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et fournisseurs préférables à tous créanciers, même à ceux qui auront prêté, avec déclaration par écrit que c'est pour employer à la construction du vaisseau. Ce chapitre ne dit pas que les donneurs auront privilége sur le navire saisi avant qu'il ait mis à la voile. L'art. 17, titre de la saisie, ne parle point d'eux : d'où il semble qu'ils sont exclus de tout privilége. En effet, le contrat ne devient véritablement à la grosse qu'au moment du départ du navire; et si le vaisseau ne fait point de voyage, l'argent n'est point trajectice: Pecunia non erit trajectitia. Loi 1, ff de naut. fæn.

Cependant, puisque le privilége que l'art. 7, des contrats à la grosse, accorde aux donneurs sur le corps, est iudéfini, je crois que, pour concilier l'Ordonnance avec elle-même, on doit placer, après ceux dont il est parlé dans l'art. 17, titre de la saisie, ceux qui ont prêté des deniers sur le corps. Vous aviez un navire sur le chantier. Vous me l'avez vendu à crédit.... J'ai pris à la grosse (que j'ai payées aux ouvriers et fournisseurs).......

1

4,000 liv.

Il reste dû à ceux-ci......

4,000

4,000

12,000

Le navire saisi est vendu. Le net produit ne se monte qu'à...... 9,000 liv.

Le vendeur sera payé à plein, et recevra...
Les ouvriers et fournisseurs recevront......
Les donneurs se partageront par privilége..

4,000 4,000

Fourniture en argent faite par un tiers.

1,000

9,000 liv.

Si le net produit se réduisait à 7,000 liv., la moitié de cette somme serait adjugée par privilége au vendeur, et l'autre moitié aux fournisseurs et ouvriers. Les donneurs n'y auraient aucune part (sauf l'action personnelle qui compète aux uns et aux autres contre le débiteur). Loi 10, Cod. de oblig. et act. On pourrait, ce semble, accorder le même privilège à celui qui, sans donner à la grosse sur le corps, a fait des fournitures en argent pour la construction d'un navire, et qui a omis de se faire subroger aux ouvriers et fournisseurs. Les lois 26 et 34, ff de reb. auct. judic., trouveraient ici leur application. Mais comme d'une part ces lois ne défèrent qu'un privilége personnel, inconnu parmi nous, et que de l'autre, l'art. 17, titre de la saisie, ne parle pas des fournitures faites en argent par un tiers, je n'ai pas vu qu'on ait encore fait participer ce tiers au privilége dont il s'agit.

Les sieurs M** achetèrent le vaisseau la Perle. Ils en cédèrent la moitié au sieur Joseph Solary, moyennant 26,021 liv. Ce navire avait besoin de réparations. Le sieur Solary fut chargé de les faire. Il y employa 12,498 liv. de son argent. Il rétrocéda ensuite son intérêt à M**, moyennant 38,519 liv., dont ils lui firent leurs billets à ordre.

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Les sieurs M** faillirent. Le sieur Solary demanda paiement de sa créance, avec privilége sur le navire, non encore sorti du port. Sentence du 30 mai 1750, rendue par le tribunal consulaire, qui n'adjugea à Solary le privilége que sur la demie du net produit du vaisseau, dont la vente judiciaire fut ordonnée. Arrêt du 3 juin 1751, rendu par le Parlement d'Aix, au rapport de M. de Galiffet, qui confirma cette sentence, parce que le droit du sieur Solary se bornait à réclamer sa demie rétrocédée, et qu'il n'avait été ni ouvrier ni fournisseur d'aucuns matériaux.

CONFÉRENCE,

LXII. Les questions que propose Emérigon sont aujourd'hui résolues en général par l'article 191 du Code de commerce.

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« Au huitième rang sont placées les sommes dues aux vendeurs, aux fournisseurs et ouvriers

employés à la construction, si le navire n'a point encore fait de voyage, et les sommes dues aux » créanciers pour fournitures, travaux, main-d'œuvre, pour radoub, victuailles, armement et » équipement, avant le départ du navire, s'il a déjà navigué. » Ainsi, tous les créanciers sont rangés sur la même ligne et par concurrence entre eux, et le privilége sur le navire qui n'a pas encore navigué est toutefois remplacé par celui des sommes dues à raison des fournitures, travaux, etc., si le navire a déjà navigué.

Emérigon examine la question importante de savoir si l'entrepreneur qui a reçu du propriétaire l'entier prix de la construction ou du radoub du navire, n'a pas satisfait les ouvriers et les fournisseurs; si, disons-nous, ceux-ci auront action personnelle contre le propriétaire, et privilége sur le navire.

