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mifications à travers les siècles et les générations, nous trouvons, portées partout avec les eaux de la vie, les parcelles de ce limon qui souvent fermente et empoisonne les eaux d'un fleuve entier. De même que les hommes ont été entraînés dans la chute de celui qui les renfermait en lui-même, de même encore chaque jour, avec des proportions plus restreintes, le fils est victime, pour la vie présente, sous le rapport physique et moral, des fautes de son père et de ses aïeux; et lui-même transmettra l'héritage de ses désordres à sa postérité. Il n'est point coupable par sa propre volonté, ce jeune homme si sage, si vertueux, qui périt à son printems, parce qu'en lui s'est développé ce levain de décomposition qui a fermenté dans ses ancêtres. Elle est bien innocente et bien pure, cette vierge, qui n'étale un moment les grâces du jeune âge que pour les voir bientôt se faner, tomber et périr avec elle. Funeste transmission de la mort avant d'avoir joui de la vie! Et toutefois cette fin prématurée est encore un bienfait auprès de la longue agonie dont est torturé l'homme qui a joint, à cette succession d'infirmités, ses propres vices, sa propre révolte contre les lois de sa nature spirituelle et corporelle. Triste destinée de l'homme déchu! fatal héritage! le seul qu'il soit bien certain de transmettre plus ou moins à sa postérité; non-seulement à sa postérité, mais encore aux êtres qui l'environnent. Voyez ces animaux qui sont ses amis, ses auxiliaires, les compagnons de ses travaux, des esclaves dont il abuse; il leur lègue une bonne partie de ses infirmités, qui leur font trainer douloureusement une pénible existence; tandis que les animaux sauvages qui n'ont point rencontré la main de l'homme, ignorent les maladies et ne périssent que de vieillesse, à moins qu'ils ne deviennent la proie des espèces auxquelles ils sont destinés; c'est-à-dire que l'ordre s'accomplit partout où l'homme ne l'intervertit pas. Et si quelques-uns de ces hôtes des forêts et des déserts, dont l'homme ne peut captiver l'espèce, viennent à tomber dans ses piéges, vous les voyez languir tristement, et le plus souvent mourir sans progéniture. Les plantes mêmes, lorsqu'il veut les soumettre pour les perfectionner à sa manière, il les détériore, et souvent leur ôte jusqu'à la fécondité. C'est ainsi que l'homme vicie tout ce qu'il touche pour se l'approprier. C'est ainsi que, par un abus

qui est le fruit et la confirmation du premier péché, il fait gémir toutes les créatures.

Pour lui il trouve le châtiment dans l'infraction même de la loi, châtiment proportionné à la faute, mais d'une manière bien remarquable. Les infirmités humaines viennent ordinairement punir le prévaricateur dans sa personne et dans sa postérité. Ce sont là les punitions visibles que Dieu menace d'infliger jusqu'à la quatrième génération. Alors que de victimes innocentes de ces désordres d'autrui qui expient sur la terre des fautes étrangères! Ce n'est que dans la vie future que le fils ne portera pas les iniquités de son père. Ici-bas nous portons tous la prévarication de notre premier père, qui devient d'autant plus lourde que les pères intermédiaires y ont ajouté leur propre fardeau. Cette loi de transmission et d'expiation est plus sensible encore quand on l'applique aux nations, qui forment une sorte de personne morale, qui n'échappent point au châtiment, lorsque collectivement elles enfreignent les lois qui doivent régler l'intelligence, le cœur et le corps de l'être raisonnable et social. Elles ne tombent dans un grand écart que pour entraîner les générations suivantes dans un abîme de maux. Alors le genre de maladies dont je parle, quoiqu'il se multiplie prodigieusement, n'est plus au niveau des crimes, et Dieu députe vers la société coupable de plus puissans messagers de sa justice.

Admirable enseignement de la religion, justifié par l'histoire des misères humaines! La première faute ouvre la carrière à toutes les infirmités; les fautes subséquentes rouvrent la plaie. Pour la fermer il faut donc revenir à la morale divine. La rédemption serait imparfaite, si elle n'étendait ses fruits jusquelà. Donnez une société bien pénétrée de la morale évangélique, et dont les membres se règlent d'après les maximes de l'éternelle sagesse, on n'y verrait pas le luxe, la débauche déposer partout des germes de mort; l'ordre, la régularité, l'union, l'activité, n'y laisseraient pas pénétrer les haillons de l'indigence qui sont si féconds en misères physiques et morales. Ramenez graduellement à ces principes la société la plus corrompue, vous verrez les races malades s'améliorer, si elles présentent encore quelque ressource; ou si elles ont empoisonné le principe vital, s'éteindre et disparaître pour faire place aux

races saines qui ont besoin de s'étendre et de se multiplier; car il faut qu'elles communiquent l'exubérance de la vie qui les anime, et qu'elles remplissent les vides qui se font autour d'elles. Et ne vous effrayez pas de leur trop grande multiplication sous l'influence des mœurs chrétiennes. Les sociétés, animées de l'esprit de Jésus-Christ, sauront aussi bien s'arrêter qu'avancer, suivant les tems et les circonstances, par une sorte d'instinct infaillible. Affranchies de l'esclavage des sens, les populations pratiquement chrétiennes, savent inspirer et faire aimer à chaque individu tout sacrifice que requiert le besoin social, et ce sacrifice même devient le plus grand avantage de cet individu.

