Page images
PDF
EPUB

DE

PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

Numèro 31.-31 Janvier 1833.

LA BIBLE,

CONSIDÉRÉE SOUS LE RAPPORT RELIGIEUX, MORAL, HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE.

Premier Article.

Citation des passages les plus remarquables de MM. De Châteaubriand, - De Boulogne, De Bonald, -De la Mennais, - Amar,- Laharpe, Diderot, Voltaire, etc., etc.

Un auteur anonyme a publié, en 1824, un petit volume' fort intéressant, dans lequel il a inséré tout ce qui lui a paru le plus propre à faire ressortir l'excellence, la vérité et la nécessité de la Religion. Ce recueil, qui suppose beaucoup de lecture et de savoir, contient, entr'autres, un morceau remarquable sur la Bible, que nous reproduisons ici avec de nombreuses augmentations et des notes.

La Bible sous le rapport religieux.

« Le premier, le meilleur, le plus sublime de tous les livres, est, sans contredit, l'ÉCRITURE SAINTE, composée de l'ancien et du nouveau Testament. C'est le livre divin, le livre par excellence, dans lequel on trouve l'histoire la plus vraie, la philosophie la plus sage, la moraie la plus pure, la doctrine la plus relevée et en même tems la plus salutaire. C'est l'exposé de ce que Dieu a fait pour les hommes, l'exposé des importantes Mémorial religieux et biblique, on choix de pensées sur la Religion et l'Ecriture sainte. 1824. 1 vol.

1

vérités qu'il a bien voulu leur révéler, et l'exposé des lois qu'il leur a données pour éclairer leur marche dans le chemin de l'éternité. C'est un trésor qui nous est continuellement ouvert par un Dieu qui nous aime. Le pécheur y puise les moyens de se corriger, le juste de persévérer dans la justice et de se sanctifier de plus en plus; le pauvre y trouve du soulagement dans sa misère; l'affligé, de la consolation dans sa douleur, et l'ignorant, des lumières dans ses ténèbres'. Les rois y apprennent à régner, les peuples à obéir. L'Écriture sainte nous découvre une Providence qui règle tout avec une sagesse admirable et une bonté sans bornes, qui veille sur nous avec une attention continuelle; elle nous montre notre génération à partir d'Adam; si elle nous fait connaître l'origine de nos misères, elle nous en indique aussi le remède. « Elle est accessible à tous, dit S. Au» gustin, quoique peu soient en état de l'approfondir; elle parle » comme un ami au cœur de tous, au cœur des ignorans comme >> des savans. » Semblable à un fleuve dont l'eau est si basse, en certains endroits, qu'un agneau y pourrait passer, et en d'autres, si profonde, qu'un éléphant y nagerait, ce livre divin renferme des mystères capables d'exercer les esprits les plus éclairés, et contient en même tems des vérités simples, faciles et propres à nourrir les humbles et les moins savans. Il était dans l'ordre de la divine sagesse, que la parole de Dieu

a

1 M. de Châteaubriand dit une chose d'une vérité frappante et que nous avons remarquée bien des fois; c'est « qu'il n'y a pas une position dans la vie pour laquelle on ne puisse rencontrer dans la Bible un verset qui semble dicté tout exprès. Ou nous persuadera difficilement, ajoute l'illustre écrivain, que tous les événemens possibles, heureux ou malheureux, aient été prévus avec toutes leurs conséquences dans un livre écrit de la main des hommes. Or, il est certain qu'on trouve dans l'Ecriture l'origine du monde et l'annonce de sa fin, la base de toutes les sciences humaines, tous les préceptes politiques, depuis le gouvernement du père de famille jusqu'au despotisme inclusivement, et depuis l'âge pastoral jusqu'aux siècles de corruption, tous les préceptes moraux, appliquables à tous les rangs et à tous les accidens de la vie; enfin, toutes les sortes de styles connus, styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n'ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes. Génie du Christianisme.

