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vertes précédentes n'ont pas produit encore une seule date. Tout en applaudissant aux travaux de MM. Champollion, M. de Bovet se tient donc en garde contre les illusions et l'enthousiasme de ceux qui croient que ces travaux vont éclaircir tous les doutes et dissiper tous les nuages. Il exhorte les savans à se défier de la chronologie de Manéthon et de cette antiquité gigantesque dont on devrait être désabusé.

Tout cet ouvrage annonce une étude approfondie de l'histoire et des monumens de l'Égypte. Le prélat démêle avec beaucoup de sagacité les justes motifs qu'on a de suspecter la chronologie égyptienne, et rend à la fois, par là, service à la critique sacrée et à l'histoire en général. Son livre, dans lequel il ajoute des développemens et des éclaircissemens à ceux de Guérin du Rocher, sera désormais un appendice nécessaire de l'Histoire véritable des tems fabuleux 1.

Toutefois les derniers travaux de M. Champollion, commentés par M. Greppo, démontrent que la chronologie biblique peut très-bien s'accorder avec celle de Manéthon, comme nous l'avons prouvé dans un des premiers volumes des Annales, tom. II, pag. 148, article intitulé Découvertes de M. Champollion dans leurt rapports avec la Bible. (Note du D.)

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L'ouvrage de M. de Bovet a paru en 1836, sous ce titre : Histoire des derniers Pharaons et des premiers rois de Perse selon Hérodote, tirée des livres prophétiques et du livre d'Esther. Voir l'article que nous y avons consacré dans le N° 76, tom. xi, p. 258 des Annales.

(Note de la 2o édition.)

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Voyages.

PALMYRE, RUINES DE BALBEC,

SEMAINE-SAINTE A JÉRUSALEM, Mosquée d'omar, pIERRE DE JACOB.

Manière de voyager dans le désert,-Vue de Palmyrc.-Ses ruines. -Balbec supérieur à Palmyre.-Damas.-Hospitalité des Lazaristes. - Lady Stanhope.-Semaine-sainte à Jérusalem.-Les différens cultes.-Visite à la mosquée d'Omar.

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Nous partimes d'Alep pour Palmyre ; cette excursion assez difficile est un épisode isolé dans un voyage du Levant, comme la ville même l'est dans le désert. C'est ordinairement d'Homs ou de Hama qu'on s'y rend. On trouve dans ces deux villes des habitans qui sont en rapport avec les chefs arabes, et négocient avec eux pour qu'ils servent de guides aux voyageurs. Ce sont en quelque sorte des courtiers du désert. Le plus con

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Palmyre, appelée dans l'Orient Thadamar ou Tadmar (d'an mot hébreu qui signifie palmier), avait été bâtie par Salomon sur un terrain fertile qui se trouvait isolé dans les déserts de l'Arabie, comme une ile oinbragée, verte et fleurie au milieu d'un océan de sables.

Elevée par ses conquêtes au rang de la capitale de l'Orient, Palmyre devint la rivale de Rome; mais elle paya cher cette gloire trompeuse. Un instant de malheur effaça plusieurs siècles de prospérité, et, en peu d'an. nées, il ne resta de sa puissance passagère qu'un nom et des débris. Cette cité superbe fut prise sur la reine Zénobie par l'empereur Aurélien, qui emmena celte princesse captive, et la fit servir à son triomphe. On dit qu'elle vécut à Rome en dame romaine, et qu'elle épousa un sénateur. S. Jérôme, dans le quatrième siècle, vit encore scs descendans. (Voir Hist univ. de M. Ségur, tom. vi.).

sur

sidérable, le cheikh Thala, qui escorte la caravane de la Mecque de Hama à Damas, fit partir sur-le-champ un exprès pour un chef très-considéré à cette époque; car la puissance est trèsmobile dans le désert, elle passe d'une tribu à l'autre, suivant les agglomérations qui s'opèrent entre elles et les nouvelles tribus qui viennent chaque année de l'Euphrate et du Tigre. Nous vimes arriver quatre jours après l'homme qui devait nous conduire; il s'appelait le cheikh Nahar, de la tribu des Lions, faisant partie de la grande famille des Anesées. Il commandait environ dix mille hommes repartis dans six mille tentes, trente ou quarante lieues carrées de territoire. Nos arrangemens furent bientôt faits. C'est avec cet homme seul et trois des gens de sa tribu à pied, que nous entrâmes dans le désert. Nous étions six à cheval, avec trois chameaux pour porter l'eau et les provisions... Les hommes à pied de la tribu nous précédaient ordinairement, et allaient à la découverte; souvent ils se plaçaient debout sur un chameau pour apercevoir de plus loin; inquiet du moindre bruit, attentif au moindre mouvement, l'homme étranger à l'homme dans ces vastes solitudes craint toujours de rencontrer un ennemi dans son semblable. On s'aperçoit et on s'évite à des distances énormes, et là où une armé entière se perdrait, un homme seul ne peut se cacher.

