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qu'aucun peuple de l'univers n'observe un aussi grand nombre de jeûnes que les Abyssins.

Ils croient que nos âmes émanent de celle d'Adam, et ne seront heureuses qu'après la résurrection générale; ils invoquent les anges et les saints; ils ont en horreur les statues et les basreliefs qui les représentent. Aussi ne voit-on que leurs images en peinture et la croix dans leurs temples, où ils n'entrent jamais sans y porter quelque offrande. Ils ont enfin une vénération extraordinaire pour l'archange saint Michel. Leur grande fête est celle de l'Epiphanie, qu'ils célèbrent tous les ans avec beaucoup de pompe, le 11 janvier. Leur ère date de la 19° année de Dioclétien et de la 302° de l'ère vulgaire.

Les prêtres célèbrent le mystère de l'eucharistie sur une table, et non devant un autel. Ils ne conservent pas le pain sacré, et ne l'exposent jamais à l'adoration. Ils administrent la communion sous les deux espèces et la donnent aux enfans. En prononçant l'absolution des fautes, ils frappent le pénitent sur l'épaule avec un rameau d'olivier.

(Nouv. annal. des voyag. t. xii, et Revue britannique de 1831.)

TOME VI. —N 34. — 2° édition 1833.

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Beaux-Arfs.

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DE LA MUSIQUE SACRÉE ET DE LA MUSIQUE PROFANE.

Supériorité reconnue de la musique sacrée sur la musique profane. — Les chants d'église considérés sous le rapport de l'art musical. — AnaJyse du Diesira.

L'article suivant est extrait de la Revue encyclopédique : nous le lui empruntons avec d'autant plus de plaisir que les écrivains de ce recueil, dont nous ne contestons point d'ailleurs le mérite, ne partagent point nos croyances. Cette circonstance donnera plus de force au témoignage que l'un d'eux rend ici à une partie importante de notre culte.

« Il y a quelques années, en France, quand on voulait désigner les grands génies qui ont illustré l'art musical, on nommait Mozart, Gluck, Rossini, Beethoven ; quelques-uns, fidèles à leurs souvenirs d'enfance, se hasardaient à citer à la suite Grétry, voire même Dalayrac; mais, sauf quelques artistes distingués, quelques professeurs érudits, quelques amateurs d'élite, personne ne se fût avisé de songer à Handel, à Palestrina, ni en général à aucun des compositeurs sacrés; et si le nom de Chérubini ou de Lesueur venait à être prononcé, on saluait en eux les auteurs des Deux journées ou de la Caverne ; quant à leurs messes, à leur musique de chapelle, on avait bien entendu parler de quelque chose de semblable, mais la connaissance en était réservée à un petit nombre d'initiés. Le discrédit et le précaire où la révolution française avait laissé tout ce qui tenait au culte chrétien, avait interdit depuis long-tems à toutes les églises l'exécution des morceaux de ce genre, et peut-être n'y

avait-il en France que la Chapelle impériale, plus tard conservée par les Bourbons, qui pût réunir un nombre suffisant de talens pour rendre ces grandes compositions; cette enceinte étroite n'étant d'ailleurs ouverte qu'à un public rare et privilégié, le goût et la tradition de la musique sacrée devait promptement se perdre, quand même des raisons plus élevées et plus péremptoires n'eussent pas concouru au même résultat. Depuis la restauration, un homme profondément instruit, passionné pour l'art musical, et particulièrement épris de l'ancienne musique sacrée, M. Choron, entreprit de raviver en France des études et des admirations éteintes. Après de grandes difficultés, il parvint à fonder son Institution de musique religieuse, à rassembler des élèves, à recruter des voix; il forma, instruisit, disciplina des chœurs nombreux et puissans, et réussit, chose bien plus difficile, à pénétrer ces enfans de l'esprit essentiellement religieux de ces compositions, à faire, en un mot, de son institution une sorte de sanctuaire où se conservaient précieusement le parfum des anciennes traditions et le sentiment des anciennes beautés. Grâce à lui, les amateurs éclairés purent faire connaissance avec les œuvres jusque-là ignorées des vieux maîtres, rajeunies, après un long oubli, par une admirable exécution. Des oratorios, des motets, des psaumes, des portions de messes, furent entendus à Paris, et le nom de Handel, de Palestrina, de Marcello, fut recommandé aux Parisiens par le charme de leurs propres souvenirs. Ce fut une véritable résurrection, et, bien que nous ne soyons pas de ceux qui cherchent à exhumer du passé de quoi rajeunir le présent, nous regrettons vivement que M. Choron n'ait pas pu continuer ses concerts; leur suspension a été une perte sentie de tous les amis des arts.

