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› des assurés, l'assurance demeurera nulle, et l'assureur restituera la prime, , à la réserve de demi pour cent. »

Casaregis, d. disc. 67, rapporte un jugement de la Rote de Gênes, dont voici les circonstances: Une assurance avait été faite pour un voyage de Gênes à Alicante, et de retour à Gênes. Le navire, au lieu de prendre ses expéditions pour Alicante, les prit pour Barcelonne, où il arriva, et y déchargea ses marchandises. A son retour, il fut pris par les ennemis. La Rote de Gênes déchargea les assureurs de payer la perte, quoique le navire eût été pris dans les limites du voyage assuré, parce que ce voyage avait été rompu.

Ce n'est pas ici le cas du voyage raccourci, ni du voyage alongé, de quoi je parlerai bientôt; mais bien du voyage rompu avant le départ. La chose s'éclaircira encore mieux par un autre exemple.

En 1756, le capitaine Terrasson, commandant la barque la Vierge de la Garde, fréta son navire à des marchands turcs, pour un voyage de Smyrne jusqu'à Tunis, et donna ordre à son commissionnaire à Marseille de faire faire sur le corps des assurances pour son compte.

Les nolisataires ayant appris que la régence d'Alger avait déclaré la guerre à celle de Tunis, refusèrent de tenir leur engagement. Il fut dissous. Terrasson fréta sa barque aux sieurs Fléchon frères, de Smyrne, pour un voyage à Alexandrette.

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Le sieur Joseph Guérin, correspondant de Terrasson, se conformant aux ordres qu'il avait reçus, et n'étant point instruit de la rupture du nolissement contracté avec les marchands turcs, fit assurer à Marseille, sur le corps de la barque, 5,700 liv. pour compte de Terrasson, de sortie de Smyrne jusqu'à Tunis, et de là à Marseille, touchant et faisant échelle en tous les lieux que , bon semblerait au capitaine, à lui permis de dérouter et de rétrograder. Terrasson partit de Smyrne. Il arriva à Alexandrette, où il débarqua les marchandises de Fléchon frères. Il fut ensuite en Chypre, où il se nolisa pour Alexandrie d'Egypte. Il fit faire sur le corps 4,000 liv. d'assurance pour son compte, de sortie d'Alexandrie d'Egypte jusqu'à Smyrne. Arrivé de nouveau à Smyrne, il fit faire sur le corps 1,000 piastres d'assurance pour son compte, de sortie de Smyrne jusqu'à Mételin, et de là à Marseille.

Arrivé à Marseille, il présenta requête contre les assureurs de la première police, en restitution de la prime.

Ils opposaient que, l'assurance par eux souscrite ayant été faite de sortie de Smyrne jusqu'à Tunis, et de là à Marseille, il suffisait que la barque fût sortie

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de Smyrne, pour que le risque eût commencé, et que la prime leur fût acquise.

Consulté sur cette question, je répondis que les assureurs devaient rendre la prime, sous la déduction du droit de signature. Le voyage assuré était de Smyrne jusqu'à Tunis, et de là à Marseille; mais le voyage réel fut de Smyrne jusqu'à Alexandrette. Il ne s'agissait donc ici ni d'un voyage alongé, ni d'un voyage raccourci, mais bien d'un voyage changé et rompu dans son principe. L'assurance était donc devenue caduque.

Troisième exemple. Le sieur André Michel avait fait assurer 1,200 liv., de sortie du Levant jusqu'à Marseille, sur corps et facultés de la pinque le Requin. Cette pinque était à Smyrne. Au lieu de faire voile pour Marseille, elle alla prendre à Salonique un chargement de cendre. Elle portait ce chargement à Smyrne, lorsqu'elle naufragea près de Scio. Sentence arbitrale du 2 mai 1763, rendue par MM. le Jeans, Richard et moi, qui mîmes le sieur Remuzat, assureur, hors de Cour et de procès.

Quatrième exemple. En 1767, Joseph Davin s'était fait assurer 2,100 liv., de sortie de Constantinople jusqu'à Marseille, sur les facultés de la barque l'Entreprenante, capitaine Charles - Roux Tropez. Cette barque fut expédiée de Constantinople pour Smyrne, d'où elle devait, disait-on, venir à Marseille, Elle fit naufrage. Procès entre l'assuré et le sieur Orgeas, assureur. Deux arbitres furent nommés. Ils furent partagés en opinion. En qualité d'arbitre tiers, je donnai gain de cause à l'assureur, à qui on demandait le paiement de la perte, et en même tems je décidai qu'il devait rendre la prime, parce que le voyage assuré n'avait jamais eu lieu. Vide infrà, sect. 14, où je parle du voyage changé.

CONFÉRENCE.