étant pour tous, fût en quelque sorte mise à la portée de chacun. Oui, l'Écriture sainte est pour tous; elle est un bien commun, auquel tous les chrétiens ont droit, puisque c'est là que nous apprenons ce qui doit le plus contribuer à notre bonheur sur la terre, en nous préparant à celui qui sera inaltérable dans la commune patrie; et, pour tout dire en un mot, d'après l'expression admirable de M. de Laharpe', les livres saints contiennent la science de Dieu et la science du salut.

La Bible sous le rapport historique.

Nous venons de considérer l'Écriture sainte sous le rapport religieux; voyons-la maintenant comme monument historique, et comme ouvrage le plus précieux et pour l'esprit et pour le La Bible, en remontant à l'origne des choses', est l'his

cœur.

On sait que Laharpe, disciple et fils adoptif de Voltaire, avait embrassé avec ardeur les principes de la révolution; revenn de ses erreurs, il se jeta dans les bras de cette religion qu'il avait eu le malheur de méconnaître. Depuis que j'ai le bonheur de lire les divines Ecritures, » dit-il, dans son Apologie de la Religion, chaque mot, chaque ligne ap. •pelle en moi une abondance d'idées et de sentimens qui semblent sc ⚫ réveiller dans mon âme, où ils étaient comme endormis dans le long sommeil des erreurs de ma vie. Tout est dans ces livres divins, et le » malheur le plus commun et le plus grand, est de ne pas les lire..

D

2

« Nous ne connaissons point de littérature antérieure à celle des Hébreux. Leurs livres sont le plus ancien monument historique et religieux que nous possédions. On peut le dire au moins des premiers livres de la Bible car Sanchoniaton, le plus ancien écrivain dont on nous ait conservé des fragmens, était contemporain de Gédéon. Homère chantait la guerre de Troie, sous le règne de Salomon: Hérodote n'écrivit que du tems d'Esdras; les ouvrages de Confucius ne remontent pas au-delà du sixième siècle avant l'ère chrétienne. Bérose florissait sous Alexandre-leGrand, Manéthon sous les Ptolémées. S'il est vrai que les Egyptiens et quelques autres nations orientales aient précédé les Israélites dans l'art. d'écrire et dans la culture des lettres. ils ne nous ont rien transmis qui puisse justifier ces conjectures et fixer notre jugement.

Le style même des saintes Ecritures, et surtout celui des livres de Moise, prouve leur extrême antiquité. C'est la simplicité, la naïve franchise des peuples naissaus. L'art ne s'y montre point. On n'avait point encore appris à séduire les hommes par l'éclat, la pompe et l'élégance du discours. De la littérature des Hébreux, par M. Salgues. Paris, 1825.

toire, non d'un peuple en particulier, mais de tous les peuples en général; elle offre à chaque nation un intérêt qui lui est propre. Ne semble-t-elle pas, apprenant à chaque peuple son origine et ses progrès, ses succès et ses revers, lui dévoiler l'avenir par les grandes leçons du passé, et lui montrant, ou ce qu'il doit espérer ou ce qu'il doit craindre, lui présager sa grandeur ou sa décadence prochaine? D'un autre côté, quelle supériorité n'a pas l'histoire sacrée sur l'histoire profane! Celle-ci ne nous apprend que des événemens ordinaires, si remplis d'incertitudes et de contradictions, que l'on est souvent embarrassé pour y découvrir la vérité; tandis que l'histoire sacrée est celle de Dieu même, de sa toute-puissance, de sa sagesse infinie, de sa providence universelle, de sa justice, de sa bonté et de tous ses autres attributs. Ils y sont présentés sous mille formes et dans une série d'événemens variés, miraculeux, et tels qu'aucune nation n'en eut de semblables. La supériorité

