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SECTION I.

En règle générale, les cautions sont soumises aux mêmes obligations que le preneur.

En règle générale, la caution du preneur est soumise, envers le donneur, aux mêmes obligations que le preneur lui-même, à moins que la fidéjussion n'eût été mitigée par quelque pacte particulier. Pothier, des obligations, no. 404. Casaregis, disc. 63. Le fidejusseur sera donc tenu de payer le capital et le change maritime, non seulement en cas d'heureux retour du navire, mais encore quoique le navire ne fasse point de retour, ainsi qu'on l'a vu par les décisions rapportées suprà, ch. 3, sect. 2. Il sera soumis ipso jure au change de terre, dès que le preneur aura été en demeure de payer. Il sera' contraignable par corps' tout comme le preneur. Il pourra être attaqué solidairement et directement, sans être admis ni au bénéfice de division, ni au bénéfice de dis-Cantin cussion: pareils bénéfices sont inconnus dans les affaires du commerce.

Suivant l'arrêt rapporté par Bezieux, pag. 181, le débiteur corrée d'un billet à la grosse, est tenu des dépens faits contre son consort, quoique le procès n'eût été intenté que contre celui-ci. Enfin, le fidejusseur est justiciable du tribunal de l'amirauté, dans le cas même où l'action ne serait dirigée que contre lui seul, suivant les art. 1 et 2, titre de la compétence.

Mais les pleiges intervenus pour ledit argent à profit, étant entrés pour un voyage, sont déchargés, la navigation étant accomplie, si tant est que » le créancier laisse le principal pour d'autres voyages, sans le consentement du pleige. Guidon de la mer, ch. 19, art. 2. Ce renouvellement opère novation vis-à-vis du fidėjusseur, suivant les principes établis par Soulatges, Traité des hypothèques, ch. 8, pag. 354; par Boutaric, inst., pag. 460 et 507; par Serres, pag. 482, etc. Voici comme parle ce dernier auteur. « Les cautions, dit-il, sont

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» déchargées de leur obligation par une novation, quoique imparfaite et insuf> fisante pour éteindre la première obligation du débiteur;........ comme lorsqu'il » est fait un second bail, ou une réconduction tacite, et autres cas semblables, » pour lesquels il est évident que la caution n'a pas entendu s'obliger.»

Par un billet du 10 octobre 1764, Jean Gayole, officier de la tartane la Vierge de la Garde, capitaine Marcel Isoard, reçut à la grosse de François

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chargée, si les deniers sont laissés par

La caution est dé

renouvellement.

T. II.

Pascal, la somme de 400 liv., au change maritime de dix pour cent, sur les facultés de cette tartane, pour un voyage de Marseille à Gènes, et de retour à Marseille. Le sieur Jatroux cadet se rendit caution et principal payeur desdites 400 liv. données à retour de voyage, et du change maritime. Quelques mois après, la tartane revint à Marseille. Gayole paya à François Pascal 40 liv., à quoi se montait le change maritime stipulé, et il entreprit de nouveaux voyages.

François Pascal, non payé de son capital et de la continuation du change maritime, présenta requête en notre amirauté, le 11 mars 1769, tant contre Gayole que contre Jartroux, en condamnation solidaire des 400 liv. données à la grosse, et du change maritime, à raison de dix pour cent, avec intérêts de terre du tout depuis la demeure, sous la déduction des 40 liv. reçues à compte. Jartroux répondit que les deniers avaient été laissés par renouvellement, et qu'ainsi il avait été délié du cautionnement par lui souscrit. François Pascal nia que les deniers eussent été laissés par renouvellement ou continuation.

Sentence du 5 mai 1769, qui « condamne Jean Gayole, défaillant, au paiement des 400 liv. à lui données à la grosse, et du change maritime, à raison de dix pour cent, avec intérêts de terre du tout depuis la demeure, et » aux dépens, avec contrainte par corps, sauf huitaine, sous la déduction of

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› ferte des 40 liv. qu'il a payées à compte; et avant dire droit à la condamnation solidaire demandée par François Pascal, contre Jartroux, de la susque Jartroux

» dite somme en principal, change, intérêts et dépens, ordonne

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› prouvera, dans la huitaine, que François Pascal laissa par renouvellement à » Jean Gayole les 400 liv. de principal dont il s'agit, à la grosse, pour un nouveau voyage, et partie au contraire, etc. »

La preuve du fait interloqué se trouvait consignée dans la requête de François Pascal. Il avait été payé du change maritime pour le voyage de Gênes; et cependant il demandait le paiement du capital, et d'un change maritime qui ne pouvait lui être dû qu'en suite du renouvellement de l'obligation à la grosse. L'interlocution était donc superflue, et d'ailleurs ce même renouvellement était présumé par le laps de plus de quatre années, et par les voyages subséquens que le preneur avait faits.

