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tems par un dépérissement infaillible, iront vaquer dans la plaine aux soins de la quête ou au ministère de la parole. J'avoue au reste que je m'étais fait une idée plus juste de la majestueuse grandeur du mont Saint-Bernard que de l'ineffable bonté de ses pieux solitaires. J'étais parti muni de lettres de recommandation auxquelles j'attachais beaucoup de prix, et je fus interrompu à la première parole : qu'importaient mon nom et ma position dans la société? n'étais-je pas homme et voyageur ?

Il y a certainement peu de scènes plus extraordinaires que celle que présente le banquet hospitalier du couvent. C'est à douze cent cinquante toises au-dessus de la mer qu'est placée la salle du festin : une table servie avec abondance, avec propreté, avec une sorte de recherche, réunit des convives de tous les pays, de tous les états, de toutes les religions, assurés du même accueil, autour de mets variés dont il a fallu s'approvisionner à grands frais; car j'ai déjà dit que rien de ce qui est à l'usage de la vie ne croît et n'existe au sommet du mont SaintBernard. Les poissons des températures les plus rigoureuses sont morts dans son lac glacé; les plantes de la constitution la plus robuste ont péri sous les vitraux préservateurs, sur le terrear nourricier apporté de la vallée. Cette année même la gelée da 5 août a détruit la dernière espérance de cette végétation artificielle; et ces essais d'une industrie impuissante à tromper nature, ne se renouvelleront peut-être plus.

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L'église est plus ornée, et puisqu'il faut se servir de cette expression, plus jolie qu'on n'oserait le désirer ou le craindre dans ces austères solitudes où la grandeur de Dieu apparaft revêtue de tant de majesté et de terreur; mais nous approchons de l'Italie, et le goût de ce peuple amoureux d'images et de décorations commence à se trahir dans ses édifices. Celui-ci n'a de digne d'être vu que le monument du général Desaix; mais la terre entière ne possède pas un monument historique plus remarquable par sa position. On dirait que la Providence a voulu marquer le point culminant de nos succès et de notre gloire en laissant un tombeau.

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Ce n'était pas à moi qu'il appartenait de décrire l'effet imposant et sublime des cérémonies religieuses dans le temple le

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plus rapproché du séjour du Seigneur que les hommes lui aient jamais élevé. Cette tâche facile pour le génie, et que je tenterais en vain, a été remplie plusieurs fois. Je ne mettrai point mes inspirations à la place de celles des muses chrétiennes, à qui il a été donné de célébrer la religion en termes si magnifiques, et je me contenterai de me prosterner derrière elle, « au bruit des » concerts de l'autel, qui dans les hautes régions où ils sont formés, semblent partir du premier degré de cette échelle harmonieuse » des vierges, des confesseurs et des anges, qui aboutit à travers >> toutes les profondeurs du ciel au pied du Saint des saints. »

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J'ai quitté mes hôtes le 28 août après l'office. La nuit avait été froide et orageuse, et trois pieds de neige me cachaient la trace du chemin. Au bas du Prou, ce n'était plus qu'un givre fondu et grisâtre qui paraissait à peine sur la vallée comme une couche de sable. C'était de la pluie au bourg Saint-Pierre. A Liddes, le ciel s'éclaircissait, le soleil brillait entre quelques nues paresseuses qui gagnaient l'horizon; les plantes courbées sous des gouttes pesantes, témoignaient seules qu'il avait plu. Près d'Orsière, on voyait les paysans chargés de leur faulx, descendre dans la profonde vallée de la Drance pour y reprendre le travail de la saison. Les vignobles qui revêtent le pied de la montagne après Lavalette, montraient les plus riches apparences. Quelques raisins mieux exposés que les autres commençaient à varier; on moissonnait dans la plaine. La nature se jouait ainsi à faire tourner devant moi le mobile miroir à quatre facettes où se peignent les quatre saisons, et à me prodiguer dans un jour toutes les sensations d'une année, trop rapide sans doute, mais la plus délicieuse de ma vie : ma femme et ma fille étaient avec moi. CHARLES NODIER.

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TOME VI. N° 35. 1833.-2 édition, 1836.

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Sujet général de cet ou

au sujet de l'ancienneté du Pentateuque. vrage. Moïse en est l'auteur. - Défense de Moise, comme auteur de Pentateuque.

Deuxième Article.

La citation que nous avons faite dans le dernier numéro des Annales d'un chapitre de l'Herméneutique sacrée de M. Janssens, aura fait sentir à nos lecteurs l'utilité de cet important ouvrage et son but comme traitant des preuves de la Religion. Ce sujet rentrant essentiellement dans celui auquel les Annales sont exclusivement consacrées, nous croyons devoir faire connaitre l'Herméneutique sacrée, en continuant à citer les morceaux qui sont plus particulièrement du domaine des Annales. Nous trans. crivons aujourd'hui une grande partie du chap. III, (tome 1, p. 216) relatif à l'authenticité des livres saints.

