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des hommes était de cent ans, le pays d'Ænnælkek, c'est-àdire l'Inde, le vit naître; un des plus illustres princes du pays fut son père: sa mère l'enfanta sans douleur par l'aisselle droite. Chourmousta Tongori descendit du Summoer pour plonger le nouveau-né dans l'eau sainte. A peine sorti de l'enfance, le Dieu consacra dix ans à l'étude approfondie de toutes les sciences et de tous les arts. Bientôt il surpassa dans cet exercice tous les jeunes gens ses condisciples. Ses parens, contraires à ses désirs, voulurent l'engager dans les liens du mariage. Il céda enfin à leurs prières, mais il y mit cette seule condition que l'épouse qui lui serait destinée réunirait trente-deux vertus. Ce précieux trésor s'offrit à lui, il célébra ses noces, et un an après il eut un fils qui reçut le nom de Racholi. Alors il renonça pour jamais à la pompe des cours, s'enfuit dans le désert, rasa sa tête et se dévoua à la vie solitaire. Il quitta ce lieu après 16 ans de mortification, renouvela par l'usage du lait ses forces épuisées, et ne se consacra plus qu'au bonheur des créatures. Le Kan des Schoumnousses voulant éprouver sa sainteté, vint le trouver et lui demanda la permission d'essayer d'abattre sa tête. Dschagdschamouni le lui permit, mais en vain le Kan employa-t-il tour-à-tour le fer, l'eau et le feu, il ne put lui faire aucun mal. Après avoir accompli l'œuvre de la conversion des peuples, le Dieu incarné établit son séjour à Olschirton, pour y continuer le gouvernement du monde. Ses légendes sont contenues dans beaucoup de livres souvent volumineux. Il est représenté assis, nu jusqu'à la ceinture, les jambes croisées sous le corps; on le peint ordinairement de couleur jaune. Ses oreilles offrent de longues entailles, sa main droite est abaissée vers le sol, dans la gauche il porte un vase noir.

2. MAÏDARI. De même que Dschagdschamouni préside à la période actuelle du monde, Maïdari régnera quand l'époque suivante aura commencé. L'empire lui eût même appartenu dès aujourd'hui si l'ordre du destin avait reçu son exécution. Voici ce que la tradition rapporte à ce sujet. - Dschagdschamouni, Maïdari et Mandschouschari se disputaient l'autorité suprême. Ils convinrent à la fin d'abandonner à la volonté du sort la décision de leur querelle. Tous trois se couchèrent pour dormir. Celui qui au point du jour trouverait une fleur éclose dans la

coupe placée à ses côtés, celui-là devait être roi. Le sort favorisa Maïdari; mais Dschagschamouni, qui s'éveilla avant les autres, découvrit la fleur dans la coupe de son rival, s'empara de celle-ci et la remplaça par sa coupe vide. Ainsi obtint-il l'empire de l'univers. On représente Maïdari de couleur jaune, avec une écharpe rouge autour du corps. Ses mains sont jointes sur sa poitrine.

3. MANDSCHOUSCHARI. C'est lui qui durant la création, perça d'une flèche la grande tortue. On l'appelle aussi le père des 1,000 Bourchanes. Il doit succéder à Maïdari dans le gouvernement du monde. Comme Dieu de la justice, il porte une épée d'or dans une de ses mains; comme Dieu de la science, il porte dans l'autre un livre qui repose sur une fleur sacrée. Enfin les deux mains qui lui restent (car il en a quatre) s'étendent pour répandre de nombreuses bénédictions sur ses adora

teurs.

4. NIDUBOER USUKLSCHI. On l'honore aussi comme une des divinités supérieures, sous le nom de Chonschim Bodissadoh. Ses émanations ont donné la vie à plusieurs personnes célestes ou humaines, et entre autres au dieu Dschagdschamouni, dont nous nous occupions naguère. On lui donne dans ses images plusieurs têtes superposées en manière de tours, et huit figures symboliques qu'il porte dans ses mains. A ses pieds se trouvent ordinairement les deux compagnes de ses voyages: Nojon Dara Ecke et Zagaan Dara Ecke, ainsi nommées, l'une à raison de la couleur verte, l'autre à cause de la couleur blanche qu'on leur attribue.

