Page images
PDF
EPUB

La conduite commune des hommes est souvent opposée aux vérités du sens commun, et en ce sens leur sagesse pratique est souvent mensonge, folie: cela est également applicable à la plupart des fidèles qui ont coutume d'agir autrement qu'ils ne croient. Nous devons donc nous conformer, non certes à la conduite du plus grand nombre des hommes et des chrétiens, mais aux principes du sens commun ét de l'évangile. D'ailleurs, les mots monde, siècle, ne sont pas synonymes d'universalité dans le langage des livres saints: autrement il faudrait dire que Jésus-Christ a exclu de ses prières l'immense majorité des enfans d'Adam, quand il a dit: non pro mundo rogo.

Plusieurs antagonistes de M. de La Mennais se sont imaginé que dans son système la vérité d'un fait ou d'une doctrine ne repose sur le sens commun qu'autant qu'elle est connue et proclaméc directement par tous ou presque tous les hommes. C'est une fausse interprétation du principe posé par l'illustre écrivain. Il est des vérités qu'un très-grand nombre de personnes, des peuples même, ne peuvent ou ne veulent pas connaître, ou qu'ils rejettent par caprice, après les avoir connues. Alors, si elles sont attestées par un témoignage qui a coutume d'imposer l'assentiment général, on peut dire qu'elles ont pour garant l'autorité du sens commun. Ainsi nous savons que tout le monde admet comme divine une doctrine prouvée par un miracle éclatant; par exemple, par la résurrection d'un mort déjà en proie à la dissolution. Nous savons que tout le monde admet des faits, soit naturels, soit miraculeux, rapportés par des témoins irréprochables, tels qu'étaient les apôtres de Jésus-Christ. Le christianisme repose donc sur des preuves de sens commun, et par conséquent est admis implicitement.par tous les peuples. En terminant les réflexions qu'on vient de lire, nous croyons utile de formuler de la manière suivante le principe développé par M. de La Mennais: Tout ce que le témoignage immédiat » du genre humain, ou un témoignage déclaré suffisant par le » genre humain pour produire la certitude, affirme être vrai ou > faux, doit être tenu pour vrai ou pour faux. »

Un professeur de théologie.

Religion.

HERMENEUTIQUE SACRÉE;

OU INTRODUCTION A L'ÉCRITURE SAINTE EN GÉNÉRAL.

De la langue hébraïque.

Premier Article.

Des autographes des livres saints. Caractères d'écriture employés dans les livres saints. Division des livres saints en chapitres et en versets. points-voyelles des livres saints. ciennes, et surtout des langues bibliques.

Ponctuation, esprits, accens et Utilité et nécessité des langues au

Il nous arrive peu souvent de pouvoir recommander un livre à nos lecteurs sans aucune restriction et en toute sûreté de conscience. Aussi, est-ce avec une satisfaction inaccoutumée que nous leur parlons aujourd'hui de l'Herméneutique sacrée, qui vient de paraître '. C'est un de ces livres que les Annales doivent tout particulièrement annoncer et encourager. On le sait, nos travaux n'ont d'autre but que de faire servir les sciences à la défense de notre foi et des livres qui en ont conservé le dépôt depuis le commencement du monde. Or, voici un ouvrage qui s'occupe tout spécialement d'entourer les faits, contenus dans nos écritures, de tous les témoignages que l'on peut retirer des sciences modernes. Et cette tâche, l'auteur la remplit sans prétention, avec clarté et précision ; il a le bon esprit de laisser de côté les erreurs que le tems a fait tomber en désuétude, et les

* L'Herméneutique sacrée, ou introduction à l'Ecriture sainte en général et en particulier à chacun des livres de l'Ancien et du Nouveau-Testament, à l'usage des séminaires. Par J. Hermann Janssens, prêtre du diocèse de Liège, et professeur de Théologie, traduit du latin par J. J. Pacaud ; nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée. A Paris, chez J. J. Blaise, éditeur, rue Férou-Saint-Sulpice, no 24,3 vol. in-12, de près de 500 p. chacun. Prix: 8 fr. ct 11 fr. par la poste; 3 vol. in8-, beau papier. prix: 15 fr. et 20 fr. par la poste.

vaines questions, dites avec tant de raison, de l'Ecole; car elles sont étrangères à notre siècle. Il s'est exclusivement appliqué à réfuter les erreurs philosophiques de notre époque, et principalement toutes celles qui concernent les faits historiques, base de notre foi.

Voici la division de l'ouvrage, en cinq chapitres : dans le premier chapitre, est établie la canonicité de tous les livres saints énumérés dans le canon du concile de Trente; dans le deuxième, sont exposées les preuves de leur divinité et de leur inspiration; leur authenticité est démontrée dans le troisième ; le quatrième met au grand jour l'intégrité (quant au fond) du texte original, et traite de l'autorité, de l'utilité et de l'usage de ce texte, ainsi que des anciennes versions bibliques, pricipalement de la Vulgate; enfin dans le cinquième, sont tracées les règles générales et particulières que l'on doit suivre pour bien entendre et interpréter les livres saints.

[ocr errors]

Nous pouvons ajouter au témoignage que nous rendons à cet ouvrage l'autorité des personnes compétentes en cette matière et qui sont chargées de diriger l'enseignement catholique en France. Plusieurs ont adopté l'Herméneutique pour servir à l'explication de l'Ecriture qui se fait dans les maisons d'éducation ecclésiastique; pour nous nous dirons à tous les chrétiens: lisez la Bible, c'est une honte pour un chrétien qui prétend connaître sa foi, et qui vise à passer pour instruit, que de ne l'avoir pas lue, mais ne la lisez pas sans secours, et aucun ne vous saurait être plus utile que l'Herméneutique sacrée. Cependant nous ferons un reproche à l'estimable traducteur, celui d'avoir conservé quelques expressions un peu trop fortes contre les incrédules en général. Ce ne sont pas les mots, et surtout les mots offensans, qui convertissent et qui gagnent les cœurs. Il faut réfuter ses adversaires sans les mépriser; le latin se permet quelquefois des expressions que la simple politesse française doit éviter.

