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$ 1.

Le billet de grosse doit être payé en argent.

$ 2.

Faut-il payer au

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SECTION II.

Comment, en quel tems et en quel lieu, le Contrat de grosse doit-il être payé?

APRÈS le risque fini, le preneur est obligé de payer, argent comptant, le principal et le change maritime qu'il a promis. Il serait non recevable à offrir des marchandises. Vide Pothier, des obligations, no. 242 et 530. Si le contrat de grosse avait été fait aux Iles françaises ou en Levant, pour être payé en France, on évaluerait en livres tournois la monnaie stipulée. L'arrêt du Conseil d'état, du 27 novembre 1779, concernant la perception du droit de consulat, établi sur le commerce du Levant et de Barbarie, enjoint, en l'art. 24, aux députés, de tenir leurs comptes en monnaie de France. En › conséquence, est-il dit, ils évalueront la monnaie courante des Echelles › en livres tournois, tant pour la recette que pour la dépense, et ils établiront cette évaluation sur le cours du change qui aura lieu dans leur Echelle, » et qui sera constaté par un certificat de deux notables négocians nommés » à cet effet par l'ambassadeur du roi à Constantinople, et par les consuls » et vice-consuls, dans les autres Echelles.» Vide mon Traité des assurances, ch. 9, sect. 8.

Le preneur a reçu l'argent sur le corps ou sur les facultés. Il est donc juste moment de l'arri- qu'après l'heureuse arrivée du navire, on lui accorde un certain délai pour qu'il exige le nolis, ou pour qu'il vende ses marchandises, et que par ce moyen il soit à même de remplir ses obligations. En Suède, l'usage est d'accorder au preneur vingt jours, et ce n'est qu'après ce délai de grâce que l'intérêt de terre prend cours: Postquàm navis salva rediit domum, mercatori indulgentur viginti dierum inducia ad distrahendas merces, et conficiendam pecuniam, quam creditoribus suis solvat, unà cum usuris. Quòd si pecunia credita diutiùs maneat apud debitorem, reliqui temporis post illos dies elapsos non ampliùs maritimæ usuræ, sed communes usitatæque solventur, quia tunc desiit esse periculum creditoris. Loccenius, lib. 2, cap. 6, n°. 11, pag. 994. J'ai vu des contrats de grosse qui accordent à ce sujet un délai de quinze jours, et même d'un mois.

Si le contrat ne renferme aucun délai de grâce?

Si le contrat ne renferme aucun délai de grâce, je crois qu'on devrait ac

corder au preneur un tems raisonnable, pour qu'il puisse se procurer les fonds nécessaires : Nihil peti potest ante id tempus, quo per rerum naturam persolvi possit. Loi 186, ff de reg. jur. § 27, inst. de inut. stip.

S'il est dit que le paiement se fera d'a

Je crois qu'il doit en être de même, quoiqu'il soit dit dans le contrat que le paiement sera fait d'abord après l'arrivée du navire : Quod dicimus debere bord après l'arrivée? statim solvere, cum aliquo scilicet temperamento temporis intelligendum est : nec enim cum sacco adire debet. Loi 105, ff de solut. et lib. Loi 135, § 2, ff de verb. obligatione. Quod dixi incontinenti, ità accipiendum cum aliquo spatio. Loi 1, § 8, ff ad leg. falcid. Dans tous ces cas, il est permis au juge d'accorder, par équité et suivant les circonstances, un certain délai, qui, ne nuisant point au créancier, donne au débiteur le moyen de remplir sa promesse. Loi 21, ff de judic. Loi 2, ff de re judicatâ. Loi 105, ff de solut. Loi 2, ff de legat., 1o. Sauf le change de terre, lequel court depuis la demeure, sans interpellation judiciaire.

$ 3.

Si les deniers ont été donnés pour la

tems limité.

Si les deniers ont été donnés pour la traversée ou pour un tems limité, le principal et le change maritime doivent être payés dans le lieu où le risque stipulé finit, quoique le voyage du navire ne soit pas terminé. Ce traversée ou pour un paiement se faisait entre les mains de l'esclave facteur, dont parlent les lois citées suprà, ch. 1, sect. 1. Aujourd'hui il doit être fait au créancier, s'il est présent sur les lieux, ou à son procureur fondé : Si in itum navis, accipiatur solutio eo loco quo itur, vel à servo qui simul mittitur, vel à factore creditoris; in reditum, accipiatur in portu, ex quo quis solvit, Stypmannus, part. 4, cap. 2, n°. 90, pag. 384.

