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Au moment de réaliser une si grande œuvre, les futurs Bénědictins de Solêmes, pleins de confiance dans le Père céleste, qui connaît leurs besoins et peut se servir des hommes pour les sõulager, s'adressent avec assurance aux âmes pieuses du diocèse de Paris. Ils sont encouragés dans cette démarche par l'illustre pontife que la divine Providence a fait asseoir si glorieusement sur le siége archiépiscopal de la capitale; sa bénédiction, ils n'en doutent pas, leur portera bonheur.

Du reste, les futurs Bénédictins présentent, avec confiance, aux personnes qui voudront bien prendre intérêt aux nombreuses et urgentes nécessités de leur établissement, une compensation bien précieuse aux yeux de la foi. Chaque jour, à perpétuité, à partir du 11 juillet, la messe conventuelle se célébrera à l'intention générale des bienfaiteurs morts ou vivans. Il est, certes, peu de bonnes œuvres qui portent avec elles une si riche récompense.

Nous croyons devoir placer à la fin de cette notice une lettre écrite par M. de Châteaubriand à M. l'abbé Guéranger, chanoine-honoraire de la cathédrale du Mans, et l'un des associés de l'œuvre Bénédictine. On verra, par la lecture de cette lettre, quelles honorables sympathies le noble écrivain daigne manifester pour l'établissement de Solêmes. Les Annales de la nouvelle Congrégation de Saint-Maur ne seront pas du moins sans quelque gloire : le nom du Bénédictin honoraire qui brillera à leur première page, les défendra pour jamais de l'oubli. Lettre de M. le vicomte de CHATEAUBRIAND à M. l'abbé Guéringer, chanoine-honoraire du Mans.

Monsieur l'Abbé,

Paris, 12 décembre 1832.

Je viens de recevoir votre intéressante lettre, et j'y réponds aussitôt pour vous dire combien je prends part à votre belle entreprise, et combien je suis reconnaissant de la communication que vous avez bien voulu m'en faire.

Comme vous, j'ai rêvé autrefois le rétablissement des Bénédictins. J'aurais voulu placer la nouvelle Congrégation à Saint-Denis, près des tombeaux vides et de la bibliothèque vide, comptant sur le tems pour remplir ceux-là, et sur les travaux de mes nouveaux Mabillons pour remplir celle-ci.

Puisque vous êtes jeune, Monsieur, rêvez mieux que moi, et comme nous sommes tous deux chrétiens, travaillons dans l'attente de cette éternité si savante, vers laquelle nous approchons tous les jours. C'est là que nous retrouverons nos vieux Béné→ dictins, bien plus instruits qu'ils ne l'étaient sur la terre ; car ils étaient hommes de vertu comme de science; et ils contemplent maintenant, d'une vue bien autrement étendue, l'origine des choses et les antiquités de l'univers.

Comptez-moi, je vous prie, Mousieur, au nombre des Bénédictins honoraires de Solêmes, et croyez au vif désir que j'éprouve de vous être bon à quelque chose.

Humillimus et addictissimus servus,

F. A. DE CHATEAUBRIAND,
E neo-congregatione Sancti Mauri.

Bibliographie.

Le libraire Renduel vient de publier un ouvrage fort curieux, intitulé : Le livre des pèlerins polonais 1. C'est une espèce de manuel dans lequel le poète polonais, Adam Mickiewicz, a exposé les croyances, les vœux, les espérances de toute la nation dans l'épreuve malheureuse qu'elle subit en ce moment. Cet ouvrage, écrit en style biblique, renferme en outre des conseils, donnés sous forme de paraboles, qui doivent servir à diriger les pèlerins, comme les appelle l'auteur, dans la terre de leur exil.

Les Annales n'ont pas à se prononcer sur les questions politiques qui sont abordées nécessairement dans cet ouvrage, mais elles ne peuvent s'empêcher de louer la foi de l'auteur, et de reconnaître qu'il y a dans son livre des beautés frappantes, et surtout une foi et une confiance en la Providence telles qu'on n'en trouve plus dans les ouvrages de notre siècle, dans ceux surtout qui s'adressent à des soldats. Cet ouvrage est traduit avec beaucoup d'élégance et d'originalité, par M. le comte Ch. de Montalembert; il est suivi d'un hymne à la Pologne, par M. F. de La Mennais.

Pour donner une idée du Livre des Pèlerins Polonais, nous allons en extraire un passage où l'auteur s'explique sur le pouvoir et la science tels que les a faits le siècle présent.

« Ne cherchez pas d'abri auprès des princes, des magistrats et des juges

1 Paris, chez Renduel. Prix : 3 fr. 50. Et chez MM. Gaume, frères, libraires, rue du Pot-de-Fer, no 5.

des pays étrangers. Il est fou, celui qui, par un tems orageux, lorsque le ciel gronde, cherche un abri auprès des grands chênes, ou s'enfuit sur les grandes eaux.

Les princes et les magistrats de ce siècle sont comme ces grands chênes, et la science de ce siècle comme ces grandes eaux.

Necroyez pas que le pouvoir soit mauvais en lui-même, ni que la science soit mauvaise en elle-même, ce sont les hommes qui les ont corrompus.

Car le trône du pouvoir, selon le Christ, devait être une sorte de croix à laquelle un juste se laissait attacher pour le bien d'autrui.

C'est pour cela que les rois étaient sacrés, de même que les prêtres, pour recevoir la grâce du sacrifice ; et le vicaire du Christ avait le titre de serviteur des serviteurs.

.Et la science, selon le Christ, devait être la parole de Dieu, le pain et la source de la vie. Le Christ a dit : l'homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de parole.