5. CHOURMOUSTA. Ce dieu reçoit tantôt le titre de Tangæri, tantôt celui de Bourchane; celui-là, parce qu'il est le premier des 33 Tongœris supérieurs; celui-ci, parce qu'il s'occupe du bonheur des créatures. Il est adoré comme le principal génie protecteur de la terre; on l'offre à la vénération publique sous la figure d'un vieillard qui porte dans la main droite une épée nue, et qui est monté sur un éléphant. Cet animal est d'une couleur blanche éblouissante; sa tête est d'un rouge écarlate, il a deux berres et demi de longueur, un et demi de hauteur, et un berre de grosseur. Son pâturage accoutumé est une riante et romantique campagne au bord d'un lac qui a deux cents.

berres de tour, et dont l'onde est blanche comme le lait, douce comme le miel. Quand Chourmousta veut cheminer sur sa magnifique monture, alors l'éléphant a 33 têtes, chacune desquelles porte plusieurs trompes, sur chaque trompe plusieurs lacs sont renfermés dans de larges bassins; à la surface de chaque lac flottent des fleurs de lotus, et chacune d'elles porte dans son calice plusieurs vierges sacrées, filles de Tongœris, qui frappent des cymbales. Sur la tête du milieu est assis Chourmousta lui-même; sur les autres les 32 Toengoeris soumis à ses ordres. Dans une vie précédente cet éléphant était le célèbre oiseau Garoudin.

6. ÆRLIKCHAN. En sa qualité de juge des morts, il a son séjour dans le vestibule de l'enfer mongol, au sein d'une grande cité où on lit continuellement les livres saints au son du tambour. Autrefois il régna avec une grande puissance dans une des contrées du monde terrestre. Le terrible Jaman Daga le vainquit et le dépouilla de son empire. Alors Ærlikchan voulut faire pénitence, et reçut le titre de gouverneur suprême du monde souterrain. Il est représenté couronné de flammes, debout sur un buffle irrité, qui foule aux pieds un mauvais génie. Le dieu tient un sceptre dans l'une de ses mains, dans l'autre un frein de cheval, à la manière des Mongols. Une chaîne de têtes de morts pend sur ses épaules. A ses côtés on place ordinairement une femme d'horrible apparence, qui porte une coupe dans sa main.

7. JAMAN DAGA. Le redoutable vainqueur d'Elikchan est une des transformations de Manschouschan et on le compte au nombre des huit divinités cruelles. Ses actions et ses métamorphoses remplissent des légendes tout entières. Sa forme est le comble de la laideur idéale. Des brandons de feu l'environnent. Plusieurs têtes entassées, parmi lesquelles il en est une de bœuf, s'élèvent sur son cou. De chaque côté i! porte 18 bras munis d'armes, de têtes de morts, de serpens et d'autres figures symboliques. Sa ceinture est une peau de serpent, garnic de têtes humaines. Ses pieds foulent pêle-mêle des hommes et des monstres. Sa couleur est d'un bleu foncé; et une femme d'une figure horrible, de couleur bleu clair, est assise sur ses genoux.

8. OLSCHIRBANI. C'est lui qui a les nuages sous sa puissance; les orages et les tempêtes sont son ouvrage; on l'invoque surtout contre les enchantemens et contre les influences des esprits mauvais. Son nom vient du sceptre sacerdotal, appelé Olschir, qu'il tient dans la main droite. Sa demeure est une montagne solitaire, couverte de sables rouges.

