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Le capitaine doit

Ancienne Ordonnance de la Hanse teutonique, art. 60. « Le maître étant › en pays étranger, s'il a nécessité et besoin d'argent pour le navire, et qu'il » ne puisse pas mieux faire que d'en prendre à la grosse aventure, faire le » pourra aux dépens de ses bourgeois.

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Nouvelle Ordonnance de la Hanse teutonique, tit. 6, art. 2. Si nauclerus in cæteris locis, ubi suorum exercitorum compos non est, probabile damnum in navi, aut instrumentis navis perceperit, ac isthic loci nullum cambium ad exercitores transmittendum obtinere queat, aut etiam in navi, nulla bona habeat, quæ meliori cum commodo exercitorum, quàm pecuniâ sub fœnore nautico acceptâ vendere possit; tum hoc in casu necessitatis, pro servandâ navi et bonis, habeat potestatem, nomine universorum exercitorum, tantùm pecuniæ sub fœnore nautico accipienda, quantùm ad reparationem damni et alios similes casus necessitatis opus habet; et quidquid taliter fænori accepit, universi exercitores solvere tenebuntur.

Guidon de la mer, ch. 5, art. 35. « Après la tourmente passée et les dom»mages soufferts, le maître, pour restaurer son navire, peut prendre argent » sur la quille. »

Ch. 18, art. 4. « Le maître a pouvoir d'obliger le navire ayant fait voile..... » La raison en est que les bourgeois ont tenu et pris pour agréable sa prud'» hommie et suffisance; le faisant maître, le font possesseur et dominateur du

› navire, et de ce qui en dépend. Ibiq. Cleirac, pag. 332.

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Réglement d'Anvers, art. 19. gent à grosse aventure sur le

» de nécessité..

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Le maître de navire ne pourra prendre arnavire, si ce n'est en pays étranger, en cas

Ordonnance de 1681, art. 19, titre du capitaine. « Pourra prendre, dans le » cours de son voyage, deniers sur le corps et quille du vaisseau, pour radoub, › victuailles et autres nécessités du bâtiment, même mettre des apparaux en » gage, ou vendre des marchandises de son chargement, à condition d'en » payer le prix sur le pied que le reste sera vendu; le tout par l'avis des

» contre-maîtres et pilotes, qui attesteront sur le journal la nécessité de l'emprunt, et de la vente et qualité de l'emploi..

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Le Réglement d'Anvers, art. 19, veut que le capitaine rapporte un certiil se faire autoriser ficat de la nécessité qui l'a contraint de ce faire. Mais il n'est ajouté ni compar le magistrat du ment ni par qui ce certificat doit être donné.

lieu, à prendre deniers à la grosse?

L'Ordonnance maritime, en l'art. 19, du capitaine, veut que l'emprunt soit fait de l'avis des contre-maître et pilote, qui attesteront sur le journal la nécessité de l'emprunt. Mais l'Ordonnance ne prononce aucune peine, dans le cas

où cette formalité a été omise. M. Valin, sur cet article, observe qu'en pareille occurrence, les capitaines sont en usage de dresser un procès-verbal et de le faire signer par leurs officiers, qui attestent la nécessité de l'emprunt; mais que tout cela n'est bon que pour justifier la conduite du capitaine visà-vis de ses armateurs, sans que ces formalités intéressent en rien le tiers, à qui l'engagement du capitaine suffit, pour être en droit d'exiger des armateurs le principal et le change maritime.

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La déclaration du 21 octobre 1727, art. 30, porte que les capitaines, » maîtres ou patrons, et autres qui prendront des sommes à la grosse aventure, dans les pays étrangers, tant pour l'achat et construction des bâtimens dans lesdits pays, que pour l'avictuaillement, salaires et dernières expéditions desdits bâtimens, ne pourront s'obliger pour lesdites causes qu'en faveur (est-il dit) d'un Français né dans notre royaume, et l'acte en » sera passé en la chancellerie du consulat de France. Déclarons nuls et de nul › effet tous les actes de cette nature qui auront été faits et passés pardevant › les notaires des pays étrangers, et défendons à toutes nos Cours et juges d'y avoir aucun égard.» Mais cette déclaration ne concerne que les vaisseaux qui naviguent aux côtes d'Italie, d'Espagne, de Barbarie, et aux Échelles du Levant. En toute autre navigation, on s'en rapporte à la bonne foi des capitaines et des prêteurs.

