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mêmes, à vouloir leur faire pratiquer ce qu'ils ne pratiquent pas eux-mêmes; prétendus esprits forts, qui déclarèrent ineptement que la Religion était faite pour le peuple, et non pour eux, et dont l'aveugle sottise ne vit pas que c'était se mettre eux-mêmes hors de la société, hors de la nature, hors de Dieu, la plus ignoble de toutes les conditions humaines. Mais alors, comme aujourd'hui, de tels docteurs et de tels maîtres furent sans persuasion et sans autorité sur le peuple et sur la jeunesse. Aussi les générations naissantes restèrent-elles dans le doute.

Mais le mal fut bien plus grand, ou au moins apparut avec bien plus de clarté et de scandale, lorsque ces générations avancées dans la vie, eurent pris la place de leurs pères. Le Sage l'a dit : L'homme n'abandonnera point dans sa vieillesse la voie qu'il >> aura suivie dans sa jeunesse ', » et encore : « ce que l'on n'a » pas amassé dans sa jeunesse,c'est en vain qu'on voudrait le trou»ver dans sa vieillesse 1. » Aussi c'est alors que l'on vit, chose honteuse et douloureuse tout à la fois, des vieillards s'en allant doutant, demandant, questionnant, et ne connaissant pas encore le chemin de la vie, au moment où elle était sur le point de finir pour eux. C'est de là qu'est venue cette longue suite de vieillards qui se sont succédés dans le siècle dernier, et qui sont encore en si grand nombre au milieu de nous, lesquels ne sont fixés sur rien, ne savent rien des choses de Dieu, lesquelles sont pourtant celles de l'homme: pères inhabiles à rien apprendre, à rien livrer à leurs enfans, ni religion, ni dogme, ni morale, ni ciel, ni enfer, ni immortalité, ni résurrection; hommes que l'on doit appeler enfans de leurs pères, plutôt que pères eux-mêmes; car aucun d'eux ne peut s'élever à l'honneur de la véritable paternité, cefte paternité qui forme les âmes aussi-bien que les corps,

Qui de nous n'a vu en effet de ces vieillards, fats et sans sagesse, que l'écrivain sacré disait hair 5?

Proverbium est adolescens juxta viam suam, etiam cùm senuerit, non recedet ab eâ. Proverb., ch. xxi, v. 6.

Quæ in juventute tuâ non congregasti, quomodo in senectute luâ invenies? Eccl., ch. xxv, v. 5.

Tres species odinit anima mea, et aggravor valdè animæ illorum:

On les voit dans nos salons et dans nos cercles, affectant les airs et les gestes de la jeunesse, sans majesté dans leurs actions, sans vérité dans leurs paroles. On les voit dans les assemblées publiques, demandant quelquefois avec plaisanterie aux jeunes gens, ce qu'il faut penser de la vie, du tems, de l'éternité. On les voit, ô profanation véritable! auprès du berceau de l'enfance qu'ils sont hors d'état d'élever; on les voit souvent à la tête de l'éducation de la jeunesse, à laquelle ils transmettent ce levain de doute, d'ignorance et d'incrédulité, qui fermente avec des fruits si malheureux dans le siècle où nous vivons. Oui, voilà ces vieillards, qui corrompent notre jeunesse, et qui la corrompraient toute si elle les prenait pour directeurs et pour guides.

Mais, est-il quelque remède à un si grand mal? Les vieillards ont-ils perdu pour toujours la place honorable que Dieu leur avait faite ? Que doivent donc faire les jeunes gens pour suppléer à ce défaut d'instruction et de direction? C'est là ce que nous pourrons voir une autre fois, il me suffit en ce moment d'avoir constaté les rapports qui existent entre les uns et les autres. » A. BONNETTY.

pauperem superbum, divitem mendacem, senem fatuum et insensatum. Eccl., ch. xxv, v. 4.

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Quelles sont les principales causes du suicide. - Est-il un droit naturel ? -C'est un attentat contre Dieu, contre la société, contre la famille. C'est un acte de faiblesse.— Efforts du Christianisme pour le guérir.— Ce ne sont que ceux qui se dérobent à ses croyances, qui se dévouent au suicide.-L'incrédulité descendue chez le peuple a multiplié les suicides. Le retour aux croyances chrétiennes peut seul en arrêter le cours.

Le suicide est-il un droit naturel? ou, en d'autres termes, le droit d'attenter à ses jours est-il un droit acquis à l'homme par une volonté expresse de la nature, ou par une disposition quelconque de la loi commune qui soumet les êtres créés aux conditions de la vie sociale? il semble que cette question, dans sa simplicité même, porte sa réponse avec elle : cependant la philosophie n'a pas craint de s'égarer jusqu'à ce point extrême, et le suicide est devenu un de ses dogmes démontrés par le raisonnement et soutenu théoriquement dans les livres qu'elle prétendait consacrer au bonheur de l'humanité.

