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Les prêteurs ne répondent pas plus du changement de navire fait sans nécessité. Les pertes arrivées en tout autre navire que celui désigné dans le contrat leur sont étrangères. Mais si le navire sur lequel les effets avaient été chargés se trouve hors d'état de servir par accident de mer, et qu'en conséquence, on soit forcé de recharger les marchandises sur un autre navire, alors le contrat à la grosse continuera de subsister, et les prêteurs continueront d'être responsables des risques.

Du reste, tout ce que nous avons dit à cet égard, en parlant ci-dessus du contrat d'assurance, par rapport aux assurances, s'applique généralement aux prêteurs à la grosse.—(Voyez d'ailleurs notre Cours de droit maritime, tom. 3, tit. 9, sect. 17o).

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DANS le ch. 3, sect. 4, j'ai parlé du change de terre, auquel le preneur est soumis depuis la demeure. Il s'agit maintenant de savoir à qui, comment, en quel tems et en quel lieu, le principal et le change maritime doivent être payés.

CONFÉRENCE.

XLVII. Le Code de commerce, par son art. 382, a bien, relativement aux assurances, fixé un délai pour le paiement de l'assurance; mais il est silencieux, à cet égard, pour le remboursement du capital et du profit maritime du contrat à la grosse. L'art. 311 dispose seulement que le contrat à la grosse énonce l'époque du remboursement.

de ce chapitre)..

(Voyez ci-après la sect. 2

SECTION I.

Billet à la grosse est-il négociable?

$ 1.

Les billets à la grosse peuvent être à ordre.

LES polices d'assurance sont des papiers négociables, lorsqu'elles renferment la clause que la perte sera payée au porteur, sans ordre ni procuration. Voyez mon Traité des assurances, ch. 18, sect. 2. Il en est de même des billets négociés, s'ils sont à la grosse, lorsqu'ils sont payables à l'ordre du donneur. Il est alors permis de les endosser, et de les transmettre à qui l'on veut. On ne peut opposer au porteur d'un pareil billet la compensation du chef du créancier primitif, parce qu'on doit, en quelque manière, considérer le billet ainsi endossé comme si, dans le principe, il avait été fait au porteur lui-même.

Mais si le billet n'avait pas été conçu à ordre, la compensation et autres exceptions pourraient être opposées au porteur, qui ne serait alors que simple cessionnaire, n'ayant pas plus de droit que son cédant. Il en serait de même si l'ordre n'avait pas été conçu valeur reçue comptant ou en marchandises, parce que, dans ce cas, l'endossement est un simple mandat de exigendo.

$ 2. Nature et effet de

L'acquéreur d'un billet de grosse à ordre, qui en a payé la valeur, en devient véritable propriétaire. Les risques maritimes sont pour son compte, et cette négociation. le profit nautique lui appartient.

Garantie en cas d'insolvabilité

Au retour du voyage, si le preneur est insolvable, le porteur du billet aura action de garantie contre l'endosseur, à l'exemple de ce qui se pratique débiteur. en matière de billets à ordre. Telle est la doctrine de Casaregis, disc. 55, où la question est très-bien traitée.

Cette garantie n'aura lieu que pour le principal: Habetur regressus contra girantem, ut valutam per eum receptam restituat. Casaregis, en l'endroit cité, n°. 2. Elle aura également lieu pour les frais de protêt, et pour l'intérêt de terre du principal depuis le protêt; mais nullement pour le change maritime : car l'endossement n'est pas un cautionnement du contrat. Au reste, la garantie dont il s'agit ici n'aurait pas lieu, si le billet avait été pris à forfait. Ce point dépend du pacte des parties.

CONFÉRENCE.

XLVIII. L'usage avait admis au nombre des papiers payables à l'ordre du donneur le contrat à la grosse. L'intérêt du commerce demandait que cet usage fût consacré par le nouveau

du

T. II.

70

Code de commerce. En conséquence, l'art. 313 porte : « Tout acte de prêt à la grosse peut » être négocié par la voie de l'endossement, s'il est à ordre. En ce cas, la négociation de cet >> acte a les mêmes effets et produit les mêmes actions en garantie que celle des autres effets » de commerce. »

Quand l'acte de grosse n'est pas à ordre, il ne saurait être considéré que comme une créance ordinaire, qui ne peut être cédée que dans la forme du transport, qui, d'après l'art. 1690 du Code civil, n'a d'effet, à l'égard du débiteur, que par la signification qu'on lui en fait, ou par son acceptation, qui ne soumet d'ailleurs le cédant qu'à garantir l'existence de la dette, conformément à l'art. 1693 du même Code, et qui ne rend pas ce dernier responsable de la solvabilité du débiteur. (Art. 1694, ibid.). La compensation et autres éxceptions peuvent être opposées au porteur d'un acte ou billet de grosse non conçu à ordre. Le porteur n'est véritablement qu'un simple cessionnaire, qui n'a pas plus de droit que son cédant.

Il en serait de même si l'ordre n'avait pas été conçu valeur reçue comptant ou en marchandises. Le porteur ne pourrait être considéré que comme étant aux droits de son cédant, parce que, dans ce cas, l'endossement est un simple mandat de exigendo. (Argument tiré des ar◄ ticles 110, 137 et 138 du Code de commerce ).

