Page images
PDF
EPUB

lege, aux principal et intérêts de l'argent donné sur le corps; et le chargement, au paiement des deniers pris pour le faire. Ce privilége est réel et particulier sur la chose qui y est affectée. Il dérive de la quasi-propriété dévolue au donneur, lequel, en réclamant son paiement sur le navire ou sur la cargaison, revendique la chose qui déjà lui appartenait en quelque manière, par la nature de son contrat. Il avait prêté au navire ou à la cargaison, merci credidit. Il peut donc s'adresser directement à la chose même, laquelle ne saurait remplir l'engagement contracté, si elle est enclavée dans une instance d'ordre.

Le navire d'un failli arrive. Une instance d'ordre est ouverte. Il faudrait donc, suivant le systême que je combattais, que le fermier, pour le droit du domaine; les matelots, pour leurs salaires; le bureau des classes, pour les invalides, se fissent ranger dans l'instance d'ordre. Cela n'est pas proposable, parce que c'est le navire qui doit les salaires, et que c'est la cargaison qui doit les droits du domaine, ceux de la chambre, etc.

Or, si, dans tous ces cas, il s'opère une distraction, ou plutôt si le navire et la cargaison ne sont jamais entrés dans l'instance générale, la même règle doit être observée vis-à-vis de ceux qui ont un privilége de même nature que celui de l'équipage; car l'art. 16, titre de la saisie des vaisseaux, se borne à régler les préférences, sans dénaturer les priviléges.

Autre arrêt. En 1771, le capitaine Jean-Baptiste Mourardou arma le senaut la Vierge de Grâce. Il reçut à la grosse, sur corps, 500 liv. du sieur André Raoul; 1,000 liv. du sieur Jean-Pierre Plasse, et 1,000 liv. du sieur Jean-Baptiste Fabre.

Il céda à ces deux derniers un intérêt sur une pacotille, et il prit à la grosse sur facultés diverses sommes, des sieurs Jacques Ventre, Jean-Pierre Franc, Fodrin et Bourlier, et François Gilles. Il partit de Marseille. Il arriva à Satalie, en Caramanie. Toutes les marchandises concernant sa cargaison, sa pacotille, et ses contrats en participation, furent confondues. Il en vendit une grande partie qu'il convertit en marchandises du pays, sans distinguer dans son livre le cours de chaque article. Il continua sa caravane jusqu'à Damiette. Il revint à Satalie, où, le 30 mars 1772, il mourut de la peste.

Le capitaine en second ramena le navire à Marseille, avec partie des retraits. Le reste fut laissé entre les mains des sieurs Roubin, Provençal et compagnie, qui en envoyèrent le produit par le capitaine Dauphin. Claire Bourelly, veuve du défunt, fut nommée tutrice de ses enfans pupilles. Elle prit l'hérédité par bénéfice d'inventaire. Les donneurs requirent que le senaut et

les marchandises fussent distraits du bénéfice d'inventaire, et que le tout leur fût adjugé par privilége, relativement à leurs droits respectifs.

Sentence rendue par le tribunal du sénéchal de Marseille, le 17 juillet 1776, qui ordonna que le senaut la Vierge de Grâce serait distrait et séparé des › biens de l'hoirie de Jean-Baptiste Mourardou, pour, sur le produit d'icelui, » les sieurs Ravel, Plasse et Fabre, être payés des sommes par eux données » sur le corps, du change maritime, intérêts de terre et dépens.

D

Cette sentence rejeta la demande des donneurs sur facultés, aussi bien que celle que les sieurs Plasse et Fabre avaient formée, en leur qualité d'associés à la pacotille du capitaine, attendu que les retraits arrivés à Marseille se trouvaient confondus les uns avec les autres. Ce motif n'était pas légal; car la totalité des retraits concernant le capitaine, était soumise au privilége des donneurs sur facultés. Ceux-ci appelèrent de la sentence. Les sieurs Plasse et Fabre, en leur qualité d'associés à la pacotille, en appelèrent également.

Arrêt du 6 juin 1778, au rapport de M. de Beauval, qui, réformant la sentence, quant à ce, ordonna que le produit des retraits serait distrait de » l'instance bénéficiaire des héritiers Mourardou, pour être distribué aux donneurs sur facultés, jusqu'à la concurrence des sommes principales, change

D

› maritime, intérêts de terre, et dépens dus à chacun d'eux; et le restant › du susdit produit, est-il ajouté, sera distribué auxdits Fabre et Plasse, jus› qu'à la concurrence des sommes à eux dues, pour leur intérêt aux pacotilles du capitaine Mourardou, en principal, intérêts de terre et dépens,

[ocr errors]

» sauf auxdits Fabre et Plasse de faire valoir, contre les héritiers, tous autres plus grands droits qui pourront leur compéter, etc. »

CONFÉRENCE,

LXV. Nous avons traité de la revendication en matière commerciale, dans notre ouvrage sur les faillites et banqueroutes, tom. 2, pag. 328 et suivantes.

