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ADDITIONS.

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prudent armateur se trouverait totalement ruiné par les faits d'un capitaine qu'il n'a pu surveiller à deux mille lieues de lui. La fortune la mieux assurée pourrait-elle résister à tant de déprédations possibles ?.... Pourrait-on dire, avec justice, que ce serait toujours la faute du propriétaire de n'avoir pas choisi un capitaine plus honnête homme, un préposé plus responsable? Mais le chargeur serait-il lui-même plus exempt de quelques reproches d'avoir confié ses marchandises à un tel capitaine? D'un autre côté, la nomination du capitaine n'est pas toujours l'œuvre de l'armateur, comme on vient de le voir. Le capitaine, dans le cours de la navigation, peut être remplacé par un autre........ Et l'on voudrait que cet armateur fût responsable des faits d'un remplaçant qui n'aurait jamais eu sa confiance, sans pouvoir être admis à faire abandon du navire et du fret!..... Encore une fois, une telle doctrine est non seulement contraire aux véritables principes, mais elle porterait encore le coup le plus mortel aux spéculations commerciales, et sur-tout aux armemens maritimes.

SECONDE ADDITION.

Nous avons ci-devant fait observer, dans notre conférence sur la sect. 7 du chap. 1, tom. 1, pag. 21, qu'il n'était pas permis à l'assuré de faire assurer de nouveau les effets qu'il avait déjà fait assurer, puisqu'il n'en courait plus de risque, et que cette seconde assurance était illégitime et nulle. ( Art. 559 du Code de commerce ). Les dispositions de cet article sont claires et précises, et leur application ne peut présenter de difficultés, chaque fois la double assurance a été faite dans les mêmes termes et pour le même voyage. que Mais que doit-on décider, lorsque la première assurance n'est que pour le voyage d'aller, et que la seconde assurance est faite pour l'aller et le retour, c'est-à-dire à prime liée ?

Par exemple, on assure une somme de 20,000 fr. sur une cargaison désignée pour le voyage de Paimbœuf à Bagotta et retour. La prime liée est fixée à cinq pour cent.

Au moment de ce contrat, l'assuré ne fait point connaître qu'il avait fait faire d'autres assurances sur la même cargaison.

Le bâtiment portant cette cargaison assurée fait son voyage d'aller sans accident. On effectue la vente; on charge les produits (d'une valeur de dix-huit à vingt pour cent), et le navire part pour faire son retour.

Mais en effectuant ce retour, la cargaison est entièrement perdue.

L'assuré se présente et demande les 20,000 fr. assurés pour l'aller et le retour, en faisant connaître, alors seulement, que précédemment il avait fait souscrire une autre police d'assurance sur la même cargaison, pour la même somme, mais pour l'aller, et non pour le retour.

Maintenant, l'assureur peut-il soutenir que sa police ayant été précédée d'une autre assurance qui absorbait la cargaison embarquée, la seconde n'avait plus d'objet et était devenue nulle; qu'elle ne peut plus renaître, et qu'il ne doit pas le remboursement de la perte éprouvée au retour?

Mais l'assuré ne pourrait-il pas répondre qu'il est bien vrai que la cargaison ne valait que 20,000 fr.; que sa première assurance, faite dans un autre port, était antérieure et annulait la seconde, qu'il a faite par erreur sur le même objet et pour une même somme; mais qu'elle ne l'annulait que pour le cas particulier où se trouvait le double emploi, c'est-à-dire pour le voyage d'aller, et qu'à cet égard, il doit le demi pour cent de ristourne ou d'indemnité, suivant l'art. 359? Quant au voyage de retour, qu'il n'y avait point de double assurance, et que le second contrat devait subsister sous ce rapport?

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L'hypothèse où nous raisonnons n'a point été prévue par les auteurs. Emérigon et Valin ont bien posé des principes généraux, mais ils n'ont point traité spécialement ce cas, qui se présente assez souvent devant les arbitres et les tribunaux.

Si la bonne foi est l'âme du commerce, c'est sur-tout en matière d'assurance, où l'assureur est toujours à la merci de l'assuré. D'un autre côté, dans les assurances, tout est absolument de rigueur, parce qu'elles sont de droit étroit.

