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silence, et ne lui permet point de proposer le ristourne. Vide mon Traité des assurances, ch. 16, sect. 5.

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En pareil cas, les armateurs ne sauraient se dispenser de payer le capital et le change maritime de l'argent pris à la grosse par leur capitaine, dans le cours du voyage, parce qu'ils répondent des faits du maître, et qu'ils le représentent, à moins qu'ils n'abandonnent le navire et le fret..

Au ch. 4, sect. 5, § 2, et sect. 6, § 1, j'ai cité l'arrêt rendu dans la cause de Rousseau. En voici les circonstances; La barque Saint-Jacques, armée à Arles par des propriétaires domiciliés à Arles, capitaine Jean Durand, faisait le petit cabotage dans les mers du Languedoc et de Provence. Le 13 septembre 1765, cette barque se trouvait à Marseille. Le patron prit à la grosse, d'Anselme Rousseau, archer de la marine, moyennant le change au cours de la place, la somme de 200 liv., pour agrès, armement et avietuaillement de ladite barque, au voyage qu'elle allait faire à Arles, ou ailleurs, et de retour à Marseille. La barque partit de Marseille. Elle arriva à Arles. Le patron Durand se trouvant dérangé dans ses affaires, les propriétaires lui ôtèrent le commandement de la barque.

Rousseau présenta requête au tribunal de l'amirauté d'Arles, contre le patron Durand, en condamnation des 200 liv. données à la grosse, du change maritime, à raison de deux pour cent par mois, et des intérêts de terre, si mieux le patron n'aimait mettre incessamment à la voile pour se rendre à Marseille, et y terminer le voyage. Par la même requête, Rousseau fit assigner les propriétaires de la barque en commune exécution du jugement qui interviendrait.

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Sentence du 20 décembre 1765, qui « condamna Durand au paiement des » 200 liv. par lui prises à la grosse, à la moitié du change maritime selon le cours de la place, aux intérêts de ladite somme depuis la demande, et aux dépens. Cette sentence fut déclarée commune et exécutoire contre les propriétaires en leur qualité, et à l'effet seulement, par ledit Rousseau, de se payer sur » le prix de la barque de ce qui lui sera dû; et cependant permis de saisir la› dite barque, ou de s'opposer pour deniers, en cas qu'elle fût déjà saisie. Les propriétaires appelèrent de cette sentence. Ils disaient, 1°. que le billet de grosse étant privé, était incapable de leur nuire, suivant l'arrêt rapporté par Duperier, tom. 2, pag. 521; 2°. que toutes les victuailles et autres dépenses nécessaires avaient été par eux fournies; 3°. que le patron n'avait pas pris avis de son équipage.

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Arrêt du 26 juin 1767, au rapport de M. Déscrottes, qui confirma la sen

tence, avec dépens. Il fut par là décidé, 1o. qu'un billet de grosse privé, fait par le capitaine en cours de voyage, n'est pas moins à la charge des armateurs qu'un contrat public, pourvu qu'il ait été causé pour nécessité du navire; ́2°. que la délibération de l'équipage est une cérémonie domestique, à laquelle le tiers ne prend aucune part; 3°. que les armateurs doivent payer non seulement le capital, mais encore le change maritime.

Nota. L'entier change maritime aurait peut-être été adjugé à Rousseau, s'il eût appelé de la sentence in quantùm contrà. La question au sujet du change de terre ne fut ni agitée, ni même proposée, attendu la modicité de l'objet. Je remarquerai encore que cette sentence était irrégulière, au chef où les propriétaires furent condamnés en leur qualité, et à l'effet seulement, par Rousseau, de se payer sur le prix de la barque; car, n'ayant pas fait abandon du navire et du fret, ils étaient tenus personnellement et absolument des faits du capitaine; mais Rousseau, qui trouvait à se payer de son entière créance sur de prix de la barque, ne fut pas curieux de relever des erreurs qui ne lui portaient aucun préjudice.

CONFÉRENCE.

XXXVII. L'art. 316 du Code de commerce porte: «Tout emprunt fait pour une somme >> excédant la valeur des objets sur lesquels il est affecté, peut être déclaré nul, à la demande du » prêteur, s'il est prouvé qu'il y a fraude de la part de l'emprunteur.

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Et l'art. 317 ajoute : « S'il n'y a fraude, le contrat est valable jusqu'à la concurrence de la » valeur des effets affectés à l'emprunt, d'après l'estimation qui en est faite ou convenue. Le surplus de la somme empruntée est remboursé avec intérêt au cours de la place.