Il n'y a pas de doute que tous les objets qui ont concouru à la construction du navire ne puissent être revendiqués. Mais quant aux matériaux qui peuvent être détachés du navire sans l'anéantir, comme les ancres, mâts, cordages, voiles, rames, les fournisseurs peuvent les réclamer par l'action ad exhibendum.

Il est encore de principe que si les biens du débiteur sont mis en discussion générale, les créanciers ont le droit de requérir la distraction des effets soumis à leur privilége. Il ne serait pas juste, en effet, que je fusse obligé de suivre une instance générale, et de voir absorber en frais la chose qui doit me revenir propre, par un privilége particulier qui me donne une action réelle de quasi-propriété.

Par exemple, le navire d'un failli arrive, sur lequel j'avais prêté de l'argent à la grosse. Une

instance d'ordre est ouverte de tous ses biens. Comme mon privilége est réel et particulier sur ce navire, j'ai le droit, en réclamant mon paiement, d'en faire la revendication. Tous ceux qui ont un privilége de même nature que moi doivent observer la même règle. L'art. 191 se borne à régler les préférences, sans dénaturer les priviléges.

Il en est de même en matière de société. Les créanciers de deux sociétés différentes, quoique les associés soient les mêmes personnes, ont un privilége respectif sur les effets de chaque société. Il se forme deux ordres de distribution ou de discussion, parce que les créanciers respectifs ont plutôt contracté avec la société de commerce qu'avec la personne même, ainsi que l'observe Emérigon.

SECTION VII.

Concours des créanciers sur les débris du navire naufragé et sur les assurances.

LES frais de sauvetage sont préférés à tous créanciers, et doivent être prèalablement pris sur le tout. Art. 24 et 26, titre des naufrages. Art. 35, titre des assurances. Vide mon Traité des assurances, ch. 17, sect. 7, § 4.

S

Après les frais de sauvetage, le produit des débris est affecté aux salaires des matelots. Vide mon Traité des assurances, ch. 17, sect. 11.

Après le paiement des frais de sauvetage et des salaires, le produit des débris, s'il en reste, sera distribué aux autres créanciers, suivant l'ordre prescrit par l'art. 16, titre de la saisie.

§ 1. Frais de sauvetage.

Salaires des mate

lots.

Autres créanciers.

Dans mon Traité des assurances, ch. 17, sect. 9 et 11, j'ai parlé du privilége Privilége sur le fret. qui compète sur le fret aux matelots et aux donneurs à la grosse.

[ocr errors]
[ocr errors]

M. Valin, art. 3, titre des prescriptions, s'explique en ces termes : Lorsque, dit-il, la solvabilité du propriétaire du vaisseau mis à la voile devient suspecte, les fournisseurs et ouvriers demandent qu'il ait à déclarer s'il a fait › assurer le vaisseau, et jusqu'à quelle somme, et qu'il ait à déposer la police d'assurance au greffe de l'amirauté, à l'effet qu'en cas de perte du navire, ils puissent exercer le privilége de leurs créances sur le recouvrement » de l'assurance; sinon, et en cas de non assurance, qu'il leur soit permis » de faire assurer le navire jusqu'à concurrence de leur dû, leur privilége toujours conservé, tant sur le navire que sur le montant de l'assurance. Et > ces précautions ou sûretés, il est d'usage à l'amirauté de les leur accorder, » le débiteur étant en demeure de payer, n'étant pas juste qu'il leur fît courir

[ocr errors]

§ 2. Privilége sur les

assurances.

[ocr errors]

le risque de la perte de leur dû, ou du moins de la majeure partie, faute ⚫ d'assurance sur le navire, au cas qu'il vînt à périr......... Ces mêmes pré› cautions, au reste, à prendre de la part des fournisseurs et ouvriers, ne » me paraissent nécessaires, pour la translation du privilège sur le montant › de l'assurance, que lorsque le débiteur propriétaire, négligeant ou refusant › de faire assurer, ses créanciers privilégiés se font autoriser à faire assurer › en son lieu et place. De sorte que s'il a réellement fait assurer sans y avoir › été contraint, je ne doute nullement qu'en cas de perte du navire, les ou>vriers et fournisseurs n'aient droit d'exercer leur privilége sur le recouvrement d'assurance, tout comme s'ils avaient été autorisés à le faire eux> mêmes. Cependant, ajoute-t-il, par arrêt du Parlement de Bordeaux, rendu > au rapport de M. de Marboutin père, le 7 septembre 1758, entre les sieurs >> Courtés et Foussat, négocians en faillite, à eux joints les syndics de leurs › créanciers chirographaires, et les sieurs Duffoulier et Senet, syndics des › créanciers privilégiés, ce privilége, que j'attribue de droit aux fournisseurs » et ouvriers, par transmission ou subrogation sur le recouvrement d'assu›rance, a été rejeté, sur ce principe qu'il n'y a aucune loi qui autorise cette >> translation de privilége, et que tout privilége doit être fondé sur quelque loi. »