9. DAÏTSGHING, tangari. Tel est le nom du Dieu de la guerre chez les Mongols et les Kalmouks. Dans les expéditions militaires, son image peinte sur les étendards marche devant les armées, et parfois les ennemis captifs lui doivent être immolés en sacrifice.

10. OTOLSCHI, bourchane. Il est le dieu de la médecine. On le représente assis à peu près sous les mêmes traits que Dschagdschamouni; seulement il est peint en rouge, une écharpe bleue foncée lui ceint le corps, et le vase sacré n'est point dans sa main.

Voilà l'histoire et les symboles des principales divinités que le Bouddhiste mongol adore; voilà comme il conçoit et leur nature et leur intervention dans les choses de ce monde: il est tems de voir quelles idées la tradition leur a transmises sur l'âme de l'homme et sur ses destinées dans la vie présente et dans la vie à venir.

III. L'âme de l'homme, sa nature et ses destinées; situation de l'àme pendant la vie ; jugement après la mort.

L'âme, considérée dans la doctrine bouddhiste comme une émanation pure de la divinité, ne se confond point avec le corps. Elle le revêt et le dépouille comme un vêtement, elle y entre comme dans un gîte hospitalier; elle le quitte comme le voyageur quitte sa tente, comme un prisonnier son cachot. Son caractère dominant c'est l'activité, c'est le mouvement spontané perpétuel. Elle revêt successivement mille formes différentes, et dans le cercle non interrompu de ses migrations, depuis le vil insecte jusqu'au céleste Bourchane, elle parcourt toute l'échelle des êtres. La naissance et la mort ne sont que le commencement et la fin de l'une de ses innombrables métamorphoses. La vie elle-même n'est point une station, un repos, c'est aussi un tems d'agitation continuelle. Chaque mois est une

période cyclique durant laquelle le principe pensant accomplit une révolution déterminée, en passant par tous les membres du corps qu'il habite.

Le premier jour l'âme de l'homme a sa résidence dans le gros orteil; le second, elle monte dans l'articulation du pied ; le troisième, dans le mollet; le quatrième, dans l'articulation du genou. En suivant ce mouvement d'ascension, elle se trouve au huitième jour dans l'épine du dos; au douzième, elle est dans la paume de la main; au quinzième, elle est par tout le corps. Le seizième jour elle s'établit dans le nez; le vingtième, à l'extrémité des ongles, et le dernier du mois, elle se retrouve auprès du gros orteil, prête à recommencer la même course. Que si l'on vient à blesser la partie du corps, où le principe pensant a pris son séjour, la mort devient inévitable.

Lorsque l'âme abandonne sa charnelle demeure, six régions lui sont ouvertes pour récompenser ses vertus ou punir ses crimes. Les trois premières sont : celle des bons Tangæris, celle des Essouris, celle des hommes; les trois séjours malheureux sont le séjour des bêtes, l'empire de Birid et l'empire de Tamou.

Les êtres privilégiés qui, par la force de la prière et des bonnes œuvres, se sont élevés à un haut degré de perfection, sont quelquefois, immédiatement après leur mort, transportés dans les régions supérieures. Pour le commun des hommes, un jugement sévère les attend, un compte rigoureux de leur vie écoulée doit déterminer leur état futar.

A une vaste profondeur, sous le sol que nous foulons, dans un palais que 16 murs de fer environnent, l'inexorable Erlikchan est assis sur son trône. Le mort paraît devant lui dans l'espace de sept semaines au plus, accompagné de deux génies, l'un bon, l'autre mauvais; le premier porte des pierres blanches, symboles des bonnes œuvres du défunt; le second, des pierres noires, signes des actions mauvaises. Si les blanches l'emportent, l'âme est ravie sur un siége d'or, dans le séjour des bons Tongœris. Si au contraire, la pluralité est aux pierres noires, Ærlikchan livre l'âme criminelle aux serviteurs qui lui sont attachés, pour la conduire dans les lieux de tourmens. Le nombre est-il égal de part et d'autre, alors il se trouve là

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