva à la Guadeloupe. Le capitaine, s'imaginant d'en être devenu propriétaire par le moyen du rachat, la vendit. Il s'embarqua sur un autre navire, et arriva à Bordeaux.

Pons présenta requête contre David et Isnard, en paiement solidaire de 297 liv. du retour du voyage, avec le change maritime de cent pour cent, et intérêts de terre depuis le jour que le capitaine David était arrivé en France, sous l'offre de contribuer au rachat qui avait été réglé à 28 liv. 18 s. pour 100. Le capitaine proposa deux déductions. 1°. Il voulait déduire la portion au rachat, à compter du tems du rachat même, pour être imputée au capital, et diminuer d'autant le change maritime. Il fut décidé que le rachat était une surcharge qui ne diminuait pas ipso jure le capital, et qu'on ne pouvait

la prendre sur la chose qu'au défaut de paiement effectif. Art. 21. titre du jet.

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2°. Le capitaine voulait encore déduire le tiers du change maritime, attendu que le navire n'avait point fait de retour. Il fut décidé que la déduction du tiers n'a lieu qu'en matière d'assurance.

Sentence rendue le 21 janvier 1750, qui condamna le capitaine David et François Isnard au paiement solidaire des 297 liv. de leur billet de grosse, au change maritime de cent pour cent, et aux intérêts de terre courus depuis » l'arrivée du capitaine David à Bordeaux, sous la déduction de 28 liv. 18 s. » pour 100, avec intérêts aux cinq pour cent courus depuis le jour de l'avance » faite par le sieur Veyrier audit rachat.

Cinquième décision. En 1746, Antoine Collury, de Mahon, donna à Balthazard Brusquo et Jérôme Ferro, officiers d'une felouque, cent vingt pièces courantes de Minorque, d'entrée et sortie de Gênes, au change maritime de seize pour cent, le tout payable lors du retour du navire à Mahon. Le navire arriva à Gênes, où il fit son désarmement, et ne retourna pas à Minorque. Le billet de grosse fut cédé à Joseph Coulet, de Marseille. Sentence du 13 mars 1750, qui condamna Brusquo et Ferro au paiement des cent vingt pièces, au change maritime de seize pour cent, et aux intérêts de terre depuis le risque fini.

Sixième décision. En 1758, Jean-Baptiste Margerel, capitaine en second de la pinque la Vierge de la Garde, capitaine Clastrier, reçut d'Armelin six douzaines peaux de maroquin, pour raison de quoi il fut dressé un billet de grosse, par lequel Margerel promit de payer, lors de l'heureux retour de la pinque à Marseille, 270 liv., avec le change maritime de cent pour cent, franc d'avarie. La pinque arriva à Cayenne. La pacotille de Margerel produisit, argent de France, la somme de 960 liv., qui lui fut payée en papiersmonnaie. La pinque fut ensuite déclarée innavigable. Margerel, ne trouvant aucun navire pour y charger des retraits, fut forcé de convertir les papiersmonnaie en une lettre de change sur le trésor royal, qui ne fut pas payée.

Armelin présenta requête en condamnation des 270 liv. données à la grosse, du change maritime, à raison de cent pour cent, et des intérêts de terre. Margerel répondit que son obligation était conditionnelle; qu'elle n'aurait été vérifiée qu'en cas d'heureux retour du navire; que le navire n'avait point fait de retour et avait été déclaré innavigable; que sur les lieux il n'y avait point de vaisseau où l'on eût pu charger des rètraits pour Marseille; qu'ainsi, suivant l'art. 17, titre des contrats à la grosse, le contrat se trouvait réduit à la

valeur des effets sauvés, lesquels se bornaient à la lettre de change sur le trésor royal, de laquelle il faisait abandon.

Sentence du 27 juin 1760, qui, au bénéfice des offres de Margerel, le mit hors de Cour et de procès. Armelin appela de cette sentence. Il disait que la pacotille avait été débarquée à terre avant que le navire eût été déclaré innavigable; que Margerel en avait disposé à Cayenne suivant son bon plaisir, et qu'ainsi le contrat n'avait pas été anéanti.

D

Arrêt du 30 juin 1761, au rapport de M. Corriollis, conçu en ces termes: Notredite Cour a mis l'appellation, et ce dont est appel, au néant; et par » nouveau jugement, sans s'arrêter à l'offre faite par ledit Margerel, au bas de l'exploit d'assignation du 20 mai 1760, ayant aucunement égard à la requête » dudit Armelin, a condamné ledit Margerel à rendre et restituer audit Armelin » tout le produit de la vente que ledit Margerel a faite à Cayenne, des six douzaines » peaux maroquins noirs qu'il reçut dudit Armelin; et ce, dans les mêmes billets provenus de ladite vente; à raison de quoi ledit Margerel exhibera audit › Armelin son journal et grand-livre, pour justifier de l'entier produit de la» dite vente, si mieux ledit Margerel n'aime payer audit Armelin, en argent › comptant, les 270 liv. qu'il en reçut, par son billet du 1. septembre 1758, à la grosse aventure, avec le change maritime de cent pour cent, et intérêts de » terre tels que de droit. Laquelle option ledit Margerel fera trois jours après » la signification du présent arrêt, autrement il en demeurera définitivement » déchu..

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Cet arrêt décida, 1°. que malgré la perte du navire dans le cours du voyage, le contrat à la grosse subsiste en entier sur les effets débarqués; 2°. que le preneur (qui n'a pu charger des retraits sur un autre navire) est obligé de rendre compte de ces mêmes effets; 3°. que, faute de rendre ce compte, il doit payer le principal de la somme prise à la grosse, avec l'entier change maritime et intérêts de terre.

Septième décision. En 1775, Pierre Rathier, capitaine en second du navire la Marie-Elizabeth, reçut à la grosse, sur facultés, la somme de 600 liv., de la part du sieur Jean-Pierre Plasse, pour un voyage d'entrée aux Iles françaises, et de retour à Marseille, moyennant le change de quinze pour cent. Etienne Ginezy se rendit caution du billet, se soumettant aux mêmes lois que ledit sieur Rathier. Le navire arriva à la Guadeloupe. Toutes les marchandises furent déchargées à terre. Le 6 septembre 1776, un ouragan fit périr le vaisseau.

Le sieur Plasse se pourvut contre le débiteur et la caution, en paiement

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