Examinant, à l'aide de ces principes, les difficultés proposées, il nous semble d'abord qu'on ne doit pas faire de distinction là où la loi ne distingue pas. L'art. 559 exprime clairement que si le premier contrat assure l'entière valeur des effets chargés, il subsistera seul, et que les assureurs qui auront signé les contrats subséquens sur la même chose seront libérés; ce qui suppose l'annulation du second contrat. Le même article dit bien que si l'entière valeur des objets chargés n'est pas assurée par le premier contrat, les assureurs qui ont signé les contrats subséquens répondent de l'excédant, en suivant l'ordre de la date des contrats. Mais ce n'est pas ici la même espèce, puisque l'entière valeur des effets chargés a été assurée par le premier contrat.

Il est bien vrai que la première assurance ne portait que sur le voyage d'aller, et que la seconde portait, en outre, sur le voyage de retour, pendant lequel le sinistre est arrivé. D'où l'on conclut que si cette dernière est núlle dans sa première partie, c'est-àdire pour le voyage d'aller, elle doit néanmoins exister pour le voyage de retour.

Mais il faut bien faire attention que cette seconde assurance est une assurance à prime liée, qui ne saurait être divisée; qu'étant indivisible par sa nature, elle ne peut être annulée dans une partie et conserver sa force dans l'autre. « Lorsque l'assurance est faite » pour l'aller et le retour, la prime est appelée liée, dit Emérigon, parce que l'aller et le » retour sont liés, et ne forment qu'un voyage. » C'est donc un tout qui ne saurait défaillir par partie; c'est donc une assurance qui existe en son entier, ou qui n'existe point. La nullité portée par l'art. 359 frappe donc indistinctement, sans division, la seconde assurance faite à prime liée. ( Voyez Emérigon, assurances, chap. 3, sect. 2, § 4). Mais à ce motif puissant il faut en joindre un autre plus décisif sans doute, tiré de l'art. 348, qui concourrait encore à faire annuler en son entier l'assurance dont il s'agit. En effet, l'assuré connaissait parfaitement l'assurance qu'il avait souscrite antérieurement; et en ne la déclarant pas au second assureur, n'a-t-il pas commis une faute de réticence, qui, lors même qu'elle n'était pas frauduleuse, changeait le sujet du risque, et annulait la seconde assurance? « Dans le langage du barreau, observe M. Boucher, sur l'art. 348, on appelle réticence l'omission volontaire d'une chose qu'on devait dire. » On devait effectivement faire connaître la première assurance au second assureur, qui n'eût certainement point accepté le risque qui lui était offert, en voyant qu'il ne couvrirait que le voyage de retour, et qu'il n'aurait droit qu'à une prime au-dessous de celle qu'on stipulait. D'ailleurs, la connaissance de la première assurance dérangeait nécessairement tous les calculs du second assureur, qui, ne pouvant plus assurer le voyage d'aller,

n'aurait pas assuré, ou aurait exigé une plus forte prime pour le voyage de retour. L'assureur, mieux instruit, aurait envisagé les risques et le taux de la prime sous un autre point de vue. Le taux de la prime, comme les risques, dépend des circonstances des tems, des lieux et de la manière dont se présentent les événemens. L'assureur entendait courir les risques du voyage entier. La prime était stipulée en conséquence; et néanmoins, par une réticence volontaire, il se trouverait n'avoir couru que les risques du voyage de retour, et serait privé par là de l'entière prime qui était l'objet de ses stipulations. D'un autre côté, on sait qu'il y a des risques qui sont bien plus éminents et plus multipliés au retour que dans le voyage d'aller.

Alors, la prime de retour est toujours plus forte, suivant le péril présumé; et si l'assurance à prime liée ne pouvait valoir que pour le retour, le second assureur serait privé de l'avantage de la prime d'aller, qu'il avait compensée avec l'autre et confondue dans un seul tout.

En résumé, l'assurance est un contrat qui oblige chacun des contractans de ne rien dissimuler à l'autre de ce qu'il sait sur les choses qui font la matière du contrat. Cette dissimulation est un dol, dit M. de la Porte, sur l'art. 348. Les risques, ajoute-t-il, qui sont à courir sur les effets assurés étant un des principaux objets de ce contrat, chacune des parties ne doit rien céler à l'autre de tout ce qu'elle sait sur ce qui peut augmenter ou diminuer ces risques.

Enfin, toute réticence qui, comme dans l'espèce, change l'opinion ou le sujet du risque, annule l'assurance, d'après l'art. 548 du Code de commerce.