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Enfin, l'art. 329, qui compléte le systême des deux articles précédens, dispose: « Celui qui

>> emprunte à la grosse sur des marchandises, n'est point libéré par la perte du navire et du chargement, s'il ne justifie qu'il y avait, pour son compte, des effets jusqu'à la concurrence » de la somme empruntée. »>

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Ces dispositions de la loi nouvelle sont tirées des 'art. 3, 14 et 15 du titre de contrats à la grosse, de l'Ordonnance de 1681.

Ainsi, comme il n'est pas permis de faire assurer des effets pour une plus grande somme que celle que leur valeur présente, de même, dans le contrat à la grosse, il est défendu d'emprunter deniers à la grosse sur le navire ou sur les marchandises du chargement au-delà de leur valeur. Cependant, si l'emprunt excède la valeur des objets affectés au prêt, il y a une distinction à faire ou il y a fraude de la part de l'emprunteur, ou il n'y a pas fraude.

En cas de fraude de la part de l'emprunteur, et la preuve doit en être administrée par le prêteur, celui-ci peut demander la nullité du contrat à la grosse. Dans cette hypothèse, la somme principale est remboursée avec intérêt au cours de la place. S'il s'élève la question de sayoir comment et à quelle époque la valeur des objets affectés à l'emprunt devra être déter

mînée, pour connaître s'il y a véritablement fraude, on doit recourir à une estimation de tous ces objets, dont la base sera leur valeur au moment du contrat, dans le lieu du chargement. (Voyez l'art. 339 du Code de commerce, et Valin sur l'art. 64, titre des assurances; voyez aussi les art. 338 et 340 du même Code, et Valin sur l'art. 65, titre des assurances ).

Nous pensons que, de ce que la loi n'accorde cette action en nullité qu'au prêteur, il ne faudrait pas en conclure que, dans le cas où le contrat eût été fait à ordre, et comme tel susceptible d'endossement, le porteur ne pût pas faire valoir cette exception, comme subrogé en tous points au prêteur; il peut exercer les droits et actions qui appartiennent à ce dernier.

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Si, au contraire, il n'y a pas fraude de la part de l'emprunteur, le contratne peut être déclaré nul; il est valable jusqu'à la concurrence de la valeur des effets affectés à l'emprunt d'après l'estimation qui en est faite sur les mêmes bases que celle pour le cas précédent; et le surplus de la somme empruntée est remboursé avec intérêt au cours de la place, c'est-à-dire au taux où il était sur la place le jour du prêt.

En dernière analyse, il résulte de ce que nous venons de dire, 1°. que le prêteur seul a droit de former la demande; l'emprunteur ne peut pas argumenter de son propre dol; 2°. que si les objets affectés au prêt viennent à périr, le prêteur pourra demander la nullité du contrat, et, nonobstant la perte, se faire rembourser son capital avec intérêt; 3°. que si les objets arrivent à bon port, l'emprunteur ne pouvant pas demander la nullité, sera obligé, si le prêteur ne l'a pas demandée, d'exécuter le contrat, c'est-à-dire de rembourser le capital avec le profit maritime convenu.—(Voyez d'ailleurs Pothier, contrat à la grosse, no. 10, 11, 12, 13, 14 et 15).

SECTION III.

Preuve du chargé.

Lɛ chargeur qui aura pris de l'argent à la grosse sur marchandises, ne › sera point libéré par la perte du navire et de son chargement, s'il ne justifie qu'il y avait, pour son compte, des effets jusques à la concurrence de pareille › somme. » Art. 14, titre des contrats à la grosse. M. Valin, ibid., observe qu'en cette matière, la preuve du chargé doit être la même qu'en fait d'assurance. Vide mon Traité des assurances, ch. 11.

$1.

En cas de perte du navire, le preneur doit prouver le chargé.

courir le dixième?

Il suffit que le chargeur justifie qu'il y avait pour son compte des effets Le preneur doit-il jusqu'à concurrence de pareille somme, sans qu'il soit obligé de courir le risque du dixième; car souvent les preneurs ne jouissent d'aucune fortune, et n'ont pour tout bien que leur industrie. On ne doit donc point s'arrêter à la doctrine de Targa, ch. 33, not. 16, pag. 148, qui dit que le preneur doit courir le risque du tiers de la chose sur laquelle il a pris à la grosse. Il n'est pas nécessaire que le preneur emploie en marchandises, dans le barque l'argent avec

soi.

Si le preneur em

Faut-il prouver l'emploi spécial ?

Faut-il prouver

que les deniers ont

risque commencé?

lui,

lieu du contrat, l'argent qu'il prend à la grosse. Il peut le porter avec pour en faire un meilleur emploi pendant la caravane. Telle était chez les Romains la destination la plus ordinaire de l'argent trajectice. On exportait très-peu de marchandises de la ville de Rome; mais on en importait beaucoup dans ce gouffre du monde alors connu. Il suffit qu'il soit justifié que l'argent a été exposé aux risques de la mer, pour que le change nautique soit dû; et il suffit que, lors du naufrage ou perte totale, l'aliment du risque se soit trouvé dans le navire, pour que le preneur soit délié de toute obligation.

