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cédules d'argent à profit, continuées de voyage en voyage. Telles novations, dit-il, n'obtiennent le privilége d'être portées par spéciale hypothèque sur les deniers du voyage; ains sont déclarées puisnées de toutes. Si le marchand prend tout le profit de chaque navigation, et laisse son principal ez mains du » maître pour les voyages espérés à faire, cela sera bon, non au préjudice des bourgeois et victuailleurs, ni aussi de tous ceux qui actuellement baillent leurs deniers à profit..

D

L'art. 10, titre des contrats à la grosse, dit également que les deniers laissés › par renouvellement ou continuation, n'entreront point en concurrence avec les deniers actuellement fournis pour le même voyage. »

Par la manière dont cet art. 10 est conçu, et par la relation qu'il a avec le Guidon de la mer, je crois que le créancier des deniers laissés par renouvellement doit avoir un privilége qui soit déclaré le puisné de tous, et qui ne nuise en rien aux bourgeois propriétaires du navire, à moins qu'ils n'eussent ratifié le renouvellement fait par leur capitaine.

L'allége Saint-Jacques, armé à Arles par des propriétaires domiciliés à Arles, était commandé par le capitaine Jean Durand, et faisait le petit cabotage. Le 21 février 1764, cet allége se trouvait à Marseille. Le capitaine prit du sieur André Raoul, ancien commissaire de la marine, la somme de 150 liv. sur le corps, pour un an, au change de vingt-quatre pour cent. Le 24 mars d'après, il prit de nouveau du sieur Raoul, sur le corps, la somme de 150 liv. pour un voyage de Marseille à Arles et d'Arles à Marseille, au change de cinq pour cent. Le 25 décembre suivant, il prit encore du sieur Raoul, pour un pareil voyage; la somme de 150 liv., au change de cinq pour cent sur le corps.

Aucune de ces trois sommes ne fut payée à l'échéance. Mais le change du total avait été payé exactement jusqu'au 21 septembre 1765. Le capitaine fut dérangé dans ses affaires. On lui ôta le commandement de l'allége. Le sieur Raoul présenta requête contre le patron Durand, en condamnation des 450 liv. dont il s'agissait, avec intérêts et dépens, et contre les propriétaires, en commune exécution.

Sentence rendue par l'amirauté d'Arles, le 23 décembre 1765, qui condamna le patron au paiement de 450 liv., avec le change maritime jusqu'au dernier voyage par lui fait, avec intérêts et dépens. La sentence fut déclarée commune et exécutoire contre les propriétaires, pour raison tant seulement des 150 liv. contenues dans la dernière écrite, etc.

Les propriétaires appelèrent de cette sentence. Le sieur Raoul vint me consulter. Je lui répondis qu'on avait eu raison de rejeter sa demande en com76

TOM. II.

Septième rang.

Vendeur.

mune exécution, au sujet des deux premiers billets de grosse, et qu'on n'aurait pas dû lui accorder cette commune exécution, au sujet du dernier billet; car depuis le 15 décembre 1764, l'allége avait fait divers voyages. Par conséquent, les armateurs n'étaient plus responsables des obligations contractées par le patron. Le sieur Raoul suivit mon avis. Il acquiesça à la sentence, et se départit du chef qui lui était favorable.

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M. Valin, sur l'art. 10, titre des contrats à la grosse, dit qu'il n'y a que » ceux qui n'ont pas prévu la conséquence de cet article qui puissent se trouver » dans le cas. Tout autre, au lieu de renouveler le prêt fait pour un premier voyage, aura soin de faire un nouveau contrat pour le second voyage, après » avoir quittancé le premier contrat. » Cet auteur n'a garde d'autoriser une pareille pratique, qui n'est que trop ordinaire. Ceux qui la mettent en œuvre se rendent coupables de fausseté, et méritent d'être punis sévèrement.

L'art, 17, titre de la saisie, place le vendeur parmi les créanciers privilégiés sur le navire qui n'a point encore mis à la voile. Mais l'art. 16 du même titre, en déterminant l'ordre des créanciers privilégiés sur le navire qui revient de voyage, ne dit pas le mot du vendeur.

Cependant, par le droit commun du royaume, par le Statut de Marseille, pag. 580, et par la délibération de notre chambre de commerce, de 1750, homologuée au Parlement d'Aix, le vendeur à crédit peut réclamer la chose vendue, qu'il trouve extante et en nature entre les mains de l'acheteur, pour s'y payer de ce qui lui est dû, à l'exclusion des autres créanciers.

