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plus important, le plus attrayant de tous les livres; et, ainsi que son titre l'annonce, le livre par excellence. «Pour juger de sa haute antiquité, il suffit de considérer l'admirable rapport qui se trouve entre les mœurs des tems héroïques et les mœurs des Hébreux. Les héros d'Homère se servent eux-mêmes, et les patriarches se servent également eux-mêmes. Abraham, àgé de près de cent ans, environné d'un peuple de domestiques, se hate lui-même de porter de l'eau pour laver les pieds de ses hôtes; il presse sa femme de leur faire du pain; il va choisir ce qu'il y a de plus beau dans sa bergerie, il le leur présente avec du beurre et du lait, et les sert pendant le repas, se tenant debout auprès d'eux. Rebecca vient aussi à la fontaine puiser l'eau qu'elle porte à la maison. Rachel conduisait ses nombreux troupeaux; et cette première simplicité, nous la retrouvons chez les Grecs. C'est ainsi que nous voyons la noble fille d'Alcinoüs descendre vers le fleuve pour y laver les vêtemens de son père et les siens. Plus les auteurs grecs se rapprochent des premiers àges, plus ils ressemblent aux Hébreux. Mais quelle comparaison établir entre des productions qui ne réunissent que certains genres de mérite, certains genres d'utilité, et un ouvrage qui les réunit tous à la fois? Quoi de plus beau que la conduite de ce Joseph', qui, vendu par ses frères, se venge en

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Plusieurs chapitres de l'histoire des patriarches sont de véritables pastorales jetées çà et là parmi ces véritables archives du genre humain. Quoi de plus touchant que de voir ces bons pasteurs traverser de vastes contrées, presque solitaires encore, pour aller chercher des épouses de leur sang, des épouses nourries dans la crainte du Seigneur! Rien n'est plus touchant dans le livre de la Genèse, que le tableau des mœurs patriarchales. On voit les premières sociétés dans toute la naiveté de leur enfance. La vie d'Abraham, sa transmigration, les détails de sa vie privée, la jalousie de Sara, l'exil d'Agar, la visite des hommes célestes qui viennent se reposer sous la teute, le message d'Eliézer, le mariage d'Isaac, la naissance de Jacob, la douce préférence de ce patriarche pour Rachel, les divisions qui agitent sa nombreuse famille, toutes ces particularités sont racontées avec un charme inexprimable. On vante avec raison les tableaux simples et naifs dont Homère a embelli soǹ Iliade, et surtout son Odyssée; ceux de la Genèse sont bien supérieurs, parce qu'ils remontent à une époque plus éloignée. »

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Ce morceau d'histoire (celle de Joseph) a toujours

pardonnant! Quoi de plus touchant que le moment de la reconnaissance: Ego sum Joseph', frater vester, quem vendidistis in Egyptum! Quels accens plus douloureux que ceux des Israélites, gémissant sur le bord d'un fleuve étranger! La douleur de Jacob, en apprenant et croyant qu'une bête féroce a dévoré son fils, n'est-elle pas plus simple et en même tems plus frappante que celle de Priam aux pieds d'Achille, redemandant le corps de son fils 3?

⚫ passé pour un des plus beaux de l'antiquité; nous n'avons rien dans Homère de si touchant. Et ailleurs, il s'exprime ainsi à l'occasion de Ruth; L'histoire de Ruth est écrite avec une simplicité naive et touchante; nous ne connaissons rien dans Homère ni dans Hérodote, qui ⚫aille au cœur comme cette réponse de Ruth à sa mère : J'irai avec vous; ⚫et partout où vous resterez, je resterai; votre peuple sera mon peuple; votre Dieu sera mon Dieu; je mourrai dans la terre où vous mourrez.. Il y a du sublime dans cette simplicité. • OEuvres complètes, tom. xxxiv.

1 Genèse, ca. XLV, v. 4. — Ce mot si touchant, Je suis Joseph, dit M. de Châteaubriand, faisait pleurer d'admiration Voltaire lui-même. Telle est la puissance du sentiment et de la vérité. Voltaire!

L'admirable psaume Super flumina Babylonis. «Quelle vérité dans le tableau que présente ce psaume! On voit les Israélites assis sur les rives de l'Euphrate, verser des larmes abondantes au souvenir du Jourdain. On voit leurs mains défaillantes attacher leurs lyres détendues et muettes aux saules du fleuve étranger. Cependant leurs maîtres impitoyables les engagent à chanter quelques-uns des cantiques de Sion. La réponse des Israélites est simple, modeste et touchante: Comment pourrions nous chanter les bymnes de Sion, malheureux exilés que nous sommes aux terres étrangères? • Jamais l'amour de la patrie ne fut exprimé d'une manière plus énergique et plus touchante.» Disc. sur l'élégie héroïque, par M. Treneuil, p. 45. 1824. In-8°.

* Voir le 2* article dans le no 36, p. 401 de ce volume.

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Ils ne peuvent compatir

Danger de cet enseigne

Des médecins qui professent le matérialisme. à nos maux. Leurs doctrines sur l'âme. ment pour le moral des jeunes médecins. Danger pour la société Avantage d'un médecin religieux et chrétien.

entière.

