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où ils sont employés; leur place est au théâtre, comme la place de l'orgue est dans le temple. C'est toute une autre série de passions, de sentimens, d'idées et d'intérêts qu'il s'agit de mettre en jeu ; d'autres beautés doivent en jaillir, assorties au public tout différent qui les recherche : c'est donc une phase de l'art toute nouvelle qu'il faut étudier dans l'opéra. Dans un prochain article, nous essaierons de jeter un coup-d'œil sur le genre de musique qui appartient au génie propre de notre époque, sur l'opéra et la symphonie, et sans prétendre, bien entendu, devancer sur ce point l'initiation du génie, nous hasarderons quelques conjectures sur les développemens que des circonstances morales et matérielles, que des applications encore inusitées, pourraient amener un jour. Mais avant d'aborder cette question, il nous a semblé à propos de rendre du moins un dernier hommage à ces productions anciennes où l'élévation passionnée de l'inspiration a suppléé aux ressources de l'art, et qui exciteraient encore aujourd'hui l'admiration, si l'indifférence religieuse, si l'agitation turbulente de notre vie, laissaient encore quelque accès chez nous aux émotions recueillies et mystiques du christianisme.»

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Adolphe GUÉROULT.

Histoire Natureffe.

DES VARIÉTÉS DE L'ESPÈCE HUMAINE.

L'homme forme un ordre isolé qui ne renferme qu'un genre et qu'une espèce.

Nous avons déjà examiné cette question dans les Annales !; nous avons montré que les plus grands naturalistes, tels que Buffon, Linné, Cuvier, Blumenbach, Lacépède, Virey, etc., croyaient à l'unité de l'espèce humaine, et n'admettaient que des variétés produites par la nourriture, par le climat et par différentes autres causes. L'article suivant que nous empruntons à la Revue Britannique envisage cette question sous un point de vue nouveau, c'est ce qui nous détermine à l'insérer dans nos Annales.

« L'homme, soumis par son organisation à naître, à croître et à mourir, subit des lois communes à tous les êtres animés; mais un caractère si particulier et si sublime le distingue, qu'il est impossible de supposer le rapport même le plus éloigné, entre lui, né pour le commandement, et les brutes bornées uniquement sur la terre au soin de se nourrir et de se propager. Son attitude droite et élevée, qui indique le courage en même tems que la dignité; ses mains, instrumens dociles de sa volon

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Voyez les numéros 11, t. 11, p. 353,et 14,t. m, p. 93 des Annales,
TOME VI.-N° 34. 1833. 2 édition 1836.

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té, qui exécutent les plus magnifiques et les plus utiles ouvrages; ses yeux, qui s'éloignent de la poussière, et dont le regard intelligent peut sonder l'immensité des cieux; ses organes, qui lui permettent d'exprimer sa pensée par des sons articulés d'une variété infinie; l'union admirable de la force et de l'agilité dans tous ses membres; enfin l'harmonie et la perfection de tous ses sens, lui assignent le premier rang parmi les êtres créés, et lui donnent le droit de réclamer, aussi bien que le pouvoir de retenir, l'empire de la terre.

» Les recherches des anatomistes et physiologistes ont établi ces vérités d'une manière incontestable; il est donc évident que lorsque certains naturalistes ont cherché à confondre l'espèce humaine avec celles des singes, malgré une différence essentielle dans les pieds, les organes de la parole et les sons de la voix, ils ont plutôt cédé à un accès de misanthropie, qu'ils n'ont été guidés par une connaisance des vrais principes de la classification des êtres. Il faut même reconnaître que les désavantages apparens de notre organisation contribuent puissamment à håter le perfectionnement de notre espèce, et par là son bonheur. Si l'homme eût été doué de la force du lion, défendu par une cotte de mailles comme l'éléphant, ou couvert d'une peau également impénétrable au froid et à l'humidité, il est probable que pendant toute la durée de son existence il serait resté plongé dans un engourdissement intellectuel et dans l'ignorance de tous les arts de la vie civilisée. L'extrême faiblesse de la machine humaine au moment de sa naissance, la lenteur de son accroissement, la multiplicité de ses besoins, sont, avec les maladies et les infirmités, cortége ordinaire de notre vie, autant d'aiguillons qui éveillent nos facultés assoupies, et autant de liens par lesquels l'homme est, pour ainsi dire, enlacé avec l'homme. De là l'origine de la société civile. La faiblesse prolongée des enfans, qui leur rend si long-tems nécessaire le secours de leurs parens, établit entre les uns et les autres des rapports d'affection sur lesquels se fonde ensuite l'union permanente des époux. Cette union des familles devient, à son tour, la base des associations humaines en tribus et en nations. C'est en inventant des instrumens pour venir au se

cours de sa faiblesse, que l'homme a réussi à maîtriser et à diriger les forces inférieures de sa nature; il a senti la misère; et l'aiguillon de ce sentiment l'a mis en possession de sa véritable richesse.

