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Ceux qui sont d'un avis contraire disent que les descendaus d'Héber, qui sont les ancêtres d'Abraham, naquirent en Chaldée, et y demeurèrent, que là ils abandonnèrent le culte du vrai Dieu pour adorer les idoles. Vos pères, dit Josué parlant > aux Israélites au nom du Seigneur, vos pères, Tharé, père » d'Abraham et de Nachor, dès le commencement, ont habité » au-delà du fleuve d'Euphrate, et ont servi des dieux étrangers.. (Jos., xxiv, v. 2). Comme la famille d'Héber habitait la Mésopotamie, au milieu des Chaldéens (Gen., x1), nul doute qu'elle n'ait adopté leur langue, de même qu'elle abjura le culte du vrai Dieu pour embrasser leur idolâtrie; autrement, il lui eût été difficile d'habiter le même pays et de vivre en paix avec eux. Les descendans d'Héber ont pu, il est vrai, se servir entre eux d'un idiome particulier, mais aucun monument n'autorise à croire qu'il en ait été ainsi. Quant à Abraham, qui, né en Chaldée (Gen., x1), demeura environ soixante-dix ans dans Ur de Chaldée, et ensuite à Haran, ville de Mésopotamie (Ibid.), il n'est pas douteux qu'il n'ait parlé à la fois la langue du pays des Chaldéens et celle de ses ancêtres. Or, la langue des Chaldéens différa toujours de l'hébreu, qu'Abraham apprit dans le pays de Chanaan, et qui devint l'idiome national de ses descendans. Car Laban, un des descendans d'Héber, qui resta en Chaldéc, et conserva la langue de ce pays, appelle le monceau de pierres, monument de son alliance avec Jacob, Jegar sáadouthâ, en chaldéen, tandis que Jacob, qui avait habité dans le pays de Chanaan, et en parlait la langue, l'appelle en hébreu Galhêd. Par le IV livre des Rois (XVIII, v. 26), où Rabsacès est prié de parler chaldéen, c'est-à-dire syriaque, de peur que les Juifs

cité d'une langue n'est pas un indice certain de son ancienneté. Enfin, suivant eux, si telle était en effet la simplicité de l'hébreu, il serait difficile, dans l'hypothèse où il eût été la langue de nos premiers parens, de concilier cette simplicité avec l'infusion d'une langue primitive faite à Adam,

Ils répondent, sur le quatrième argument, que l'affinité des langues chaldaique, arabe, phénicienne, etc., avec l'hébreu, prouve seulement qu'elles sont des dialectes d'une même langue, et que l'hébreu peut être, comme les autres, un dialecte de cette même langue.

ne l'entendent, on voit clairement que l'idiome chaldéen ou syriaque fut toujours différent de l'hébreu. Voyez Isaïe (xxviu, v. 11), Jérémie (v, v. 15), et Daniel (1, v. 3-4).

Abraham ayant quitté la Chaldée, alla s'établir dans le pays de Chanaan, qu'il savait que Dieu devait lui donner, pour lui et pour sa postérité. On ne saurait douter que, négligeant la langue de ses ancêtres, il n'ait alors appris celle des Chananéens ou Phéniciens; comment en effet aurait-il pu sans cela demeurer cent ans au milieu d'eux, commercer avec eux, prendre parmi eux des femmes pour lui et pour ses enfans, etc.? Isaac et Jacob, et leurs descendans, qui habitèrent la même contrée, conservèrent sûrement la même langue, qui se perpétua dans leur postérité, en devint l'idiome propre, et fut appelée hébraïque, du nouveau nom d'Abraham, qui, ayant passé l'Euphrate, fut appelé par les Chananéens Ibhri, c'est-à-dire qui vient d'au-delà, parce qu'il venait d'un pays situé au-delà de l'Euphrate; de même qu'on appelle transmarins et transalpins ceux qui habitent au-delà de la mer ou des Alpes. C'est pour cela que les Septante, au chap. xiv de la Genèse, où Abraham est désigné, pour la première fois, par l'épithète d'Hebræus, ont rendu ce mot par Hépaτns, qui passe au-delà, qui traverse, c'est-à-dire l'Euphrate : e'est aussi ce qu'a fait Aquila '..