Que Moïse a réellement existé.

« Personne, avant le xvin siècle ne s'était avisé de révoquer en doute l'existence de Moïse, chef et législateur du peuple d'Israël. Le savant Huet s'était persuadé que la mythologie des Gentils n'était que l'Ecriture sainte considérablement altérée, et que tous les dieux du paganisme n'étaient que Moïse lui-même

1 Voir le premier article dans le numéro précédent ci-dessus, p. 306.

présenté sous différentes formes. Il croyait avoir reconnu le caractère et les actions de ce législateur, non-seulement dans les dieux de l'Egypte, tels qu'Osiris, Sérapis, Bacchus, etc., mais même dans les divinités des Grecs et des Romains, comme Esculape, Apollon, Prométhée, Pan, etc.

Ce singulier système fournit à Voltaire l'occasion de nier jusqu'à l'existence même de Móïse.

Nous trouvons, disait avec sa légèreté ordinaire l'auteur de la Philosophie de l'Histoire, nous trouvons tous les caractères de Moïse dans le Bacchus des Arabes: or ce personnage n'est qu'une pure fiction: donc il en est de même de Moïse; futile argument qui a été répété dans une foule de libelles, et qui peut être mis à côté de ce sophisme : l'histoire des Juifs est le fondement de la mythologie païenne; or cette mythologie est fausse; donc aussi l'histoire des Juifs. Mais de ce que la fable a été construite et entée sur l'histoire, il ne s'ensuit pas assurément que l'histoire

soit fausse.

L'existence de Moïse est démontrée non-seulement par ses propres écrits, par la tradition et par le témoignage d'un peuple entier, d'un peuple nombreux, le peuple Juif, mais aussi par les témoignages des nations païennes, ennemies des Juifs, telles que les Egyptiens, les Phéniciens, les Assyriens, les Grecs et les Romains. On trouve ces témoignages dans Flav. Josèphe, contre Appion; dans Tatien, discours contre les Grecs; dans Origène Apologie contre Celse; dans Eusèbe de Césarée', Préparation évangélique; dans saint Cyrille, contre Julien, etc., etc.

Parmi ceux qui ont parlé de Moïse, nous citerons en particulier Tacite (Annales, liv. V, ch. v), Dion Cassius (Hist., liv. XXXVII, ch. xxxv11), Justin (liv. XXXVI), Pline (Hist. Nat., liv. XXX, chap. 1), et Juvénal, dans ces deux vers de sa satire xiv:

Judaicum ediscunt, et servant, et metuunt jus,
Tradidit arcano quodcumque volumine Moses.

On trouvera, dans la Démonstration évangélique de Huet et dans la Vérité de la Religion chrétienne de Grotius, les noms d'un grand nombre de docteurs profanes qui ont fait mention de Moïse.

Si un tel concours de témoignages pouvait nous tromper, c'en serait fait de la vérité historique, et nous en serions réduits à un pyrrhonisme universel sur tout ce qui est histoire. Les Chinois, à plus forte raison, n'auraient jamais eu de Confucius, les Perses de Zoroastre, les Indiens de Beass-Muni-Gautam, et autres Brames à qui ils doivent leurs livres et leurs lois ; les Musulmans douteraient avec raison qu'il y eût jamais eu un Mahomet, puisque les témoignages qui attestent l'existence de ces personnages ne peuvent être comparés, ni pour le nombre ni pour le poids, à ceux qui militent en faveur de l'existence de Moïse.

De l'âge du Pentateuque et de la langue dans laquelle il fut écrit.

Pentateuque vient des mots grecs névre, cinq, et tryos, livre; il a été ainsi appelé à cause des cinq livres qu'il contient, et qui sont la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deuteronome. Les Juifs désignent ces cinq livres par le seul mot Thora, qui signifie loi.

Le Pentateuque fut écrit dans l'idiome hébraïque pur, et terminé avant la fin de l'an 2553 de la création du monde, époque de la mort de Moïse. On lit en effet dans le Deutéronome (xxx1, v. 9-13 et v. 24-26 ), que peu de tems avant sa mort il remit cet ouvrage aux prêtres et aux anciens du peuple, en leur ordonnant de le déposer dans le sanctuaire, près de l'arche d'alliance.

Le livre de la Genèse est cité comme déjà connu dans les quatre livres suivans, et le Deuteronome suppose déjà terminés les quatre livres qui le précédent. Il est donc évident que Moïse écrivit d'abord la Genèse, et, en dernier lieu, le Deuteronome.

Archéologie du Pentateuque.

les lois du

Richard-Simon' suppose que Moïse n'écrivit que Pentateuque, mais que, pour les parties historiques, il laissa à des scribes ou notaires publics, qui avaient le titre de prophètes, le soin de les rédiger. Mais les argumens par lesquels R. Simon 1 Hist. crit. du V. T., liv. I, ch. II

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