Il n'est pas non plus nécessaire que le preneur justifie qu'il a employé l'argent en tels et tels effets. Il suffit qu'il justifie que, lors du sinistre, il y avait dans le navire des effets pour son compte jusqu'à la concurrence de la somme prise à la grosse. D. art. 14. Non est necesse probationem fieri in specie, videlicet quòd pecuniam sibi ad cambium datam cambiatarius oneraverit in eâdum specie, aut quòd ea fuerit imposita in emptionem talium, et talium mercium per eum deindè oneratarum in navi. Sufficit enim, si ille constare tantùm faciet risicum in navi extitisse, sive hoc fuerit majus, sive saltem correspondens sorti ad cambium datæ. Et hoc communiter practicatur absque ulla controversia. Casaregis, disc. 62, n°. 13.

De là, on a voulu souvent conclure qu'il est permis de prendre à la grosse eté fournis avant le sur un effet déjà en risque, et qu'il suffit que, lors du sinistre, l'aliment du risque se soit trouvé dans le vaisseau. Cela est bon pour les assurances, et non pour les deniers à la grosse, lesquels ne sauraient être trajectices, s'ils n'ont pas été donnés pour contribuer à l'armement du corps, ou pour faire le chargement, ou pour les nécessités du navire pendant le voyage. La nature du contrat et la bonne foi ne permettent qu'on blesse sans cause légitime ni les autres donneurs, par l'introduction d'un nouveau concurrent, ni les assureurs, par un nouveau venu, qui, pour le capital, les exclurait du concours sur les effets sauvés. Suprà, ch. 5, sect. 3.

§ 2.

La preuve de l'utile

à la charge du don

La preuve de l'utile emploi de l'argent donné à la grosse n'est jamais à la emploi n'est jamais charge du donneur. Il suffit que le donneur exhibe son contrat à celui qui a reçu ses deniers, ou à ses ayant-cause: Sola probatio traditionis pecuniæ ad cambium, absque probatione illius onerationis, sufficit. Casaregis, disc. 1, Pothier, n°. 52. Suprà, ch. 4, sect. 7, SS 3 et 4, et sect. 8.

ncur.

CONFÉRENCE.

n°. 37.

XXXVIII. Nous avons vu à la section précédente que, d'après l'art. 529, l'emprunteur á la

grosse n'est point libéré par la perte du navire et du chargement, s'il ne justifie qu'il y avait, pour son compte, des effets jusqu'à la concurrence de la somme empruntée. Il faut absolument qu'il justifie du chargé au moment du sinistre.

Le Code de commerce n'oblige l'emprunteur à justifier que du chargement, parce que, comme l'observe Valin, le navire est un objet réel et n'a pas besoin de preuve. Il ne peut donner matière à discussion que par rapport à l'estimation qui en aurait été faite au-delà de sa juste valeur. – (Voyez Valin sur l'art. 56, titre des assurances).

Mais de quelle manière l'emprunteur justifiera-t-il qu'il y avait, pour son compte, des effets jusqu'à concurrence de la somme empruntée ? La loi n'est point içi exclusive; elle admet toutes sortes de preuves. Elle n'a pas voulu, sur ce point, s'expliquer d'une manière spécifique, afin de laisser aux tribunaux la liberté de juger, suivant les circonstances, de la validité des preuves que l'on présente. Du reste, cette preuve doit être la même qu'en fait d'assurance. Or, le premier des actes justificatifs est le connaissement, auquel l'art. 283 donne la force de faire foi entre toutes les parties intéressées au chargement, pourvu qu'il soit en bonne forme. Outre la preuve de la quantité des espèces, ou qualité des objets affectés au prêt à la grosse, il faut encore justifier de leur valeur. Cette justification doit être faite suivant les règles établies par l'art. 339 du Code de commerce. Point de doute que les parties ne puissent régler cette estimation de gré à gré, ou convenir d'experts qui la fixeront. Mais si elles s'adressent aux tribunaux, il faudra suivre la règle établie par l'art. 429 du Code de procédure.

Si l'emprunteur ne prouvait un chargement, par exemple, que de la moitié ou du tiers de la somme prêtée, le prêteur ne sera responsable que de cette valeur, et le surplus de la somme empruntée lui sera remboursé avec intérêt au cours de la place. Encore faudrait-il distinguer entre l'hypothèse où il y aurait fraude de l'emprunteur, ou simplement erreur de sa part; car, dans le premier cas, le contrat à la grosse pourrait être déclaré nul, et le prêteur ne serait aucunement responsable; son principal lui serait rendu en totalité avec intérêt. conférence sur la section précédente).

(Voyez la

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