Et maintenant, pour mieux faire connaître la méthode et la marche suivie dans cet ouvrage, nous allons en citer quelques morceaux extraits du chapitre IV, tom. 1, p. 129, lesquels entrent plus particulièrement dans le plan et le but des Annales, A. BONNETTY.

TOME VI.-N° 34. 1835.— 2° édition 1836.

20

De la langue hébraïque,

L'état de perfection dans lequel fut créé le premier homme ne permet pas de supposer que Dieu lui ait refusé le don de la parole; comment d'ailleurs aurait-il pu, sans cette faculté, donner des noms aux divers animaux, dès les premiers momens de la création, comme nous l'enseigne la Genèse (ch. 11, v. 19-20)? comment aurait-il pu entendre les paroles que Dieu lui adressait? Cette langue d'Adam, quelle qu'elle fût, se conserva jusqu'à la dispersion des descendans de Noé, jusqu'à la confusion des langues, à l'époque de la tour de Babel (Gen., II, V. 1-9).

On demande si cette langue primitive s'est perpétuée dans sa pureté chez quelque nation, ou si elle s'est comme disséminée et perdue à Babel dans les divers dialectes.

Mais c'est sur quoi on ne peut rien établir de certain. Moise rend assez vraisemblable la seconde de ces deux hypothèses, lorsqu'il rapporte qu'au moment où commença la folle entreprise de la tour de Babel, tous les descendans de Noé parlaient la même langue; mais que Dieu, pour les empêcher de continuer leurs travaux, confondit leur langage: «Il n'y avait sur la » terre qu'une langue et qu'une même manière de parler...., » et là fut confondu le langage de toute la terre.»

Les savans se demandent ensuite quelle est, parmi les langues connues, la plus ancienne. Un grand nombre assurent, avec les Juifs, que c'est l'hébreu, d'autres, que c'est le chaldeen

• Ceux qui soutiennent que l'hébreu est le plus ancien de tous les langages, allèguent:

1 Les différentes étymologies des noms des patriarches, etc., que Moise fait venir de l'hébreu ; ainsi dans la Gunèse (11, v. 27), il est dit qu'Adam a été formé du limon de la terre, allusion au mot hébreu adâmâ, qui sig、 mifie terre. Adam donne à sa femme le nom d'Héva, «parce qu'elle était destinée à être la mère de tous les vivans. Le mot Hhai, d'où vient le nom Hhawa, est hébreu. Eve est appelée Issché, du mot hébren Isca, homme, c'est-à-dire femme venant de l'homme, virago. Eden, en hébreu, veut dire délices, etc.

[ocr errors]

a Ils disent que les peuples les plus anciens tirent leurs noms de la

1

Ceux qui pensent que l'hébreu a été l'idiome que parlaient nos premiers parens, prétendent qu'il s'est conservé sans altération dans la famille d'Héber, et qu'il passa ainsi jusqu'à Abraham et à sa postérité.

langue hébraïque, comme les Assyriens d'Assur, les Araméens d'Aram, les Lydiens de Lud, etc. Les noms d'un grand nombre d'idoles ou de faux dieux ont aussi une origine hébraïque. Jovis par exemple, vient de Jéhovah, Bélus de Baal, Cérès de Géresch, qui en hébreu signifie fruit de la terre; Japet, père de Prométhée, de Japhet, fils de Noé, etc.

3. Suivant eux, l'hébreu est la plus simple de toutes les langues; il était par conséquent proportionné à la simplicité des premiers hommes, qai, pour exprimer leurs sentimens et leurs affections, et les phénomènes de la nature, devaient employer les expressions et les signes les moins compliqués.

4° Enfin ils allèguent que l'hébreu est la source commune, non-seulement de toutes les langues de l'Orient, mais même de toutes les autres langues.

Ceux qui, au contraire, veulent que le chaldéen soit l'idiome le plus ancien, répondent au premier argument ci-dessus des partisans de l'hébreu, que ces noms des patriarches ont passé de la véritable langue primitive dans l'hébreu, ou qu'ils ont la même étymologie dans le chaldéen, ou que Moïse a hébraïsé les anciens noms des patriarches; ils citent en exemple Aquila, qui, voulant imiter aussi l'analogie qui existe en hébreu entre les mots Iscâ et Isschâ, qui siguifient homme et femme, les a traduits par les mots grecs Åvôpig Andris, et Åvýp Aner; que l'auteur de la Vulgate en a fait de même en se servant des mots virago et vir; que c'est ainsi que le mot syriaque Kephas a été changé en Petra, afin de conserver la signification du mot kephas, et l'allusion à une pierre (S. Math., xvi, 18); que les Septante ont rendu par Σύγχυσις le mot Babel ; Σύγχυσις signi fiant en grec confusion, comme en hébreu le mot Babel.

Sur le second argument, ils disent qu'il prouve tout au plus que quelques noms de la langue primitive se sont conservés en passant dans l'hé breu; qu'au surplus il n'y a rien de plus arbitraire et de plus incertain que ces étymologies des noms de peuples et autres, et que s'il s'en trouvait quelques-unes de bien constatées, elles indiqueraient seulement que les Grecs et d'autres peuples de l'antiquité ont tiré bien des choses des livres saints des Hébreux.

Sur le troisième argument, ils aient que la langue hébraïque soit d'une aussi grande simplicité qu'on veut bien le dire; que d'ailleurs la simpli

« PreviousContinue »