Si, dans le lieu où le risque stipulé est fini, il n'y a personne à qui le principal et le change puissent être payés, le preneur aura le choix, ou de faire le dépôt judiciaire de l'argent, ou de l'embarquer avec soi. Dans ce dernier cas, il sera déchargé de l'intérêt de terre jusqu'à son arrivée; mais l'argent ou les effets qu'il embarquera seront à ses risques. Vide Loccenius, lib. 2, cap. 6, no. 10 et 11. Si, pour remplir ses engagemens, il tire volontairement des lettres de change, elles seront pour son compte, à moins qu'il ne les ait tirées par ordre du créancier. Suprà, ch. 8, sect. 3.

Le pacte que les lettres de change tirées par ordre du créancier seront aux risques du preneur, résisterait à la nature du contrat, et serait usuraire; car il suffit que le preneur paie le principal et le change nautique dans le lieu du terme, sans qu'il soit permis d'aggraver sa condition.

Puisque le preneur peut s'adresser au juge du lieu du terme pour faire le dépôt, on peut l'actionner pardevant le même juge pour l'obliger à payer ce

Risque de l'argent

non exigé dans le

lieu du terme.

54.

Juge compétent.

Provisoire.

Arbitres.

qu'il doit. Hors de ce cas, le créancier doit s'adresser au tribunal de l'amirauté du lieu où le contrat a été passé. Ordonnance de 1673, tit. 12, art. 18. L'Ordonnance de la marine n'a pas déféré à l'amirauté le droit de condamner, provisoirement et nonobstant appel, le preneur au paiement du

contrat.

Tout ce que l'Ordonnance dit au sujet des arbitres n'a aucune application au contrat de grosse. Si des arbitres sont nommés, leur sentence n'aura point d'exécution.

CONFÉRENCE.

XLIX. Dès que le tems des risques est passé, le droit d'exiger le principal prêté et le profit maritime est sans doute acquis au prêteur; mais il ne suit cependant pas de là que les parties ne puissent convenir d'un autre terme de paiement. C'est ce qui résulte de l'art. 311 du Code de commerce, qui porte que « le contrat à la grosse énonce l'époque du remboursement. » La fixation de la durée du prêt ne dispense pas d'indiquer cette époque. Ce terme diffère de la condition. Il n'y a pas de liaison nécessaire entre ces deux choses. (Art. 1185 et 1186 da

Code civil).

Mais si l'époque du remboursement n'est pas désignée dans le contrat à la grosse, le prêteur pourra exiger le capital et le profit maritime qui lui sont acquis, le tems des risques étant passé. On ne peut suppléer au silence de l'acte, à cet égard, par la preuve testimoniale, qui n'est pas reçue, outre le contenu aux actes, à moins qu'il n'y eût un commencement de preuve par écrit. (Art. 1341 et 1347 du Code civil).

En général, après le risque fini, le preneur est obligé de payer argent comptant le principal et le change maritime stipulé. Néanmoins, il faut dire, avec Emérigon, qu'il est juste d'accorder au preneur un tems raisonnable pour qu'il puisse se procurer les fonds nécessaires. C'est aussi ce qui résulte des dispositions de l'art. 1244 du Code civil, qui permet aux tribunaux d'accorder au débiteur des délais modérés pour le paiement.

Le paiement doit être fait dans le lieu où les risques stipulés finissent, quoique le voyage du navire ne soit pas terminé. Par exemple, si les risques sont stipulés jusqu'à Cadix pour un navire parti de Paimbœuf, de destination pour Marseille, le paiement devra avoir lieu à Cadix, quoique le navire ne termine son voyage qu'à Marseille. Mais s'il n'y a personne dans le lieu où le risque est fini pour recevoir le remboursement, il faut suivre ce qu'enseigne Emérigon à cet égard. Si, pour remplir ses engagemens, le preneur tirait volontairement des lettres de change, elles seraient pour son compte, à moins qu'il ne les eût tirées par ordre de son créancier. Du reste, ce sont aujourd'hui les tribunaux de commerce qui sont compétens pour connaître de toutes les contestations relatives au paiement du contrat à la grosse, et du profit ou change maritime. (Art. 633 du Code de commerce).