Jartroux appela de cette sentence. Elle fut réformée par arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 18 juin 1770, au rapport de M. de Ramatuelle. François Pascal fut débouté de sa requête envers Jartroux, et condamné aux dépens.

CONFÉRENCE.

LII. Voyez les art. 2011, 2012, 2013, 2016, 2017, etc. Tout cautionnement doit être exprès,

et les règles du droit civil, sur la manière dont il se forme, ne sont pas modifiées dans le

commerce.

Le fidejusseur est, en effet, tenu de payer le capital et le profit maritime. Il est même soumis aux changes de terre, ipso jure, dès que le preneur aura été mis en demeure de payer. Il est contraignable par corps comme le preneur. Enfin, il pourra être actionné solidairement ou directement, sans pouvoir invoquer le bénéfice de division et de discussion, parce que ces bénéfices n'ont point lieu en faveur des coobligés ou des cautions, en matière commerciale: quia juris apices respicit. A l'autorité de Bezieux, on peut ajouter celles de Straccha, tit. 2, no. 5; de Casaregis, disc. 68, no. 14; de Despeisses, tom. 2, pag. 617, n°. 9; de Decormis, tom. 2, pag. 1752; de Duperrier, etc.

Au surplus, comme l'observe Emérigon, la caution est déchargée, si les deniers sont laissés par renouvellement, parce que ce renouvellement opère effectivement novation à l'égard du fidéjusseur. (Voyez art. 1234 et 2034 du Code civil).

SECTION II.

Les cautions sont-elles responsables de la fraude du preneur?

J'AI donné à la grosse 1,000 écus à Pierre, sous votre cautionnement. Il charge dans le navire l'aliment de ce risque. Il prend ensuite à la grosse diverses autres sommes dont il ne fait point d'emploi. Le navire part et périt. Nonobstant la perte du vaisseau, l'Ordonnance', art. 3, titre des contrats à la grosse, m'autorise à réclamer de Pierre l'entière somme que je lui avais donnée à la grosse, attendu que, par fraude, il a pris des deniers au-delà de la valeur de son intérêt.

Mais Pierre est fugitif. Il est insolvable. Je m'en prends à vous, qui avez cautionné pour lui. Vous me répondez: «En ma qualité de fidejusseur, j'étais » soumis à toutes les actions qui dérivaient directement du contrat de grosse. » Or, le navire a péri avec tout ce qu'il renfermait. Si Pierre eût été honnête, >> vous n'auriez aucune action ni contre lui, ni contre moi. Vous ne m'ac» cusez pas d'être complice de sa fraude. Contentez-vous donc de l'action pé»nale que la loi prononce contre lui seul; action qui est de droit étroit; qu'on ne peut étendre d'une personne à une autre, et qui, en haine du coupable, fait surgir du fond de la mer un droit absorbé par les flots. La planche que le naufrage vous laisse ne vous permet rien de plus que de » vous accrocher au preneur, et nullement à moi, que le sinistre a délié de tout engagement. »

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Ces exceptions sont spécieuses, mais elles résistent à la nature du contrat de cautionnement. Le Guidon de la mer, ch. 19, art. 8, défère une action solidaire tant contre le preneur frauduleux, que contre ses pleiges; et telle est la doctrine de Casaregis, disc. 62, no. 37.

En 1749, Jean-Baptiste Boule avait donné à la grosse 3,000 liv. au capitaine V**., sur les facultés du vaisseau l'Heureuse Marie, sous le cautionnement du sieur Jean-Antoine Fille. Le sieur Jean-Antoine Fesquet avait donné 2,000 liv. au même capitaine, également sur facultés, et sous le cautionnement du même. Le navire périt dans la Manche. Il fut vérifié que les deux sommes prises par V**. excédaient de 2,195 liv. la valeur de son intérêt. Boule, se fondant sur la disposition de l'art. 3, présenta requête contre V**. et Fille, sa caution, en restitution des 3,000 liv. par lui données à la grosse. Sentence du 4 décembre 1751, qui donna gain de cause à Boule, tant contre V**. que contre sa caution. Arrêt du 11 juin 1753, qui confirma cette sentence.