» L'homme distingué par ces divers caractères des autres animaux, forme, dans l'échelle générale des êtres, un ordre isolé qui ne renferme qu'un genre et qu'une espèce; les différences observables dans les grandes familles de la race humaine ne peuvent être considérées comme une différence d'espèces, parce qu'elles sont bornées à des qualités que nous voyons varier chaque jour selon la nature des alimens, et sous les diverses influences des climats et des maladies. Ces différences se font surtout apercevoir dans la stature, la physionomie, la couleur de la peau, la nature des cheveux et la forme du crâne. Mais il est bien reconnu qu'une vie simple, une nourriture abondante et un air salubre, donnent à tous les êtres organisés des formes larges et gracieuses. Pour en avoir la preuve, comparons entre eux les Lapons et les Hongrois. La ressemblance du langage indique clairement que ces deux peuples, dont l'un habite le nord et l'autre le midi de l'Europe, ont une origine commune. Ils appartiennent également à la grande famille Finoise; cependant quelle différence de taille et de conformation! Les Lapons sont cités pour la petitesse de leur taille et pour leur difformité, tandis que les Hongrois sont grands, beaux et bien faits; en faut-il davantage pour prouver que la même race modifie ses formes avec le climat et les qualités propres à chaque contrée ?

» Les habitans de l'Allemagne civilisée et cultivée comme elle l'est aujourd'hui, ne ressemblent plus aux Germains tels que Tacite les a représentés, au tems où les Romains envahirent cette partie de l'Europe. Le Hollandais qui, dans son pays, n'est pas au-dessus de la taille ordinaire, a pris au cap de BonneEspérance une taille presque gigantesque. Combien de contrastes semblables chez une seule nation et à des distances fort rapprochées! Les paysannes, dans la Westrogothie, sont d'une beauté remarquable; celles de la Dalécarlie sont en général fort laides; et cependant ces deux provinces de la Suède occupent égale

ment le centre de l'ancien pays des Goths. Mais pourquoi chercher des différences dans la même partie du globe, dans la même nation ou dans la même tribu, lorsque nous en trouvons si souvent dans la même famille ? Il est bien difficile de reconnaître les causes de ces différences, surtout dans les pays civilisés. Des passions violentes, des occupations variées ou monotones, une vie active ou indolente, donnent à la physionomie d'une nation tout entière un caractère particulier. L'on accorde aussi que plusieurs différences physiques ne sont pas uniquement l'ouvrage de la nature. De nombreux témoins oculaires nous assurent que les Nègres, les habitans du Brésil et les Caraïbes, les peuples de Sumatra et des îles de la Société, aplatissent avec grand soin le nez de leurs enfans aussitôt après leur naissance; or, quoique cet usage ne suffise pas pour rendre héréditaire une pareille configuration du visage, il contribue cependant à rendre les exceptions impossibles ou extrê mement rares.

» La différence de couleur semble aussi dépendre en grande partie de circonstances extérieures, puisqu'on l'observe souvent dans les individus d'une même nation. Tandis que les dames Mauresques, qui restent enfermées dans leurs maisons et sont rarement exposées au soleil, ont le teint d'une blancheur éblouissante, les femmes du peuple, que rien ne protège contre les ardeurs d'un ciel brûlant, en éprouvent les effets ordinaires, et leur peau contracte dès l'enfance une couleur approchant de celle de la suie. Les montagnards ou les habitans des hautes terres, dans l'Abyssinie, sont aussi blancs que les Espagnols ou les Napolitains; les habitans des plaines sont au contraire presque noirs.

» Autre exemple: on reconnaît les femmes créoles à la vivacité de leurs regards et à leurs cheveux noirs comme l'ébène, qui les distingue de leurs sœurs nées en Europe. L'application des principes que nous devons aux découvertes de la chimie moderne, nous permet, non-seulement d'expliquer ce changement de couleur par les circonstances de la chaleur du climat, et par son action sur les substances dont le corps est composé, mais encore de comprendre pourquoi dans certaines maladies,

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