1

› Un des plus beaux caractères des livres saints, dit un de nos plus illustres orateurs, c'est de ne ressembler qu'à eux-mêmes, et de n'avoir rien de commun avec ce qu'ont écrit les hommes. C'est un mélange auguste de simplicité et de grandeur, où l'on parle sans emphase des choses les plus hautes, ainsi que sans dédain des choses les plus petites. C'est une fécondité inépuisable où l'esprit trouve sans cesse de quoi s'instruire, comme le cœur de quoi se contenter. Cherchez-vous un système et un plan de législation? En est-il un plus beau et plus complet que celui de Moise? Demandez-vous un corps d'histoire ? vous y trouvez le fil de toutes les histoires: et, dans l'origine d'un peuple, l'origine de tous les peuples. Désirez-vous un corps de morale? Celle des livres saints est la scule qui soit sans lacune, comme la seule qui ait une sanction. Voulez-vous vous instruire de la vraie politique ! Vous y trouverez celle qui a fondé les états et civilisé les nations. Cherchez-vous un vrai système de philosophie ? Celle des livres saints, bien différente de cette fausse sagesse qui se perd toute en stériles recherches et s'évapore en vains raisonnemens, est toute en actions, toute en grands et sublimes exemples. Enfin, cherchez-vous de quoi exercer vos talens? Tous les genres de beautés poétiques et oratoires s'y trouvent réunis, depuis le ton de la pastorale jusqu'au sublime de l'épopée ; et Milton et Gesner y puisent à la fois, l'un ses riches images, et l'autre ses peintures naives. Les rois s'y instruisent et les pauvres s'y consolent; le savant les médite, et l'ignorant les entend. Bossuet en fait l'objet de ses plus hautes méditations, et la femme pieuse y trouve

de l'Écriture, en ce genre comme en tout autre, est donc incontestable; mais elle a encore un avantage auquel les historiens profanes n'arrivent pas, et qui distingue seul les siens; c'est la manière simple et sans affectation avec laquelle les faits y sont racontés; et cette simplicité, loin de nuire à la grandeur et à la majesté des images, les fait briller d'un éclat que l'on ne rencontre que dans ce livre divin. Il n'y a pas de doute que cette admirable simplicité ne soit l'une des causes qui aient fait passer tant d'étonnantes narrations par tous les âges et par toutes les langues, sans quelles aient rien perdu de leur vérité, de leur force et de leur éclat. Voyez, dès la première page du

ses plus humbles prières; et quand Newton les étudie, l'austère cénobite y puise sa ferveur. Il n'y a pas même jusqu'à l'enfant qui n'y trouve de quoi exercer les premières lueurs de sa raison naissante, et les premiers délassemens de son innocence. C'est ici véritablement la parole éternelle qui parle également à tous les âges, comme à tous les états, à tous les esprits comme à tous les siècles.

Supposons que ce livre incontestablement le plus ancien qui soit sur la terre, n'existât pas; quel vide immense dans les connaissances historiques et morales! Quel chaos dans la nature et la destination de l'homme! Que de traits magnifiques et de superbes conceptions perdus pour le génie! Et n'est-il donc pas évident que, ne fût-il pas même descenda du ciel, il mériterait encore, à parler humainement, les hommages de la terre? Cette réflexion, qui saute aux yeux les moins clairvoyans, suffirait seule pour confondre cette foule d'impies fanatiques, qui n'ont cessé de faire de la Bible l'objet de leurs blasphèmes, et n'ont cherché qu'à obscurcir tout ce qu'elle nous présente d'utile et de grand, par tout ce qu'elle peut offrir d'inexplicable et de mystérieux, sans songer que mille doutes ne valent pas une vérité; mille difficultés, une certitude; et que tous les nuages, rassemblés avec art, ne sauraient pas obscurcir cette vive lumière qui brille à chaque page de ce livre divin.

. On peut surtout apprécier par là la déplorable légèreté avec laquelle le philosophe de Ferney l'a bafouée pendant soixante ans de sa vie, et l'insigne mauvaise foi de ce grand esprit à courte vue et à petites passions, lequel, tandis qu'il ne cessait de déverser le ridicule sur cette histoire sainte, où se déroule si magnifiquement toute la chaîne de nos devoirs, et où l'énigme du monde entier trouve son dénouement, prostituait sa louange à ce livre imposteur, à cet Alcoran burlesque, misérable caricature des livres saints, qui n'est pas même bonne pour amnser les désœuvrés et les curieux. De Boulogne. (Œuvres complètes.)

L

« PreviousContinue »