Palmyre est bâtie sur le plan de la plupart des villes anciennes de la Syrie, et en général des colonies romaines. Une longue rue ornée de portiques en colonnes, et coupée par une autre semblable, aboutit, d'une part, au temple de Neptune, de l'autre à celui de Jupiter. Cet amas de temples, de tombeaux, cette longue suite de colonnes présente sans doute un aspect imposant, mais il est loin de l'être autant qu'on le suppose : la plaine qui s'étend autour à perte de vue, sans la moindre ondulation, isole les monumens sur l'azur du ciel, les fait paraître petits, et leur donne l'air de bâtons blancs fixés sur une surface aride. La qualité du marbre, qui n'a pas cette teinte chaude des monumens de l'Italie, nuit encore à l'effet. L'examen de près ne leur est pas plus favorable; à l'exception du temple de Jupiter, qui présente une grande masse et de beaux détails, les autres ont beaucoup de défauts; des consoles en saillies sur les colonnes, les niches et les rentrans multipliés,

la profusion des ornemens plutôt que leur magnificence, s'écartent déjà du beau tems des Antonins. L'ensemble cependant de cette ville singulière, sa position surtout dans le désert, en feront toujours un des lieux les plus curieux pour les voyageurs.

De Palmyre nous remontâmes vers Latakie pour visiter la côte de Syrie, l'intérieur du Liban, les belles vallées qui le coupent en différens sens, lieux célèbres dans l'Ecriture, et embellis encore par des monumens de tous les âges. A deux journées d'intervalle, on passe des cèdres de Salomon au monument gigantesque de Balbec et au palais merveilleux du prince des Druses. Balbec est supérieure à Palmyre en grandeur et en perfection de style : des colonnes de soixante pieds de haut, d'un seul bloc, y reposent sur des soubassemens de pierres plus grandes encore, et le palais de l'émir Béchir est peut-être ce qu'il y a de plus délicieux en architecture arabe. Le prince qui le fit élever a sous ses ordres cinquante mille chrétiens armés et quarante mille Druses; et, quoique à l'extérieur il observe la religion mahométane, il est chrétien, et son existence singulière et aventureuse rappelle le tems des Saladin et des Malech-Adel: De Balbec nous nous rendîmes à Damas, la ville la plus considérable et la plus belle de tout l'Orient, après la capitale. Nous couchâmes dans le couvent des Lazaristes: ces bons religieux sont la providence des voyageurs, et se soumettent toute l'année à une foule de privations pour être en état de les mieux recevoir. L'accueil que nous fit Salech, pacha de Damas, et les principaux seigneurs de cette ville, nous sauvèrent de l'usage reçu de quitter le turban blanc et de descendre de cheval dans les rues, humiliation à laquelle nous ne nous serions pas soumis et dont nous espérons avoir affranchi les voyageurs. De Damas nous partimes pour le Haouran, l'ancienne Décapolis, point le plus important de notre voyage, que Seetzen et Burckhardt ont décrit, mais dont ils n'avaient point dessiné les monumens. Au sortir de Damas, nous vîmes accourir à nous un chrétien du Liban, bel homme, bien vêtu et portant des armes riches, mais harassé de fatigues; il avait fait six lieues de suite sans manger, à cause du carême. Il me remit une lettre en anglais. « Vous allez faire un voyage dangereux : l'homme que je vous » envoie est un des plus braves de la montagne ; il a l'ordre de

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»ne pas vous quitter un moment jusqu'au lieu où vous vous »embarquerez, et de m'apporter de vos nouvelles.

« ESTHER STANHOPE ' .>

Cette noble et aimable dame, nièce du célèbre Pitt, m'avait permis de passer quelques jours auprès d'elle dans sa solitude: elle m'avait raconté ses aventures; mais elle ne m'avait pas dit, ce qui eût été plus long, tout le bien qu'elle fait dans le pays; les malheureux seuls nous en avaient instruits.

La province de Haouran est une grande plaine fertile, jadis couverte de villes considérables, et dont il reste beaucoup de monumens: nous rapportons quatre-vingts dessins ou plans des principaux, et surtout des villes de Canouhat, Souéda, Bostra, et plus loin, dans le désert de la mer Morte, Gerasa et Aman. Du Haouran, nous nous rendîmes à Jérusalem par Tibérias, Nazareth et Naplouse.

Nous avions passé la semaine-sainte à Rome l'année précédente; nos dispositions avaient été faites de manière à nous trouver à la même époque à Jérusalem; et, en effet, le contraste est intéressant à observer dans ces jours solennels entre ces deux grandes cités du monde chrétien; il est tout à l'avantage de la ville éternelle. A Rome, les hommes et les monumens

1 Cette intrépide voyageuse, dont il a souvent été question dans les papiers publics, et qu'un esprit aventureux et chevaleresque a lancée jus qu'au fond des déserts de l'Arabie, paraît avoir établi pour tonjours sa demeure dans les environs de Tyr et de la petite ville de Sidon. A une lieue et demie de cette dernière, elle a fait construire sur les fondemeus el avec les matériaux d'un ancien monastère en ruines, la villa spacieuse qu'elle habite aujourd'hui. Il n'est point vrai, comme on l'a dit, qu'une tribu arabe des déserts de la Syrie l'avait choisie pour chef, et qu'elle la gouvernait avec un pouvoir absolu. Mais la fortune lui a permis de satisfaire ses goûts bienfaisans et de se créer une existence indépendante dans l'Orient. Les Turcs la respectent comme une dame du plus haut rang, et elle exerce une grande influence sur les pachas et les gouverneurs des environs. Son crédit a souvent été utile aux opprimés. Généreuse, hospitalière, elle possède cette trempe de caractère énergique, qui a le plus de prise sur les Orientaux, Les Archives géographiques du xix' siècle, tom. 35, donnent des détails intéressans sur lady Esther Stanhope. Voir aussi coux, très-singuliers, que nous avons donnés dans le N° 60, t. 1, p. 414.

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