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Cependant, il est assez d'usage que nos capitaines, se trouvant aux Iles françaises de l'Amérique, dans le besoin de quelque dépense extraordinaire, soit pour le navire, soit pour la cargaison, se pourvoient au juge du lieu, qui, après s'être convaincu de la vérité des faits, et avoir ouï le procureur du roi, leur permet de prendre des deniers à la grosse, pour compte, risque et fortune de qui il appartiendra. Cette précaution est très-sage. J'en ai vu une foule d'exemples.

Tous les jours, parmi nous, on a égard aux contrats de grosse passés sous signature privée, par des patrons et capitaines en cours de voyage. Je conviens que cela est susceptible d'abus : un capitaine infidèle peut aisément fabriquer après coup des billets de grosse, ou renouveler ceux déjà faits pour les voyages précédens. J'observerai encore que, pour remédier aux fraudes, on exigeait autrefois un contrat public, dont la date fût invariable. Duperier, tom. 2, pag. 522, rapporte un arrêt du Parlement d'Aix, conçu en ces termes : « Patron de barque n'oblige pas le propriétaire du navire par des emprunts en › écrit privé. Ainsi jugé par arrêt, en audience du 2 novembre 1632, en faveur des sieurs Marin. ›

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Faut-il un contrat public?

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Il faut que l'em

besoins du navire.

Mais, depuis l'Ordonnance de 1681, le billet de grosse, fait sous signature privée, a autant de force, même au préjudice du tiers, qu'un contrat public. Ainsi jugé par l'arrêt du 26 juin 1767, rendu en faveur d'Anselme Rousseau, dont je rapporterai les circonstances infrà, ch. 6, sect. 2, § 2.

Il faut que le prêt soit causé pour les nécessités du navire (art. 16, titre de prunt soit nomme- la saisie); pour radoub, victuailles et autres nécessités du bâtiment (art. 19, titre ment fait pour les du capitaine); in refectionem navis (loi 7, ff de exercit. act.); ad armandam, instruendamve navem, vel nautas exhibendos. Loi 1, S7, ff eod. Il faut que le prêt soit fait au navire plutôt qu'à la personne du maître : Quasi in navem crediderit. Loi 1, S11, ff eod. Il faut que le capitaine ait emprunté, quasi in navem impensurus, et que le donneur soit dans la persuasion que son argent aura l'emploi désigné : Sciat ut in hoc se credere, cui rei magister præpositus est. Loi 7, ff eod.

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Le capitaine peut il prendre à la grosse pour completer son chargement?

D'où il suit que si le billet n'est pas causé pour les nécessités du navire, le donneur n'a ni action directe contre la personne des armateurs, ni privilége sur le vaisseau, quand même ses deniers auraient été utilement employés aux besoins de la navigation: Si magister navis pecuniam mutuatus, non cavit se recipere in refectionem navis, non tenetur hâc actione exercitor, etiamsi pecunia in refectionem navis impensa sit. Vinnius, ad L. Lucius Titius 7, ff de exercit. act., pag. 184. Cujas, sur la même loi, tract. 8, ad Africanum.

En effet, lorsque je ne prends pas la précaution de faire déclarer dans le contrat que les deniers sont prêtés pour les nécessités du navire, je ne prête pas au navire même; je ne puis pas dire avec la loi 5, § 15, ff de tribut. act., que j'aie suivi la foi de la chose plutôt que celle de la personne : Merci magis quàm ipsi credidi. Le capitaine devient mon débiteur direct et unique : In creditum ei abii. D. lege 5, § 18..

Il est vrai qu'en exerçant les actions du capitaine, je puis attaquer les armateurs, et prétendre un privilége sur le navire; mais și, par le résultat du compte du capitaine, il ne lui est rien dû par les armateurs, je n'aurai ni action contre ceux-ci, ni privilége sur le vaisseau.