Il faut donc décider, selon nous, que ce second motif concourt avec le premier pour faire prononcer la nullité de la seconde assurance, dans l'hypothèse où nous raisonnons. Mais nous pensons, en même tems, que le second assureur a droit au demi pour cent de ristourne sur le montant de la somme assurée.

Du reste, si la doctrine que nous professons avait besoin d'être appuyée par des autorités, nous citerions les lois de nos voisins, sur-tout les lois maritimes des Anglais, qui sont plus sévères, s'il est possible, en matière de réticence. La moindre dissimulation vicie le contrat d'assurance et l'annule. (Voyez l'excellent Traité de William Benecke, sur les principes d'indemnités en matière d'assurance ).

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VOCABULAIRE,

ου

EXPLICATION DES PRINCIPAUX TERMES DE MARINE.

A

ABANDON. Ce mot a deux acceptions.

Dans l'une, il exprime l'action par laquelle un bâtiment près de périr entièrement, est abandonné par tout son équipage, qui cherche son salut, soit en s'embarquant dans ses chaloupes ou canots, soit en passant à bord d'un autre bâtiment qu'il est assez heureux pour rencontrer en mer, soit enfin en nageant vers la côte, lorsque le naufrage a lieu près de terre.

Dans la seconde acception, l'abandon est l'acte par lequel un assuré, en cas de prise, de naufrage, d'échouement avec bris, d'innavigabilité par fortune de mer, d'arrêt d'une puissance étrangère, ou d'arrêt de la part du gouvernement, après le voyage commencé, de perte ou détérioration des effets assurés, si la détérioration ou la perte va au moins à trois quarts, dénonce ces divers accidens aux assureurs, en déclarant qu'il leur délaisse ou cède purement et simplement la totalité des objets qu'ils ont assurés, et en les sommant d'en payer la valeur. Le mot d'abandon. délaissement est synonyme

ABORDAGE. Ce mot a plusieurs acceptions.

1o. C'est l'action de prendre terre: on aborde à la côte, au rivage, dans une île.

2°. Abordage est l'action par laquelle un vaisseau s'approche d'un autre vaisseau, en se plaçant le long du bord de celui-ci pour lui parler. En ce sens il est synonyme d'accoster.

Dans les combats de mer, on nomme abordage l'action par laquelle on monte par force dans un bâtiment. Ainsi, on dit aller à l'abordage, prendre à l'abordage.

3°. L'abordage est le choc ou le heurt de deux bâtimens. Les vaisseaux ont des fanaux allumés pendant la nuit pour éviter les abordages.

BATTRE. Employé avec le pronom personnel, s'abattre,
TOM. II.

et accompagné du mot vent, le vent s'abat, s'est abattu, veut dire qu'il s'appaise, qu'il s'est appaisé.

Le même mot, sans pronom personnel et suivi du mot bâtiment ou navire, abattre un bâtiment, exprime l'idée de le faire coucher, retourner ou virer sur un côté, et quelquefois sur les deux côtés successivement, pour réparer, calfater, etc., sa carène. Cette opération n'est praticable que dans un port ou lieu à couvert des coups de mer ou de vent.

ABEAUSIR, S'ABEAUSIR, S'AFFINER, se disent lorsque
les nuages qui couvraient le ciel ou l'atmosphère com-
mencent à se dissiper.

ACCOSTER. (Voyez ABORDER ).
ACCALMER (S'), se dit lorsque le vent et la mer s'appai-
sent; lorsqu'une tempête cesse instantanément.
ACCASTILLAGE, ou mieux ENCASTILLAGE, et encore
OEUVRE MORTE, signifie la partie du bâtiment qui est
hors de l'eau.

ACCORE se dit d'une côte escarpée.

ACCOTÉ, navire qui s'appuie fortement, et d'une manière inquiétante, sur un côté, lorsque l'inclinaison est occasionnée soit par la violence du vent, soit par une mauvaise manœuvre.

ACCULÉ, bâtiment qui enfonce beaucoup l'arrière dans les eaux de la mer. Cet enfoncement est un effet du tungage, c'est-à-dire du balancement du navire de l'avant à l'arrière et de l'arrière à l'avant. Par opposition à acculé, on dit qu'un navire tangue sur l'acure, lorsqu'il enfonce trop dans l'eau par son avant. Un navire qui tangue rudement est sujet à démâter.

On dit encore roulis par opposition à tangage. Le roulis est le balancement d'un bâtiment d'un bord sur l'autre, ou de droite à gauche et de gauche à droite. 84

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