On a vu, au texte, que cette question a été assez controversée parmi les auteurs, et elle a été décidée en sens divers par les tribunaux. La Cour de Rennes a même consacré, par son arrêt du 7 mai 1818, les maximes de la déclaration de 1747. Mais nous avons démontré, dans notre Cours de droit maritime, que ce serait aujourd'hui une grave erreur que de professer cette doctrine. Il faut absolument distinguer ou les ouvriers et fournisseurs ont eu, dès le principe, la connaissance du marché du propriétaire avec le constructeur, ou ils ne l'ont pas eue. Dans le premier cas, ils n'ont pas ignoré que la construction du navire était à forfait, et qu'ils étaient, par conséquent, employés pour le compte de celui-ci. Dans le dernier cas, ils ont toujours et de droit privilége sur le navire, parce que, par leur ignorance, ils ont toujours suivi la foi du propriétaire et de la loi, qui leur accorde ce privilége. C'est ici une exception au droit commun, introduite en faveur des constructions mar times, à laquelle n'ont pas fait assez

Quirataire qui fournit de l'argent

pour ses consorts.

d'attention quelques auteurs, qui n'ont vu que les maximes générales du droit.
que nous avons dit à cet égard, tom. 1, tit. 1, sect. 2, pag. 124).

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Du reste, les sommes prêtées à la grosse, sur le corps, quille, agrès, apparaux, pour radoub, victuailles, armement et équipement du navire, avant le départ, sont portées au neuvième rang des priviléges, par l'art. 191 du Code de commerce. Il en est autrement pour les sommes prêtées au capitaine, pour les besoins du bâtiment pendant le dernier voyage. Elles sont portées par cet article au septième rang des priviléges.

Premier rang.
Matelots.

Deuxième rang.

voyage.

SECTION IV.

Rang des priviléges sur le navire qui revient de voyage.

LES loyers des matelots employés au dernier voyage seront payés par préférence à tous créanciers. Art. 16, titre de la saisie. Consulat de la mer, ch. 33, 105, 135, 136. Cleirac, sur les Jugemens d'Oléron, art. 8, no. 31, pag. 46, et au titre de la jurisdiction, art. 18, n°. 4, pag. 419. Basnage, des hypothèques, pag. 70. Pothier, n°. 54. Kuricke, quest. 12.

J'ai cité ci-dessus les lois 5 et 6, ff qui potior in pign. hab., qui disent que Prêt pendant le quelquefois le dernier créancier est préféré au premier : Interdùm posterior potior est priori. Tel est celui qui, pendant le cours du voyage, a fourni de l'argent pour acheter les victuailles sans lesquelles le navire n'aurait pu retourner: Si in cibaria nautarum fuerit creditum, sine quibus navis salva pervenire non poterat.

D'après ce principe, la plupart des docteurs décident que, parmi les donneurs à la grosse, on doit renverser l'ordre ordinaire des hypothèques, et préférer les derniers aux premiers. Stypmannus, part. 4, ch. 6, no. 150, pag. 420. Lóccenius, lib. 2, cap. 6, no. 8, pag. 993. Vinnius, pag. 95. Casaregis, disc. 18, no. 14. Marquardus, lib. 2, cap. 8, no. 78.

Kuricke, dans ses Questions illustres, quest. 25, pag. 880, s'élève contre ce sentiment, et soutient que tous les donneurs doivent venir en concours, parce que, par le moyen de leur argent, ils ont concouru à la même navigation.

Le premier avis a été adopté par l'Ordonnance, titre de la saisie, art. 16. Après les matelots, est-il dit, les opposans pour deniers prêtés pour les nécessitės du navire pendant le voyage, seront payés par préférence. Valin, ibiq. Pothier,

n°. 53.

Avant le départ de Marseille, un capitaine a pris à la grosse des deniers sur le corps. Il arrive à la Martinique, où il prend d'autres sommes pour les nécessités du voyage. Il relâche au Cap-Français, où il prend des deniers pour le même objet. Les troisièmes donneurs seront préférés aux seconds, et ceuxci aux premiers : Sic erunt novissimi primi, et primi novissimi. Mais les créanciers de chacune de ces trois classes seront rangés par concurrence entre eux, sans qu'on ait égard à la date de leurs contrats respectifs.

Ceux dont les marchandises ont été

cessités du navire.