Suivant quelques auteurs, le capitaine peut prendre de l'argent à la grosse sur facultés, pour compléter son chargement et ne pas retourner vide. Casaregis, disc. 69, no. 15. Mais si la spéculation n'est pas heureuse, il risque que les armateurs la laissent pour son compte, et je ne conseillerais jamais à un capitaine d'excéder le mandat contenu dans son raccord: Diligenter fines mandati custodiendi sunt. Nam qui excessit, aliud quid facere videtur. Loi 5, ff mandati. Si is qui mandatum suscepit, egressus fuerit mandatum, ipsi quidem

mandati judicium non competit at ei qui mandaverit, adversus eum competit. Loi 14, ff eod. Savary dit que qui passe commission perd.,

CONFÉRENCE.

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XXI. Tel était, en effet, l'état de la législation avant le nouveau Code de commerce. Mais Fart. 234 de cette loi nouvelle porte : « Si, pendant le cours du voyage, il y a nécessité de » radoub ou d'achat de victuailles, le capitaine, après l'avoir constaté par un procès-verbal signé » des principaux de l'équipage, pourra, en se faisant autoriser, en France, par le tribunal de » commerce, ou, à défaut, par le juge de paix; chez l'étranger, par le consul français, ou, à » défaut, par les magistrats des lieux, emprunter sur le corps et quille du vaisseau, mettre en » gage ou vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la somme que les besoins constatés » exigent, etc. >>

Ainsi, pour jouir de la faculté d'emprunter, il faut que le capitaine commence par constater ses besoins par un procès-verbal signé des principaux de son équipage, qui certifient la nécessité de l'emprunt. Cette formalité, d'après le Code, est de nécessité absolue. Le Code veut encore plus il exige l'autorisation du magistrat des lieux. En effet, la condition de cette autorisation préalable est d'autant plus nécessaire, que malheureusement il n'existe que trop de capitaines qui, comme l'observait le commerce de Caen, sur le moindre prétexte, relâchent dans un port, y font de grandes dépenses qui sont ruineuses pour les armateurs; et sûrement les tribunaux n'autoriseront pas les dépenses qui ne leur paraîtraient pas urgentes et nécessaires pour la continuation du voyage.

Mais peut-on encore dire aujourd'hui avec Valin, sur l'art. 19, titre du capitaine, de l'Ordonnance, que ces formalités ne sont nécessaires que pour la sûreté du capitaine, et pour le disculper envers l'armateur ou propriétaire du navire? que cela ne regarde nullement le prêteur, à qui l'engagement du capitaine suffit pour qu'il soit en droit d'exiger du propriétaire le montant du contrat à la grosse avec le profit maritime?

Par arrêt du 28 novembre 1818, la Cour royale de Rouen avait décidé la négative; mais la Cour de cassation, en réformant cet arrêt, a jugé au contraire l'affirmative.

« La Cour, etc., attendu que les formalités prescrites par l'art. 23 du Code de commerce » ne regardent que le capitaine, respectivement aux propriétaires; que ces formalités n'ont eu » d'autre objet que de mettre le capitaine à portée de justifier de la nécessité de l'emprunt, et » d'éviter tout recours de la part du propriétaire; qu'elles ne concernent pas le prêteur qui a » contracté de bonne foi et sans fraude avec le capitaine, pendant le cours du voyage; que » c'est ainsi qu'avait toujours été exécuté l'art. 19 du titre du capitaine, de l'Ordonnance » de 1681, lequel exigeait aussi des formalités de la part du capitaine qui voulait emprunter à la grosse; que le véritable sens de l'art. 234 résulte également de l'art. 236, qui veut que le capitaine qui aura pris sans nécessité de l'argent sur le corps, avictuaillement ou équipement » du navire, ou vendu des marchandises, etc., soit responsable envers l'armement, et person» nellement tenu du remboursement, etc.; que l'art. 312 contient une nouvelle preuve que les » formalités de l'art. 234 ne sont pas obligatoires pour le prêteur vis-à-vis des propriétaires, » puisque ce n'est que pour conserver son privilége à l'égard du propriétaire, que le prêteur

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» est obligé de veiller à ce que ces formalités soient remplies par le capitaine, etc.; casse et » annule l'arrêt de Rouen. » (Arrêt de cassation du 28 novembre 1818, rapporté par Sirey,

1822, 1. part, pag. 64).