Le nom d'Hébreu, qui fut donné à Abraham et à ses descendans, ne saurait venir d'Héber, comme quelques-uns l'ont supposé, attendu, qu'entre Héber et Abraham, le premier à qui il fut donné (Gen., xiv, 13,), six générations s'étaient succédé ; et l'on ne voit pas le motif pour lequel Abraham aurait pris le nom d'Héber plutôt que celui de son aïeul Nachor, ou de son père Tharé. S'il avait voulu adopter le nom de quelqu'un de ses premiers ancêtres, il eût été bien naturel qu'il choisit celui de Sem, auteur de la branche à laquelle il appartenait, comme descendant de Noé.

1 • Abraham, dit S. Jérôme, fut surnommé Hebræus, c'est-à-dire étranger, qui vient d'au-delà, IIéparns. (in Ezechiel, cap. vi). Jules Africain, cité par Eusèbe, dit que les Hébreux, transitores, furent ainsi appelés de ce qu'Abraham avait passé l'Euphrate. Les Hébreux, dit Origène, désigués par ce nom comme un peuple venu d'au-delà de quelque Deuve » (in Matt., Item, Homel. 19; in Num. et Homel. 35, in Gen. ).

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Quoique le mot Hébreu soit très-ancien, cependant la langue des Juifs.

De tout ce qu'on vient de dire, d'après les défenseurs de l'antiquité de la langue hébraïque, il suit 1° que la langue de la famille d'Héber que parlèrent Nachor, Tharé, et Abraham luimême, avant qu'il eut quitté la Chaldée, était la langue chaldaique; 2° que cette langue est différente de l'hébreu; 3° que l'hébreu est la langue du pays de Chanaan '.

paraît avoir été désignée dans les tems les plus reculés par l'épithète de judaique, comme on le voit dans le IV livre des Rois (xvin, v. 2628 ), dans le IIo des Paralipomènes (xxx11, v. 18), dans le lI* d'Esdras(xm, v. 24), dans Isaie ( XXXV1, v. 11-13). Ce ne fut qu'après la captivité de Babylone qu'elle fut dite langue hébraïque par les Juifs hellénistes qui parlaient le grec, pour se distinguer des autres Juifs qui parlaient l'hébreu (Esth., m, v. 7; Ecclésiast., Prolog.).

L'hébreu, qui devint la langue propre d'Abraham et de sa postérité, se conserva pure parmi les Juifs jusqu'à la captivité de Babylone, d'autant plus facilement que les lois politiques et religieuses proscrivaient tout mélange entre la nation juive et les peuples qui parlaient d'autres langues que la sienne. Mais vers la fin de la captivité, qui avait duré soixante-dix ans, les Juifs durent contracter l'habitude du chaldéen, ayant vécu si long-tems au milieu du peuple qui le parlait; aussi, de retour dans leur pays, se servaient-ils plutôt de cette langue que de leur idiome national. Cependant, comme ils n'avaient pu oublier entièrement l'hébreu, ils le mêlaient au chaldéen ; et c'était ce chaldéen mêlé d'hébreu et de Syriaque que parlaient les Juifs au tems de Jésus Christ.

Il faut donc distinguer trois sortes de chaldéen : 1° le chaldéen proprement dit, usité à Babylone, et plus pur que les deux autres ; 2° nn chaldéen altéré, différent du premier par ses locutions et ses idiotismes, qui se parlait à Antioche, et qui est proprement le chaldéen-syriaque ; 5o le syro-chaldaique de Jérusalem, appelé pour cela langue hiérosolymite, juive, et même hébraïque.

Ce qui prouve, dit-on, que l'hébreu est la langue chananéenne ou phénicienne, c'est : 1° le témoignage d'Isaïe lui-même, qui ( x1x, v. 18 ) l'appelle la langue de Chanaan; 2° ce sont les noms propres de lieux et d'hommes du pays de Chanaan qui se trouvent dans les livres de la Genèse et de Josué, comme Jéricho, Salem, Sichem, Bethleem, Segor, Cariath-Arbé, Melchisedech, Abimelech, Rahab, etc.: 3o nous lisons fréquemment dans les livres saints qu'Abraham et ses descendans avaient des relations de commerce, et d'autres affaires d'une très-grande importance, avec les Chananéens, et on y fait assez entendre que les uns et les

Des autographes des livres saints.