» L'érudition passionnée de M. Choron lui avait fait retrouver dans la poussière des bibliothèques des morceaux qui, par l'élévation de la pensée et le caractère de l'inspiration, pouvaient soutenir la comparaison avec les productions brillantes et riches d'invention de l'art moderne. Aussi je m'étonne toujours qu'on en soit resté là, et que, remontant plus haut dans les fastes de l'art chrétien, on n'ait pas encore réhabilité, par une belle exécution, les beautés naïves et sublimes qui gisent enfouies dans les missels de nos églises, et qui, chaque jour, prostituées et

défigurées par la stupidité barbare des virtuoses de lutrin, sont entièrement déconsidérées près des musiciens, et ne sont généralement regardées que comme d'insipides psalmodies. Pour moi, je le déclare ici, à mes risques et périls, dussé-je par là ruiner ma réputation auprès de tous les dilettanti, il est peu de dimanches dans l'année où nos églises ne retentissent de chants qui, sous plusieurs rapports, peuvent soutenir la comparaison avec les morceaux du style le plus élevé que le Conservatoire ou l'Opéra nous aient fait entendre. Si ces beautés sont généralement ignorées ou méconnues, si des hommes heureusement doués y demeurent insensibles, c'est qu'il ne suffit pas pour les comprendre d'une organisation musicale et d'un goût exercé; il est encore une autre condition sans laquelle pareille musique ne saurait vous toucher; il faut retrouver au fond de son âme au moins quelques vestiges de la foi chrétienne. Là est tout le secret; car il est inutile, bien entendu, de chercher dans des productions, qui datent de l'enfance de l'art, des combinaisons savantes, de grands effets d'harmonie ; on ne peut pas même espérer,par compensation, de ces exécutions éblouissantes auxquelles 'bien des auteurs de nos jours ont de si grandes obligations.Si l'on proposait au musicien d'écrire un morceau sans accompagnement, de n'employer ni rhythme ni modulation, d'en confier l'exécution à la voix rauque et martelée d'un chantre de paroisse; si de plus on lui demandait de faire du sublime à de pareilles conditions, où est l'artiste qui accepterait la gageure? C'est là pourtant ce que sont parvenus à réaliser de pauvres moines dont le nom ne nous est pas même resté, mais chez lesquels la foi, la pièté a pu faire ce que le génie n'oserait tenter. Mais aussi, pour les comprendre, s'il n'est pas besoin d'être plus savant qu'eux, il faut du moins prêter à leurs accens une oreille attentive, une âme recueillie, un cœur disposé à la prière; il faut, ne fût-ce que pour un moment, partager leurs convictions naïves.

» Venez, entrez dans cette église tapissée de noir; un catafalque est au milieu, couronné de cierges enflammés ; un prêtre en surplis et en étole murmure à voix başse un funèbre.De profundis. Ceci n'est point une représentation de théâtre : songez qu'une âme chrétienne a quitté son enveloppe terrestre; songez

qu'à l'heure qu'il est, elle a déjà comparu devant le souverain juge, et que, tandis que vous implorez en sa faveur l'intercession du Rédempteur des hommes, le châtiment ou la récompense est déjà prononcé, prononcé pour l'éternité; songez à vousmême, à ce jour terrible où votre propre destinée s'éclipsera pour tous derrière le voile mystérieux de la mort; songez à ce jour redoutable, le dernier des jours où tous les cœurs seront dévoilés, où les mondes consumés disparaîtront, où les tems et les lieux viendront se confondre et s'abîmer dans l'éternelle immobilité de l'infini; maintenant écoutez :

Dies ira, dies illa

Solvet seclum in favilla

Teste David cum Sybilla.

Comprenez-vous maintenant cette lugubre complainte, solennelle et monotone comme l'éternité, et qu'on dirait chantée par le dernier des humains sur les décombres de l'univers ? Tout-à-coup, au verset suivant, la voix éclate et s'élève; la fatale trompette a sonné: grand Dieu, qui osera comparaître devant ta face! qui pourra supporter tes jugemens! puis le mot de miséricorde est prononcé, et l'hymne reprend son allure de recueillement solennel et de tremblement religieux '.

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Cette belle prière des morts n'est pas moins remarquable par ses beautés littéraires que sous le rapport musical; on peut en dire autant de la plupart des proses et des hymnes sacrées qui retentissent dans nos temples. C'est ce qui fait dire à un littérateur distingué de notre époque, • qu'un simple Paroissien, que de simples Heures renferment des richesses d'imagination, de sentiment, de style, dont les Grecs et les Romains se seraient glorifiés dans les plus beaux siècles de leur littérature......... La religion chrétienne, ajoute-t-il encore, a aussi ses David, ses Isaic. Ses proses, ses préfaces, les prières qui précèdent et qui suivent le saint sacrifice, nous forceraient à l'admiration, quand même elles n'auraient pas pour objet Dieu lui-même.. (De la littérature des offices divins.)

Après avoir montré que les proses renferment tout ce que le génie poétique peut inspirer de plus brillant, le même écrivain développe ainsi les beautés du Dies iræ ;

• Le Dies iræ est un monument de génie : c'est une production sombre et terrible, remplie d'images effrayantes. Le début prépare l'âme à de,

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