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contrats à la grosse, qui dit que le prêteur est chargé des risques, confor› mément à ce qui est réglé par l'Ordonnance, sauf de ce qui serait expres» sément ajouté ou dogé par le contrat. »

J'ai observé ci-dessus que l'heureuse arrivée du navire forme la condition essentielle et caractéristique du contrat à la grosse. Cette condition doit par conséquent être conservée dans son intégralité. Pour que le contrat soit légitime. faut que l'argent trajectice navigue aux risques du créancier : Periculo cralitoris naviget, dit la loi 1, ff de naut. fæn. Si le navire périt avant que d'être arrivé au port de salut (ou avant le tems limité), la condition n'a pas reçu son accomplissement, et, par une suite nécessaire, l'espérance du donneur et son contrat s'évanouissent. Voilà pourquoi l'art. 11, titre des contrats à la grosse, décide en général, et sans exception, que tous contrats à la grosse demeureront nuls, par la perte entière des effets sur lesquels on aura prêté, pourvu qu'elle arrive par cas fortuit, dans le tems et dans le lieu » des risques. »

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Il suffit donc que la perte entière arrive par cas fortuit, dans le tems et dans les lieux des risques, pour que le contrat à la grosse demeure nul. Il serait intolérable que le preneur, privé de ses effets par un cas fortuit arrivé dans le tems et le lieu convenus, fût obligé de payer le capital et le change maritime, sous prétexte d'un pacte évidemment nul et usuraire. D'après ces principes, la sentence du 3 août 1779, que je viens de citer, n'eut aucun égard à la clause stipulée par André Vaille, qui le rendait franc d'avarie et d'abandon, en cas d'innavigabilitė.

L'assurance est une espèce de fidejussion. Il est donc libre à l'assureur de ne se rendre garant que de certains cas fortuits; mais le donneur ne saurait réclamer son capital, accru d'un change nautique, que dans le cas d'heureuse navigation jusqu'au lieu ou jusqu'au tems déterminés. Vide infrà, ch. 11, sect. 3.

$ 5. Comment le donneur contribue-t-il ries grosses?

M. Valin, art. 16, observe que la contribution ne s'impute pas ipso jure sur le capital donné à la grosse, à l'effet de diminuer le profit maritime. L'imputation ne se fait que du jour que le donneur a été mis en demeure de aurachat et aux ava contribuer. Cet auteur ajoute qu'il en faut dire autant de la contribution qui doit avoir lieu pour les autres cas exprimés dans l'art. 16, et il cite une sentence rendue à mon rapport, en 1750, dont j'ai rappelé les circonstances suprà, ch. 3, sect. 3. Je parlerai infrà, ch. 11, sect. 1, § 2, et sect. 2, § 2, du concours entre le donneur et le preneur.

CONFÉRENCE.

XL. Il ne faut pas perdre de vue ce principe, que le preneur à la grosse doit rembourser au prêteur le capital et le profit maritime. Mais si ces choses ont éprouvé des avaries, le prêteur doit l'en indemniser.

La législation du moyen âge, comme on le voit au texte, ne chargeait le prêteur à la grosse que de la contribution aux avaries grasses et communes. Cette législation fut reçue par l'Ordonnance, dans son art. 16, titre des contrats à la grosse, qui portait : « Les donneurs à la >>grosse contribueront, à la décharge des preneurs, aux grosses avaries, comme rachats, compositions, jets, mâts et cordages coupés pour le salut commun du navire et des marchandises, et non aux simples avaries ou dommages particuliers qui leur pourraient arriver, s'il » n'y a convention contraire. »

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Le Code de commerce a bien adopté la première disposition de cet article; mais quant à la seconde, il a précisément décidé l'inverse de ce qu'avait statué l'Ordonnance.

« Les prêteurs à la grosse, dit l'art. 330, contribuent, à la décharge des emprunteurs, aux » avaries communes. Les avaries simples sont aussi à la charge des prêteurs, s'il n'y a conven» tion contraire. »

Ainsi, les prêteurs sont aujourd'hui assujettis, par la force de la loi, non seulement aux avaries grosses, mais encore aux avaries simples, s'il n'y a une convention contraire; tandis que sous l'empire de l'Ordonnance, ils n'étaient point assujettis, par la force de la loi, aux avaries. simples, sans stipulation formelle à cet égard. C'est ce qui faisait dire à Valin que l'usage des contrats à la grosse serait aboli, s'il n'était permis de stipuler que le donneur serait contribuable aux avaries simples. (Voyez Valin sur l'art. 16, titre du contrat à la grosse; voyez aussi, aux art. 397, 398, 399, 400, 401, 403 du Code de commerce, ce que l'on entend par ava ries simples et avaries communes ).