Dans notre Cours de droit commercial maritime, en nous appuyant des sentimens des auteurs qui ont écrit sur le nouveau Code de commerce, MM. Delvincourt, Institutes au droit commercial, tom. 1, pag. 197 et 198, Pardessus, Cours de droit commercial, tom. 2, pag. 261 et 262, et de Laporte, sur l'art. 234, et des considérans de l'arrêt même de la Cour de Rouen, nous avions combattu d'avance la doctrine qu'a établie depuis dans son arrêt la Cour de cassation; doctrine qui, selon nous, se ressent de l'influence de l'ancienne jurisprudence sous l'empire de l'Ordonnance de 1681, contrarie le véritable sens de la loi nouvelle, et qui, sans le vouloir, protégerait la fraude, la collusion et la mauvaise foi des capitaines, au détriment de leurs armateurs, éloignés par des distances considérables. Tels ne sont ni le vœu du législateur, ni l'esprit, ni le sens de la loi.

Nous rapporterons succinctement ici les principaux motifs sur lesquels repose notre doctrine, et nous dirons d'abord qu'il ne faut jamais perdre de vue que le mandat qui existe entre l'armateur et le capitaine a des règles et des convenances qui lui sont propres, et qui tiennent à la nature des choses. L'éloignement des lieux, l'absence forcée des propriétaires, l'impossibilité d'une surveillance continuelle, ont nécessité une limitation de la part de la loi, dans les pouvoirs du capitaine. Il ne peut engager l'armement que de la manière que la loi lui prescrit. Ce qu'il fait au-delà lui est personnel. Il devient garant des suites. Elles sont étrangères à ses commettans. Les mandans ne sont tenus des engagemens du mandataire que lorsqu'ils sont contractés conformément au pouvoir qui a été donné à ce dernier. Ils ne sont pas tenus de ce qui a pu être fait au-delà. – (Art. 1998 du Code civil).

Si le capitaine représente les propriétaires du navire, ce ne peut être que dans le cercle de son mandat légal. Or, la loi lui permet bien d'emprunter pour les nécessités du navire, mais la loi lui impose formellement l'obligation de faire préalablement constater ces nécessités par un procès-verbal signé des principaux de l'équipage, et de se faire ensuite, sur le vu de cette pièce, autoriser par le magistrat du lieu. C'est sous cette condition présumée qu'il a été nommé commandant du navire, et qu'il a été autorisé à contracter pour les propriétaires. Tout propriétaire qui institue un capitaine n'entend et ne peut entendre lui conférer le pouvoir de le représenter, et n'entend se lier par ses faits qu'autant qu'il se conformera aux règles prescrites par la loi. Il est évident que la responsabilité des propriétaires ne saurait exister que dans le cas où le capitaine a respecté les bornes de son mandat, comme tout autre mandataire. Il est certain que, hors le cas d'innavigabilité, le capitaine ne peut vendre le navire sans un pouvoir spécial des propriétaires. (Art. 237). Or, celui à qui la loi refuse le pouvoir d'aliéner le navire d'une manière directe, peut-il l'aliéner d'une manière indirecte, et au moyen d'emprunts faits arbitrairement, sans règles, sans formalités, sans autorisation?

Il faut d'ailleurs distinguer entre les formalités requises par l'art. 234, et celles exigées par l'art. 312. Celles fixées par l'art. 234 ont pour but la validité du contrat à la grosse, tandis que celles portées en l'art. 312 sont relatives au privilége accordé à ce contrat, quand il est régulier. Mais, au surplus, d'après l'art. 312, pour pouvoir acquérir et conserver son privilége, le contrat de grosse fait à l'étranger est soumis aux formalités prescrites à l'art. 234. Donc il

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