Au même second degré, on doit ranger ceux dont le capitaine, en cours de voyage, a vendu les marchandises pour les nécessités du navire. Voici vendues pour les né comme parle le Consulat de la mer, ch. 105: « Si le capitaine a besoin d'argent pour l'expédition du navire, qu'il ne trouve personne qui veuille lui

» en prêter, et que les marchands n'en aient point, il doit vendre des mar>chandises jusqu'à la concurrence de la somme nécessaire, et ceux dont les marchandises auront été vendues pour ce sujet, seront préférés à tous les

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› autres, excepté aux mariniers pour leurs salaires. »

D

L'Ordonnance de Wisbuy, art. 45, dit que le marchand auquel appartenaient les marchandises (vendues pour besoins du vaisseau), ou le créan› cier qui aura prêté, auront spéciale hypothèque et suite sur le navire. » Ce n'est pas par oubli que dans l'art. 16, titre de la saisie, l'Ordonnance n'a pas parlé des marchandises vendues pour les nécessités de la navigation, puisqu'au titre du capitaine, art. 19, elle permet au capitaine, pendant le cours du voyage, de prendre, en cas de besoin, des deniers à la grosse, ou de mettre des apparaux en gage, ou de vendre des marchandises de sa cargaison, à condition d'en payer le prix sur le pied que le reste sera vendu. Les deniers procédant de la marchandise ainsi vendue sont de véritables deniers prêtés pour les nécessités du navire. Le privilége est donc le même que celui accordé au donneur à la grosse. Ils doivent venir en concours. Valin, tom. 1.

L'Ordonnance, art. 16, titre de la saisie, place au troisième rang ceux qui auront prêté pour radoub, victuailles et équipement avant le départ.

En 1755, je fus consulté si le même rang devait être accordé pour bois et cordages fournis au navire avant le départ. Je répondis qu'oui; car peu importe qu'on ait prêté de l'argent, ou qu'on ait fourni les matériaux. Le cas du fournisseur a même quelque chose de plus favorable, puisque les fournitures ne sont pas équivoques; au lieu que l'utile emploi des deniers est toujours susceptible de quelque doute. Cette interprétation non est extensiva, sed intellectiva. Telle est notre jurisprudence.

Le même rang serait accordé aux ouvriers employés à la construction ou

Troisième rang. Donneurs avant le départ. Fournisseurs.

Ouvriers.

Quatrième rang.
Marchands char-

geurs.

Cinquième rang. Assureurs créanciers de la prime.

Sixième rang. Deniers laissés par renouvellement.

au radoub, si quelqu'un d'eux n'avait pas encore été payé. Ainsi jugé par arrêt rapporté dans Basnage, pag. 318. Vide infrà, sect. 7, § 2.

Le Consulat de la mer, ch. 56, dit que « si quelque marchandise chargée dans le navire et mentionnée dans le cartulaire, ne se trouve plus, le navire doit en payer la valeur, sans préjudice des salaires des mariniers. ›

Le ch. 61 ajoute que le patron ne doit point faire estiver les marchandises » en lieu humide, ni près des mâts, du timon, de la sentine, et autres en» droits où elles puissent recevoir du dommage. Si elles sont mouillées par » l'eau qui vient de la couverte, des murates, des mâts, de la sentine, du timon, ou autres ouvertures, ou pour n'avoir pas garni de planches néces› saires le fond de cale, le patron est tenu de tous les dommages qui en pro» cèdent. Si le patron est insolvable, le navire en répond, et ceux qui ont souffert » le dommage sont préférés à tous autres créanciers, excepté aux salaires de l'équi› page. ›

Le batel est obligé à la marchandise et la marchandise au batel. Réglement pour la navigation des rivières, art. 18, dans Cleirac, pag. 597.

Il semble que le privilége de ceux dont les marchandises ont été perdues ou avariées par une autre cause que par fortune de mer, devrait être mis le premier, même avant les matelots, attendu que pareilles pertes et dommages procèdent souvent du fait de l'équipage; et il paraîtrait bien plus convenable de donner aux marchands chargeurs le pas sur ceux qui ont prêté avant le départ, parce que les chargeurs ignorent les fournitures et les emprunts qui ont été faits dans le lieu de l'armement. Il a plu néanmoins à l'Ordonnance, art. 16, titre de la saisie, de ne placer les marchands chargeurs qu'au quatrième rang, quoique le Consulat les eût mis au second

L'Ordonnance, en l'endroit cité, ne détermine que quatre rangs de créançiers privilégiés; et quant aux créanciers chirographaires, dit-elle, et autres › non privilégiés, ils seront payés suivant les lois et coutumes des lieux où l'adjudication aura été faite.»

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Remarquez que l'Ordonnance ne dit pas qu'il n'y aura que quatre rangs de créanciers privilégiés. Sa disposition n'est ni taxative, ni exclusive. Il est donc permis d'ajouter, après les susnommés, d'autres créanciers, s'il en est qui soient au cas d'avoir privilége sur le navire. Tels sont les assureurs sur le corps, à qui la prime n'a pas été payée. Je crois qu'on doit les placer au cinquième rang. Valin sur l'art. 16, titre de la saisie des vaisseaux, tom. 1. Vide mou Traité des assurances, ch. 3, sect. 8.

Le Guidon de la mer, ch. 19, art. 2, parle du renouage, c'est-à-dire des

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