Du reste, Emérigon, d'après Valin et Pothier, nous donne, au texte, les véritables raisons de cette différence, dans l'obligation entre les avaries communes et les avaries simples, et pourquoi on peut convenir que le prêteur ne sera point tenu des avaries simples, tandis qu'il n'est pas permis de stipuler qu'il sera également exempt de contribuer aux avaries communes. De même, Emérigon établit les véritables principes qui s'opposent à ce qu'on puisse stipuler que le prêteur à la grosse ne sera tenu que de certains dangers. Il est bien permis aux assureurs de déterminer les risques dont ils seront garans, et d'exclure ceux dont ils ne veulent pas être responsables. Mais on ne peut admettre un pareil pacte dans le contrat à la grosse, sur-tout d'après les dispositions de l'art. 325 du Code de commerce. En effet, sitôt que le contrat à la grosse demeure nul par la perte entière arrivée par cas fortuit, dans le tems et le lieu des risques, conformément à cet article, il serait intolérable que l'emprunteur, privé de ses effets par un cas fortuit, fût encore obligé de payer le capital et le change maritime, sous prétexte d'un pacte évidemment nul et usuraire.

Il faut aussi dire, avec Valin, cité au texte, que l'imputation ne se fait que du jour où le donneur a été mis en demeure de contribuer. La contribution s'opère ainsi, par exemple: si l'emprunt est fait sur moitié d'un chargement de 20,000 fr., et que les avaries réduisent cette valeur à la somme de 16,000 fr., le droit du prêteur ne peut plus s'exercer que sur 8,000 fr.

au lieu de 10,000 fr., parce que sa contribution proportionnelle est de 2,000 fr., comme celle de l'emprunteur. Il en serait autrement si l'emprunt était fait sur la totalité des 20,000 fr. Alors, comme la somme 20,000 fr. tout entière est affectée au prêt, et non pas seulement à la moitié, le prête aurait droit sur la totalité de la valeur des effets. (Voyez d'ailleurs ci-après la sect. 1 sa conférence, du chap. 11, et la sect. 19 du tit. 9, tom. 3 de notre Cours de droit maritime).

SECTION II.

En règle générale, les donneurs ne répondent que des fortunes

de mer.

L'ART. 11, titre des contrats à la grosse de l'Ordonnance, décide que le contrat à la grosse demeure nul par la perte entière des effets sur lesquels on a prêté, pourvu qu'elle arrive par cas fortuit, dans le tems et dans les lieux des risques.

Il est donc certain qu'en règle générale le donneur ne répond des pertes qu'autant qu'elles arrivent par fortune de mer: Creditor subit periculum navigationis, in casibus fortuitis tantùm. Roccus, de navib., not. 51.

Pour écarter tout doute sur cette matière, l'Ordonnance, en l'art. 12, titre des contrats à la grosse, ajoute : « Ne sera réputé par cas fortuit, tout ce qui arrive par le vice propre de la chose ou par le fait des propriétaires, maîtres

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§ 1. Les donneurs ne répondent que des fortunes de mer.

$2. Vice propre de la

» ou marchands chargeurs, s'il n'est autrement porté par la convention. »
Le donneur ne répond point de ce qui arrive par le vice propre de la chose:
comme si les denrées se corrompent par elles-mêmes, si les liqueurs coulent chose.
par le défaut des vases qui les renferment, si les marchandises sèches s'échauf
fent par le tems, si le navire devient innavigable par vétusté.

M. Valin, ibid., semble réprouver le pacte par lequel les donneurs se ren-
draient responsables du vice propre de la chose. Il a raison, à l'égard du vice
qui existerait déjà avant le départ du navire; mais rien ne les empêche de se
rendre garans du vice que
les marchandises chargées peuvent contracter pen-
dant le cours du voyage. Les art. 12 et 16, titre des contrats à la grosse, le
permettent. (Tout ce que j'ai dit dans mon Traité des assurances, ch. 12,
sect. 9 et 38, retrouve ici son application).

$3. Perte arrivée par

Suivant le même art. 12, titre des contrats à la grosse, les donneurs ne répondent pas de ce qui arrive, soit par le fait des propriétaires du navire, soit le fait de l'homme. par le fait du maître et des mariniers, soit par le fait des marchands chargeurs.

Contrebande.

Observations textuelles sur l'art. 12,

la grosse.

Ce n'est donc pas une fortune de mer à la charge des donneurs, si, par exemple, le voyage a été changé par ordre des propriétaires du vaisseau, ou si la perte a été occasionnée par la baraterie du patron & par la faute du marchand: Si infortunium, vel naufragium ex culpâ debitoris processerit, tunc creditor non tenetur de periculo et damno in quod incurritur ex culpâ vehentis, aut alterius. Roccus, de navib., not. 51. Mais, suivant les circonstances, ces règles générales cessent d'avoir lieu, s'il est autrement porté par la convention.

Si les effets sont confisqués pour cause de contrebande, à laquelle le donneur n'ait point participé, ou dont il n'ait pas été instruit dans le principe, il n'est pas responsable de cet accident, qui ne procède point de fortune de mer: Non ex marinæ tempestatis discrimine, sed ex præcipiti avaritiâ et incivili debitoris audacia. Loi 3, Cod. de naut. fænor. Stypmannus, part. 4, cap. 2, no. 105, pag. 385. Casaregis, disc. 64.