D

D

D

D

La décision de cet arrêt ne paraît pas juste à M. Valin, « sur-tout à Bor› deaux, où l'on tient, dit-il, pour maxime que le prix de la chose repré» sente tellement la chose, que le vendeur d'un meuble conserve son privilége sur le prix qui s'en trouve encore dû par un second acheteur. L'application de ce cas est si naturelle à celui de l'assurance du navire affecté › au privilége des marchands fournisseurs et des ouvriers, que l'on ne conçoit pas en quoi pourrait consister la raison de différence; car, enfin, le produit de l'assurance représente aussi essentiellement le navire, que le prix de la vente d'une chose représente cette chose. Il est vrai que cette › maxime du Parlement de Bordeaux n'est pas suivie dans le pays coutumier; » mais l'équité n'exige pas moins que le privilége des fournisseurs et ouvriers » soit transféré sur le recouvrement de l'assurance du navire, puisque c'est réellement leur chose qui a été asurée, au moyen de l'assurance du navire, ses agrès et apparaux. »

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Je réponds que dans le cas où il s'agit d'un objet particulier, le prix ne succède point à la chose: In particularibus, pretium non succedit loco rei. De Luca, de credito, disc. 35, n°. 55. Faber, def. 26, Cod. qui pot. in pign. Duperier, tom. 1, liv. 3, quest. 1. Code Julien, v°. discutio, 8. B. Ces auteurs se

fondent sur divers textes du droit. Loi 70, § 3, ff de legat., 2o. Loi 3, Cod. in quib. caus. pign. Il suit de ce principe que si l'acheteur à qui l'on a fait crédit a revendu aussi à crédit la marchandise achetée, et qu'elle ait cessé d'être extante et en nature, le vendeur primitif n'a aucun privilége sur le prix dû par le second acheteur, quoique ce prix procède de la chose qui lui avait été propre, et dont il n'a pas été payé. Telle est la jurisprudence constante du Parlement d'Aix. A plus forte raison, les fournisseurs et les ouvriers n'ont point de privilége sur les assurances d'un navire qui ne leur avait jamais appartenu. Car, comme dit Cujas sur la loi 6, § 8, ff commun. divid., il n'y a rien d'essentiellement commun entre le droit de gage et la propriété : Nihil commune habet pignus cum dominio.

En un mot, l'Ordonnance n'accorde aux ouvriers et fournisseurs le privilége que sur le navire. Par conséquent, ils n'en ont aucun sur les assurances, suivant la règle établie dans le préambule du présent chapitre. Si le navire était représenté par l'assurance, il faudrait que le privilége sur les sommes assurées fût accordé aux matelots et à tous les autres créanciers dont il est parlé dans l'art. 16, titre de la saisie. Par ce moyen, l'objet de l'assurance serait manqué. Vide suprà, ch. 4, sect. 11, § 5.

Si les effets perdus étaient représentés par la somme assurée, l'assurance devrait être représentée par la réassurance. Cependant on a vu suprà, tom. 1, que l'assuré primitif ne peut exercer, sur la réassurance, ni action directe ni privilége. Ainsi, la translation ou subrogation dont M. Valin parle n'est pas admissible.

Ce point ainsi éclairci, on peut résoudre certaines difficultés qui s'élèvent

sur cette matière.

Est-il bien vrai que les fournisseurs et les ouvriers soient en droit de demander au propriétaire du navire qui a mis à la voile, s'il a fait assurer le vaisseau, et jusqu'à quelle somme? Je crois que non. Ils auraient pu faire saisir le navire avant le départ; mais l'ayant laissé partir, il ne leur reste plus que l'action personnelle contre l'armateur et l'action de privilége sur le vaisseau. Le soin de faire des assurances regarde le propriétaire, et s'il est en faillite, ce soin regarde la masse générale des créanciers.

Si, avant sa faillite, il avait fait faire des assurances, elles seraient pour compte de la masse, sans que les fournisseurs et les ouvriers fussent fondés à les réclamer.

Si, dans un tems utile, le propriétaire avait cédé à un tiers les assurances faites avant se faillite, elles appartiendraient définitivement au cessionnaire,

[blocks in formation]
« PreviousContinue »