Le vendeur d'un navire dont le prix est encore dû, peut donc le réclamer par droit de suite, pour s'y payer par privilége, pourvu qu'il cède le pas aux créanciers déclarés privilégiés par l'art. 16 que je viens de citer. Il répugncrait aux règles les plus triviales que le vendeur à crédit d'un navire qui revient de voyage, fût exclu par des créanciers simplement hypothécaires, ou qu'il fût forcé de venir en concours avec des chirographaires, dont les titres sont étrangers à la navigation.

privilége du vendeur a touc'est-à-dire par les créanciers

Ce cas s'est souvent présenté parmi nous. Le jours été reconnu par les créanciers externés, dont les titres n'ont aucune relation directe au navire. Mais les matelots, ceux qui ont prêté pour les nécessités du vaisseau pendant le voyage, ceux qui ont prêté pour radoub, victuailles et équipement avant le départ, et les marchands chargeurs, sont préférés au vendeur. Le navire, en mettant à la voile sous le nom et les risques du nouveau propriétaire, cesse d'être affecté aux

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créanciers du vendeur; à plus forte raison, il cesse dès lors d'être affecté au vendeur lui-même, sauf les droits qui dérivent des règles générales.

CONFÉRENCE.

LXIII. L'art. 191 a fixé au sixième rang des priviléges les gages et loyers du capitaine et autres gens de l'équipage employés au dernier voyage.

Il a fixé au septième rang des priviléges le remboursement des sommes prêtées pour les besoins du bâtiment pendant le dernier voyage, et le remboursement du prix des marchandises par lui vendues pour le même objet.

Nous avons vu, à la section précédente, que, par cet art. 191, les sommes prêtées à la grosse avant le départ sont fixées au neuvième rang, et au huitième rang les sommes dues au vendeur, aux fournisseurs et ouvriers employés à la construction, si le navire n'a point encore fait de voyage, etc.

Mais si le navire a déjà navigué, le vendeur lui-même perd-il son privilége? Le nouveau Code de commerce, comme l'Ordonnance de la marine, en déterminant l'ordre des créanciers privilégiés sur le navire qui revient de voyage, ne dit pas le mot du vendeur.

Valin, sur l'art. 17, tit. 14, liv. 1, de l'Ordonnance, est d'avis que le navire demeure toujours affecté par privilége pour le reste du prix de la vente, quelque voyage que l'acquéreur lui ait fait faire. Emérigon, comme on vient de le voir au texte, pense, au contraire, que le vendeur perd son rang à l'égard de tous les créanciers privilégiés, mais qu'il conserve son privilége à l'égard des créanciers qui ne le sont pas; en un mot, qu'il est primé par tous les privilégiés, mais qu'il prime tous les autres.

Il est impossible, selon nous, ainsi que nous l'avons fait voir, tom. 1, pag. 122 et suivantes de notre Cours de droit maritime, d'adopter aujourd'hui l'une ou l'autre opinion de ces deux célèbres jurisconsultes. D'abord, les créanciers qui viennent ensuite de la vente, et pour le voyage du navire, tirent tout leur droit du voyage qui a été fait. Quand ils ont prêté ou fourni, ils ont présumé le navire payé; sans cela, sans doute, ils n'eussent point risqué leurs fonds. D'un autre côté, ces opinions ne peuvent se concilier avec l'art. 191, qui, en énumérant avec soin les créances que la loi regarde comme privilégiées, décide par là implicitement que les autres ne jouissent d'aucune préférence; ni avec l'art. 190, qui porte qu'il n'y a de préférence que pour les créances que la loi déclare privilégiées; ni enfin avec l'article 193, qui déclare tous les priviléges éteints, lorsque le navire a fait un voyage en mer, sous le nom et aux risques de l'acquéreur. Dans ce cas, le vendeur est en faute de n'avoir pas mis opposition au départ du navire, pour conserver sa créance et son privilége: il ne peut donc venir que par contribution avec les autres créanciers non privilégiés.

L'art. 191 met au dixième rang des priviléges le montant des primes d'assurance faites sur le corps, quille, agrès, apparaux, et sur armement et équipement du navire, dues pour le dernier voyage.

Enfin, sont placés au onzième rang des priviléges les dommages-intérêts dus aux affréteurs, pour le défaut de délivrance des marchandises qu'ils ont chargées, ou pour remboursement des avaries souffertes par lesdites marchandises, par la faute du capitaine ou de l'équipage.

Il ne faut pas oublier que la loi ajoute: « Les créanciers compris dans chacun des nu»méros du présent article (191) viendront en concurrence, et au marc le franc, en cas d'in» suffisance du prix. »

Le nouveau Code de commerce n'a rien changé aux principes établis par Emérigon, relativement aux deniers laissés par renouvellement. L'art. 323 veut que « les emprunts faits pour » le dernier voyage d'un navire soient remboursés par préférence aux sommes prêtées pour » un précédent voyage, quand même il serait déclaré qu'elles sont laissées par continuation » ou renouvellement. » Ainsi, les deniers laissés par continuation ou renouvellement sont également privilégiés, mais ils ne viennent qu'après toutes les sommes empruntées pour le dernier voyage.