Quel était donc ce raisonnement étrange? Par quelle logique nouvelle démontrait-elle à l'homme ses droits sur sa propre existence? La vie, lui disait-elle, est un bien qui lui appartient en propre, soit qu'elle lui ait été donnée par un Créateur souverain, soit qu'elle lui vienne par un hasard inexplicable. Si elle est un don, celui qui l'a reçue en est le maître suprême, comme il l'est de tout autre don qu'il aurait reçu également ; s'il en jouit par l'effet d'une cause inconnue et mystérieuse, ou simplement toute matérielle, à plus forte raison en peut-il librement disposer et s'en dépouiller au moment où elle commence à lui être un fardeau.

Déplorable et funeste égarement de l'esprit humain! voilà jusqu'où il peut descendre lorsqu'il abjure la vérité éternelle, et que, s'en détachant, il s'affranchit des lois suprêmes de l'intelligence. La philosophie a inventé des sophismes pour démontrer le droit de la destruction, et tandis que les doctrines salutaires tendent naturellement à la conservation, à la vie, et se reconnaissent à ce signe bienfaiteur, la philosophie semble n'avoir d'autres marques plus manifestes de ses égaremens que la mort et les ruines dont elle s'entoure, et qui font toute sa gloire.

La vérité est ce qui est, a dit un de nos grands hommes modernes', d'où il suit que l'erreur est ce qui n'est pas, d'où il suit encore que l'erreur, par son essence, même lorsqu'elle se rend présente à l'homme, ne peut se rendre présente que par la destruction de ce qui est. Telle se montre la fausse sagesse en crédit, elle détruit la vérité dans l'intelligence, et elle est encore conséquente avec elle-même lorsqu'elle détruit la vie dans l'être créé.

Est-il nécessaire de répondre aux sophismes de pareils raisonneurs? nous ne dirons qu'un mot. La philosophie considère la vie sous une double hypothèse, comme un don d'un être créateur, et comme l'effet d'une cause secrète qu'elle appelle le hasard. Laissons cette supposition aux esprits forts qui sont capables de se contenter eux-mêmes par des paroles vaines; il ne faut pas disputer avec eux; aveugles volontaires, ils ont des yeux pour ne pas voir; mais, heureusement pour l'espèce humaine, on rencontre peu de ces rares génies.

Oui, dans la supposition de l'athéisme, tout est mystère dans la vie humaine, et je comprends que l'être malheureux qui doute de Dieu, ou qui le nie, arrive naturellement à la doctrine du suicide. L'homme qui' ne sait ni d'où il vient, ni où il va, trouverait difficilement en soi des raisons pour demeurer attaché à une vie pleine de calamités, d'épreuves et de misères; ce n'est donc pas à lui qu'il faut adresser des raisonnemens contre le suicide. Comme il part d'une croyance meurtrière, il est impossible qu'il n'arrive pas, par la force des conséquences,

Bossuet, Connaissance de Dieu et de soi-même,

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à la doctrine du meurtre; c'est donc sa première croyance qu'il faudrait arracher de son cœur.

Mais l'inconséquence est dans celui qui part d'un principe contraire, et qui, supposant un créateur qui a donné la vie à l'homme, veut qu'il lui ait à la fois donné le droit funeste de se l'arracher, assimilant ainsi ce don précieux à tout autre don accordé à l'homme par tout autre bienfaiteur.... Philosophe, ouvre les yeux, et vois où t'égarent tes orgueilleuses pensées : tu te crois maître de ta vie, parce que tu en jouis! insensé ne vois-tu pas que si tu en étais le maître absolu, tu le serais à la fois pour la conserver ou la perdre à ton gré? Ne vois-tu pas qu'elle est si peu ton bien propre, qu'elle t'échappe à chaque moment, malgré les efforts? Quoi! celui qui t'a donné l'être t'en a donné la pleine possession, et cependant il conserve encore assez de puissance pour te l'arracher malgré toi! Quelle est donc cette souveraineté dont tu te vantes, qui ne va pas même jusqu'à disputer un instant ses propres droits à cet autre souverain caché, qui se joue de ta volonté, et qui te ravit le plus cher privilége de ta puissance? Avoue-le donc, tu vis, et ce don sublime de la vie, dont tu veux être le maître, reste tout entier dans le domaine de celui qui te l'a confié; lui seul en dispose avec cette pleine autorité qui se manifeste par le droit de te la laisser et par le droit de te la ravir; tandis que toi, être faible et dépendant, tu ne peux que montrer ta rébellion en usurpant le droit de te détruire, et ton éternelle impuissance en épuisant tous tes efforts pour chercher à te conserver.

Le suicide est donc un attentat contre la souveraineté de Dieu, et l'on n'a pas besoin de longues argumentations pour le démontrer. Mais, puisque l'homme ne doit pas être seulement considéré par rapport au Créateur, mais encore par rapport aux autres êtres avec lesquels il est destiné à vivre en société, ne peut-on pas examiner aussi si, en s'arrachant la vie, il ne viole pas la première loi de cette société, dont le but étant de se conserver est aussi de conserver chacun de ses membres? Remarquez avec quel soin la société protège la vie des individus ; c'est son propre instinct, c'est l'amour de soi qui la rend ainsi surveillante, active et pleine de sollicitude, et elle se croit elle-même frappée au cœur, lorsqu'elle apprend qu'un

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