Plus une société sera chrétienne, moins ses membres auront d'infirmités héréditaires ou acquises; plus on se soumettra à l'expiation spirituelle et volontaire, moins il faudra de ces expiations douloureuses et forcées, moins il faudra d'épidémies, de contagions, de guerres, pour faire écouler le superflu de la population. Et quand ce résultat complet paraîtrait une chi ́mère, ou au moins un but très-éloigné, ne faut-il pas nous en approcher par tous les moyens possibles, afin de nous approprier le plus que nous pourrons les précieux avantages qu'il nous offre ?

Montrons aux disciples de l'Evangile la haute et simple philosophie que renferme leur croyance; prouvons-leur que le dogme fondamental de l'humanité déchue est lié à toutes les misères humaines; que seul il fait pénétrer dans les mystères de l'humanité; que toute l'histoire est une démonstration pour celui qui croit une vérité qui lui paraissait révoltante, et qui devient la clef de l'énigme. Il ne faut pas sculement que le chrétien croie, il faut encore qu'il comprenne, qu'il rende raison de sa foi par tout ce qu'il voit en lui-même et dans les autres, et surtout qu'il travaille à retrouver le bonheur dans l'union avec Dieu.

(Tribune catholique.)

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Polémique.

DE LA HAINE DE LA PHILOSOPHIE

CONTRE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

Le Christianisme fut dès sa naissance en butte aux contradictions des hommes; son divin auteur l'avait prédit à ses disciples. Il allait renouveler la face du monde, substituer la lumière aux ténèbres, dans lesquelles il était plongé; mais pour y réussir, il fallait combattre des intérêts, dissiper des erreurs long-tems accréditées. Le paganisme n'avait aucun recueil de préceptes qui servissent à régler les mœurs et la conduite de la vie; son culte était tout matériel, et ne consistait qu'en des cérémonies extérieures. S'il existait quelques maximes de justice, elles ne s'étaient conservées que par une tradition primitive et par la nécessité où sont les sociétés les plus dépravées d'en maintenir au moins quelque ombre, pour leur propre conservation. Les philosophes, qui s'érigèrent en maîtres de la sagesse, au lieu d'affermir la morale, contribuèrent au contraire à la corrompre; ils étaient divisés sur les points les plus essentiels, et, au témoignage de Cicéron, il n'y avait pas d'absurdités que quelqu'un d'entre eux n'eût soutenues; les Epicuriens en particulier sapèrent les fondemens de toute morale, en réduisant à la volupté le souverain bien de l'homme, et en n'estimant la vertu qu'autant qu'elle servait à la procurer.

Les Philosophes se multiplièrent beaucoup sous les empereurs; mais leur considération n'augmenta point à raison de leur nombre; ils excitaient la risée de la multitude, par la singularité de leur costume, et ils révoltaient les hommes éclairés, par leur orgueil, leur impudence et la folie des paradoxes qu'ils soutenaient. En affectant le mépris des richesses et des hon

neurs, ils étaient dévorés par l'avarice et l'ambition; on les. voyait tantôt se faire les flatteurs des tyrans les plus décriés, tantôt se montrer les défenseurs de la liberté; mais on disait que si, pour l'établir, ils parvenaient à bouleverser l'Etat, ils attaqueraient bientôt la liberté même. On laisse à penser quel dut être l'étonnement de ces hommes, qu'un ancien appelle des animaux de gloire et d'orgueil, en voyant paraître une religion nouvelle, prêchée par des hommes simples et obscurs, et s'annonçant comme venant convaincre de folie cette sagesse dont ils tiraient tant de vanité. Le nombre des Chrétiens, s'accroissant avec une merveilleuse rapidité, surpassa bientôt celui des disciples des philosophes, qui avait toujours été très-borné; leur orgueil irrité de voir leur suffisance mise au jour par les sectateurs d'un Crucifié qu'ils regardaient avec mépris, les porta à publier contre eux les calomnies les plus absurdes, et à les noircir par ce moyen, dans l'esprit d'une multitude crédule. Un philosophe, nommé Crescent, confondu par S. Justin, le dénonça aux magistrats, et le fit mettre à mort.

Cependant les hommes justes et éclairés ne jugeaient pas les Chrétiens d'après les imputations des philosophes; tout le monde connaît le beau témoignage que Pline-le-Jeune rend de la pureté de leur vie et de leur doctrine. L'empereur AlexandreSévère trouvait leur discipline si excellente qu'il désirait que, dans le choix des magistrats civils, on suivît les formes usitées par les Chrétiens, dans celui de leurs pasteurs. Julien, luimême, dont les philosophes et les sophistes qui encombraient sa cour, excitaient sans cesse le fanatisme anti-chrétien, cite pour modèle leur charité et la pureté de leur conduite à des prêtres païens qu'il voulait, par persuasion ou par menaces, corriger de leur conduite licencieuse.

Les ennemis les plus acharnés du Christianisme, étaient donc obligés de convenir qu'il avait opéré une grande amélioration dans les mœurs; cela se fit surtout remarquer lorsque, par la conversion des empereurs, il fut devenu la religion de l'Etat. On voit la législation devenir plus juste et plus humaine; les anciennes superstitions s'éclipser peu à peu, et ces jeux sanguinaires, dont se repaissait une multitude féroce, disparaître.

C'est surtout notre occident qui se ressentit le plus de la sa

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