CLXVIII. De ce que le contrat d'assurance est essentiellement conditionnel, lorsque surtout l'assurance est faite avant que la chose assurée soit mise en risque, il suit que l'événement de la condition est facultatif à l'assuré. Ainsi, si par quelque accident, ou par sa propre volonté, la marchandise n'est pas embarquée, ou si le navire assuré ne part point, il y a lieu au ristourne, c'est-à-dire à l'annulation du contrat d'assurance, et l'assureur est tenu de restituer la prime, s'il l'a reçue. Il lui est seulement alloué demi pour cent de la somme assurée, à titre d'indemnité. (Voyez art. 16 du Réglement d'Anvers; art. 22 du Réglement d'Amsterdam; art. 37 de l'Ordonnance de la marine, titre des assurances, et art. 349 du Code de commerce).

Les auteurs italiens, tout en convenant que l'assurance est un contrat conditionnel, soutiennent cependant qu'il n'est pas permis aux assurés de rompre l'assurance par leur propre

fait. Mais cette doctrine n'est point admise parmi nous. Il suffit de la simple volonté de l'assuré pour rompre l'assurance avant le départ. L'intérêt du commerce exige qu'un négociant demeure libre d'abandonner des spéculations projetées, et qui, par l'exécution, pourraient devenir ruineuses. C'est d'ailleurs ici une espèce d'obligation de faire, dont parle le Code civil. Or, il est de l'essence de ces sortes d'engagemens que le débiteur ne puisse pas être contraint de les exécuter, à la charge, néanmoins, d'indemniser l'autre partie. (Voyez l'art. 1142 da Code civil; voyez d'ailleurs Pothier, des assurances, no. 179, et Valin sur l'art. 37 de l'Ordonnance, titre des assurances ).

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Ainsi, il suit de ce que nous venons de faire observer, que toutes les fois que le voyage est rompu avant le départ, c'est-à-dire avant le voyage assuré commencé, même par le fait do l'assuré, l'assurance est annulée, et l'assureur ne reçoit qu'une indemnité de demi pour cent et rend la prime, s'il l'a reçue.

Mais ce principe ne s'applique point au cas où l'on fait assurer des marchandises qui ne sont point embarquées dans le navire, et où l'on attend l'heureux retour de ce navire pour déclarer aux assureurs qu'on n'avait point chargé de marchandises, et que, par conséquent, on n'avait aucune prime à payer. Dans ce cas, on doit être déclaré non recevable pour se dispenser de payer la prime stipulée, ou pour en réclamer la destitution: Nemo auditur allegans propriam turpitudinem. On doit, au surplus, subir les peines que méritent ceux qui font faire des assurances, après l'événement couru, ou qui, par fraude, font assurer des effets au-delà de leur valeur. (Argument de l'art. 357 du Code de commerce).

Le demi pour cent ne serait pas également dû aux assureurs, si l'assurance était annulée par raison d'une clause prohibée, comme dans les cas des art. 347, 365, et dans les cas de fraude. Il faudrait distinguer : si le motif qui donne lieu à la nullité était ou devait être connu des assureurs, ils n'ont rien à prétendre: Ex delicto suo nemo potest argumentare. Dans le cas contraire, le demi pour cent leur est dû.

Du reste, l'assureur ne saurait réclamer pour le paiement de son indemnité de demi pour cent, le privilége établi pour la prime par l'art. 191, n°. 10, du Code de commerce. Il en doit être ici comme du cas où le demi-fret est dû. Il ne s'agit, dans les deux cas, que d'une indemnité pure et simple, qui ne peut donner qu'une action personnelle, et jamais le jus in re. -(Voyez Valin sur l'art. 24, titre du fret).

Pothier, n°. 181, des assurances, fait plusieurs distinctions relativement au demi pour cent dû à l'assureur; mais il faut observer avec M. Estrangin que la loi nouvelle, art. 349, comme l'ancienne Ordonnance, art. 37, titre des assurances, n'est point entrée dans toutes ces distinctions. Elle a établi, en effet, une règle simple et générale, et la jurisprudence, conforme à la loi, soumet l'assuré à payer le demi pour cent toutes les fois que le voyage est rompu avant le départ, pour quelque cause que ce soit.

Il faut faire remarquer ici, avec M. Estrangin, que si les expéditions du navire sont pour tel voyage, et que le contrat d'assurance en indique un autre, il y a fausse désignation. Si la désignation du voyage du navire est, lors du contrat, conforme au voyage assuré, et qu'ensuite, forcément ou volontairement, avant le risque commencé, l'intéressé prenne des expéditions pour un autre voyage, il y a rupture de voyage. Dans l'un et l'autre cas, le voyage as

suré ne concorde pas avec le voyage légal du navire; le contrat est sans effet, et il y a lieu au paiement du demi pour cent aux assureurs, pour droit de ristourne.

On sait que le voyage légal du navire est celui déterminé par les expéditions, et le voyage réel est celui que le navire accomplit effectivement. On sait également que le voyage tant légal que réel du navire doit concorder avec le navire assuré.

Il y a de même rupture du voyage, si, après les risques commencés, les intéressés prennent d'autres expéditions; mais dans ce cas, la prime entière est acquise à l'assureur, et si la rupture n'est pas forcée, il est déchargé de tous risques ultérieurs.