Premier rang.

Frais de déchargement, etc.

Second rang.

Nolis et avaries

générales.

Troisième rang.

Fournitures particulières faites pen

SECTION V.

Rang des priviléges sur les facultés.

La loi 6, § 2, ff qui potior in pign., met au premier rang les frais de déchargement, voiture et magasinage dus par les effets débarqués: Si merces horreorum, vel areæ, vel vecturæ jumentorum debetur, hic potentior erit. Au second rang, le capitaine doit être rangé sur le produit des facultés, pour le paiement des nolis et avaries générales. Art. 24, titre du fret. Art. 21, titre des contrats à la grosse et titre du jet. Kuricke, quest. 11. Ipsum naulum potentius est, dit la loi 6, § 1, ff qui potior in pign.

Si, pendant le cours du voyage, le chargeur avait eu besoin d'argent pour sauver ou réparer sa marchandise, le fournisseur aurait. un privilége après dant le cours du le nolis et les avaries grosses: Si quis in merces sibi obligatas crediderit, ut salva fiant. D. leg. 6, § 1.

voyage pour sauver

la chose.

Quatrième rang.

Donneurs avant le départ.

Donneurs dans un lieu de relâche,

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Tous ceux qui, avant le départ du navire, ont donné sur le chargement ou sur la pacotille, viennent en concours. L'art. 7, titre des contrats à la grosse, sans distinguer les dates des contrats, leur accorde un égal privilége. Vide suprà, ch. 5, sect. 1, § 2.

Si, dans un lieu de relâche, le marchand prend des deniers à la grosse pour augmenter sa pacotille, les seconds donneurs ne seront pas préférés aux premiers. Les uns et les autres viendront en concours, parce que l'argent pris pendant le cours du voyage n'a pas eu pour objet la conservation de la masse commune Si diversi creditores mercatori, sub obligatione mercium navi illatorum, pecuniam nauticam dederint, nullum inter eos esse prælationis jus, ratione

temporis, sed omnes pares haberi, ac simul concurrere, communis est jurisconsultorum opinio; quam etiam in foro mercatorio ità in usu esse, ex relatione fide' dignâ quorumdam celebrium mercatorum compertum habeo, quorum fidem sequor. Kuricke, quest. 25, pag. 880. Loccenius, lib. 2, cap. 6, no. 8, pag. 993. Vinnius, ad leges rhodias, pag. 95. Marquardus, lib. 2, cap. 8, no. 79.

Le privilége du donneur à la grosse est de droit public: Ad summam rempublicam navium exercitio pertinet. Loi 1, § 20, ff de exercit. act. Ce privilége doit donc l'emporter sur celui qui est accordé au vendeur non payé du prix de sa marchandise.

Vous achetez à crédit des effets que vous chargez dans un navire, et vous prenez à la grosse des deniers sur ces mêmes effets. Dès ce moment, les effets chargés deviennent le gage du donneur, qui n'a fourni ses deniers que sur la foi de la marchandise chargée : Merci magis quàm tibi credidit. Loi 5, S 15, ff de tribut. act. Le Statut de Marseille, quelque favorable qu'il soit au vendeur non payé du prix, défère cependant droit de gage au donneur à la grosse. C'est au liv. 3, ch. 5, de pignore dato in navibus pro aliquâ pecuniâ, pag. 375.

On a vu ci-dessus, ch. 4, sect. 6, que l'infidélité du preneur ne nuit pas au donneur qui a suivi la foi publique. L'art. 7, titre des contrats à la grosse, en accordant le privilége à celui qui a fourni les deniers pour faire le chargement, ne le soumet pas à prouver l'utile emploi. Il suffit que le chargement ait été fait, pour que ce chargement soit soumis au privilége du donneur, et devienne son gage.

L'art. 17, titre de la saisie, où il s'agit du navire qui n'a point encore fait de voyage, met le vendeur au rang des privilégiés, et le fait passer avant ceux qui ont donné des deniers à la grosse sur le corps, parce que le risque sur le corps n'aurait commencé que du moment que le navire eût mis à la voile. Mais le risque des marchandises a commencé dès qu'elles ont été chargées. Le droit de gage des donneurs a été formé par le seul envoi des marchandises à bord, tout comme le droit de gage des donneurs sur le corps est formé dès le départ du navire. Or, puisque le vendeur du navire qui a mis à la voile est exclu par les donneurs sur le corps, le vendeur des marchandises chargées doit être exclu par les donneurs sur facultés.

Ainsi, je ne puis que désapprouver une sentence que notre tribunal du sénéchal rendit le 20 août 1777, dans l'instance bénéficiaire des héritiers du capitaine Orange, par laquelle, au préjudice des donneurs à la grosse sur facultés, elle accorda aux sieurs Ferreol et Bignan un privilége absolu et ex

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