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Que la nature humaine en Jésus-Christ est véritablement JésusChrist; qu'elle est la personne de Jésus-Christ, qu'elle est la personne du Verbe et le Verbe, qu'elle est Dieu naturellement et proprement; que Jésus-Christ pèche toujours et qu'il a toujours péché dans les fidèles qui sont ses membres ; que la dénomination de membres de Jésus-Christ doit être donnée selon la prescience, autres assertions obscures, inutiles, insignifiantes.

et

Le concile de Bâle condamna ce livre dans sa vingt-deuxième session.

1456. LES PRIVILÉGES occasionent de grands troubles dans l'Université de Paris. Le pape Nicolas V avait accordé une bulle touchant les pouvoirs de confesser et de prêcher, accordés aux Ordres mendians. L'Université déclara cette bulle subreptrice, scandaleuse, contraire à la paix et capable de renverser la hiérarchie. Comme d'ordinaire, elle décida que les Ordres mendians seraient exclus de l'Université et de ses grades.

Cette querelle dura deux ans ; le pape, le roi, le parlement, les évêques furent obligés d'intervenir, et les religieux contraints de regarder la bulle du pape comme non avenue.

C'est ainsi que l'avaient réglé les docteurs de l'Université, la plupart médecins et maîtres-ès-arts.

1470. LES RÉalistes et LES NOMINAUX. Voici encore une de ces questions oiseuses, qui malheureusement préoccupaient alors les plus fortes têtes et les meilleurs esprits. On sait que les Réalistes mettaient des distinctions partout, tandis que les Nominaux n'en voulaient reconnaître que dans les termes. Les premiers se piquaient de juger des choses par ce qu'elles sont en elles-mêmes, et les seconds par le nom qu'elles portent. Ce seul exposé fait déjà connaître la source d'où dérivait cette étroite dispute, toute métaphysique et aristotélicienne.

La querelle était déjà ancienne, mais elle éclata avec scandale cette année, à l'occasion des écrits de Pierre de Rieu, licencié de Louvain, réaliste fameux, et athlète invincible dans la dispute, comme le disaient ses partisans.

Ecoutons son langage, dont nous pouvons reconnaître encore plusieurs termes dans notre enseignement philosophique et théoJogique.

Pierre de Rieu avança d'abord cette proposition générale toute

scolastique :

Les propositions sur les futurs contingens ne sont point vraies, parce qu'autrement il n'y aurait plus de liberté, et que tout arriverait

nécessairement.

Puis, comme cela était assez naturel, il voulut appliquer cette vérité scolastique aux paroles de la Bible: ainsi il crut pouvoir dire qu'il n'y avait aucune vérité dans ces paroles de Jésus-Christ à S. Pierre Vous me renierez trois fois; ni dans celles de l'Ange à la Sainte Vierge: Vous enfanterez un fils, et vous le nommerez Jesus; ni dans celles du symbole : Jésus-Christ viendra juger le monde; il y aura une résurrection des morts.

Le scandale de ces conséquences aurait dû faire renoncer aux principes d'où elles découlaient; mais alors, comme dans les siècles suivans, comme encore aujourd'hui, on distinguait deux sortes de vérités, les vérités naturelles ou philosophiques, les vérités révélées ou évangéliques. Des chrétiens croyaient pouvoir garder une foi égale aux unes et aux autres; on commen¬ çait à se contenter soi-même et à contenter ses adversaires en déclarant que l'on ne voulait pas appliquer la vérité philosophique à la vérité évangélique; que l'on croyait et que l'on respectait toujours celle-ci, sans cependant abandonner l'autre. Ce sont deux ordres de vérité distincts et séparés, disait-on, malgré les décisions des conciles et du pape qui avaient déclaré que ces prétentions étaient inadmissibles. C'était une dérision, et une vraie comédie, jouée cependant par les savans durant plusieurs siècles, et continuée encore de nos jours.

Suivons l'histoire de la justification de Pierre de Rieu.

Comme sa doctrine était blâmée de tous côtés, il prétendit que nonobstant la persuasion où il était que les propositions » des futurs contingens n'ont aucune vérité, cependant il croyait » vraies les propositions de l'Ecriture et celles du Symbole, parce » que Dieu en connaît et en a révélé la vérité. Il ajoutait qu'il >> avait voulu simplement exclure de ces propositions, sur les » futurs contingens, la nécessité et l'immutabilité, et soutenir seu› lement que leur vérité n'était pas du même ordre que celle des propositions qui ont pour objet le passé et le présent.

On doit remarquer dans cette réponse le commencement de

ce funeste système suivi depuis par Descartes et par les philosophes du dix-huitième siècle, qui consistait à mettre en opposition Dieu, sa révélation et sa parole, avec le raisonnement et la philosophie; déclarant ainsi avec une vraie dérision que leur opinion était vraie, mais qu'ils ne voulaient pas la soutenir par egard pour Dieu.

La faculté de théologie de Louvain, l'Université de Cologne, vingt-quatre docteurs de Paris, tous attachés aux Réalistes, déclarèrent ces explications claires et suffisantes, et déchargèrent Pierre de Rieu de toute accusation.