Mais si, par le contrat, le donneur avait été instruit du desscin où l'on était d'user d'interlope ou de contrebande, il serait tenu de la perte : Si sciente et consentiente illo fiat, consensus jus facit. Kuricke, tit. 6, pag. 762. Valin, ibid. Le texte de l'art. 12, titre des contrats à la grosse, paraît équivoque.

1o. Par le mot propriétaires, M Valin entend les propriétaires des effets sur titre des contrats à lesquels les deniers ont été donnés à la grosse. Mais cette interprétation est incompatible avec la suite du texte, où il est parlé des propriétaires, maître ou marchands chargeurs. Il faut donc ou prendre ces trois mots pour des synonymes (ce qui n'est pas proposable), ou convenir que les propriétaires dont il est question, sont autres que les marchands chargeurs. Il est évident que l'art. 12 parle des propriétaires du navire. Ce qui arrive par le fait de ceux-ci n'est pas réputé cas fortuit. Les donneurs n'en répondent point.

2o. Par le mot maître, M. Valin entend, avec raison, le capitaine du navire. Ce même terme comprend aussi les mariniers, ainsi qu'on le voit par l'art. 28, titre des assurances. Ce qui arrive par le fait tant du maître que des mariniers, n'est donc pas réputé cas fortuit. Les donneurs n'en répondent point.

3o. Par marchands chargeurs, je crois que l'Ordonnance entend ceux qui ont chargé les marchandises sur lesquelles les deniers ont été pris à la grosse. Ce qui arrive par leurs faits n'est pas réputé cas fortuit. Les donneurs n'en répondent pas, à moins qu'il ne s'agisse d'un chargement en interlope, auquel les donneurs eussent consenti; mais en règle générale, je ne puis pas convenir avec quelqu'un qu'il se chargera des fautes que je commettrai. Cette stipulation, ainsi que l'observe M. Valin, serait rejetée comme iliusoire et frauduleuse.

4°. Si tout autre marchand chargeur que le preneur lui-même cause, par son fait, quelque sinistre, sans que le capitaine ait pu ni le prévoir, ni l'empêcher, ce sera alors une force majeure et un cas fortuit à la charge du donneur, pourvu que l'accident arrive sur la mer, et qu'il ne s'agisse pas d'une avarie simple.

5o. On doit réunir cet art. 12 avec les art. 27, 28 et 29, titre des assurances. Les assureurs ne répondent point de ce qui arrive par le fait ou la faute des assurés. Les donneurs ne répondent point de ce qui arrive par le fait des marchands chargeurs, c'est-à-dire par le fait de ceux qui ont pris les deniers à la grosse, à moins qu'il ne s'agisse d'un commerce en interlope, auquel les assureurs ou les donneurs aient adhéré.

Les assureurs ou les donneurs ne répondent point de ce qui arrive par le fait ou la faute des propriétaires du navire, des maîtres et des mariniers, à moins qu'il n'y ait convention contraire.

Les assureurs ni les donneurs ne répondent pas du vice propre de la chose, à moins qu'ils ne s'y soient soumis par un pacte spécial. Tout ce que j'ai dit dans mon Traité des assurances, ch. 12, sect. 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7, retrouve ici sa place.

$4.

Si, dans le lieu de la traite, la pacotille reste invendue; si elle est vendue à bas prix ou à des insolvables; si elle est pillée, incendiée, etc., ces événe- Dangers de terre. mens sont étrangers au donneur, parce que ce sont fortunes de mer: Quandò post existentem conditionem, cùm navis salva pervenerit, res amittitur, tunc periculum nequit dici marinum. Stypmannus, part. 4, cap. 2, no. 104, pag. 385.

CONFÉRENCE.

XLI. Le prêteur à la grosse ne répond que des cas fortuits et fortunes de mer. Les dommages et les pertes qui procèdent du vice propre de la chose et de sa nature intrinsèque, ex vitio rei et intrinsecâ ejus naturâ, ne sont point à sa charge. C'est ce qui résulte des art. 325 et 326 du Code de commerce, qui ont remplacé les art. 11 et 12, des contrats à la grosse, de l'Ordonnance. Il en est ici comme des assurances.

Ainsi donc, le prêteur ne répond point de ce qui arrive par le vice propre de la chose, comme si, «dit Valin, le navire a péri par caducité, parce que ses différens membres étaient viciés et » hors d'état de servir, et cela quoique le navire ait essuyé des coups de vent ou de mer capables d'incommoder un meilleur navire. Le vice propre de la marchandise procède ou de

>>

» sa mauvaise qualité, ou des déchets auxquels elle est actuellement sujette, comme des soie>>ries qui se piquent, du vin qui aigrit, des barriques d'eau-de-vie ou d'huile qui coulent, etc.»> (Voyez Valin sur l'art. 12, titre du contrat à la grosse ).

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On en peut dire autant de la mort naturelle des animaux; c'est un vice propre à leur na68

TOM. II.

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