Il y a long-tems que les autographes des livres saints n'existent plus. On voit, par le IV livre des Rois (xx) et par le second des Paralipomènes (xxxiv, v. 14), qu'au tems de Josias, roi de Juda, c'est-à-dire sept siècles avant Jésus-Christ, on possédait encore celui du Deutéronome, de Moïse. On ignore d'ailleurs et l'époque et la cause de la perte de ces autographes. S'il faut s'en rapporter à une tradition assez incertaine, ils auraient été. enveloppés dans les ruines du temple de Jérusalem..

dit

Il en est de même des originaux des livres du Nouveau-Testament, qui ont disparu depuis un grand nombre de siècles. On que celui de l'Evangile de saint Mathieu existait encore du tems d'Origène et de saint Jérôme, mais altéré par les Juifs.. Saint Pierre d'Alexandrie, dans son Traité de la Pâque, écrit que, de son tems, c'est-à-dire au v° siècle, on conservait encore dans l'église d'Ephèse le manuscrit original de l'évangile de saint. Jean.

Caractères d'écriture employés dans les Livres saints.

Les caractères hébraïques, grossiers dans l'origine, acquirent,. par suite de tems, un peu plus d'élégance, et reçurent enfin la

autres se servaient d'une langue commune; 4° Joseph ne voulant pas être reconnu de ses frères en Egypte, se servait d'un interprète pour leur parler: or, s'ils n'avaient parlé et entendu exclusivement que la langue particulière de leur famille, et non celle du pays de Chanaan, où Joseph aurait-il pu trouver un interprète qui sût cette langue ? 5° On remarque nne très-grande analogie entre l'hébreu et la langue punique, qui est le phénicien on chananéen. On appelle Pani, dit S. Jérôme, ce qui paraît » être une corruption de Phani (Phéniciens), les Carthaginois, dont la langue ressemble en grande partie à l'hébreu (lib. V, in Jerem., cap. XXV). - Les Hébreux, dit S. Augustin, l'appellent Messie, mot qui tient ⚫de la langue punique, ainsi qu'une très-grande partie, ou, pour mieux » dire, la presque totalité des mots hébreux » (Quæst. in Gen., lib. II. Contra litteras Petil, cap. cIv).Origène (lib. III, contra Celsum), Fl. Josèphe (lib. I, contra Apionem), Eusèbe (lib. IX, cap. 1x, Demonstr, evang.), Bochart (lib. II, Chanaan) et d'autres, ont observé cette ressemblance de l'hébreu avec la langue punique, c'est-à-dire carthaginoise ou phéni

cienne.

forme qu'ils ont aujourd'hui; telle est la marche ordinaire de tout ce qui tient aux sciences et aux arts, et les érudits sont d'accord sur ce point. On croit communément que ce fut Esdras qui, après la captivité de Babylone, substitua aux anciens caractères hébreux les caractères chaldéens, plus nets et plus agréables, auxquels les Juifs avaient eu le tems de s'habituer pendant leur long exil. Les caractères hébreux et samaritains furent anciennement les mêmes.

Quant aux caractères grecs des livres du Nouveau-Testament, autrefois carrés et droits, ils prirent peu à peu une forme oblongue, oblique et plus légère. Les petits caractères furent introduits dans le 1x siècle, et généralement adoptés dans le siècle suivant '.

Dans l'origine, le texte des livres de l'Ancien et du NouveauTestament formait une suite continue, sans aucun intervalle entre les phrases, ni même entre les mots. On peut citer en preuve de cette observation la manière d'écrire des anciens, cette multitude de leçons différentes, auxquelles donnèrent Jieu, dans le v siècle, les diverses manières de diviser les phrases et même les mots, les inscriptions antiques et les plus vieux manuscrits '.

Divisions des Livres saints en chapitres et en versets.

Les anciens ne connaissaient pas la division des Livres saints en chapitres et en versets.

Il paraît cependant que les cantiques et les livres poétiques de l'Ancien-Testament furent divisés en hémistiches par les auteurs eux-mêmes.

Comme, après l'exil de Babylone, on lisait dans les synagogues, tous les jours de sabbat,'quelques passages du Pentateuque (II Esdras, v. 8; Act., xv, v. 21), il fut divisé, à cette occasion, en cinquante-trois parascha ou sections; il en fut de même des livres des Prophètes, dont on avait aussi coutume, depuis le tems des Machabées, de lire quelques fragmens dans les syna

Voyez MONTFAUCON, Palæographia græca, lib. IV.

Ibid., lib I, cap. IV.

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