Mais il n'en fut pas quitte à si bon marché à Rome, où le pape Sixte IV condamna ce qu'il avait dit des propositions de l'Écriture et du Symbole; et comme il se rétracta, on témoigna qu'on était content de lui; ce que Pierre de Rieu, de retour en France, interpréta comme s'appliquant non à sa rétractation, mais à sa doctrine. De là nouvelles disputes, nouvelles que

relles.

Les Nominaux, déjà proscrits plusieurs fois par les Universités, profitèrent de cette erreur des Réalistes pour faire triompher non l'Évangile, mais leur système. De là embrasement dans les écoles de Paris.

Louis XI, fatigué de ces disputes qui dégénéraient presque en guerre civile, donna ordre à Jean Boucart, évêque d'Avranches, de réformer l'Université. Mais Jean Boucart, étant un partisan déclaré des Réalistes, la ruine des Nominaux était facile à prévoir. En effet, le 1 mars 1473, parut un édit portant défeuse de lire les livres d'Ockam, de Grégoire de Rimini, de Buridan, de Pierre d'Ailly, de Marsile de Padoue, d'Adam Dorp, d'Albert de Saxe et autres nominaux.

L'édit du roi réprouve ensuite les sentimens des Nominaux, et les exclut non-seulement de l'Université de Paris, mais de toutes les écoles du royaume.

Le président du parlement et le prévôt de Paris étaient chargés de faire lire cet édit et d'en faire jurer l'exécution dans les Facultés. Le premier président était chargé en outre de faire saisir

1 Voir un extrait curieux de cet édit dans l'article du précédent Noméro, p. 142 et 143.

tous les livres contenant la doctrine des Nominaux, et de les garder fidèlement jusqu'à ce que S. M. se fût fait rendre compte de ces ouvrages.

Il n'est pas besoin de dire que cet édit ridicule ne put être mis à exécution. A peine put-on faire saisir quelques-uns de ces volumes, que le premier président fit pourtant enchaîner et clouer. « Vous croiriez, écrivait plaisamment Gaguin à Guil» laume Fichet, que ces pauvres volumes sont des furieux ou des démoniaques qu'on a chargés de chaînes, de peur qu'ils ne » se jettent sur ceux qui les regardent; ou bien vous les pren> driez pour des lions indomptés et des bêtes féroces, à qui l'on » craint de donner la liberté. Pour les Réalistes, ajoutait-il, » c'est-à-dire les Scotistes et les Thomistes, ils sont en honneur, » quoiqu'ils aient toujours des querelles ensemble. »

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'Les Nominaux ne furent pas vaincus pour cela. Ils soutinrent vaillamment la persécution et persévérèrent dans leur sens. Enfin, en 1481, ils obtinrent la liberté de leurs livres enchaînés. On permit même de les lire et de les expliquer dans les colléges et cette permission fit beaucoup de plaisir à l'Université, dit son historien. La vérité n'y gagna pas beaucoup, car les disputes continuèrent encore, et à peine si ces misérables questions sont mortes, n'ayant plus trouvé personne qui veuille être de l'avis des Réalistes ou des Nominaux, ce qui nous semble être le plus sage de tous les avis.

1498. JEAN, dit le Vitrier, frère Mineur de Tournay, avait soutenu, dans un discours public, qu'il valait mieux perdre un enfant, lui couper la gorge, par exemple, que de l'engager dans un ordre non réformé; que la musique d'église est une invention du libertinage, qu'il ne faut point avoir recours aux indulgences, ni prier les saints, ni dire aucune prière vocale à la messe, ni regarder le Saint-Sacrement durant l'élévation, etc. Toutes ces propositions, qui partaient d'un zèle mal dirigé par l'ignorance, furent rétractées par son auteur.

A. BONNETTY.

Architecture chrétienne.

DE L'ETAT DES MONUMENS RELIGIEUX

EN FRANCE.

Un jeune écrivain, aussi distingué par son savoir que par vient ses principes religieux, M. le comte Ch. de Montalembert, d'adresser à M. Victor Hugo, sous la forme d'une lettre, une brochure fort remarquable sur le vandalisme auquel sont livrés les monumens historiques en France. Cette lettre qui a été insérée dans la dernière livraison de la Revue des deux mondes, nous ayant été offerte par son auteur, nous nous faisons un devoir d'en exbien pertraire tout ce qui entre dans le but de nos Annales, suadés que nos abonnés liront avec indignation, et pourtant avec un vif intérêt, les affreux détails que le jeune écrivain nous donne sur les débris, les ruines, les tristes usages et les dégradations d'une foule d'antiques monumens religieux en France.

...... J'ai pour l'architecture du moyen-âge une passion ancienne et profonde : passion malheureuse, car, comme vous le savez mieux que personne, elle est féconde en souffrances et en mécomptes; passion toujours croissante, parce que plus on étudie cet art divin de nos aïeux, plus on y découvre de beautés à admirer, d'injures à déplorer et à venger; passion avant tout religieuse, parce que cet art est, à mes yeux, catholique avant tout, qu'il est la manifestation la plus imposante de l'Eglise dont je suis l'enfant, la création la plus brillante de la foi m'ont que léguée mes pères. Je contemple ces vieux monumens du catholicisme avec autant d'amour et de respect que ceux qui dévouèrent leur vie et leurs biens à les fonder : ils ne représentent pas pour moi seulement une idée, une époque, une croyance éteinte; ce sont les symboles de ce qu'il y a de plus vivace dans

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