$1.

Marchandise char aprés remise à terre.

gée, et un moment

SECTION XII.

Voyage raccourci.

ON a vu ci-dessus, ch. 3, sect. 1, que l'assurance aura son effet entier, et que l'assureur ne sera pas tenu de restituer la prime, si le voyage dure moins ou si le voyage est seulement raccourci. Art. 35 et 36, titre des assurances, de l'Ordonnance.

Tout cela est vrai, pourvu que, dans le principe, le voyage assuré n'ait pas été rompu par un changement de destination, ainsi qu'on vient de le voir dans la section précédente.

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Divers auteurs disent que si, par force majeure, la marchandise chargée est remise à terre, dans le lieu même du chargement, sans le fait ni la faute de l'assuré, la prime n'est pas due. Kuricke, diatr., no. 2, pag. 835. Roccus, not. 15. Santerna, part. 3, n°. 22. Casaregis, disc. 1, n°. 51; disc. 62, n°. 5.

Cela est bon si, par un pacte spécial, le risque ne devait courir sur les facultés que depuis que le navire aurait mis à la voile. Mais si, en conformité de l'art. 13, titre des contrats à la grosse, le risque des marchandises devait courir depuis qu'elles auraient été chargées dans le vaisseau ou dans les gabares pour les y porter, y porter, la prime est acquise aux assureurs, quoiqu'un moment après, et pour quelque cause que ce soit, elles aient été remises à terre, quand même elles n'auraient encore été que dans les gabares, sans avoir été portées à bord, parce que le cours du risque avait commencé. Fallit portus et ipse fidem. Loccenius, lib. 2, cap. 5, n°. 9. Marquardus, lib. 2, cap. 13, n°. 36. Valin, art. 37. Pothier, no. 184.

Si cette opération a été faite par nécessité, et que les marchandises soient

rechargées dans le même navire, l'assurance reprend son cours. L'assurance reprend également son cours, si les marchandises sont chargées sur un autre vaisseau, dans le cas où le premier navire ait été pris pour le service du roi, ou que par fortune de mer il soit devenu innavigable.

$ 2. Navire qui, ayant

Si le navire, qui a commencé le voyage, retourne volontairement dans le lieu d'où il était parti, les assureurs sont déliés de leur obligation, et la prime, mis à la voile, releur est acquise. Infrà, ch. 16, sect. 10.

Mais si ce retour est opéré par tempête ou par la crainte des ennemis, on doit considérer cet accident comme une relâche forcée. Le navire peut ensuite remettre à la voile aux risques des assureurs. Santerna, part. 3, no. 52.

Casaregis, disc. 1, no. 50, dit que si, dans ce dernier cas, le navire est arrêté par force majeure dans le port, et qu'il ne puisse pas reprendre le voyage interrompu, la prime doit être réduite à proportion de la route qui avait été faite : Pretium assecurationis ad ratam itineris et periculi reducitur. Mais cette décision est contraire à l'art. 27, titre des assurances. Dès que le navire est sorti du port, les assureurs commencent à courir les risques. Ils ont donc acquis la prime, quoique le navire retourne aussitôt, et ne reparte plus. Valin, art. 37, des assurances. Pothier, no. 184.

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Au ch. 12, sect. 33, j'ai parlé de la pinque Saint-Victor, qui avait relâché à Malte. La cargaison fut retenue et payée par l'université de l'île. Le sieur Bremond contestait à ses assureurs le paiement de l'entière prime. Sa prétention fut rejetée par arrêt du 22 juin 1746. On communiqua à ce sujet un acte de notoriété conçu en ces termes : « Nous soussignés, anciens juge et › consuls, échevins et négocians de cette ville de Marseille, certifions et attestons, en faveur de la vérité, qu'il a été d'usage dans tous les tems que, lorsqu'une assurance est faite de sortie du Levant, de l'Amérique, ou de quelque endroit que ce soit, jusqu'à Marseille ou autre port limité par la ▸ police ou contrat d'assurance, et que le risque d'assurance que les assureurs ont pris a commencé de courir, la prime ou le coût de l'assurance › convenue lors de la signature, est entièrement acquise aux assureurs, bien › que le vaisseau termine son voyage sur sa route, soit que son chargement soit vendu, ou que les marchandises soient déchargées à terre, sans que, » pour raison de ce, l'assureur soit obligé de restituer partie de la prime. A Marseille, le 12 du mois de mai 1746. »

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Les sieurs Wezemberg et Molliis se firent assurer, sur le corps du navire
Waza, capitaine Israël Hedman, suédois, la somme de 5,000 liv.,

a de

vient sur-le-champ dans le port.

$3. Marchandises re

tenues dans le cours

nécessités du pays.

du voyage pour les

$ 4.

Navire qui a omis de faire les échelles

désignées dans la

police, peut-il les compléter après être parvenu au lieu des tiné ?

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