Muni d'une parcille décision, le sieur Jean Fesquet réclama contre V**. et Fille les 2,000 liv. qu'il avait données à la grosse. Le sieur Fille prétendit de nouveau que la caution ne répondait pas de la peine à laquelle le débiteur principal est condamné pour sa fraude. Le sieur Fesquet soutint que tion du preneur ne se rend pas seulement garant de payer le capital et le change, en cas d'heureux retour, mais qu'il répond de plus de la validité du contrat. L'Ordonnance, en l'art. 3, titre des contrats à la grosse, ne prononce pas une peine proprement dite; elle annule le contrat vis-à-vis du preneur, qui doit restituer l'argent avec le change de terre; de quoi la caution est responsable.

Sentence du 8 octobre 1754, qui condamna solidairement V *. et Fille à restituer les 2,000 liv., avec change de terre à 5 pour 100, à compter depuis la fourniture, dépens et contrainte par corps. Cette sentence, conforme à l'arrêt déjà prononcé en faveur de Boule, passa en force de chose jugée. (Nota. Le change maritime ne fut point accordé, parce que l'obligation ne pouvait valoir comme contrat de grosse ).

Voici un arrêt contraire à celui que je viens de citer : Sous le cautionnement du sieur Canelle, le sieur Antoine Bouvet donna à la grosse 1,200 liv. au capitaine A**., sur le corps de la tartane l'Elisabeth, pour un voyage en caravane. Cette tartane fit naufrage. Il fut vérifié que le capitaine A**. avait pris à la grosse, soit de Bouvet, soit de divers autres, au-delà de la valeur de son intérêt. Bouvet invoquant la disposition de l'art. 3, se pourvut tant contre A**. que contre Canelle, en restitution des 1,200 liv. par lui fournies. Sen

tence du 26 août 1754, rendue par défaut, qui condamna A**. et Canelle solidairement au paiement de la sommé demandée, avec intérêts tels que de droit et dépens. Appel de la part de Canelle. Arrêt du 28 février 1777, « qui mit l'appellation et ce dont était appel au néant, et par nouveau jugement, sans s'arrêter à la requête d'Antoine Bouvet, du 12 juillet 1774, au chef >> concernant Antoine Canelle, mit sur icelle ledit Antoine Canelle hors de Cour et de procès; condamna ledit Antoine Bouvet aux dépens, ceux du » défaut tenant. »

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Celui qui, par fraude, prend des deniers à la grosse pour au-delà de son intérêt, est présumé n'avoir rien mis en risque, dans le cas que le navire périsse. Cette présomption établie par l'Ordonnance est juris et de jure. Le contrat est alors déclaré nul. Il est donc juste que le fidejusseur réponde de cette nullité, et qu'il rembourse la somme capitale avec intérêts de terre : d'autant mieux qu'ordinairement le fidejusseur est l'associé du preneur. La branche importante de commerce qui s'opère par le moyen des contrats à la grosse, languirait extrêmement, à cause du peu de confiance qu'on a en la personne des gens de mer, si le lien du cautionnement était rompu par des exceptions étrangères à l'esprit et à la nature du contrat. Je crois donc qu'on doit s'en tenir à la décision du premier des deux arrêts que je viens de rapporter.

CONFÉRENCE.

LIII. Il est en effet juste que, dans le cas proposé, le fidejusseur réponde de la nullité du contrat à la grosse prononcée par l'art. 316 du Code de commerce, et qu'il rembourse la somme capitale avec l'intérêt de terre. Les observations d'Emérigon sont dans l'esprit et la nature du contrat à la grosse. Nous devons donc adopter la décision de l'arrêt du 11 juin 1753, dont l'espèce est rapportée au texte.

SECTION III.

De l'Obligation solidaire des fidejusseurs.

UN capitaine avait pris à la grosse, sur facultés, la somme de 2,000 liv, sous le cautionnement d'un de ses amis. La pacotille fut dissipée. Le preneur et sa caution firent faillite, et, par leur concordat, chacun d'eux obtint une remise de 50 pour 100. Le donneur ayant reçu 1,000 liv. de la part du capitaine failli, s'adressa à la caution, qui lui offrit 500 liv. Contestation là

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