Et aussi long-tems qu'il en a été ainsi, on a révéré le pouvoir et la science. Mais ensuite des hommes ont commencé à convoiter le pouvoir comme un lit chaud pour y dormir, et à estimer une charge publique comme on estime un cabaret de grand chemin, d'après ce qu'il rapporte.

Et les savans ont distribué du poison au lieu de pain, et leur voix est devenue comme le fracas d'un moulin vide, dans lequel il n'y a pas un grais de foi. Le moulin continue le fracas, mais il ne donne plus de nourriture.

Et votre pélerinage est devenu la pierre de touche des princes et des docteurs de ce monde; car n'avez vous pas reçu plus de secours des mendians que des princes? et dans vos cachots et dans vos prisons, et dans votre par vreté, n'avez-vous pas trouvé plus de nourriture dans une prière, que dans tous les livres des Voltaire et des Hegel, laquelle est comme du poison, et plus que dans toute la science des Cousin et des Guizot, lesquels sont comme des moulins vides?

C'est pourquoi le pouvoir et la science sont tombés en mépris; car un homme vil est appelé maintenant en Europe ministériel, c'est-à-dire homme du pouvoir, et un sot est appelé doctrinaire, c'est-à-dire savant.

Il en était de même au tems de la venue du Christ; car un publicain romain, c'est-à-dire un employé du fisc, signifiait voleur; un proconsul, c'està-dire un gouverneur de province, signifiait concussionnaire; un pharisien, c'est-à-dire un homme de la loi juive, signifiait chicaneur, et un sophiste, c'est à-dire un savant grec, signifiait fripon; et cette signification leur est restée jusqu'au jour d'aujourd'hui.

Et depuis votre venue, une pareille signification s'attachara au titre de pair et au titre de lord, et au titre de ministre, et au titre de professeur.

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Mais vous avez reçu la vocation de réhabiliter le pouvoir et la science dans votre pays et dans toute la chrétienté......... ►

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HISTOIRE DE JESUS-CHRIST,
D'APRÈS LES MAHOMÉTANS.

Après avoir lu dans les Annales1 ce que les Juifs racontent du fondateur de la religion chrétienne, et les histoires aussi ridicules que fausses qu'ils sont obligés d'adopter, pour décliner les conséquences de la réalité de ses miracles, il n'est peut-être pas inutile d'examiner quelle est la croyance des Mahometans par rapport à Jésus-Christ.

Le Mahométisme est une secte essentiellement ennemie du Christianisme, qui semble même n'avoir été suscitée que pour l'anéantir entièrement, et qui, dès son origine, porta aux chrétiens une haine aussi acharnée qu'implacable, que des torrens de sang répandus dans les trois parties de l'ancien continent n'ont pas encore éteinte. Ce n'est donc pas sans étonnement qu'on trouve dans les écrits des ennemis les plus irréconciliables du nom chrétien, les éloges les plus magnifiques de Jésus-Christ et de sa doctrine.

,

«La religion mahométane, dit Mouradgea d'Ohsson, range dans la classe des prophètes tous les patriarches et tous les saints de l'ancienne loi; elle honore la mémoire de tous, et con

Tom. II, pag. 89, et tom. III, pag. 52.

Tableau général de l'empire Ottoman. Code religieux. Tom. I.

2

TOME VI.-N° 36. 1833.— 2° édition 1836.

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sacre même quelques-uns d'entre eux par des dénominations distinguées. Elle appelle Adam le pur en Dieu; Seth, l'envoyé de Dieu; Enoch, l'exalté de Dieu; Noé, le sauvé de Dieu; Abraham, l'ami de Dieu; Ismaël, le sacrifié en Dieu; Jacob, l'homme nocturne de Dieu; Joseph, le sincère en Dieu; Job, le patient en Dieu; Moïse, la parole de Dieu; David, le calife ou vicaire en Dieu, et Salomon, l'affidé en Dieu, etc. JésusChrist est distingué au-dessus de tous; il est appelé l'esprit de Dieu, puisque l'islamisme admet sa conception immaculéc dans le sein de la Sainte Vierge.

L'islamisme place notre divin Rédempteur à la tête de tous ces prophètes. Voici comment Ahmed-Effendi, auteur mahométan, s'énonce sur la naissance, la vie et la mission de NotreSeigneur: « Jésus, fils de Marie, est né à Bethléem, qui veut dire maison des viandes ou marché du bétail. Marie, fille d'Amrann 'et d'Anne, descendait, comme Zacharie et Jean-Baptiste, de la tribu de Juda, par Salomon. Jésus-Christ, ce grand prophète, naquit d'une Vierge par le souffle de l'archange Gabriel, le 25 décembre 5584, sous le règne d'Hérode, et l'an 42 d'Augusté, le premier des Césars. Il eut sa mission divine à l'âge de trente ans, après son baptême par saint Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain. Il appelle les peuples à la pénitence. Dieu lui donne la vertu d'opérer les plus grands miracles. Il guérit les lépreux, donne la vue aux aveugles, ressuscite les morts, marche sur les eaux de la mer; sa puissance va jusqu'à animer par son souffle un oiseau fait de plâtre et de terre. Pressé par la faim, lui et ses disciples, il reçoit du ciel, au milieu de ses angoisses et de ses ferventes prières, une table couverte d'une nappe et garnie d'un poisson rôti, de cinq pains, de sel, de vinaigre, d'olives, de dattes, de grenades et de toutes sortes d'herbes fraîches. Ils en mangent tous, et cette table céleste se présente dans le même état pendant quarante nuits consécutives. Ce Messie des

• Les musulmans prétendent que ce fut Ismaël, et non Isaac, qu'A. braham cut ordre de sacrifier au Seigneur.

• Le Coran confond Marie, mère de Jésus, avec Marie, sœur de Moise, dont le père s'appelait Amran. Ce n'est pas le seul anachronisme du Coran.

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