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Mais lorsque l'acte de grosse est à ordre, il devient un effet de commerce. Il est transmissible par la voie de l'endossement, avec les mêmes droits et la même garantie que les autres papiers négociables. Il est alors soumis à toutes les règles des lettres de change ou billets å ordre. Il doit être protesté de même et dans les mêmes délais, pour conserver le recours contre des endosseurs.

Néanmoins, un contrat à la grosse peut être négociable, lors même qu'il n'est pas dit expressément qu'il est à ordre, si, d'ailleurs, il y a des expressions équipollentes; comme s'il est dit payable au porteur légitime, payable à un tel, payable au porteur. Dans ces expressions, le mot ordre s'y trouve virtuellement.

Si le prêt à la grosse est fait pour un tems déterminé, tant de mois, tant de jours, ou remboursable à telle époque, le porteur par endossement doit exiger le paiement le jour indiqué, ou faire protester le lendemain, et exercer son recours dans les délais fixés pour les lettres de change.

Si, au contraire, l'époque du remboursement de l'argent prêté à la grosse est indéterminée, de même que si le prêt à la grosse est fait pour un voyage jusqu'à telle hauteur en mer, le porteur ne pouvant alors connaître l'événement, il ne peut ni ne doit exiger le paiement ou faire protester, qu'aussitôt qu'il en est instruit.

L'acte de grosse fait à ordre, soumet les premiers cédans et les endosseurs successifs à toutes les garanties; de manière que si l'emprunteur ou preneur à la grosse est insolvable, le porteur de l'acte ou billet de grosse aura action contre son endosseur, et celui-ci contre son cédant, etc., à l'exemple de ce qui se pratique en matière d'effets de commerce. Mais cette garantie n'aura-t-elle lieu que pour le principal, c'est-à-dire pour la somme prêtée seulement, et nullement pour le change maritime?

Nous avons vu, au texte, qu'Emérigqn décide que cette garantie n'aura lieu que pour le principal. Elle aura également lieu pour les frais de protêt et pour l'intérêt de terre du prin

»cipal depuis le protêt, mais nullement pour le change maritime; car l'endossement n'est pas » un cautionnement du contrat. »>

Le principe est vrai, mais le motif qu'en donne Emérigon ne nous paraît pas décisif. La Cour royale de Rennes l'avait jugé ainsi dans ses observations, en disant : « Si l'endossement » n'est pas un cautionnement, il ne peut pas plus donner lieu à la garantie du principal qu'à >> celle du profit maritime, qui n'en est qu'un accessoire; et si l'endossement est garant du » principal, pourquoi ne le serait-il pas de l'accessoire, qui en suit toujours le sort? » — (Voyez les observations de la Cour de Rennes, tom. 1, pag. 347 ).

Quoi qu'il en soit, le législateur a justement pensé qu'ici la garantie doit avoir pour limite la somme qu'on reçoit. Le prêteur à la grosse a endossé l'acte de grosse, c'est-à-dire il en a fait le transport pour une somme égale à celle qu'il a donnée lui-même, et qui se trouve exprimée par le texte de l'acte. Il est juste et dans la nature des choses qu'il cautionne jusqu'à cette somme. Mais pourquoi cautionnerait-il pour une somme plus forte? Quel dédommagement recevrait-il pour cette nouvelle garantie? Gérant pour la somme qu'il reçoit, il le serait encore, sans motif, de 25 ou 30 pour 100 de profit maritime qu'il ne reçoit pas, et l'équité semble repousser cette idée.

En conséquence, ce raisonnement a été consacré par l'art. 314 du nouveau Code de commerce, qui porte : « La garantie de paiement ne s'étend pas au profit maritime, à moins que » le contraire n'ait été expressément stipulé. >>

Du reste, par l'effet de la négociation, par l'endossement régulier, l'acquéreur devient le véritable propriétaire du contrat de grosse. Les risques maritimes sont pour son compte, et le profit nautique lui appartient. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'acte de grosse, soit qu'il soit ou ne soit pas à ordre, doit toujours passer à l'enregistrement, suivant l'art. 312 du Code de commerce.

Enfin, un contrat à la grosse, passé en pays étranger, mais payable en France, est, quant à ses effets, régi par les lois françaises. Son exécution devant être poursuivie en France, les tribunaux français ne peuvent, en effet, prendre pour règle de leur jugement que les lois françaises.

JURISPRUDENCE.

1o. Un acte de prêt à la grosse peut être négocié par la voie de l'endossement, s'il est dit payable au porteur. C'est en réalité comme s'il était littéralement à ordre.

L'exception de simulation entre un débiteur et un créancier est opposable au cessionnaire, s'il s'agit d'un titre ordinaire, mais n'est pas opposable au porteur de bonne foi, s'il s'agit d'un effet de commerce.-(Arrêt de cassation, du 27 février 1810, Sirey, 1810, 11. part., pag. ■ 183).

2o. Dans le cas où l'exigibilité du contrat à la grosse est amenée par le déroutement du navire, le porteur est tenu de faire protester le lendemain du jour où il a notifié le déroutement aux endosseurs; et à défaut de protêt, il s'élève une fin de non-recevoir contre sa demande en garantie contre les endosseurs. (Art. 162 et 168 du Code de commerce; jugement du tribunal de commerce de Marseille, du 19 avril 1820; Journal de jurisprudence commerciale de Marseille, cinquième cahier, pag. 138 et suivantes ).

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