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A mesure que les générations se corrompent, le matérialisme envahit peu à peu le domaine de toutes les sciences, et même de celles qui semblent le plus intimement liées à la croyance d'un Dieu; et c'est ainsi que les professions les plus honorables s'avilissent insensiblement, et au lieu d'être salutaires à l'humanité, tournent à sa honte et à sa ruine. Pour prouver que nous ne tombons pas dans une coupable exagération, il nous suffira, dans cet article, de considérer une science qui est en quelque sorte la réunion et l'application de toutes les autres, la Médecine. Dans les Annales, nous avons déjà donné la liste des médecins qui ont, par leurs vertus, mérité d'être mis au rang des saints, et nous n'avons pas craint d'avancer que les plus grands médecins de l'antiquité et même des siècles qui ont précédé le 18°, ont tous été recommandables par leur piété; mais de nos jours, la médecine, qui, loin de conduire à l'impiété par elle-même, devrait fournir les armes les plus puissantes pour la combattre, n'est, le plus souvent, qu'une école d'incrédulité; les détails que nous pourrions donner sur les leçons de plus d'un chef de cetté moderne école, seraient bien propres à faire voir jusqu'à quel point d'avilissement l'homme

Voir les no 17 et 18, tom. 11. p. 322 et 393.

peut descendre, lorsque, égaré par une fausse philosophie, et aveuglé par les passions, il ose professer publiquement le matérialisme. C'est un fait malheureusement incontestable, qu'un grand nombre de médecins ne croient pas même à l'immatérialité de l'âme, et que l'homme n'est pour eux qu'une machine plus ou moins bien organisée, qui ne pense que par ressort, qui n'agit que par instinct, et dont la mort opère l'entière dissolution, sans que rien survive à ce cadavre dont leur scalpel interroge les fibres, et qui, suivant eux, est tout l'homme. Il n'est peut-être aucune classe de la société où cette croyance soit plus universelle. C'est qu'il n'en est peut-être aucune où il soit plus aisé de se corrompre, et où l'absence de religion favorise davantage l'immoralité.

Je sais qu'il est encore des médecins non moins distingués par leurs croyances religieuses que par leur profond save ir dans F'art de guérir. Mais ce ne sont certainement pas ceux-là qui affichent le matérialisme, qui renouvellent le système d'Épicure, et le revêtent de formes plus ou moins brillantes. Ceux-là, dis-je, loin de renverser la base des croyances universelles, loin d'insulter à nos dépouilles mortelles, savent se rappeler que si l'intérêt de la science exige que ces dépouilles servent au perfectionnement de l'art, et à l'instruction de ceux qui entrent dans la carrière, il faut du moins être respectueux en présence de la mort, et se souvenir que ce cadavre a encore quelque chose de sacré, parce qu'il a été le sanctuaire d'une âme immortelle. Mais quand on voit journellement des jeunes gens, tenir des propos infâmes autour de ces restes dont l'aspect ne devrait leur inspirer que des pensées graves et sévères, quand on les voit outrager ces reliques de l'homme, au mépris de toute pudeur, et blasphémer Dieu auprès des objets les plus propres à leur faire sentir sa puissance et leur néant, que penser d'une génération qui s'élève avec de pareilles idées et de pareilles leçons, et qu'espérer désormais d'un art exercé, le plus souvent, par des hommes pleins d'un souverain mépris pour Dieu et pour l'humanité? Disons-le avec franchise, celui qui est capable de se jouer d'un cadavre, est bien près de se jouer de ses semblables.

Et comment veut-on que le médecin soit sensible à nos

maux, qu'il respecte nos faiblesses, qu'il sente l'importance de ses devoirs? comment veut-on qu'il craigne de hasarder des opérations dangereuses, et qu'il soigne ses malades avec cette délicatesse de conscience qui connaît la terrible responsabilité dont il est chargé, s'il regarde l'homme comme une brute, sur laquelle il peut faire ses expériences, de même qu'on essaie sur un animal l'effet d'un poison? N'oublions pas que plus l'homme est vil à nos yeux, et moins nous nous intéressons à sa destinée, et qu'un profond mépris pour l'humanité est le caractère d'un cœur insensible et cruel. Or quoi de plus capable de dégrader la nature humaine que cet impur matérialisme, qui fait de l'homme un être sans Dieu, sans lois, sans avenir! Quoi de plus capable de dessécher l'âme et d'éteindre l'amour des hommes, que cette doctrine insensée qui ravale au niveau de la bête l'image de Dieu sur la terre!

Eh! quel est donc le fondement de cette doctrine absurde? Serait-ce les nouvelles découvertes dont la science s'est enrichie? Non, certes, et cependant on le croirait au ton dogmatique et tranchant qui règne dans les cours publics. L'un nous dit que « tous les actes de l'intelligence prennent leur source >> dans des causes purement physiques; » l'autre, que « le cer» veau digère la pensée, comme l'estomac et les intestins digè>> rent les alimens, et que la liaison des idées n'est que la Hai» son mécanique ou chimique des mouvemens organiques; que » l'action de penser ou de sentir est un effet particulier de l'action » de nous mouvoir, et que l'idéologie est comme une branche » de la physique animale. » Celui-ci, « que le cerveau produit » l'entendement humain; » celui-là, « que la pensée n'est que » le résultat d'une distillation de cet organe, et l'effet immédiat » de l'action cérébrale. » Presque tous s'accordent à regarder le moral de l'homme comme l'effet de la matière organisée. Ce sera donc dans un amphithéâtre de dissection que l'homme devra dorénavant étudier ses facultés, et s'instruire de ses destinées. Mais si l'homme n'est que la combinaison chimique de quelques élémens matériels, l'homme doit rentrer dans le néant dès que ces élémens se séparent. Ainsi l'intelligence et la pensée vont s'évanouir comme une étincelle fugitive, et voilà tout le système de nos savans modernes. Suivant eux, la pensée n'est

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