Les actes de grosse doivent être payés en argent. Le preneur ne serait pas recevable à offrir des marchandises. Si le contrat de grosse avait été fait en pays étranger pour être payé en France, on évaluerait en France la monnaie stipulée. C'est ce qui résulte de l'art. 24 de l'arrêt

du Conseil d'état, du 27 novembre 1779, concernant la prescription des droits des consulats dans les Echelles du Levant. (Voyez aussi Pothier, Traité des obligations, no. 243 ).

SECTION III.

De la prescription.

Le Statut de Marseille, lib. 3, cap. 25, pag. 402, parle des pacotilles à profit commun, et des sociétés nautiques. Il décide que quatre ans après le retour du navire, le géreur ne peut plus être recherché au sujet de son administration. Mais cette prescription de quatre ans n'a pas lieu en matière de contrats à la grosse. L'Ordonnance maritime n'en établit aucune. L'action du donneur n'est donc prescrite que par trente ans. Les fins de non-recevoir établies par l'art. 48, titre des assurances, n'ont aucune relation au contrat de grosse.

Si le billet de grosse est fait à l'ordre du donneur, et que celui-ci le négocie, le porteur sera obligé de faire ses diligences contre le preneur dans les délais prescrits par l'ordonnance de 1673, titre des lettres de change, articles 13 et 32, à compter du jour que le billet de grosse aura été exigible; passé lequel tems le porteur sera non recevable dans son action de garantie contre l'endosseur. Dans ce cas, on ne considère plus le billet comme contrat de grosse, mais bien comme simple billet à ordre.

Pour ce qui est du cautionnement, il serait à souhaiter qu'on le soumît ( du moins) à la prescription de trois ans, qui est établie en matière de lettres de change, par l'édit du commerce, tit. 5, art. 20, à compter du jour que l'exaction du billet a pu être faite. Mais, jusqu'à ce qu'il y ait à ce sujet un nouveau réglement, on doit s'en tenir à la disposition du droit commun, attestée par M. Pothier, Traité des obligations, n°. 671, à moins que les deniers n'eussent été laissés par renouvellement. Infrà, ch. 10, sect. 1.

CONFÉRENCE.

L. Il n'y a plus aujourd'hui de règles à suivre pour les prescriptions et les fins de non-recevoir, en matière de commerce maritime, que les règles et les délais établis par les tit. 13 et 14 du liv. 2 du Code de commerce. Ainsi, toutes actions dérivant d'un contrat à la grosse sont prescrites après cinq ans, à compter de la date du contrat. (Art. 432 ).

Cependant, si le billet de grosse est à ordre, le porteur sera obligé de faire ses diligences contre le preneur, dans les délais prescrits par le tit. 8 du liv. 1 du Code de commerce, concernant les lettres de change, billets à ordre, etc.

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RIEN de si fréquent parmi nous que de voir des gens se rendre caution des billets de grosse. S'ils n'ont pas un intérêt personnel en la chose, il faut avouer que leur imprudence est extrême! Ils ne sont pas garans, il est vrai, des hasards de la mer; mais ils répondent de la foi du preneur, qui pour l'ordinaire ne possède rien, et qui, soit par inconduite, soit par défaut de succès, se trouve souvent hors d'état de remplir ses engagemens.

Le sage ne cautionne jamais pour personne : Non inscitè doctores nostri dixerunt, titulos de donationibus et fidejussoribus esse fatuorum hominum. Cujas, sur la rubrique du Code, de precario.

Ceux qui exigent des cautions ne sont pas exempts de souci, propter fragilitatem cautionis, comme dit la loi 66, § 1, ff ad S. C. Trebell. Un débiteur pauvre donne une pauvre caution: Quem enim homo tenuis locupletem pro se fidejussorem inveniat?

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CONFÉRENCE.

LI. Les réflexions que fait ici Emérigon sont d'une grande sagesse. Elles ne trouvent encore que trop leur application aujourd'hui dans le commerce.

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